1. Contextualiser la gouvernance publique en Haïti

La République d’Haïti est située sur la partie ouest de l’île d’Haïti, qu’elle partage avec la République dominicaine dans l’archipel de la région des Caraïbes. Avec une superficie de 27 750 km² (CIA, 2021[1]) et une population d’environ 11,2 millions d’habitants (CIA, 2021[1]), Haïti est l’un des pays avec la plus forte densité de population de la région. Le pays est divisé administrativement en dix départements, qui dépendent d’un gouvernement central installé dans la capitale, Port-au-Prince (Banque mondiale, 2020[2]). Haïti occupe une place unique dans l’histoire du monde moderne, puisqu’il s’agit du premier pays qui a déclaré son indépendance à la suite d’une révolution d’esclaves réussie (Popkin, 2011[3]).

Depuis l’Indépendance du pays le 1er janvier 1804, les crises politiques et économiques récurrentes ont fortement affecté les cadres de gouvernance en Haïti. Malgré ce passé difficile, le gouvernement actuel a fixé plusieurs objectifs visant à se rapprocher du statut d'économie émergente, à renforcer l'État de droit, à encourager une société plus solidaire et plus inclusive, et à rénover et moderniser la gouvernance publique (Office de Management et des Ressources Humaines, 2018[4]). Le Programme de modernisation de l’État 2018-2023 (PME-2023) et le Plan stratégique de développement d’Haïti (PSDH) traduisent la détermination du gouvernement de poursuivre un programme robuste de réforme de la gouvernance publique, et d’atteindre des objectifs clairs en termes de développement social et économique. Ce sont des signaux encourageants, qui incitent à promouvoir et soutenir une gouvernance publique plus efficace, efficiente, responsable et résiliente en Haïti.

Une gouvernance publique saine est constituée d’un processus continu d'interactions formelles et informelles, au sein de l'État et entre les acteurs étatiques, les acteurs non-étatiques et les citoyens. Ce processus détermine la manière dont les décisions publiques sont prises, la façon dont les ressources publiques sont utilisées pour mener des actions publiques, et la manière dont ces actions sont conçues, mises en œuvre et évaluées afin d’améliorer le bien-être et la prospérité de tous. Une gouvernance publique saine se focalise également sur la conception et la mise en œuvre de réponses novatrices de l’ensemble du gouvernement face à des défis de plus en plus multidimensionnels, ce afin d’améliorer le rendement des économies nationales et régionales au profit des citoyens, des entreprises et des collectivités. À cet égard, l'OCDE a acquis une vaste expérience dans l'adaptation des principes et des pratiques du cadre de gouvernance publique aux réalités politiques, institutionnelles et culturelles spécifiques, qu’elles soient nationales, régionales ou locales.

L'OCDE a entrepris un Examen de la gouvernance publique en Haïti (ci-après « l’Examen ») sur dix-huit mois, pour évaluer et diagnostiquer l'environnement actuel de la gouvernance et les efforts de réforme, ce afin de proposer des recommandations spécifiques visant à réformer le cadre de gouvernance publique. L’Examen propose d'aborder cinq domaines thématiques de la gouvernance publique qui reflètent et complètent les objectifs du gouvernement haïtien :

  • Améliorer la capacité de coordonner et diriger la conception et la mise en œuvre de politiques et de services multidimensionnels gouvernementaux, notamment à travers la direction du centre de gouvernement (CdG), la Primature, l’Office de management et des ressources humaines (OMRH), le ministère de la Planification et de la Coopération externe (MPCE) et le ministère de l'Économie et des Finances (MEF) ;

  • Renforcer l'utilisation de données probantes dans la stratégie et la planification budgétaire, pour améliorer l'élaboration des politiques et la fourniture des services, en articulant plus clairement la planification de la stratégie nationale et le budget national d'Haïti ;

  • Promouvoir une gouvernance multi-niveaux efficiente pour obtenir de meilleurs résultats, c'est-à-dire une coordination plus efficace entre le gouvernement central et les gouvernements locaux, afin de favoriser la décentralisation ;

  • Renforcer la capacité du gouvernement de gérer de manière stratégique les effectifs de la fonction publique, et

  • Intensifier l'engagement des citoyens au moyen de la promotion d’un gouvernement ouvert et d’une gestion stratégique de la communication publique.

