2. Une transparence des activités de lobbying au Québec fondée sur la pertinence de l’information déclarée

La transparence est la divulgation et l’accessibilité des données et informations publiques pertinentes (OCDE, 2017[1]). Elle est un outil qui doit permettre au public d’exercer son contrôle sur le processus d’élaboration des politiques publiques. La Recommandation de l’OCDE sur les principes pour la transparence et l’intégrité des activités de lobbying (ci-après « La Recommandation ») encourage donc les pays et les juridictions à assurer un degré approprié de transparence afin que les agents publics, les citoyens et les entreprises puissent obtenir des informations suffisantes sur les activités de lobbying (Principe 5), tout en prenant en compte le fardeau administratif de faire respecter les règles, afin que ceci ne devienne pas un obstacle à l’accès équitable à l’administration (Principe 2) (OCDE, 2010[2]). Les juridictions sont notamment encouragées à faciliter le contrôle des activités de lobbying par les parties prenantes, notamment les organismes de la société civile, les entreprises, les médias et le grand public (Principe 6) (OCDE, 2010[2]).

Au Québec, la transparence des activités de lobbying se matérialise par une inscription des personnes effectuant des communications d’influence au registre des lobbyistes. Afin de concrétiser pleinement l’objectif de transparence des communications d’influence prévue à l’article 1 de la Loi, Lobbyisme Québec considère que la pertinence de l’information déclarée au registre des lobbyistes doit être un pilier d’une éventuelle réforme de la Loi, tout en préservant l’équilibre entre les exigences de transparence et la réalité des activités de lobbying.

En outre, les objectifs de transparence ne peuvent être atteints si les exigences en matière de divulgation ne sont pas respectées par les acteurs concernés ni correctement mises en œuvre par les organismes de contrôle. La Recommandation de l’OCDE invite par conséquent les pays à mettre en œuvre un ensemble cohérent de stratégies et de pratiques permettant d’assurer le respect des mesures de transparence (Principe 9). La Recommandation appelle aussi les Adhérents à réexaminer périodiquement l’application de leurs règles et lignes directrices relatives au lobbying et procéder aux ajustements nécessaires à la lumière de l’expérience acquise (Principe 10).

Ce chapitre analyse la transparence des informations sur le lobbying au Québec. Spécifiquement, il examine les modalités d’inscription au registre des lobbyistes, la pertinence des informations déclarées, l’environnement technologique comme vecteur de transparence et de redevabilité ainsi que les stratégies mises en œuvre pour assurer le respect des règles de transparence. Le chapitre aborde également les mécanismes permettant de sensibiliser davantage aux règles et normes attendues, ainsi que le réexamen périodique du cadre de transparence pour permettre de procéder aux ajustements nécessaires.

La Recommandation de l’OCDE sur les Principes pour la transparence et l'intégrité des activités de lobbying stipule que le public a le droit de savoir comment les institutions publiques et les agents publics ont pris leurs décisions, et quand cela est approprié, d’avoir des informations sur les personnes qui ont exercé des activités de lobbying pour les dossiers en cause (Principe 6 de la Recommandation). Elle indique également que les informations sur les activités de lobbying et sur les lobbyistes devraient être consignées dans un registre mis à la disposition du public (Principe 5 de la Recommandation). Pour atteindre cet objectif, il est important de clarifier les modalités d’enregistrement et de divulgation pour les acteurs concernés par les obligations de transparence, notamment :

  • L’inscription au registre des lobbyistes comme prérequis à l’exercice de toute activité de lobbying.

  • Les délais d’enregistrement.

  • Les personnes ou entités responsables de l’inscription.

  • D’éventuels aménagements prévus pour tenir compte de la taille et de la nature du secteur de lobbying.

Actuellement, tout lobbyiste visé par la Loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme doit s’inscrire sur le registre des lobbyistes. Cette disposition permet au régime québécois de se situer parmi les bonnes pratiques internationales. En effet, les registres volontaires ou les initiatives des associations de lobbyistes restent limités dans leur impact (OCDE, 2021[3] ; OCDE, 2014[4]). Dans la plupart des pays de l’OCDE ayant institué un registre de transparence, l’inscription des lobbyistes est obligatoire pour mener des activités de lobbying. Lorsque celle-ci est volontaire, comme aux Pays-Bas ou au niveau de l’Union européenne par exemple, l’inscription au registre est toutefois nécessaire pour avoir accès à certains responsables publics ou à certains bâtiments publics comme le Parlement. De même, dans toutes les juridictions américaines et canadiennes ayant institué un registre de transparence, l’enregistrement est également obligatoire.

Actuellement, l’article 25 de la Loi précise que nul ne peut exercer des activités de lobbying auprès d’un titulaire d’une charge publique s’il n’est inscrit sur le registre des lobbyistes relativement à ces activités. Les déclarations au registre se font sous forme de « mandats » correspondant à des activités de lobbying pour une période donnée dans lesquels doivent être inscrits notamment le nom de l’institution parlementaire, gouvernementale ou municipale où le titulaire d’une charge publique avec qui le lobbyiste a communiqué ou compte communiquer exerce ses fonctions, ainsi que la nature — ministérielle, sous-ministérielle, d’encadrement, professionnelle ou autre — de ces fonctions.

Dans son Énoncé de principes, Lobbyisme Québec considère que les individus ou entités désirant accomplir, avec ou sans intermédiaire, des activités de lobbying, devraient s’enregistrer au système de divulgation établi par la Loi (Principe 8 de l’Énoncé de principes). Cela implique que les entités et personnes souhaitant accomplir des activités de lobbying doivent obligatoirement s’inscrire au registre au stade de l’intention d’effectuer ces activités, et non après les avoir effectuées ou, selon le contexte, dans un délai restreint.

Dans la poursuite de cet objectif, l’article 25 pourrait être précisé afin d’y prévoir qu’un lobbyiste ne peut exercer ces activités que s’il est inscrit sur le registre relativement à ces activités dans les délais et selon les modalités prescrites par la Loi ou par règlement. Ces précisions sont indispensables afin de clarifier le rôle du titulaire d’une charge publique, notamment sur la vérification que le lobbyiste qui exerce une activité de lobbying auprès de lui respecte son obligation de déclarer au registre des lobbyistes le mandat qui le concerne. L’article 25 pourrait également préciser qu’une activité de lobbying ne peut être exercée que si le nom de l’institution publique pour laquelle le titulaire d’une charge publique avec qui le lobbyiste compte communiquer ou a communiqué est bien inscrit au mandat correspondant dans les délais prescrits. Cette proposition, déjà envisagée par Lobbyisme Québec dans ses précédentes recommandations, permettrait non seulement d’assurer en temps opportun l’accès à de telles informations, mais également de donner aux agents publics des orientations claires sur les relations qu’ils sont autorisés à entretenir avec les lobbyistes. Cet aspect sera abordé dans le Chapitre 3.

Actuellement, le registre des lobbyistes québécois est basé sur un principe de divulgation d’intentions d’effectuer des activités de lobbying. L’article 14 de la Loi précise des délais d’enregistrement différents pour les lobbyistes conseils et les lobbyistes d’organisation ou d’entreprise. Dans le cas d’un lobbyiste-conseil, l’inscription doit être faite au plus tard le trentième jour suivant celui où il commence à exercer des activités de lobbying pour le compte d’un client. Dans le cas d’un lobbyiste d’entreprise ou d’un lobbyiste d’organisation, ce délai est de 60 jours pour la déclaration initiale.

Ces délais d’enregistrement pourraient constituer un obstacle à l’objectif de transparence et à l’accès en temps opportun aux informations d’inscription, et pourraient également entretenir de la confusion auprès de certains titulaires de charges publiques qui souhaiteraient vérifier l’enregistrement d’un lobbyiste avant de rentrer en communication avec celui-ci. Plusieurs élus et dirigeants d’institutions publiques interrogés par Lobbyisme Québec en 2018 ont soulevé la nécessité de diminuer les délais d’inscription, afin de pouvoir vérifier l’inscription du lobbyiste au registre en amont d’une rencontre ou dans les quelques jours suivant la communication d’influence.

La Loi pourrait ainsi imposer un délai d’enregistrement plus court, et appliquer le même délai à tous les lobbyistes, lequel pourrait être dérivé des bonnes pratiques à l’œuvre dans d’autres juridictions canadiennes, comme la loi sur le lobbying de la Colombie-Britannique, la loi de Terre-Neuve-et-Labrador, ainsi que les régimes municipaux de Toronto et d’Ottawa (tableau 2.1). Cette harmonisation des délais d’enregistrement est également recommandée par le Commissariat au lobbying du Canada afin d’améliorer la transparence, de garantir que toutes les inscriptions soient effectuées en temps opportun et d’augmenter l’équité entre différentes catégories de lobbyistes (Commissariat au Lobbying du Canada, 2021[5]).

