3. Cartographier les violences urbaines et rurales en Afrique du Nord et de l’Ouest

En Afrique du Nord et de l'Ouest, les conflits sont rarement limités à une région ou à un pays.1 Ils tendent à se propager et à se déplacer de manière opportuniste, au gré des affrontements pour le contrôle de lieux stratégiques, de routes et de ressources localisées. L’étude de ces mobilités est essentielle pour déterminer comment et où les conflits armés apparaissent, se développent et s’achèvent. Ce rapport y contribue en se concentrant sur l’urbanité des violences. Il étudie si les conflits touchent principalement les zones urbaines ou rurales, comment l’intensité de la violence évolue entre ces régions, et quelles sont les zones urbaines les plus violentes (Tableau 3.1).

Il s’agit de déterminer si les événements violents et les décès observés depuis 2000 sont localisés principalement dans les villes ou dans leur hinterland. En d’autres termes, les violences politiques sont-elles plus urbaines ou rurales ? Cette question est essentielle compte tenu de l’urbanisation croissante. Le rapport étudie ensuite si les violences politiques tendent à se concentrer dans les zones urbaines depuis le début des années 2000. Les zones urbaines sont-elles plus violentes que les zones rurales ? Enfin, les liens entre villes et insurrections sont examinés au travers des facteurs locaux sous-tendant les violences au niveau urbain ou rural. Pourquoi certaines zones urbaines sont-elles plus violentes ?

Les approches conceptuelles et les outils utilisés pour mesurer l’intensité de la violence dans les zones urbaines et rurales, leurs variations temporelles et leurs caractéristiques spatiales s’appuient sur des travaux sur la géographie de la violence dans la région (OCDE/CSAO, 2020[1] ; Radil et al., 2022[2] ; Walther et al., 2021[3]). Afin de déterminer la nature urbaine ou non des violences, le rapport évalue le nombre relatif d’événements violents et de décès en fonction de la distance qui les sépare des zones urbaines (question 1). Si la violence est un phénomène principalement urbain, la concentration des activités violentes sera alors la plus forte dans les centres urbains ou à proximité de ceux-ci, et diminuera rapidement à mesure que l’on s’en éloigne.

Une approche similaire détermine si les violences deviennent plus urbaines au fil du temps. On étudie ainsi l’évolution de la proportion d’événements violents et de décès en fonction de la distance qui les sépare des zones urbaines (question 2). Si les violences se concentrent de plus en plus dans les zones urbaines, une augmentation de la proportion d’événements violents et de décès devrait s’observer dans ou à proximité de ces zones. Enfin, le rapport utilise le SCDi pour identifier les principaux foyers de violence urbaine, et propose une analyse qualitative des facteurs locaux susceptibles d’expliquer le développement de la violence dans certaines zones urbaines (question 3).

Les dynamiques spatiales de la violence urbaine sont étudiées dans 21 pays d’Afrique du Nord et de l’Ouest : Algérie, Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Libéria, Libye, Mali, Mauritanie, Maroc, Niger, Nigéria, Sénégal, Sierra Leone, Tchad, Togo et Tunisie (Carte 3.1). Cette approche voit dans les « rives » nord et sud du Sahara deux théâtres de conflits interdépendants pour les États et les organisations non étatiques. Elle englobe également deux des principales concentrations spatiales d’agglomérations urbaines du continent : l’une en Afrique du Nord, s’étendant le long des côtes méditerranéenne et atlantique; l’autre en Afrique de l’Ouest, le long du golfe de Guinée (OCDE/CSAO, 2020[1]).

Une analyse qualitative complète cette approche régionale. Elle porte sur dix études de cas ayant enregistré un nombre élevé de décès dans le Sahel central, la région du lac Tchad et en Libye, soit les trois principaux épicentres de conflits de cette dernière décennie (Graphique 3.1). Dans le Sahel central, l’étude se concentre sur les villes de Djibo, Gao et Kidal, où les victimes du conflit entre les gouvernements malien et burkinabé et les organisations extrémistes violentes sont particulièrement nombreuses, ainsi que sur Bamako. Dans la région du lac Tchad, trois zones particulièrement touchées par l’insurrection de Boko Haram depuis 2009 sont retenues : les villes nigérianes de Gwoza et Maiduguri, ainsi que la forêt de Sambisa, région rurale investie par Boko Haram et, plus récemment, par l’État islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP). En Afrique du Nord, l’analyse cible Benghazi, Syrte et Tripoli, trois grandes villes au cœur des première et deuxième guerres civiles libyennes en 2011 et 2014-20.