Le fondement de la République d’Haïti est irrémédiablement lié aux idéaux du général Toussaint Louverture qui défend l’idée d’un État haïtien indépendant dès la fin du XVIIIème siècle. Il va notamment promulguer une nouvelle constitution en 1801 qui abolit l'esclavage et la discrimination raciale dans tous les aspects de la vie publique et de l'administration, et qui déclare que tous ceux qui sont nés dans la colonie sont des citoyens libres et égaux (Dupuy, 2014[5]). À la suite de la révolution haïtienne (1791-1804) face à l’Empire colonial français, Haïti proclame sa Déclaration d’Indépendance le 1er janvier 1804, avec à sa tête, Jean-Jacques Dessalines, considéré comme le « père fondateur » de la patrie haïtienne et proclamé empereur par les généraux de l’armée révolutionnaire (Dubois, 2012[6]). Par ailleurs, la période post-indépendance est marquée par les indemnités conséquentes demandée par la France pour ses pertes financières en Haïti, qui ont affecté la stabilité financière du pays en créant un cycle d’endettement envers les banques françaises et étrangères, ce qui a eu une forte incidence sur les ressources fiscales dont les gouvernements nationaux successifs avaient besoin pour fournir des services publics aux populations (Dupuy, 2014[5]). Ce passé unique a profondément marqué la République d’Haïti jusqu’à nos jours, et fait d’Haïti un cas historique singulier.

En outre, depuis son indépendance, la République d’Haïti a été marquée par des périodes de transformations et de réformes économiques, politiques et sociales, mais aussi des périodes successives d’instabilité politique et de luttes internes accentuées par une stratification sociale extrême, ainsi que par de nombreuses interventions extérieures. L'histoire du pays a profondément influencé les institutions et le fonctionnement de la gouvernance publique et s’avère être un facteur essentiel à prendre en compte pour appréhender les enjeux actuels de gouvernance auxquels le pays face. Cette section présente les problématiques centrales de la gouvernance en Haïti à travers certains des principaux jalons de son histoire, afin de mieux appréhender les liens entre l’héritage historique et la gouvernance publique du pays et ses défis, en se focalisant particulièrement sur trois aspects : la captation de l’action publique, la centralisation et la concentration administrative et économique et, enfin, l’instabilité politique récurrente.

Le développement de l’appareil étatique, marqué dès l’origine par la période coloniale, s’est construit comme source de pouvoir et de ressources pour une élite restreinte du pays, avec des périodes d’instabilité politiques et de renversement des élites. L’État post-colonial est marqué tout au long du XIXème siècle par « le conflit entre les élites politiques pour la conquête, l’exercice et la conservation du pouvoir, et la réaction des cultivateurs à des méthodes et des conditions de travail qui leur rappelaient la période coloniale esclavagiste, [ce qui] allaient créer des rapports problématiques entre État et société » (Etienne, 2007[7]).

Ce cadre de captation des ressources et de l’action publique par certaines élites va particulièrement s’institutionnaliser au début du XXème siècle, d’abord avec la présence américaine en Haïti à partir de 1915 puis, plus tard, sous les régimes de François Duvalier et de son fils, Jean-Claude Duvalier. La mainmise de l’élite traditionnelle de Port-au-Prince sur l’action publique va se consolider au cours des dix-neuf ans de présence des Marines américains sur le territoire haïtien et se traduire par une monopolisation des hauts postes de la fonction publique aux mains des élites traditionnelles (Bellegarde-Smith, 2015[8]). Cette période va annuler les gains socioéconomiques des paysans haïtiens, qui s’étaient détachés de l’exploitation des plantations (Bellegarde-Smith, 2015[8]). Si François Duvalier soutient ensuite l’émergence d’une nouvelle bourgeoisie nationale, les Duvaliéristes (Étienne, 2007[9]), la réémergence de l’élite traditionnelle sous son fils, Jean-Claude, va s’accompagner du développement d’un modèle économique libéral orienté vers l’exportation (Lundahl, 2013[10]). La captation de la rente agraire et le développement d’industrie à faible valeur ajoutée participent au façonnement d’un État prédateur au détriment de la majorité de la population qui ne remarque pas d’amélioration dans la fourniture des services publics (Nicholls, 1986[11]). Cette captation des ressources par une élite, ses excès économiques, la corruption et l’exclusion politique et économique des populations marginalisées contribuent à expliquer le renversement du régime par la population en 1986.