Au Québec, l’inscription est faite, dans le cas d’un lobbyiste-conseil, par le lobbyiste lui-même et, dans le cas d’un lobbyiste d’entreprise ou d’un lobbyiste d’organisation, par le plus haut dirigeant de l’entreprise ou du groupement pour le compte duquel le lobbyiste exerce ses activités. L’inscription de plusieurs lobbyistes d’entreprise ou d’organisation peut toutefois être faite par la présentation d’une seule déclaration comportant les renseignements afférents à chacun de ces lobbyistes. La Loi actuelle fait donc peser sur les individus l’ensemble des obligations liées à la transparence de leurs activités, sans reconnaître que celles-ci sont accomplies au bénéfice d’une entreprise, d’une organisation ou d’un autre individu. Par ailleurs, les fiches enregistrées dans le registre par les lobbyistes-conseils le sont au nom du lobbyiste et non de la personne morale ayant été mandatée pour effectuer les activités de lobbying.

Dans son Énoncé de principes, Lobbyisme Québec propose d’attribuer à l’entité représentée la responsabilité d’autoriser tout représentant d’intérêts à accomplir des activités de lobbying pour son compte et celle d’assurer la divulgation, la véracité, la fiabilité et le suivi des activités de lobbying effectuées par ses représentants d’intérêts internes (Principe 9 de l’Énoncé de Principes), tout en attribuant au représentant d’intérêts externe la responsabilité d’assurer la divulgation, la véracité, la fiabilité et le suivi des activités de lobbying effectuées pour le compte de son client (Principe 10 de l’Énoncé de Principes). Cette proposition permettrait d’une part d’octroyer aux représentants d’intérêts externes – en tant que personnes morales, sauf dans le cas d’une personne physique agissant en tant lobbyiste indépendant – la responsabilité de divulguer l’ensemble des activités effectuées pour le compte de leurs clients, ce qui est déjà prévu par la Loi, et d’autre part de faire peser sur les personnes morales la responsabilité de leur inscription, de la divulgation et du suivi de l’ensemble de leurs activités de lobbying.

Cette proposition permettrait d’assurer un meilleur accès aux informations contenues dans le registre. Pour cela, les entités peuvent être désignées par un identifiant ou numéro de référence unique. Une telle référence unique est prévue dans le cadre de la nouvelle plateforme d’enregistrement en cours de développement par Lobbyisme Québec, qui s’est inspiré de l’approche adoptée en France (encadré 2.1). Selon le projet de modalités de tenue du prochain registre des lobbyistes, toute entreprise ou organisation devra avoir un « espace collectif » lorsqu’un lobbyiste d’entreprise ou d’organisation exerce des activités de lobbying pour son compte ; de même, toute entreprise d’un lobbyiste-conseil devra avoir son espace collectif. Pour créer cet espace collectif, le numéro d’entreprise du Québec attribué par le Registraire des entreprises du Québec devra être utilisé (Lobbyisme Québec, 2019[6]).

Ces nouvelles modalités d’inscription des entités au registre doivent permettre de faciliter la recherche d’informations précises concernant les entités au registre, que les activités soient enregistrées par un lobbyiste interne ou par un lobbyiste externe, et d’éviter tout doublon.

Dans la continuité de ces évolutions, il sera important que toute révision future de la Loi puisse permettre de confier l’obligation d’enregistrement aux entités et non aux individus. Cela permettra d’aller plus loin dans l’allègement du fardeau administratif de l’enregistrement, en permettant à toutes les entités employant des lobbyistes d’entreprises, des lobbyistes d’organisation ou des lobbyistes-conseils de désigner un référent chargé de consolider, d’harmoniser et de déclarer les mandats relevant de l’entité. La Loi pourrait également maintenir l’obligation d’indiquer dans le registre le nom de tous les individus ayant effectué des activités de lobbying. Un tel régime de divulgation permettrait enfin de retenir la responsabilité d’une entité en cas d’éventuels manquements à la Loi. Cet aspect est abordé plus tard dans le chapitre.

Selon la Loi actuelle, lorsqu’une organisation adopte des orientations qui font ensuite l’objet d’activités de lobbying auprès des institutions publiques par les entités membres de cette organisation, chaque entité membre doit inscrire ces activités au registre, ce qui peut créer de nombreux doublons dans le registre. Dans ses échanges avec plusieurs organisations assujetties à la Loi, Lobbyisme Québec a pu noter les difficultés rencontrées par les regroupements d’organismes et la nécessité de simplifier les exigences de divulgation. Dans son Énoncé de Principes, Lobbyisme Québec recommande la mise en place d’une « divulgation parapluie », permettant à une entité de divulguer l’ensemble des activités de lobbying effectuées par les individus ou entités qui en sont membres, en assumant également pour leur compte la responsabilité et la conformité de ces activités de lobbying (Principe 20 de l’Énoncé de Principes). Ainsi, une entité pourrait déclarer toutes les activités de ses filiales ou entités liées. Certains OBNL comme les fédérations, les centrales syndicales et les regroupements d’organismes, dont le mandat principal est de représenter leurs membres, pourraient également déclarer les activités de lobbying pour leurs membres.

Toutefois, cette mesure devra être précisée afin d’éviter tout risque de faille réglementaire. En premier lieu, la Loi doit préciser que cette divulgation parapluie ne doit s’appliquer qu’aux représentations d’intérêts qui sont coordonnées et/ou déterminées au niveau de l’entité regroupant des entités membres. Toutes les autres activités de lobbying qui sont coordonnées et exercées par un membre en particulier pour son propre compte doivent faire l’objet d’une divulgation par cette entité spécifique, et non par l’entité dont elle est membre.

En deuxième lieu, la Loi pourrait exiger que l’entité parapluie indique au nom de quels intérêts spécifiques ou pour quels membres sont réalisées les activités de lobbying. En effet, il est généralement admis que les organisations comme les fédérations ou les associations d’entreprises exercent des activités de lobbying pour le compte de tous leurs membres. Pourtant, en pratique, il peut exister une règle non écrite entre les membres qui permet à certaines entreprises de faire pression en faveur de leurs positions lorsque les enjeux réglementaires clés de leur secteur sont discutés, et cela résulte souvent en l'adoption du point de vue des membres les plus actifs et les plus vocaux, même s'ils sont parfois minoritaires. Par conséquent, il semble essentiel de renforcer règles de divulgation des organisations parapluie afin que soient divulgués les bénéficiaires spécifiques d’une position défendue qui pourraient représenter des intérêts minoritaires au sein d’une telle entité, de sorte que les intérêts minoritaires ne soient pas faussement représentés comme étant ceux des membres en général.

En troisième lieu, la Loi pourrait exiger que les entités parapluies doivent inscrire le nom des organisations qui forment l’entité ; les entités membres, lorsqu’elles s’enregistrent, devraient aussi indiquer dans le registre les organisations dont elles sont membres, ce qui pourrait faciliter le recoupage d’informations dans le registre. Une telle disposition existe par exemple en France, qui exige que tous les représentants d’intérêts divulguent « les organisations professionnelles ou syndicales ou les associations en lien avec les intérêts représentés » auxquelles ils appartiennent.

Enfin, la Loi devrait préciser que l’obligation d’enregistrement des entités parapluies s’impose quel que soit le nombre ou le statut des employés de cette entité. Actuellement, la Loi couvre les coalitions et regroupements dans la mesure où elles sont des organisations constituées à des fins patronales, syndicales ou professionnelles ou si leurs membres sont majoritairement des entreprises à but lucratif. Comme spécifié au Chapitre 1, toutes les coalitions devraient être tenues de s’inscrire au registre lorsqu’elles mènent des activités de lobbying. La Loi pourrait préciser que ce principe s’applique y compris pour les coalitions qui n’ont pas d’employés à temps plein. Des recommandations similaires ont été effectuées en Irlande par la Commission des normes de la fonction publique, chargée de superviser la Loi sur le lobbying, concernant l’enregistrement des coalitions et des groupes d’intérêts représentant des intérêts commerciaux (encadré 2.2).

La Recommandation de l’OCDE précise que les obligations fondamentales de divulgation devraient prendre en considération la taille et la nature du secteur du lobbying, notamment lorsque l’offre et la demande du lobbying professionnel est limité, et le fardeau administratif de faire respecter les règles, afin que ceci ne devienne pas un obstacle à l’accès équitable à l’administration (Principe 2 de la Recommandation). Si les organismes à but non lucratif actifs au niveau fédéral et provincial ont souvent des départements dédiés aux activités de lobbying, de communication et de relations publiques, ce n’est pas forcément le cas pour les petits organismes locaux.

Afin de simplifier l’enregistrement des organismes à but non lucratif, celui-ci pourrait être simplifié en ce qui concerne la divulgation du nom des individus effectuant des activités de lobbying. L’inscription au registre devrait uniquement divulguer le nom des personnes salariées ou qui ont été désignées pour participer aux instances dirigeantes (bureau, conseil d’administration), qui seraient chargées d’assurer la divulgation, la véracité, le suivi et la centralisation des activités de lobbying effectuées au nom de l’entité. Les activités de lobbying effectuées par les bénévoles devraient ainsi être suivies et enregistrées sans toutefois que le nom des individus agissant en tant que bénévoles n’apparaisse au registre.