Le nombre d’habitants des agglomérations urbaines étudiées s’étend de 2.8 millions d’habitants à Bamako à moins de 35 000 à Kidal (Graphique 3.2). De manière générale, c’est dans les agglomérations occupant une place stratégique dans les conflits qu’est recensé le plus grand nombre de victimes, plutôt que dans les plus peuplées. La ville de Gwoza, au Nigéria, a par exemple été le théâtre de violents affrontements entre le gouvernement et Boko Haram, qui ont fait près de 900 morts au milieu des années 2010, alors qu’elle compte moins de 70 000 habitants. Au Sahara également, les villes sont en général petites et leur taille ne reflète qu’imparfaitement leur importance militaire. Quelque 372 victimes sont ainsi recensées à Kidal, l’un des centres politiques les plus importants du nord-est du Mali. De même, en Libye, les combats dans et autour de la ville de Syrte, ville natale de Mouammar Kadhafi, reflètent moins son poids démographique (moins de 60 000 habitants) que son rôle clé dans la première guerre civile.

Pour étudier les liens entre l’évolution démographique et les violences politiques, le rapport s’appuie sur WorldPop (2022[6]), un ensemble de données démographiques mondiales maillées considéré comme le plus performant en matière de précision spatiale et de taux estimatif d’erreurs (Yin et al., 2021[7]). Cette base rend compte des densités de population résidente depuis 2000.

La plupart des bases de données démographiques mondiales convertissent les informations des recensements nationaux en estimations démographiques maillées, mais leurs sources, leurs définitions de l’habitat et des tailles de zone ou de cellule sont différentes. WorldPop est ici utilisé au lieu d’Africapolis, LandScan ou Global Human Settlement Layer (GHSL), car : i) il offre un niveau de résolution spatiale élevé ; ii) il est le plus complet pour une analyse transnationale et longitudinale ; et iii) il est le plus actualisé (Encadré 3.1 et Tableau 3.2).

WorldPop quadrille l’Afrique du Nord et de l’Ouest en cellules de 1 km sur 1 km afin d’estimer le nombre de personnes y résidant chaque année. Cependant, WorldPop n’identifie pas les villes ou les zones urbaines individuelles, contrairement à Africapolis Il s’agit toutefois de la meilleure combinaison en matière de résolution spatiale, de couverture longitudinale et de performance des estimations.

Afin de catégoriser les données de densité de WorldPop sur le plan démographique, cette étude adopte la définition du degré d’urbanisation récemment établie par la Commission de statistique de l’Organisation des Nations Unies (ONU) (ONU, 2020[12] ; Dijkstra et al., 2021[11]). Celle-ci se base sur la densité de population par km2, soit la même unité que les cellules générées par WorldPop, évitant ainsi tout géotraitement supplémentaire susceptible d’introduire des erreurs. D’après la définition retenue, les cellules de 1 500 habitants ou plus par km2 sont considérées comme urbaines, celles de 300 à 1 499 habitants, comme semi-urbaines, et celles de moins de 300 habitants, comme rurales (Tableau 3.3). Les estimations de WorldPop pour 2020 sont représentées dans la Carte 3.2, qui applique le critère de degré d’urbanisation de l’ONU décrit ci-dessus.

L’étude de la géographie de la violence politique s’appuie sur le projet ACLED, qui fournit des données géoréférencées désagrégées sur les événements violents depuis 1997 (Raleigh et al., 2010). Se basant sur des travaux antérieurs de l’OCDE/CSAO (2020[13] ; 2021[14] ; 2022[15]) sur la géographie des conflits en Afrique du Nord et de l’Ouest, elle identifie huit catégories d’acteurs en fonction de leur structure et de leurs objectifs communautaires, ethniques ou politiques et, si possible, de leur « dimension spatiale et leurs rapports avec les populations locales » (ACLED, 2019, p. 19[16]) (Tableau 3.4). Ces acteurs peuvent être des organisations formelles impliquées dans des activités violentes, des groupes informels ou des non-combattants. Les organisations formelles comprennent les « forces étatiques », définies comme des acteurs collectifs exerçant de facto la souveraineté de l’État sur un territoire donné, tels que les forces militaires et les forces de police de la région. Autre type d’organisation formelle, les « groupes rebelles » dont l’objectif consiste à renverser un État ou à en faire sécession. Les factions ou groupes dissidents se formant à partir d’un groupe rebelle sont recensés comme autant d’acteurs distincts. Les groupes informels sont eux définis sur la base de leurs caractéristiques sociales, ethniques ou régionales, à l’instar des « milices ethniques peul ».

