Résumé

Grâce à des données détaillées collectées auprès de plusieurs pays, de plusieurs rapports de l’OCDE ont montré que les inégalités de revenu avaient augmenté dans la plupart des pays de l’OCDE au cours des trente dernières années et que la mobilité sociale avait stagné ou s’était dégradée dans certains pays. Le présent rapport s’intéresse à la façon dont les individus perçoivent les inégalités et la mobilité sociale.

À l’occasion de la relance économique, faisant suite à la crise du COVID-19, il est essentiel de maintenir l'adhésion de l’opinion publique à l’élan des réformes conçues pour lutter contre les inégalités et promouvoir l’égalité des chances. Comprendre la façon dont les individus forgent leurs perceptions et opinions au sujet des inégalités peut permettre de mieux comprendre l'adhésion à ces réformes. D'après le rapport, de plus en plus de citoyens s’accordent sur le fait que les inégalités posent problème mais ils se divisent de plus en plus au sujet de l’ampleur de ces inégalités et de ce qu’il convient de faire pour les résoudre.

Les individus s’intéressent-ils aux inégalités ? La plupart des individus sont préoccupés par les inégalités. Dans la zone OCDE, quatre personnes sur cinq estiment que les disparités de revenu sont trop importantes dans leur pays. Les citoyens sont préoccupés à la fois par les inégalités liées au revenu et à l’égalité des chances, et ce lorsqu’ils perçoivent des inégalités de revenu et de rémunération élevées ainsi qu’une mobilité sociale faible. En moyenne, les citoyens de la zone OCDE estiment qu’un peu plus de 50 % des revenus nationaux vont aux 10 % des ménages les plus aisés et que seulement 4 enfants issus de milieux défavorisés sur 10 parviennent à sortir de la pauvreté une fois à l’âge adulte. Ces trente dernières années, les préoccupations à l’égard des inégalités de revenu et de rémunération ont augmenté parallèlement à la hausse des inégalités de revenu mesurées par des indicateurs statistiques traditionnels : alors que dans les années 1980 l’individu médian percevait que les hauts revenus étaient 5 fois supérieurs aux bas revenus, la perception de ce rapport entre les revenus les plus élevés et les plus bas est aujourd’hui passé à 8. Toutefois, la tolérance à l'égard des inégalités a également progressé : aujourd’hui, le citoyen médian pense que les individus les mieux rémunérés devraient gagner 4 fois plus que les moins rémunérés alors que ce chiffre était de 3 à la fin des années 1980.

Les perceptions sont-elles déconnectées de la réalité ? Même si la plupart des individus ne disposent pas d’un éventail complet d’informations, les perceptions reflètent les données réelles relatives aux inégalités économiques de la société. En effet, même si la correspondance n’est pas parfaite, les perceptions et les estimations traditionnelles se rejoignent dans les différents pays : les individus perçoivent des disparités de revenu en hausse et une mobilité sociale en baisse là où les estimations des indices traditionnels montrent les mêmes tendances. De plus, les préoccupations à l'égard des inégalités de revenu et les estimations traditionnelles à ce sujet ont évolué parallèlement au fil du temps : là où les indicateurs statistiques indiquaient des inégalités de revenu en forte hausse, les préoccupations des citoyens dans ce domaine ont progressé dans le même sens. Pour chaque point de hausse de l’indice de Gini – un indicateur traditionnellement utilisé pour mesurer les inégalités de revenu – la part des individus convaincus que les inégalités de revenu sont trop importantes augmente de 2 points de pourcentage. Des données expérimentales indiquent également que les individus intègrent les informations relatives aux inégalités dans les opinions qu’ils se forgent. Lorsqu’ils prennent connaissance des informations au sujet de l'ampleur réelle des disparités économiques et de la mobilité sociale, les citoyens prennent davantage conscience des inégalités et s’en préoccupent plus.