La Recommandation de l’OCDE indique que la divulgation des activités de lobbying devrait permettre d’obtenir des informations suffisantes et pertinentes sur les principales caractéristiques des activités de lobbying pour que le public puisse exercer son contrôle (Principe 5 de la Recommandation). Pour servir de manière adéquate l’intérêt général, la Recommandation précise que les informations sur les activités de lobbying et sur les lobbyistes devraient être consignées dans un registre mis à la disposition du public et être régulièrement actualisées de manière à fournir des renseignements exacts qui permettent aux agents publics et aux citoyens et aux entreprises d’en faire une analyse efficace (Principe 5 de la Recommandation). Pour atteindre cet objectif, le législateur québécois pourra considérer les éléments clés suivants :

  • Les attentes de différentes parties prenantes (citoyens, décideurs publics, entreprises, actionnaires, journalistes, chercheurs) pour mieux délimiter le régime de divulgation.

  • Les obligations fondamentales de divulgation permettant aux agents publics, aux citoyens et aux entreprises d’obtenir des informations suffisantes sur les activités de lobbying.

  • Les mesures de suivi des activités de lobbying par un système de divulgations régulières.

La Recommandation de l’OCDE donne un ensemble de lignes directrices pour délimiter des obligations fondamentales de divulgation ainsi que des informations supplémentaires selon les besoins d’informations légitimes des principaux acteurs du processus de prise de décision publique (Principe 5 de la Recommandation). Dans cette perspective, les attentes exprimées au Québec comme au niveau international permettent de donner des indications sur ce qu’il est d’intérêt public de rendre transparent dans un régime de divulgation.

Les entretiens menés par l’OCDE avec différentes parties prenantes ont permis de faire émerger un consensus sur la nécessité de compléter les informations actuellement déclarées au registre, notamment sur les cibles du lobbying et les montants investis. Du côté des citoyens, les entrevues et groupes de discussion réalisés par Lobbyisme Québec en 2018 pour développer son Énoncé de principes ont révélé une demande croissante d’identifier les élus, dirigeants ou membres du personnel des institutions publiques ayant fait l’objet de représentations. Certains chercheurs interrogés par l’OCDE ont regretté de ne pas pouvoir apprécier par exemple le nombre de rencontres entre les représentants d’une industrie spécifique avec le ministère concerné sur une période donnée, en le comparant avec le nombre de rencontres obtenues par des organismes à but non lucratif sur les mêmes sujets. De la même manière, certains journalistes ont souligné la pertinence d’obtenir des informations sur les montants investis annuellement en démarches de lobbying, afin d’apprécier et de comparer la taille du secteur du lobbying dans certaines industries. La plupart des parties prenantes interrogées a également souligné la nécessité d’indiquer les décisions spécifiques visées par des activités de lobbying, afin de garantir la traçabilité de la décision publique.

On présume généralement que les lobbyistes professionnels s’opposent à la création de registres de lobbying et à la divulgation publique de leurs activités de lobbying. Cependant, les lobbyistes interrogés par l’OCDE en 20201 sont nombreux à se dire prêts à participer à un registre obligatoire des lobbyistes ; en outre, beaucoup estiment que cela est nécessaire afin de protéger l'intégrité de la profession (OCDE, 2021[3] ; OCDE, 2014[4]). Les lobbyistes québécois consultés par l’OCDE en 2022 ont également confirmé les bénéfices d’effectuer leurs activités dans un cadre de transparence bien défini. Ces attitudes témoignent d’un engagement pour l'intégrité dans la prise de décisions publiques et de l'importance de maintenir la confiance du public (graphique 2.1).

Ces mêmes lobbyistes interrogés par l’OCDE en 2020 étaient 71 % à être d’avis que les contributions des lobbyistes au financement de partis politiques devraient être rendues transparentes (Graphique 2.2). Toutefois, plusieurs lobbyistes québécois ont souligné lors des entretiens avec l’OCDE la nécessité de trouver un équilibre entre mettre à la disposition du public les informations pertinentes et révéler des informations confidentielles; des exemptions légitimes devraient être envisagées afin de préserver certaines informations dans l'intérêt public ou de protéger des informations sensibles sur le plan commercial si nécessaire.

Examiner les activités de lobbying d'une entreprise est aussi devenue une pratique de plus en plus courante par certains actionnaires ou investisseurs institutionnels, comme évoqué au chapitre 1. Par exemple, certains actionnaires de sociétés cotées en bourse sont devenus particulièrement actifs ces dernières années en faisant voter des résolutions qui exigent une transparence accrue des activités de lobbying. Le contenu de ces résolutions donne une indication sur ce qui n’est pas toujours requis dans les registres de transparence mais qui est considéré comme pertinent par ces acteurs. Dans la plupart des cas, les actionnaires demandent la divulgation des activités de lobbying effectuées, notamment toutes les activités de lobbying indirect ou d’appels au grand public, ainsi que les sommes allouées à ces activités (Ceres, 2021[7] ; Principles for Responsible Investment, 2018[8] ; Glass Lewis, 2021[9]).

Enfin, les entrevues conduites par Lobbyisme Québec avec les élus parlementaires et municipaux en 2018 ont montré que si ceux-ci adhèrent au principe de transparence des activités de lobbying, quelques élus municipaux soulignaient que la transparence pourrait compromettre certains bénéfices. Les entretiens menés par l’OCDE avec les parlementaires ont confirmé ces tendances. Les élus interrogés ont souligné les avancées indéniables permises par le registre des lobbyistes, et soutenu dans leur majorité la divulgation de l’objet de toute activité de lobbying, tout en émettant certaines réserves sur l’étendue des informations qui devraient être déclarées afin de ne pas alourdir le fardeau administratif ou mener à une surabondance d’informations.

La Recommandation de l’OCDE indique que les obligations fondamentales de divulgation devraient permettre de disposer de renseignements sur les lobbyistes salariés ou consultants notamment sur la finalité de l’activité de lobbying, sur ses bénéficiaires, et plus particulièrement la partie qui a donné les instructions, et sur les organes publics ciblés. Les obligations supplémentaires de divulgation pourront fournir des éclaircissements sur l’origine des pressions exercées par voie de lobbying et celle des financements (Principe 5 de la Recommandation). En d’autres termes, la Recommandation de l’OCDE encourage la divulgation d’informations permettant d’identifier qui entreprend des activités de lobbying, sur quoi et comment (tableau 2.2).

Dans son Énoncé de principes, Lobbyisme Québec propose d’exiger la divulgation de toute information pertinente, notamment l’identité des représentants d’intérêts et des entités effectuant ou bénéficiant des activités de lobbying, les institutions publiques visées et toute information, de nature financière ou autre, jugées pertinentes pour comprendre les objectifs de l’activité de lobbying et les moyens déployés pour son accomplissement (Principe 17 de l’Énoncé de principes).

Actuellement, la Loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme couvre déjà une partie de ces éléments et se situe donc parmi les bonnes pratiques internationales. Les déclarations au registre se font sous forme de « mandats » correspondant à des activités de lobbying pour une période donnée. La Loi exige la divulgation de l’identité du lobbyiste et celle de son employeur, le sujet des activités de lobbying et le but poursuivi, ainsi que les institutions publiques visées par ces activités et les moyens de communication que comptent utiliser les lobbyistes. La Loi exige également la divulgation de toute personne, société, filiale ou association, qui, à la connaissance du lobbyiste, contrôle ou dirige les activités du client (dans le cas d’un lobbyiste-conseil) et/ou de l’employeur (dans le cas d’un lobbyiste-conseil et d’un lobbyiste d’organisation ou d’entreprise) et est directement intéressée par le résultat de ses activités de lobbyistes. Cette disposition pourrait être complétée par la divulgation de toute affiliation avec une coalition ou association professionnelle, ainsi que le nom de chaque membre – lorsqu’il s’agit d’une personne morale – de ces organismes, ceux-ci pouvant également bénéficier des activités de lobbying (cette recommandation est élaborée plus haut). Enfin, la Loi exige la divulgation de la contrepartie financière reçue par les lobbyistes-conseils, par tranche de montants payés.

Même si l'avis d’interprétation 2012-01 du commissaire au lobbyisme demande aux lobbyistes de fournir suffisamment de détails en lien avec le mandat et les décisions publiques recherchées (Lobbyisme Québec, 2012[11]), la Loi n’exige pas explicitement la divulgation de certaines informations permettant d'identifier les décisions publiques spécifiquement visées. Il n’est pas non plus requis de préciser le nombre de rencontres ou la fréquence à laquelle les communications ont lieu. En effet, la Loi exige la divulgation des activités de lobbying au stade de l’intention. Les journalistes interrogés pour ce rapport ont souligné que le registre fédéral donne davantage d’informations sur les dates et les actions de lobbying, ainsi que le destinataire des communications d’influence, alors que le cadre légal québécois ne demande qu’une fenêtre de dates souvent trop large. De même, les citoyens interrogés en 2018 par Lobbyisme Québec ont souligné que la divulgation de montants financiers au stade de l’intention d’activités de lobbying, et non d’activités réalisées, pouvait les induire en erreur et leur laisser croire que l’activité de lobbying s’était bien déroulée, alors que le montant n’est qu’une estimation de la contrepartie.