La construction de l’organisation administrative du territoire haïtien à partir de l’indépendance reste également marquée par l’héritage colonial. En effet, les gouvernants haïtiens s’inspirent du modèle colonial pour développer le nouvel État (Mérion, 1998[12]). C’est d’abord la Constitution de 1843 qui va aborder les concepts de Commune et l’organisation territoriale du pays, puis la loi de 1881 qui va consacrer cette volonté de décentralisation et de déconcentration. Ainsi, « en 1806, il existait 4 départements, 13 arrondissements, 59 paroisses, tandis qu’en 1843 l’évolution était déjà sensible puisqu’on dénombrait 6 départements, 17 arrondissements et 82 communes » (Mérion, 1998[12]). Néanmoins, malgré les efforts de l’administration haïtienne, le processus de décentralisation et de déconcentration reste occulté par « la polarisation économique, sociale, administrative et culturelle autour de la République de Port au Prince » (Mérion, 1998[12]).

La concentration et la centralisation du pouvoir se renforcent particulièrement par l’arrivée au pouvoir de François Duvalier qui va affirmer un pouvoir central fort et autoritaire. L’orientation centralisatrice du régime duvaliériste se caractérise par une logique de contrôle politique et administratif et s’appuie sur une logique d’exploitation rentière de la campagne haïtienne (Mérion, 1998[12]). Ce maintien d’un pouvoir centralisateur et autoritaire sera poursuivi par son fils, Jean-Claude Duvalier.

La fin du régime Duvalier marque une période de changements structurels importants pour l'économie et la société haïtienne, et tout autant pour la gouvernance dans le sens d’une plus grande démocratisation et décentralisation du pouvoir notamment avec la Constitution de 1987. Le Parlement est dissout, puis est remplacé par une assemblée constituante de 61 membres dont la mission est de rédiger une constitution adaptée aux exigences sociales et politiques de l’époque (Mérion, 1998[12]). C’est l’ère du dechoukaj1 pendant laquelle les organisations de la société civile appellent à la justice sociale et à la destruction de l’appareil politique dictatorial de Duvalier (Gage, 2000[13]). Une nouvelle constitution est approuvée par un référendum populaire en mars 1987. Elle vise à enrayer la concentration et les risques d’abus de pouvoir au sein du gouvernement en établissant des objectifs de décentralisation et d’équilibre des pouvoirs, en offrant notamment un rôle prépondérant au Parlement. La nouvelle Constitution vise également un rééquilibrage territorial des services publics, ainsi qu’une décentralisation et déconcentration poussée des pouvoirs publics. La Constitution de 1987 prévoit donc une séparation claire des pouvoirs exécutif, judiciaire et législatif ainsi que des structures de gouvernance décentralisées (Manigat, 2011[14]).

Malgré l’institutionnalisation des ambitions de décentralisation et de déconcentration dans la Constitution de 1987, la République d’Haïti reste marquée par un sous-développement administratif de la campagne et une centralisation du pouvoir à Port-au-Prince. Ainsi, à la fin des années 1990, « 70% des établissements administratifs ont leur siège à Port au Prince et plus de 80%des salariés (administratifs) y habitent et exercent leur activité » (Mérion, 1998[12]) .

L’histoire du pays est, enfin, marquée par une instabilité chronique qui s’avère un frein tant aux processus de réformes entrepris depuis l’indépendance qu’au développement économique. Le pays connaît une période post indépendance très instable, marquée par la recherche de consolidation et de légitimation de l’État haïtien. Après une guerre civile entre 1807 et 1820 qui divise le territoire en deux zones distinctes, celui-ci est définitivement séparé en deux États en 1844 (Hector et Hurbon, 2009[15]). De 1858 à 1915, vingt-deux présidents, tous des généraux de l’armée, se succèdent, créant une forte instabilité politique qui pèse fortement sur le développement du pays (Auguste, 2010[16]). Le XIXème siècle est néanmoins jalonné de tentatives de stabilisation et de création d’un système administratif uniforme.