ACLED distingue deux types de milices : celles s’organisant autour d’un motif identitaire et celles poursuivant des objectifs politiques. Les « milices identitaires » sont des groupes hétérogènes de militants structurés autour d’une appartenance ethnique, d’une religion, d’une région, d’une communauté et de moyens de subsistance. Elles portent souvent le nom de la localité ou de la région où elles opèrent, comme la milice communale de Benue, au Nigéria, par exemple. Les « milices politiques » sont quant à elles des organisations dont l’objectif est d’influer sur la gouvernance, la sécurité et la politique d’un État donné par des moyens violents, à l’instar du Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA) au Mali. Contrairement aux groupes rebelles, les milices politiques « ne cherchent pas l’élimination d’une autorité nationale, mais sont généralement soutenues ou armées par une élite politique alliée, et œuvrent à la réalisation d’un objectif fixé par cette élite ou des mouvements politiques de plus grande envergure » (ACLED, 2019, p. 22[16]).

ACLED identifie plusieurs catégories d’acteurs civils : les « émeutiers », individus ou groupes d’individus non armés se livrant à des violences désorganisées contre des civils, des forces gouvernementales ou d’autres groupes armés lors de manifestations ; les « manifestants », individus non armés prenant part à une manifestation publique de façon pacifique ; et les « civils », individus non armés et non organisés, victimes d’événements violents, dont le recensement se fait par pays d’origine. Les « forces extérieures » ou « autres forces » comprennent quant à elles les organisations internationales, forces militaires étrangères, sociétés de sécurité privées et mercenaires indépendants prenant part à des événements violents. Il est important de noter que la base de données ACLED ne précise pas qui est l’auteur ou la victime des attaques, à l’exception des civils, non armés par définition et ne pouvant donc pas commettre de violences politiques.

L’analyse se concentre sur trois types d’événements violents représentatifs des conflits armés de la région : les combats entre groupes armés et/ou forces étatiques ; les explosions et les violences perpétrées à distance ; et les violences contre les civils non armés. Les actions non violentes telles que les déploiements stratégiques ne sont pas prises en compte.

  • Un combat est défini comme « une interaction violente survenant à un moment et en un lieu donnés entre deux groupes armés politiquement organisés » (ACLED, 2019, p. 7[16]). Les combats peuvent se produire entre n’importe quels acteurs étatiques et non étatiques ; ils impliquent au moins deux acteurs armés et organisés. Cette catégorie se subdivise en trois sous-catégories, selon que les acteurs non étatiques ou les forces gouvernementales prennent un territoire, ou qu’aucun changement territorial ne s’opère. Les combats ont fait près de 100 000 morts dans la région entre janvier 1997 et juin 2022, lors d’un peu moins de 21 500 événements violents. Neuf décès sur dix résultent d’affrontements armés. Les combats sont le type d’événement violent le plus meurtrier, avec 4.6 personnes tuées par événement, bilan atteignant 5.4 victimes pour les prises de territoire par des acteurs non étatiques.

  • Les explosions et les violences perpétrées à distance sont « des événements violents unilatéraux lors desquels le moyen employé pour livrer le conflit engendre une asymétrie en privant la cible de la possibilité de réagir » (ACLED, 2019, p. 9[16]). Elles peuvent être perpétrées à l’aide de bombes, de grenades, d’engins explosifs improvisés (EEI), de tirs d’artillerie ou de bombardements, d’attaques au missile, de tirs de mitrailleuse lourde, de frappes aériennes ou de drones, ou encore d’armes chimiques. Elles ont entraîné la mort de plus de 27 000 personnes depuis 1997, lors de plus de 8 000 incidents. Elles font en moyenne 3.3 victimes par événement, bilan atteignant même 9.6 victimes pour les attentats-suicides, sous-catégorie d’événement la plus meurtrière recensée dans la base de données.