En résumé, la déclaration initiale pourrait être simplifiée, par exemple en retirant les informations qui ne sont pas entièrement pertinentes au seul stade de l’intention d’effectuer des activités de lobbying, comme les montants financiers par exemple. Des informations plus précises, comme les dates des activités de lobbying, les agents publics et décisions spécifiques visées, pourraient être exigées lors de mises à jour régulières, afin de permettre au citoyen de saisir pleinement l’envergure et la profondeur de ces activités.

La déclaration initiale pourrait également inclure des informations qui ne sont actuellement pas divulguées mais qui peuvent donner des indications pertinentes sur les différents moyens qui peuvent être mobilisés pour les activités de lobbying. Par exemple, la divulgation des financements publics reçus pourrait être élargie à tout type de financements reçus, afin de faire la lumière sur les pratiques dites d’astroturfing, abordée au chapitre 1. Sur le même modèle que l’Union européenne, cette divulgation devrait permettre aux entités de fournir soit un lien vers une page web existante fournissant des informations sur les financements reçus, ou de détailler ces informations dans le registre si elles n’existent pas dans le domaine public. Une recommandation similaire avait déjà été effectuée par Lobbyisme Québec en 2012. Cette recommandation stipulait que la déclaration d’un lobbyiste devrait indiquer le nom de toute personne, entreprise ou organisation qui contribue, financièrement ou autrement, à une activité de lobbying, car des entités peuvent être intéressées par les activités de lobbying d'un groupe d'intérêt en contribuant financièrement sans pour autant avoir le contrôle ou la direction des activités de ce groupe d'intérêt.

La Recommandation de l’OCDE rappelle que pour servir de manière adéquate l’intérêt général, les informations sur les activités de lobbying et sur les lobbyistes devraient être régulièrement actualisées de manière à fournir des renseignements exacts qui permettent aux agents publics et aux citoyens et aux entreprises d’en faire une analyse efficace (Principe 5 de la Recommandation). Au Québec, les divulgations régulières se limitent à une mise à jour des informations contenues dans la déclaration initiale (tableau 2.3).

Cette absence de suivi peut s’avérer particulièrement problématique dans la mesure où les divulgations se font au stade de l’intention. Elle peut entraver la possibilité de contrôle par le public, les informations divulguées ne permettant pas aux parties prenantes de contrôler les activités de lobbying ou d’obtenir des indications précises sur les activités effectuées et qui sont, à elles seules, susceptibles d’avoir un impact sur la décision publique visée. La déclaration d’intention de la déclaration initiale devrait ainsi faire l’objet d’un suivi plus rapproché, pour valider si l’activité a eu lieu, si elle a été reportée ou tout simplement non suivie. Dans son Énoncé de principes, Lobbyisme Québec recommande d’exiger la divulgation de toute intention d’exercer des activités de lobbying et le suivi de toute activité effectuée, notamment lorsqu’elles sont exercées auprès d’un élu ou d’un dirigeant désigné d’une institution publique (Principe 19 de l’Énoncé de Principes).

Afin de simplifier le registre et alléger le fardeau administratif d’une part, tout en améliorant la granularité des informations d’autres part, le Québec pourrait envisager de prévoir un enregistrement initial simplifié, en le complétant par une obligation de publier des rapports d’activités réguliers sur toutes les activités de lobbying exercées auprès d’un élu ou d’un dirigeant désigné d’une institution publique. Au niveau fédéral canadien par exemple, l’exigence contraignant les lobbyistes à publier des rapports de communications tous les mois a permis la prompte publication des informations sur les activités de lobbying liées à la COVID-19 et la mise en évidence des objectifs des activités de lobbying ainsi que des politiques et agents publics ciblés (encadré 2.3).

Lobbyisme Québec a toutefois reconnu que ce type d’exigence ajoute une charge administrative considérable aux représentants d’intérêts et serait difficilement applicable au Québec où la Loi couvre aussi le palier municipal, le réseau de la santé et des services sociaux et, potentiellement, le réseau de l’éducation, ainsi que plusieurs organismes à but non lucratif. La divulgation régulière pourrait ainsi être envisagée sur un rythme trimestriel ou semestriel, comme c’est le cas en Irlande ou aux États-Unis par exemple (tableau 2.4). Lobbyisme Québec avait également recommandé en 2017 de prévoir l’obligation pour les lobbyistes de déclarer, à tous les trois mois, au plus tard les 15 janvier, 15 avril, 15 juillet et 15 octobre, le bilan des activités de lobbying qu’ils ont exercées pour le dernier trimestre selon les modalités déterminées par le commissaire au lobbyisme (Lobbyisme Québec, 2017[13]).

Le contenu des divulgations régulières pourrait inclure la décision précise visée, le nom de certains responsables publics désignés comme « dirigeants désignés » qui ont fait l’objet d’une communication d’influence, ainsi que des informations financières sur les moyens alloués aux activités de lobbying. Ce type d’identification de dirigeants désignés est déjà présente au sein de plusieurs juridictions canadiennes, notamment au niveau fédéral (tableau 2.5).

Dans la plupart de ces juridictions, il existe une délimitation claire des titulaires de charges publiques visées par ces obligations de divulgation supplémentaire, en fonction de la nature de leurs fonctions ou du degré de pouvoir décisionnel dont ils disposent. Le Canada en est un exemple : si un contact a eu lieu avec un « titulaire d’une charge publique désignée », l’interaction doit être consignée dans le Registre des lobbyistes tous les mois, dans un « Rapport mensuel de communication » détaillé, et inclure les noms des personnes entrées en contact, le lieu de la réunion et les sujets abordés pendant les échanges. Le législateur québécois pourrait mener une réflexion sur les catégories de titulaires de charges publiques qui pourraient être concernées par des obligations de divulgation supplémentaires. Dans tous les cas, il est recommandé que la liste des « responsables publics désignés » soit précisément délimitée, accessible au public et tenue à jour. En Irlande par exemple, chaque organisme public doit publier et tenir à jour une liste des agents publics désignés en vertu de la Loi sur le Lobbying de 2015 ; la Commission des normes de la fonction publique publie également une liste des organismes publics ayant des agents publics désignés sur le site internet dédié au lobbying (encadré 2.4). Lobbyisme Québec a déjà pris des mesures qui vont dans ce sens, puisque la nouvelle plateforme inclut une liste de fonctions précises et adaptées selon le niveau de gouvernement (parlementaire, gouvernemental, organismes, municipal).

Afin de favoriser la conformité et l’enregistrement, Lobbyisme Québec pourrait proposer des lignes directrices à destination des lobbyistes pour effectuer le suivi de leurs activités de lobbying. De telles lignes directrices, sous forme d’aide au suivi, existent par exemple en Colombie-Britannique et en France (encadré 2.5).

Enfin, la divulgation d’informations financières reste une pratique marginale au Canada, et le Québec demeure la seule province à exiger une telle divulgation en ce qui a trait aux compensations reçues par les lobbyistes-conseils. La divulgation de telles informations demeure toutefois pertinente. Aux États-Unis, les montants consacrés aux activités de lobbying sont systématiquement dévoilés. En France et au niveau du registre de transparence européen, les dépenses sont également divulguées par tranches. Dans ces juridictions, la divulgation de telles informations permet de mieux mesurer la taille d’un certain secteur de lobbying et d’identifier les déséquilibres des forces d’influence. Le législateur québécois pourrait donc considérer maintenir cette obligation, tout en l’élargissant aux lobbyistes internes d’entreprises et d’organisation, ainsi qu’aux contreparties conditionnelles, et en ne l’exigeant qu’au stade où les activités de lobbying ont effectivement eu lieu.

La vaste majorité des juridictions américaines demandent également la divulgation de toute contribution politique, financière ou non, à des partis politiques ou des candidats. Lobbyisme Québec juge toutefois cette obligation disproportionnée et ne constituant pas un indicateur significatif dans le contexte québécois, le cadre légal québécois imposant un don maximal de 100 CAD pour chaque électeur. Quant à la divulgation de l’implication politique des lobbyistes, la Commission Charbonneau avait proposé de « placer le financement des partis politiques à l’abri des influences afin de tracer une ligne entre les rapports d’influence légitimes dans une société démocratique et les autres ». La Commission recommandait notamment de préciser dans la Loi électorale que le travail bénévole doit en tout temps être effectué personnellement, volontairement et sans contrepartie et exiger que les entités politiques qu’elles divulguent dans leur rapport financier annuel et dans leur rapport de dépenses électorales le nom des personnes qui ont travaillé bénévolement dans le domaine d’expertise pour lequel elles sont habituellement rémunérées, et ce afin de prévenir le faux bénévolat compensé par des entreprises. De même, la Commission recommandait de lutter contre le recours aux prête-noms en matière de financement politique, qui a permis à certaines entreprises de financier des partis politiques provinciaux et municipaux en demandant à leurs employés et à leurs proches de faire des contributions personnelles qu’elles leur remboursaient, en exigeant d’identifier l’employeur des contributeurs politiques dans les rapports des partis politiques.