Une préoccupation forte implique-t-elle un soutien massif des interventions des pouvoirs publics ? De manière générale, plus les individus se disent préoccupés par les inégalités, plus leur demande en faveur de la redistribution augmente. Dans certains pays toutefois, le soutien à l’intervention du gouvernement est proportionnellement plus faible. Dans les pays de l’OCDE, 80 % des individus qui considèrent que les inégalités de revenu sont trop importantes estiment qu’il est de la responsabilité du gouvernement de les réduire. Toutefois, pour 1 pays sur 5, ce pourcentage est inférieur à 60 %. De plus, au fil du temps, le soutien à la redistribution des revenus dans les pays de l’OCDE a en moyenne moins augmenté que les préoccupations à ce sujet. Au-delà des perceptions et des préoccupations en matière d’inégalités, la demande en faveur d’interventions conçues pour les réduire est déterminée en partie par les opinions à l’égard de ce qui crée les inégalités. Si l’on considère que les opportunités sont légion et que le fait de travailler dur permet de réussir, on a tendance à exprimer moins de préoccupations et de soutien à la redistribution. Dans les pays de l’OCDE, la demande en faveur d’une imposition plus progressive est moindre là où les individus considèrent que la pauvreté est essentiellement imputable à un manque d’effort des individus. En outre, les individus soutiennent des interventions spécifiques des pouvoirs publics lorsqu’ils considèrent qu’elles réduisent efficacement les inégalités. En effet, ils sont moins susceptibles de demander une plus grande redistribution s’ils considèrent que les bénéfices de ces mesures sont mal ciblés. De la même façon, ils sont moins favorables à une fiscalité progressive s’ils considèrent que des pratiques de petite corruption sont répandues dans la fonction publique, entraînant un mauvais usage et un détournement des biens publics. Les données expérimentales indiquent qu’informer les individus au sujet des répercussions des politiques de redistribution et de leur capacité à réduire efficacement les inégalités, permet de susciter une plus grande adhésion de leur part.

À quel point l’opinion publique est-elle divisée au sein des pays ? Les inégalités suscitent partout des préoccupations croissantes mais les opinions diffèrent de plus en plus quant à leur ampleur et aux mesures à adopter. Dans tous les pays, la plupart des citoyens aspirent à vivre dans une société plus égalitaire. Toutefois, leurs points de vue divergent quant à l’ampleur de ces inégalités et de la mobilité sociale. En moyenne, dans les pays de l’OCDE, une personne sur quatre pense que plus de 70 % des revenus nationaux reviennent aux 10 % des ménages les plus aisés, mais un autre quart des individus considèrent que ce pourcentage est inférieur à 30 %. Par conséquent, les individus ne sont pas d'accord sur le volume d’inégalités qui doit être réduit, mais ces désaccords viennent essentiellement du fait qu’ils perçoivent différents niveaux d’inégalités et non de différences de préférences en la matière.

L’opinion publique s’est divisée de façon croissante ces trois dernières décennies et a montré des signes de polarisation : dans la plupart des pays de l’OCDE, l’écart se creuse entre ceux qui estiment que les inégalités sont trop élevées et ceux qui considèrent qu’elles sont basses. Étonnamment, les désaccords au sujet de l’ampleur des inégalités sont vastes, y compris au sein d’individus de même catégorie socioéconomique. En effet, la hausse des désaccords au cours de ces trente dernières années s’explique principalement par une hausse des désaccords au sein des catégories socioéconomiques, plutôt qu’entre elles.

Comment les perceptions et les préoccupations des individus au sujet des inégalités peuvent-elles éclairer l'action des pouvoirs publics ? Malgré les préoccupations des individus à l’égard des inégalités, leur adhésion aux mesures en faveur de la réduction des inégalités ne va pas de soi. Afin que les citoyens et les gouvernements s'accordent sur les politiques à mener pour réduire les inégalités et promouvoir la mobilité sociale, il est essentiel de comprendre comment les individus forgent leurs perceptions et opinions. Le rapport souligne l’importance de :

  • Mieux comprendre le soutien des citoyens aux réformes : comme les individus s’intéressent aux inégalités qui touchent à la fois le revenu et l'égalité des chances, les réformes qui ciblent ces deux domaines ont plus de chance d’être soutenus. Mais les décideurs politiques devraient toutefois prendre en compte les préférences des individus à l’égard de mesures spécifiques qui pourraient cibler davantage l'égalité des chances ou chercher à rendre les situations socioéconomiques plus égalitaires. Ils pourraient également s’intéresser à certains points précis des inégalités plus qu’à d'autres (par exemple aux disparités entre ceux qui se trouvent en haut et en bas de l’échelle de distribution). De plus, compte tenu du fait que les désaccords sont importants également entre individus d’une même catégorie socioéconomique, les mesures qui ne concernent qu’une catégorie pourraient ne pas faire l’unanimité même au sein de cette catégorie.

  • Mieux comprendre l’efficacité des mesures des pouvoirs publics : les citoyens soutiennent plus volontiers des mesures spécifiques s’ils considèrent qu’elles réduisent efficacement les inégalités. Afin de gagner la confiance de l’opinion publique, il est d'autant plus nécessaire d'évaluer l’efficacité des mesures adoptées en toute transparence. Ces évaluations devraient s'accompagner d’efforts croissants pour faire en sorte que les individus comprennent le fonctionnement de ces mesures et, notamment, leur incidence.

  • Mieux informer sur les inégalités et l'égalité des chances : communiquer des informations de qualité sur les inégalités peut permettre de réduire la dispersion des perceptions à l’origine des divisions de l’opinion publique. Cela permet de mettre en place des bases communes pour le débat public même si cela n’atténue pas nécessairement les différences d’opinions au sujet des interventions gouvernementales.

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