  • Les violences contre les civils renvoient enfin à « des événements violents lors desquels un groupe armé organisé inflige délibérément des violences à des non-combattants non armés. Les auteurs peuvent en être les forces étatiques et leurs alliés, des rebelles, des milices ou des forces étrangères/autres » (ACLED, 2019, p. 11[16]). Ce type de violences représente 42 % des événements violents et 35 % des décès recensés en Afrique du Nord et de l’Ouest depuis 1997. La grande majorité des 68 000 décès de civils et plus de 21 000 incidents observés résultent d’attaques directes. En moyenne, 3.2 civils sont tués par événement violent (3.6 en Afrique du Nord et 3.2 en Afrique de l’Ouest).

ACLED couvre également les manifestations et les émeutes, mais celles-ci sont fortement urbanisées et représentent un type de processus politique différent de celui des conflits armés. C’est pourquoi elles ne sont pas incluses dans cette étude, malgré leur impact sécuritaire sur de nombreuses villes, comme à Kaduna dans le nord du Nigéria (Encadré 3.2). Les données retenues couvrent 50 822 événements violents et 192 971 décès entre le 1er janvier 1997 et le 30 juin 2022 (Tableau 3.5). Les données démographiques de WorldPop n’étant disponibles que depuis 2000, l’analyse des liens entre villes et conflits se limite à la période allant du 1er janvier 2000 au 30 juin 2022, au cours de laquelle 180 554 personnes sont tuées lors de 47 952 incidents.

Les liens entre population et conflits sont analysés avec un système d’information géographique mettant en correspondance des localisations d’événements violents avec les densités de population annuelles. Pour chaque année, l’étude détermine la densité de population de chacun des lieux, catégorise chaque événement violent comme urbain, semi-urbain ou rural, et calcule leur distance avec la cellule urbaine la plus proche. Ces données annuelles sur les événements violents sont ensuite utilisées pour calculer : i) la densité de population du lieu où l’événement violent s’est produit, exprimée en nombre de personnes par km; ii) la catégorisation de cet événement comme urbain, semi-urbain ou rural ; et iii) la proximité de cet événement par rapport à une zone urbaine, exprimée en km (Graphique 3.3).

Le rapport s’appuie sur le SCDi, qui rend compte de l’évolution de la géographie de la violence dans l’espace et le temps (Walther et al., 2021[3]). Cet indicateur mesure deux propriétés spatiales de la violence, liées mais distinctes : l’intensité des conflits dans une région et la distribution géographique des zones de conflit. Le SCDi a déjà été appliqué à l’Afrique du Nord et de l’Ouest (OCDE/CSAO, 2020[13] ; 2021[14] ; 2022[15]) sur la base d’un quadrillage uniforme de cellules de 50 km x 50 km. Il est calculé année par année pour chaque cellule depuis 1997 et peut être consulté sur la plateforme « Cartographier les transformations territoriales en Afrique » (CARTA) hébergée par le Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO)/OCDE.2

La première propriété spatiale mesurée par le SCDi, l’intensité des conflits (IC), identifie le nombre total d’événements violents survenus dans une zone donnée (cellule de 50 km x 50 km du quadrillage susmentionné) pendant une durée donnée (par exemple une année). Ce nombre est ensuite divisé par la superficie de la zone afin de permettre des comparaisons régionales. Le score IC ainsi obtenu a une valeur minimale de 0 en l’absence d’événements violents dans une zone donnée au cours d’une année donnée, et n’a pas de valeur maximale. Plus le score IC augmente, plus l’intensité spatiale de la violence est forte dans la zone étudiée (Graphique 3.4).

En raison du maillage de 50 km x 50 km, la plupart des zones obtiennent un score IC de 0, qui correspond à l’absence d’événements violents. Certaines présentent toutefois un score plus élevé. Outre le calcul du score IC brut de chaque zone, le SCDi caractérise également l’intensité des conflits selon qu’elle est plus élevée ou plus faible que prévu. La valeur prévue de l’indice est appelée « moyenne générationnelle » de l’IC car elle correspond à la moyenne de l’intensité des conflits sur 20 ans, entre 1997 et 2016. Cette moyenne générationnelle est de 0.0017 événement violent par km2, soit 4 événements violents par cellule de 50 km x 50 km. Dans ce rapport, une zone est donc considérée de forte intensité de violence si 4 événements violents ou plus s’y produisent au cours d’une année donnée, et de faible intensité dans le cas contraire.