Si ces mesures concernent plus spécifiquement les lois électorales, les activités politiques d’entreprises ou d’organisations (assimilées à des interventions de tiers) peuvent être considérées comme des activités de lobbying, et il peut être pertinent de faire figurer certaines informations au registre afin de fournir des éclaircissements sur l’origine des pressions exercées par voie de lobbying et celle des financements (Principe 5 de la Recommandation de l’OCDE). Par ailleurs, les entretiens menés par l’OCDE ont permis confirmer que l’intervention de tiers, par exemple des OBNL dont le financement n’est pas connu, pendant la période pré-électorale, pouvait constituer un risque important. Dans cette perspective, les divulgations régulières pourraient être demandées pour les activités politiques hors période électorale pour les entreprises et les organisations qui font du lobbying, qui ne sont pas encadrées au Québec (encadré 2.6).

En résumé, un suivi plus régulier des activités de lobbying pourrait être exigé, en évitant toutefois des calendriers trop resserrés, qui pourraient alourdir le fardeau administratif de l’enregistrement, de même que des calendriers trop étendus qui pourraient conduire à la divulgation des activités de lobbying après que les décisions ciblées par les activités ont été prises, altérant ainsi l’opportunité et la pertinence de la transparence.

Pour permettre une large adhésion de l’ensemble des parties prenantes à la Loi, un enjeu clé réside dans la conception d’outils et de mécanismes visant à collecter et gérer les informations sur les pratiques de lobbying et permettant la publication dans un format ouvert et réutilisable afin d’identifier des tendances dans les larges volumes de données. Pour cela, il est important de faciliter l’enregistrement ainsi que le contrôle des activités de lobbying par les parties prenantes, notamment les organismes de la société civile, les entreprises, les médias et le grand public.

La Recommandation de l’OCDE encourage les juridictions à faciliter le contrôle des activités de lobbying par les parties prenantes, notamment les organismes de la société civile, les entreprises, les médias et le grand public, en recourant notamment aux technologies de l’information et des communications comme l’Internet pour rendre l’information accessible au public avec un bon rapport coût-efficacité (Principe 6 de la Recommandation). La Recommandation encourage aussi la mise à la disposition des lobbyistes des systèmes électroniques commodes d’enregistrement des informations les concernant et de communication de leurs rapports, de leur faciliter l’accès aux documents et consultations pertinents par une alerte automatique et subordonner à enregistrement l’exercice des activités de lobbying (Principe 9 de la Recommandation). Dans cette perspective, il convient :

  • De maximiser l’usage des plateformes de divulgation pour rendre visible la réalité pratique du lobbying.

  • De mettre en œuvre des incitations pour les lobbyistes lors de leur enregistrement, afin de favoriser une culture de conformité.

  • De prévoir, en fonction des ressources disponibles des mécanismes de vérifications automatiques pour favoriser le contrôle.

Dans son Énoncé de principes, Lobbyisme Québec insiste sur la nécessité d’établir un système de divulgation obligatoire et public des activités de lobbying, basé sur des données ouvertes et donnant accès gratuitement, en tout temps, à des informations pertinentes et vérifiables permettant à toute personne de connaître et de comprendre les activités de lobbying effectuées et d’y réagir en temps opportun (Principe 16 de l’Énoncé de principes). Pour cela, les plateformes de divulgation en ligne devraient permettre de structurer adéquatement l’information afin de faciliter la compréhension des activités de lobbying et l’analyse aux utilisateurs.

En juin 2019, l’adoption du projet de loi no 6 a permis de confier à Lobbyisme Québec la responsabilité de concevoir et d’administrer une nouvelle plateforme simple et efficace pour remplacer l’actuel registre. Cette mesure répond aux souhaits exprimés par Lobbyisme Québec, qui recommandait dans son Énoncé de Principes de lui confier la responsabilité et l’administration du système de divulgation (Principe 18 de l’Énoncé de Principes). L’administration du registre était précédemment confiée à l’Officier de la publicité des droits personnels et réels mobiliers, relevant du ministère de la Justice, qui agissait à titre de conservateur du registre des lobbyistes.

Cette mesure constitue surtout un pas important vers un allègement des contraintes réglementaires pesant sur les entités assujetties aux obligations de transparence. Elle a permis à Lobbyisme Québec d’enclencher un processus de révision du registre des lobbyistes, afin d’en améliorer le processus d’inscription et l’environnement technologique. Le commissaire au lobbyisme doit mettre en service en 2022 cette toute nouvelle plateforme destinée à pallier les lacunes technologiques de l’actuel registre des lobbyistes (encadré 2.7).

Pour définir les contours de cette nouvelle plateforme et répondre aux attentes des différentes parties prenantes, Lobbyisme Québec a mené une consultation publique sur les modalités entourant les déclarations à la future plateforme de divulgation des activités de lobbying, échelonnée sur 45 jours du 11 mai au 21 juin 2021. Au total, 15 personnes ont formulé des commentaires ou des questions, dont 4 lobbyistes-conseils, 3 lobbyistes d’entreprise, 5 lobbyistes d’organisation, 1 citoyen et 2 titulaires de charges publiques (Lobbyisme Québec, 2021[15]). Lobbyisme Québec s’est également appuyé sur un Comité utilisateurs pour le conseiller dans l’élaboration de la future plateforme, constitué de représentants concernés par l’encadrement du lobbying au Québec, dont des lobbyistes, des titulaires de charge publiques, des journalistes et des personns agissant à titre de citoyen (Lobbyisme Québec, s.d.[16]).  Ces efforts de participation de tous les acteurs clés constituent une bonne pratique à souligner, et contribuent à une interprétation commune des obligations de divulgation attendues. Ils permettent également à Lobbyisme Québec de mieux comprendre les facteurs qui influent sur la conformité aux obligations d’enregistrement, et d’actualiser les stratégies et mécanismes d’application en conséquence, ce qui est un principe essentiel de la Recommandation de l’OCDE (Principe 10 de la Recommandation). Surtout, ils permettent de mieux répondre aux nouvelles attentes des différentes parties prenantes mentionnées plus haut concernant la transparence et l’intégrité des activités de lobbying.

Selon les fonctionnalités annoncées et lorsqu’elle sera opérationnelle, cette plateforme constituerait l’une des meilleures pratiques en vigueur dans les pays de l’OCDE. La zone d’information sur le lobbying, similaire à la plateforme « Tout savoir sur le lobbying » actuellement mise en œuvre en France, permettra surtout de documenter la réalité pratique du lobbying. Lobbyisme Québec avait déjà mis en œuvre des efforts en ce sens, notamment :

  • La publication, chaque semaine, en collaboration avec le Conservateur du registre, de statistiques sur l’évolution du nombre de lobbyistes inscrits, de lobbyistes actifs, de déclarations ou d’avis, d’entreprises et d’organisations ayant au moins un lobbyiste actif, de clients actifs et de mandats actifs.

  • L’envoi d’une infolettre tous les lundis (« Info Registre Hebdo »), permettant aux utilisateurs de recevoir les plus récentes inscriptions faites au registre, et d’obtenir des informations sur les activités de lobbying menées auprès des institutions publiques parlementaires, gouvernementales et municipales.

  • L’envoi d’une infolettre mensuelle traitant d’actualités en matière de lobbying (Lobbyscope).

La nouvelle plateforme permettra à Lobbyisme Québec de poursuivre ces efforts, en publiant par exemple des tableaux de bord et des systèmes de visualisation des données permettant de faciliter l’accès et la compréhension des larges volumes de données collectées dans le registre. Lobbyisme Québec pourra également utiliser les données du registre pour produire des analyses ciblées sur la réalité pratique du lobbying. En France par exemple, l’obligation de déclarer l’objectif poursuivi des activités de lobbying permet de retracer les communications d’influence effectuées sur un projet de loi (encadré 2.8).

Les juridictions doivent trouver des solutions innovantes pour simplifier les mécanismes d’inscription et de divulgation, et favoriser une culture de conformité. Si l’existence d’un régime de sanctions s’avère effectivement dissuasive, la Recommandation de l’OCDE rappelle que les stratégies et mécanismes globaux de mise en œuvre devraient instaurer des incitations pour les lobbyistes, notamment des systèmes d’alerte automatique. Le fait d’envoyer des rappels automatiques aux lobbyistes et agents publics concernant les obligations de divulgation peut contribuer à limiter les risques de non-conformité (OCDE, 2021[3]) (encadré 2.9). Un système similaire pourrait être mis en œuvre au Québec.