Cette instabilité se poursuit au XXème siècle, rendant difficile la consolidation de la gouvernance et des institutions politiques démocratiques. Suite à la démission de Paul Magloire, alors président de la République d’Haïti, cinq gouvernements provisoires se succèdent ainsi entre décembre 1956 et juin 1957 (Étienne, 2007[9]). Dans ce contexte politique agité s’installent les régimes autoritaires de François Duvalier en 1957 puis de son fils Jean-Claude Duvalier, qui quitte le pouvoir en 1986 suite à des révoltes populaires (Étienne, 2007[9]). Il nomme pour le remplacer un Conseil National de Gouvernement (CNG) militaire qui mène une campagne de répression violente contre les manifestations et mouvements populaires et menace d'interrompre la transition démocratique (Étienne, 2007[17]). Suite à des manifestations, Prosper Avril, général de l’armée est à son tour contraint de laisser le pouvoir à la juge Ertha Pascal Trouillot, qui prépare la tenue d’élections présidentielles.

Les institutions démocratiques et la gouvernance se renforcent à partir des années 1990, même si l’instabilité demeure dans une période marquée par un coup d’État. Les premières élections démocratiques en Haïti sont organisées en décembre 1990 et remportées par Jean-Bertrand Aristide. Son parti, le Fanmi Lavalas, s’enracine dans la longue lutte historique des Haïtiens pauvres visant à garantir le droit de tous les Haïtiens à participer directement à la vie politique et à partager plus équitablement la distribution des ressources nationales (Étienne, 2007[17]). À ce bref épisode démocratique succède un coup d’État militaire mené par le Général Raoul Cédras le 30 septembre 1991, qui instaure un régime violent et répressif et provoque un embargo international (Heine et Thompson, 2011[18]). Les institutions démocratiques reprennent leurs droits en octobre 1994 quand le président Aristide est rétabli dans ses fonctions, après une période d’exil (Belleau, 2009[19]). Sous la pression internationale et nationale, le président américain Bill Clinton, soutenu par l’Organisation des Nations Unies (ONU) et l'Organisation des États d’Amérique (OEA), met en place l’opération "Uphold Democracy" qui occupe Haïti et rétablit le président Aristide (Office of the Historian United States Department of States, s.d.[20]). Celui-ci est par la suite réélu en décembre 2000 lors d’élections controversées marquées par une fraude massive et une faible participation (United Nations Development Programme Evaluation Office, 2006[21]).2

Cette période de relative stabilité démocratique et institutionnelle vacille à partir de 2002. Le pays est progressivement confronté à une dégradation de la situation économique et sécuritaire (United Nations Development Programme Evaluation Office, 2006[21]). Jean-Baptiste Aristide fait face à un mécontentement généralisé au sein de la société, notamment au sein des élites culturelles, des professions libérales et des étudiants qui manifestent régulièrement dans les rues de Port-au-Prince pour dénoncer la dérive dictatoriale du régime (Therme, 2014[22]). En janvier 2004, une insurrection armée dans la région des Gonaïves s’étend à tout le pays (United Nations Development Programme Evaluation Office, 2006[21]). La pression se renforce sur le président Aristide qui part finalement en exil le 28 février 2004.

Le départ de Jean-Bertrand Aristide provoque l’arrivée dès juin 2004, de la MINUSTAH (Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti), créée par le Conseil de sécurité des Nations unies. Alors que les interventions internationales en Haïti dans les années 1990 étaient largement centrées autour de la transition démocratique et la protection des droits de l’Homme, la MINUSTAH possède un mandat et un programme plus large, portant des objectifs ambitieux, notamment la mise en place de la Police nationale haïtienne (PNH), le renforcement du système judiciaire et du système pénitentiaire. En 2017, la MINUSTAH est remplacée par une mission des Nations unies plus restreinte (MINUJUSTH), dont l'objectif est de réformer le système judiciaire du pays. Depuis octobre 2019, la mission politique de l’ONU, le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), a remplacé la MINUJUSTH afin de soutenir Haïti dans l’organisation des élections et pour renforcer la capacité de la PNH, notamment en mettant en avant la promotion du respect des droits humains (Donais, 2011[23]).