La deuxième propriété spatiale mesurée par le SCDi, la concentration des conflits (CC), détermine la distribution géographique des lieux de conflit les uns par rapport aux autres au sein d’une zone donnée. Elle se calcule en divisant la distance moyenne observée entre les événements violents d’une zone donnée au cours d’une année donnée par la distance moyenne escomptée si la distribution des événements violents de cette même zone était aléatoire. Comme l’illustre le Graphique 3.5, la distribution spatiale des événements violents les uns par rapport aux autres est une variable différente de leur intensité : le nombre d’événements violents peut ainsi être identique dans deux zones, mais leurs distributions spatiales tout à fait différentes.

La mesure de la concentration des conflits, comme celle de leur intensité, a une valeur minimale de 0 et n’a pas de valeur maximale théorique. Un score CC de 0 correspond à la survenue d’une série d’événements violents au même endroit, soit un cas de concentration géographique extrême. Un score CC de 1 indique quant à lui une distribution aléatoire des événements violents, ne permettant donc la détection d’aucune tendance de localisation. Un score CC supérieur à 1 signale enfin une dispersion des événements violents, plus éloignés les uns des autres que si leur distribution était le simple fait du hasard. Comme l’illustre le Graphique 3.6, des scores CC inférieurs à 1 dénotent la concentration des événements violents, tandis que des scores CC supérieurs signalent leur dispersion.

Le ratio de la distance moyenne au plus proche voisin permet de déterminer si la distribution spatiale des événements violents est concentrée ou dispersée. Il est calculé en divisant la distance moyenne observée entre les événements violents d’une zone donnée par la distance moyenne escomptée entre eux si leur distribution était aléatoire (ESRI, 2019[17]). Des ratios inférieurs à 1 dénotent la concentration des événements violents, tandis que des ratios supérieurs signalent leur dispersion. À titre d’exemple, la distribution spatiale des événements violents de la partie gauche du Graphique 3.6 est concentrée par rapport à une distribution aléatoire du même nombre d’événements (ratio de 0.5), tandis que celle de la partie droite est dispersée (ratio de 1.5).

Grâce à la combinaison de ces mesures d’intensité et de distribution spatiale, le SCDi identifie quatre types de conflits, selon que les événements violents sont dispersés ou concentrés, et de forte ou faible intensité (Graphique 3.7).

  • Le type 1 est caractéristique des zones où les événements violents sont d’intensité supérieure à la moyenne et concentrés spatialement ; dynamique témoignant d’une intensification de la violence au niveau local.

  • Le type 2 est caractéristique des zones où les événements violents sont d’intensité supérieure à la moyenne et dispersés spatialement ; dynamique témoignant d’une accélération de la violence.

  • Le type 3 s’applique aux zones où les événements violents sont moins nombreux et où la plupart se déroulent à proximité les uns des autres ; dynamique pouvant dénoter une diminution du nombre de groupes violents.

  • Le type 4, qui associe intensité des événements violents inférieure à la moyenne et distribution spatiale dispersée, témoigne de l’enlisement d’un conflit. Cette dynamique peut signaler l’extrême mobilité des belligérants ou l’absence d’opposition tenace sur un territoire donné.

Ces quatre configurations correspondent à autant d’étapes distinctes dans le cycle de vie des conflits (Walther et al., 2021[3]).

Bien que les débuts et fins de conflits puissent relever de tous les types identifiés par le SCDi, les types 3 et 4 (distribution spatiale dispersée) sont les plus répandus en début ou fin de séquence de violences dans une sous-zone. Les conflits dispersés sont en outre moins susceptibles de persister dans le temps que les conflits concentrés, et tendent à disparaître rapidement. Les zones présentant ces typologies spatiales sont donc plutôt proches du début ou de la fin d’un épisode de conflit. Les conflits s’achèvent par ailleurs le plus souvent en passant d’un épisode de type 2 (concentré/faible intensité) à l’absence de violences l’année suivante (près de 60 % des cas), ce qui semble indiquer une concentration courante des violences même juste avant leur fin.