Le recours à l’analyse de données et à l’intelligence artificielle peut faciliter la vérification et l’examen des données, notamment concernant la rubrique portant sur les objectifs poursuivis par les activités de lobbying. En France, en plus de la soumission électronique des inscriptions et rapports d’activité, incluant des fonctionnalités facilitant la divulgation, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique a mis en œuvre un mécanisme de vérification automatique au moyen d’un algorithme basé sur l’intelligence artificielle afin de détecter les défauts potentiels lors de la validation des rapports annuels d’activités de lobbying (encadré 2.10). Compte tenu des similarités existantes entre le régime d’encadrement québécois et le régime d’encadrement français en ce qui concerne la rubrique portant sur les objectifs poursuivis par les activités de lobbying, un système de vérification similaire pourrait être mis en œuvre par le commissaire au lobbyisme.

La Recommandation de l’OCDE encourage les juridictions à instituer des principes, des règles et des procédures qui donnent aux agents publics des orientations claires sur les relations qu’ils sont autorisés à entretenir avec les lobbyistes (Principe 7 de la Recommandation). Cet aspect est élaboré de manière plus détaillée dans le Chapitre 3. Toutefois, ces principes pourraient inclure un partage des obligations en matière de transparence :

  • Par l’entremise d’agendas publics ; ou

  • De la mise en œuvre de l’empreinte législative.

Comme au Québec, les mesures introduites pour la transparence par les pays attribuent généralement la tâche de la divulgation aux lobbyistes par le biais d’un registre de lobbying. Une approche alternative et potentiellement complémentaire consiste à attribuer cette responsabilité aux agents publics ciblés par les activités de lobbying, en leur exigeant de divulguer les informations concernant leurs réunions avec les lobbyistes, à travers un registre (Chili, Pérou, Slovénie), des agendas partagés (Espagne, Royaume-Uni, Union européenne) et/ou en demandant aux agents publics d’informer leurs supérieurs de leurs réunions avec les lobbyistes (Hongrie, Lettonie, Slovénie).

Une telle politique « d’agenda ouvert » peut inclure des informations sur les réunions d'un agent public, ainsi que leurs dates et heures, les parties prenantes rencontrées et le but de la réunion, par exemple. Dans les pays qui combinent des registres de lobbying et les agendas ouverts (ex. Royaume-Uni et Roumanie), le recoupement des agendas et des informations rapportées par les lobbyistes peuvent fournir l'occasion d'analyser qui a essayé d'influencer les agents publics et comment (encadré 2.11). Dans d'autres pays, les agendas sont mis à disposition sur demande ou dans des circonstances particulières. En Norvège, le Médiateur a déclaré que le droit d'inspection comprend l'accès aux agendas personnels des ministres (OCDE, 2021[3]).

Au Québec, en ce moment, la responsabilité de transparence repose uniquement sur les lobbyistes. Seul l’agenda des ministres est public et plus ou moins détaillé: les informations sont mises à jour tous les trois mois, ce qui ne permet pas un niveau adéquat de transparence en temps opportun par rapport à la date des rencontres effectuées. Le Québec pourrait donc considérer une réforme légale visant à encourager les responsables publics à publier leurs rencontres avec les représentants d’intérêts (un peu plus bas dans l’échelle, comme les directeurs de cabinet et les responsables nommés). Vu que le registre actuel des lobbyistes n’indique pas avec qui la rencontre a eu lieu au sein de l’entité publique, ni d’ailleurs si elle a vraiment eu lieu, cette information pourrait s’avérer pertinente. Sur le modèle européen, la publication de ces rencontres, et non pas de l’intégralité des agendas, pourrait être rendue obligatoire pour certains responsables publics : les membres du gouvernement, les membres de cabinets ainsi que les présidents de commissions au sein du Parlement (OCDE, 2021[3]).

La Recommandation de l’OCDE indique que les pouvoirs publics devraient également envisager de faciliter le contrôle par le public en faisant savoir qui a cherché à exercer une influence sur une loi ou une décision, par exemple en rendant public un communiqué ou une « empreinte législative » indiquant quels sont les lobbyistes qui ont été consultés lors d’initiatives législatives. En effet, outre les registres de lobbying et agendas publics, plusieurs pays proposent pour les activités de lobbying une transparence reposant sur la divulgation a posteriori d’informations sur la manière dont les décisions ont été prises. Les informations divulguées peuvent se présenter sous la forme d’un tableau ou d’un document répertoriant l’identité des parties prenantes entrées en contact, agents publics impliqués, l’objet et l’issue de leurs réunions, ainsi qu’une évaluation de la manière dont les éléments reçus ont été pris en compte dans la décision finale.

Au Québec, la nouvelle plateforme permettra aux lobbyistes d’indiquer un projet de loi à partir d’une liste de projets de lois provenant directement et en temps réel de la liste produite par l’Assemblée nationale. Cette évolution est un pas important dans la reconstitution de l’empreinte législative. Pour aller plus loin, la divulgation de l’empreinte législative par les pouvoirs publics peut permettre d’indiquer si la position exprimée par les lobbyistes a été prise en compte dans la prise de décision. La Pologne et la Lettonie ont mis en œuvre de telles exigences (encadré 2.12).

Assurer le respect des règles est particulièrement difficile lorsque les juridictions s’attaquent aux préoccupations comme la transparence des activités de lobbying. Si l’énonciation de règles claires est nécessaire, cela n’est pas suffisant pour que le dispositif soit efficace.  Afin d’assurer la conformité, une dissuasion et une détection efficace des violations, la Recommandation de l’OCDE encourage les juridictions à élaborer et appliquer un ensemble cohérent de stratégies et de pratiques permettant d’assurer le respect des règles, et à faire en sorte que les principaux acteurs prennent part à leur mise en œuvre (Principe 9). Ces stratégies et pratiquent incluent notamment :

  • L’affectation de ressources appropriées aux opérations de suivi et de contrôle.

  • Une clarification concernant la responsabilité des entités concernant l’application des sanctions.

  • L’application de sanctions visibles et proportionnées, incluant des sanctions financières ou administratives classiques, comme la radiation, et les poursuites pénales le cas échéant.

  • La divulgation publique des infractions avérées aux obligations de divulgation.

  • Des mécanismes pour sensibiliser davantage aux règles et normes attendues, pour assurer une meilleure compréhension de l’application de ces règles et de ces normes.

La Recommandation de l’OCDE stipule que les pays devraient élaborer et appliquer un ensemble cohérent de stratégies et de mécanismes qui inclut l’affectation de ressources appropriées aux opérations de suivi et de contrôle. Lobbyisme Québec exerce cette fonction de surveillance et d’enquête au titre de mandataire de l’Assemblée nationale. Le commissaire au lobbyisme, personne chargée d’administrer le régime d’encadrement, jouit du statut de personne désignée de l’Assemblée nationale, nommée par un vote aux deux tiers de ses membres (article 33 de la Loi), ce qui lui permet de garantir son indépendance d’action et l’impartialité de ses décisions.

Dans son Énoncé de principes, Lobbyisme Québec recommande de préciser les attributions du commissaire au lobbyisme de façon à assurer l’indépendance de ses actions, son impartialité et l’équité de ses décisions, et prévoir l’établissement par l’Assemblée nationale de ses pouvoirs, de son mode de nomination, de remplacement et de rémunération ainsi que le mode de financement et de reddition de ses activités (Principe 22 de l’Énoncé de principes). Lobbyisme Québec recommande également de prévoir des pouvoirs et devoirs pour le commissaire au lobbyisme adaptés à sa fonction et cohérents avec ceux des autres personnes désignées de l’Assemblée nationale (Principe 23 de l’Énoncé de Principes), par exemple l’obligation, avant de commencer à exercer ses fonctions, de déclarer sous serment devant le président de l’Assemblée nationale qu’il remplira ses fonctions avec honnêteté, impartialité et justice et qu’il ne révélera pas, sans y être dûment autorisé, les renseignements obtenus dans l’exercice de ces fonctions. Ces deux propositions semblent raisonnables dans la mesure où elles permettent de baliser précisément le rôle du commissaire au lobbyisme, de renforcer les mécanismes de reddition de comptes, et de mieux aligner son mode de fonctionnement avec celui des autres personnes désignées par l’Assemblée nationale.

S’agissant de ses pouvoirs de surveillance et de contrôle, le commissaire au lobbyisme peut, en vertu de l’article 39 de la Loi, de sa propre initiative ou sur demande, faire des enquêtes s’il a des motifs raisonnables de croire qu’il y a eu manquement à une disposition de la présente Loi ou du Code de déontologie. Il peut autoriser spécialement toute personne à faire ces enquêtes (en disposant de l’immunité des commissaires tel que prévu dans la Loi sur les commissions d’enquête). Le commissaire peut également agir ou autoriser toute personne à agir comme inspecteur pour vérifier l’application des dispositions de la Loi. La personne qui agit comme inspecteur peut :

  • Pénétrer, à toute heure raisonnable, dans l’établissement d’un lobbyiste ou d’un titulaire d’une charge publique, ou dans celui où ils exercent leurs activités ou fonctions.

  • Exiger des personnes présentes tout renseignement relatif aux activités ou fonctions exercées par le lobbyiste ou par le titulaire de la charge publique, ainsi que la production de tout livre, registre, compte, dossier ou autre document s’y rapportant.

  • Examiner et tirer copie des documents comportant des renseignements relatifs aux activités ou fonctions exercées par le lobbyiste ou par le titulaire d’une charge publique (Article 44 de la Loi).

Dans leurs entretiens avec l’OCDE, les équipes de Lobbyisme Québec ont indiqué disposer de ressources suffisantes pour mener à bien les fonctions qui lui sont actuellement confiées par la Loi. Pour l’exercice financier 2020-2021, Lobbyisme Québec dispose d’un budget comportant des crédits totaux de 5 920 362 CAD et un budget de dépenses de 4 154 039 CAD. Les membres du personnel du commissaire sont nommés conformément à la Loi sur la fonction publique (tableau 2.6).

Lobbyisme Québec recommande de maintenir pour le commissaire au lobbyisme et les personnes qu’il désigne les pouvoirs et l’immunité des commissaires nommés en vertu de la Loi sur les commissions d’enquête ainsi que les pouvoirs d’enquête, de vérification et d’inspection, tout en allant plus loin et en introduisant le pouvoir de faire des demandes péremptoires de produire des renseignements (Principe 24 de l’Énoncé de principes). Actuellement, les enquêteurs doivent, si la personne ou l’entité interrogée refuse de lui faire parvenir certains documents par voie électronique, se déplacer et obligatoirement consulter sur place les documents en question. Pour cette raison, Lobbyisme Québec juge que ce pouvoir de demande péremptoire, qui se retrouve dans d’autres juridictions canadiennes comme en Ontario et en Colombie-Britannique, pourrait améliorer l’efficacité de ses processus d’enquête.

Enfin, le Commissaire a également recommandé de prescrire par règlement des exigences de conservation d’informations pertinentes aux activités de lobbyisme accomplies, à des fins de vérification ou d’enquête (Principe 13 de l’Énoncé de Principes). Le Commissaire prend exemple sur d’autres législations québécoises, pour lesquelles il existe un pouvoir règlementaire permettant d’exiger la conservation de documents qui sont liés directement aux activités visées et s’appuie sur la Directive concernant la gestion des contrats d’approvisionnement, de services et de travaux de construction des organismes publics.

La majorité des parties prenantes rencontrées par l’OCDE se sont déclarées favorables à un renforcement des pouvoirs du commissaire au lobbyisme afin qu’il puisse mener à bien ses missions. Il appartiendra au législateur québécois de s’assurer, à la lumière de l’expérience accumulée au cours des vingt dernières années, que Lobbyisme Québec et le commissaire au lobbyisme ont suffisamment de pouvoirs d’enquête et de contrôle.

La Loi prévoit un éventail de sanctions disciplinaires et pénales en cas d’infraction. En premier lieu, lorsqu’il constate qu’un lobbyiste manque de façon grave ou répétée aux obligations qui lui sont imposées par la Loi ou par le Code de déontologie des lobbyistes, le commissaire au lobbyisme peut interdire l’inscription de ce lobbyiste sur le registre des lobbyistes ou ordonner la radiation de toute inscription relative à ce lobbyiste sur ce registre, pour une durée maximale d’un an.

En deuxième lieu, une série de sanctions pénales peut être appliquée selon la nature de l’infraction. Le régime de sanctions pénales de la Loi permet de punir certains actes, comme exercer des activités de lobbying sans être inscrit au registre. La Loi prévoit aussi plusieurs autres situations pour lesquelles un lobbyiste peut se retrouver en contravention, comme une inscription tardive ou l’omission involontaire de certains renseignements dans la déclaration du mandat au registre (tableau 2.7). Enfin, la Loi prévoit depuis 2019 un délai de prescription de trois ans de la date où le poursuivant (le Directeur des poursuites criminelles et pénales) a eu connaissance de l'infraction, jusqu'à un maximum de sept ans après la date de la perpétration de cette infraction. Auparavant la prescription était d’un an au total, ce qui, selon Lobbyisme Québec, rendait impossible de compléter les enquêtes et d’émettre les constats d’infraction avant son expiration. Cette évolution positive était souhaitée par le Commissaire dans son principe 27, « établir un régime de prescription adapté à la nature des infractions prévues par la loi et cohérent avec les régimes similaires existant au Québec » (Principe 27 de l’Énoncé de principes). Elle était également recommandée par la Commission Charbonneau.

La recommandation de mettre en œuvre les sanctions disciplinaires et pénales au niveau des entités, et non seulement au niveau des individus, pour favoriser une culture de conformité au sein de celles-ci est un corollaire des principes 9 et 10 proposés par Lobbyisme Québec, qui visent à introduire dans la Loi des principes de bonne gouvernance et de suivi des activités de lobbying au niveau des entités, qui se verraient tenues responsables des éventuels manquements des lobbyistes internes pour les activités de lobbying effectuées en leur nom.

Selon les termes de la Loi actuelle, même si le commissaire au lobbyisme constate une infraction administrative, il doit tout de même transmettre son rapport au Directeur des poursuites criminelles et pénales. Lobbyisme Québec a émis le souhait de maintenir un régime de sanctions pénales et disciplinaires et d’introduire un régime de sanctions administratives pécuniaires, proportionnelles et adaptées à la nature et à la gravité des infractions, permettant la gradation des sanctions et leur publicité lorsque jugé pertinent pour l’application de la loi (Proposition 25 de l’Énoncé de principes). Lobbyisme Québec avait également émis le souhait d’avoir la capacité d’imposer une formation obligatoire pour tout représentant d’intérêts (Proposition 26). Plusieurs élus parlementaires et municipaux interrogés par l’OCDE se sont montrés favorables à l’instauration d’un tel pouvoir de sanctions administratives pour le Commissaire, puisque cela permettrait de désengorger le système de justice et d’adapter la nature de la sanction associée à une infraction, en fonction de sa gravité ou de la récidive. Certaines juridictions canadiennes encadrant le lobbying prévoient l’imposition de sanctions administratives aux lobbyistes qui manquent à leurs obligations.

En effet, les sanctions administratives pécuniaires contribuent également à favoriser la conformité et résoudre des cas de retard de soumission ou de défaut d’inscription. Depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur le lobbying en Irlande, la Commission des normes dans la fonction publique se concentre sur l’encouragement à la conformité à la législation par des interactions avec les inscrits afin de résoudre toute non-conformité, y compris par l’émission d’amendes forfaitaires portant sur les retards de rapport, avant de procéder à une action en justice. La Commission a conclu qu’une communication accrue et des activités d’information auprès des lobbyistes inscrits en début de processus ont permis de réduire le nombre de dossiers concernés par des procédures judiciaires en 2018. La majorité des lobbyistes se conforment à leurs obligations lorsqu’ils sont contactés par l’unité d’investigation (encadré 2.13).

En France, les premières activités de mise en conformité et d’application de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique ont posé question quant à la pertinence des sanctions prévues par la loi. Les représentants d’intérêts ne se conformant pas à leurs obligations de rapport s’exposent à une sanction pénale pouvant atteindre un an d’emprisonnement et une amende de 15 000 EUR. La sanction est similaire en cas de non-conformité à des obligations déontologiques. Le montant maximal de ces amendes est supérieur pour les personnes morales. La HATVP a conclu que le choix des sanctions pénales ne constituait pas nécessairement la solution la plus appropriée pour sanctionner les infractions, en raison des procédures longues et laborieuses, et conduisant à un jugement probablement perçu comme léger par la personne concernée. Elle a également conclu que le montant maximal des amendes encourues pour les personnes morales (75 000 EUR) reste négligeable pour les grandes entreprises. La portée de la sanction est en outre affaiblie par la difficulté à établir l’élément intentionnel de l’infraction. La HATVP a recommandé la mise en œuvre d’un système de sanctions administratives gradué lui permettant d’apporter une réponse rapide et proportionnée par l’application de sanctions financières directes (HATVP, 2021[17]).

Dans son Principe 24, Lobbyisme Québec recommande de rendre publics certains rapports et certaines recommandations ou sanctions, lorsque jugé pertinent pour l’application de la Loi. En effet, La Loi québécoise prévoit peu de dispositions permettant au commissaire de rendre publics des renseignements en matière de sanctions et de dissuader les représentants d’intérêts qui contreviennent à la Loi. S’agissant des sanctions disciplinaires, le commissaire au lobbyisme n’est pas autorisé à divulguer la nature de l’infraction ayant généré cette sanction, ce qui ne permet pas au citoyen de savoir la faute et les motifs de la décision. S’agissant des poursuites pénales, lorsqu’une personne plaide coupable à une contravention à la Loi avant qu’un dossier de cour ne soit ouvert, cet élément ne fait l’objet d’aucune publication, ce qui peut servir les lobbyistes contrevenants qui peuvent poursuivre leurs activités sans que leurs manquements soient rendus publics.