Ces quatre catégories permettent de mieux comprendre la dynamique du cycle de vie d’un conflit type. Il ne s’agit toutefois là que de tendances générales et toutes les localités ne présenteront pas toujours les mêmes cycles de vie entre les différentes catégories du SCDi. L’analyse des événements violents survenus dans la région depuis la fin des années 1990 fait néanmoins ressortir une trajectoire prédominante (Walther et al., 2021[3]). Les conflits émergents sont souvent synonymes de concentration d’événements violents (plus ou moins intenses), les conflits dispersés tendent à évoluer rapidement, les conflits concentrés/de forte intensité durent plus longtemps, et les violences prennent généralement fin sous forme de conflits concentrés/de faible intensité.

Références

[4] ACLED (2022), Armed Conflict Location & Event Data Project (base de données), https://acleddata.com.

[16] ACLED (2019), Armed Conflict Location and Event Dataset (ACLED) Codebook, https://acleddata.com.

[9] Commission européenne (2022), Global Human Settlement Layer (GHSL), https://ghsl.jrc.ec.europa.eu/.

[11] Dijkstra, L. et al. (2021), « Applying the Degree of Urbanisation to the globe: A new harmonised definition reveals a different picture of global urbanisation », Journal of Urban Economics, vol. 125/C, p. 103 312.

[17] ESRI (2019), How Average Nearest Neighbor works, https://pro.arcgis.com/en/pro-app/tool-reference/spatialstatistics/h-how-average-nearest-neighbor-distance-spatial-st.htm.

[10] Oak Ridge National Laboratory (2022), LandScan (base de données), Oak Ridge, Tennessee, https://landscan.ornl.gov/about.

[15] OCDE/CSAO (2022), Frontières et conflits en Afrique du Nord et de l’Ouest, Cahiers de l’Afrique de l’Ouest, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/325c4747-fr.

[14] OCDE/CSAO (2021), Réseaux de conflit en Afrique du Nord et de l’Ouest, Cahiers de l’Afrique de l’Ouest, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/80c03df7-fr.

[5] OCDE/CSAO (2020), Africapolis (base de données), http://www.africapolis.org.

[1] OCDE/CSAO (2020), Dynamiques de l’urbanisation africaine 2020 : Africapolis, une nouvelle géographie urbaine, Cahiers de l’Afrique de l’Ouest, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/b6bccb81-en.

[13] OCDE/CSAO (2020), Géographie des conflits en Afrique du Nord et de l’Ouest, Cahiers de l’Afrique de l’Ouest, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/4b0abf5e-fr.

[18] OCDE/UNCEA/BAD (2022), Dynamiques de l’urbanisation africaine 2022: Le rayonnement économique des villes africaines, Cahiers de l’Afrique de l’Ouest, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/aa4762cf-fr.

[8] OECD/CSAO (2016), L’urbanisation des pays de l’Afrique de l’Ouest 1950–2010: Africapolis I, mise à jour 2015, Cahiers de l’Afrique de l’Ouest, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264252257-fr.

[12] ONU (2020), Exécution du Programme mondial de recensements de la population et des logements de 2020 et méthode de délimitation des villes et des zones urbaines et rurales à des fins de comparaison internationale : Rapport du Secrétaire général, Commission de statistique des Nations Unies, New York.

[2] Radil, S. et al. (2022), « Urban-rural geographies of political violence in North and West Africa », SSRN 4171240.

[19] Raleigh, C. et al. (2010), « Introducing ACLED: An Armed Conflict Location and Event Dataset », Journal of Peace Research, vol. 47/5, pp. 651–660, https://doi.org/10.1177/0022343310378914.

[3] Walther, O. et al. (2021), « Introducing the Spatial Conflict Dynamics indicator of political violence », Terrorism and Political Violence, pp. 1–20, https://doi.org/10.1080/09546553.2021.1957846.

[6] WorldPop (2022), WorldPop (base des données), University of Southampton, https://www.worldpop.org.

[7] Yin, X. et al. (2021), « Which gridded population data product is better? Evidences from mainland Southeast Asia (MSEA) », International Journal of Geo-Information, vol. 10/10, 681, pp. 1-15.

Notes

← 1. Cette section s’appuie sur Radil et al. (2022).

← 2. Disponible sur https://mapping-africa-transformations.org.

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