La publication de certaines décisions concernant les infractions existe néanmoins dans d’autres juridictions internationales comme en France, ainsi que dans d’autres juridictions canadiennes comme l’Alberta, la Saskatchewan et la Colombie-Britannique, ainsi que pour la juridiction fédérale. Ces dernières doivent soumettre les rapports d’enquête à leurs assemblées législatives respectives. L’Ontario et le Yukon peuvent également rendre publique l’identité de la personne visée et dévoiler la nature de l’infraction commise. La mise en œuvre de telles dispositions dans ces juridictions a montré que ces mécanismes peuvent s’avérer particulièrement efficaces pour favoriser la conformité.

La Recommandation de l’OCDE encourage la mise en œuvre de mécanismes pour sensibiliser davantage aux règles et normes attendues, pour assurer une meilleure compréhension de l’application de ces règles et de ces normes et pour pouvoir traiter efficacement les informations communiquées sur les activités de lobbying ainsi que les plaintes du public (Principe 9 de la Recommandation). Dans son Énoncé de Principes, Lobbyisme Québec recommande de renforcer les pouvoirs de sensibilisation du commissaire, notamment :

  • De prévoir un pouvoir du commissaire d’émettre des avis interprétatifs, des lignes directrices et des ordonnances visant l’interprétation, l’application et le respect de la Loi, ainsi qu’un pouvoir de dispense à l’égard de la publication d’informations relatives à des activités de lobbying lorsque leur divulgation peut être préjudiciable à un individu, une entité ou une institution publique (Principe 28 de l’Énoncé de principes).

  • Introduire spécifiquement une mission d’éducation pour le commissaire au lobbyisme et lui donner l’obligation d’offrir aux institutions publiques, aux représentants d’intérêts et aux citoyens un programme et des outils de formation et d’éducation sur le régime d’encadrement établi par la loi (Principe 30 de l’Énoncé de principes).

  • Introduire un régime de formation continue des représentants d’intérêts externes et la responsabilité, pour toute entité inscrite, d’offrir une telle formation à ses représentants d’intérêts internes (Principe 31 de l’Énoncé de principes).

Les parties prenantes interrogées pour les besoins de ce rapport ont confirmé les efforts déjà fournis par Lobbyisme Québec pour sensibiliser les lobbyistes à leurs obligations. Le service à la clientèle de Lobbyisme Québec, offre par exemple des formations générales et spécifiques, assurer une présence régulière dans des congrès, salons et conférences, propose un ensemble de lignes directrices sur son site web (documents explicatifs et de référence), et diffuse des informations via plusieurs infolettres (Lobbyscope et Info Registre Hebdo) (tableau 2.8).

Les propositions de Lobbyisme Québec semblent cohérentes avec l’objectif recherché et répondent à un réel besoin exprimé par différentes parties prenantes, notamment les lobbyistes assujettis à la Loi. De telles mesures existent également dans d’autres juridictions. Par exemple, la Loi sur le Lobbying de l’État de New York prévoit un régime de formation continue pour tous les lobbyistes inscrits (Encadré 2.14).

La Recommandation de l’OCDE stipule que les pays devraient réexaminer périodiquement l’application de leurs règles et lignes directrices relatives au lobbying et procéder aux ajustements nécessaires à la lumière de l’expérience acquise. Cela permet d’identifier les forces, mais également les failles et défauts de mise en œuvre à combler pour répondre aux attentes du public en évolution vis-à-vis de la transparence dans les processus décisionnels et assurer que la réglementation prenne en compte les multiples manières dont les intérêts peuvent influencer les processus d’élaboration de politiques (Principe 10 de la Recommandation). Dans cette perspective, il est important que toute loi ou réglementation sur le lobbying inclue un mécanisme de révision périodique.

La révision régulière des règles et lignes directrices de lobbying établies, ainsi que leur mise en œuvre et l’application de sanctions dans la pratique, contribue à renforcer la structure générale d’encadrement du lobbying et à améliorer la conformité. Au Québec, la procédure de révision prévue dans la Loi ne prévoyait qu’un seul examen cinq ans après son entrée en vigueur. À ce titre, Lobbyisme Québec propose d’établir un processus périodique et obligatoire de révision de la loi ainsi qu’un mécanisme de représentation et de consultation permettant au commissaire de formuler, en temps opportun, des recommandations auprès d’une commission ou de toute instance appropriée relevant de l’Assemblée nationale (Principe 34 de l’Énoncé de principes). Le législateur québécois pourrait s’inspirer de la loi irlandaise, qui incorpore des dispositions pour un mécanisme de révision régulière (encadré 2.15).

Références

[7] Ceres (2021), Shareholders approve a climate lobbying proposal at Delta, continuing a winning streak that shows the importance of Paris-aligned climate policy, https://www.ceres.org/news-center/press-releases/shareholders-approve-climate-lobbying-proposal-delta-continuing-winning.

[5] Commissariat au Lobbying du Canada (2021), Améliorer la Loi sur le lobbying. Recommandations préliminaires. Mémoire fourni en réponse à une demande du Comité permanent de l’acces à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique de la Chambre des Communes, https://lobbycanada.gc.ca/media/1939/leg-improving-the-lobbying-act-submission-preliminary-recommendations-2021-02-12-fr.pdf.

[12] Commissariat au Lobbying du Canada (2020), Rapport annuel 2019-20, https://lobbycanada.gc.ca/en/reports-and-publications/annual-report-2019-20/.

[9] Glass Lewis (2021), 2020 Proxy Season Review, https://glasslewis.com/wp-content/uploads/2021/09/Shareholder-Proposals-2021-Proxy-Season-Review.pdf.

[17] HATVP (2021), L’encadrement de la représentation d’intérêts. Bilan, enjeux de l’extension du répertoire à l’échelon local et propositions, https://www.hatvp.fr/wordpress/wp-content/uploads/2021/11/HATVP_Rapport_lobbying_web_2021-VF.pdf.

[10] Légis Québec (2002), Loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme., http://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/t-11.011.

[15] Lobbyisme Québec (2021), Consultation sur les modalités entourant les déclarations à la future plateforme de divulgation des activités de lobbyisme, https://lobbyisme.quebec/salledepresse/consultation-sur-les-modalites-entourant-les-declarations-a-la-future-plateforme-de-divulgation-des-activites-de-lobbyisme/?tx_news_pi1%5Bcontroller%5D=News&tx_news_pi1%5Baction%5D=detail&cHash=4c50ea7b5cd2e2eb6d6581.

[6] Lobbyisme Québec (2019), Projet de modalités de tenue du registre des lobbyistes, https://lobbyisme.quebec/fileadmin/Centre_de_documentation/Documentation_institutionnelle/projet-modalites-tenue-registre-lobbyistes.pdf.

[14] Lobbyisme Québec (2019), Simplicité, Clarté, Pertinence, Efficacité. Réforme de l’encadrement du lobbyisme, https://www.commissairelobby.qc.ca/fileadmin/Centre_de_documentation/Documentation_institutionnelle/2019-06-13_Enonce-principes-CLQ.pdf.

[13] Lobbyisme Québec (2017), La révision de la loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme. Le temps est à l’action. Amendements proposés au projet de loi no 56, https://www.commissairelobby.qc.ca/fileadmin/user_upload/128_presentation_des_amendements_au_projet_de_loi_no_56.pdf.

[11] Lobbyisme Québec (2012), Avis 2012-01 du Commissaire. L’objet des activités de lobbyismes, les institutions publiques visées et la période couverte par les activités, https://lobbyisme.quebec/wp-content/uploads/2021/07/Avis_2012_01.pdf.

[16] Lobbyisme Québec (s.d.), Comité consultatif de Lobbyisme Québec, https://lobbyisme.quebec/a-propos/organisation/comite-consultatif-du-commissaire-au-lobbyisme-du-quebec/#:~:text=Ce%20comit%C3%A9%20vise%20%C3%A0%20faire,et%20du%20commissaire%20au%20lobbyisme.

[3] OCDE (2021), Lobbying in the 21st Century: Transparency, Integrity and Access, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/c6d8eff8-en.

[1] OCDE (2017), « Recommandation du Conseil sur le Gouvernement Ouvert », Instruments juridiques de l’OCDE. OECD/LEGAL/0438, pp. 1-10.

[4] OCDE (2014), Lobbyists, Governments and Public Trust, Volume 3: Implementing the OECD Principles for Transparency and Integrity in Lobbying, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264214224-en.

[2] OCDE (2010), Recommandation du Conseil sur les Principes pour la transparence et l’intégrité des activités de lobbying, OCDE, Paris, https://legalinstruments.oecd.org/fr/instruments/OECD-LEGAL-0379 (consulté le 6 novembre 2020).

[8] Principles for Responsible Investment (2018), Converging on Climate Lobbying. Aligning Corporate Practice Within Investor Expectations, https://www.unpri.org/Uploads/g/v/q/PRI_Converging_on_climate_lobbying.pdf.

Note

← 1. Ces lobbyistes incluent des lobbyistes exerçant au sein d’entreprises, de cabinets de conseil et d’ONG.

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