Parallèlement, la transition démocratique entamée après le départ d’Aristide présente une « fructueuse » conjoncture qui permet de mettre en avant des réformes renforçant les capacités de l’État. Cela se traduit par deux décrets-clés :

  • Le Décret du 17 mai 2005 « Portant révision du Statut Général de la Fonction Publique », qui propose de rationaliser la gestion des ressources humaines affectées aux diverses institutions appartenant à la fonction publique, d’offrir des services de qualité à la population et de garantir des principes d’égalité pour accéder à la fonction publique, avec notamment l’OMRH comme acteur de la régularisation du cadre général de la Fonction Publique.

  • Le Décret « Portant organisation de l’Administration Centrale de l’État », publié en juillet 2005 et révisé en septembre 2016, qui propose une nouvelle structure organisationnelle pour l’État Central en créant les grands organes stratégiques tels que le Secrétariat Général de la Primature ainsi que ceux du Conseil des Ministres et de la Présidence de même que les mécanismes et organes de coordination stratégique et opérationnelle de l’Administration centrale.

Néanmoins, cette transition est freinée par le séisme de 2010, qui va profondément bouleverser le pays. Cet évènement dévastateur provoque des désastres humains et matériels sans précédent : plus de 230 000 personnes sont mortes, 300 000 autres sont blessées et 1,5 million d’Haïtiens sont déplacés (Heine et Thompson, 2011[18]). La valeur totale des dommages infligés ce jour-là est estimée à 11 milliards de dollars US, avec notamment la perte de plus de 285 000 maisons, et la destruction de nombreux bâtiments étatiques historiques (la Présidence, le Parlement, la Cour de Cassation et quinze des dix-sept ministères) (Heine et Thompson, 2011[18]). Les implications du tremblement de terre ont fortement impacté la stabilité politique, les possibilités de reprises économiques et les espoirs de consolidation de la paix. En réaction au séisme et d’un commun accord, les acteurs nationaux et internationaux produisent le Plan d’action pour le relèvement et le développement national d’Haïti (PARDH). Ce document distingue quatre axes essentiels de refondations de l’État : Économique –Territorial – Social – Institutionnel, qui constituent désormais le socle du cadre d’opérationnalisation de la Réforme.

En outre, le Document de Stratégie Nationale pour la Croissance et pour la Réduction de la Pauvreté (DSNCRP) développé en 2006 afin de corriger les dysfonctionnements techniques et de gestion qui nuisent à l’efficacité de l’appareil administratif public est revisité, corrigé et réaménagé pour prendre en compte les nouveaux éléments de contexte dont la Réforme de l’État sera désormais imprégnée. Aujourd’hui, l'administration haïtienne a fait de la réforme de la gouvernance publique une priorité nationale, et le gouvernement a donné suite à de nombreux grands chantiers notamment dans les domaines de la gestion des ressources humaines, du gouvernement ouvert et de la gouvernance multi-niveaux. L'initiative la plus importante dans ce domaine a sans doute été l'élaboration d'un plan de développement national intégré, le Plan Stratégique de Développement d’Haïti avec un horizon de planification d’ici à 2030.

La Constitution de 1987 dispose qu’Haïti est une République où trois pouvoirs cohabitent : le législatif, l’exécutif et le judiciaire. Le président de la République, élu au suffrage universel direct, est le chef de l’État mais aussi le chef du pouvoir exécutif, ce qui lui confère le droit et la capacité d’engager le pays sur la voie de la réforme et de la modernisation. C’est en effet le pouvoir exécutif qui a la responsabilité constitutionnelle de la réforme au sein de l’administration publique. Le Président est élu pour cinq ans, et peut être réélu pour un mandat non consécutif. Le pouvoir législatif est composé de deux chambres représentatives : la Chambre des députés, qui compte 99 sièges, et le Sénat, qui en compte 30. Constitutionnellement, le Parlement joue un rôle crucial dans la gouvernance du pays. Il est chargé notamment de nommer le Premier ministre, d’adopter le budget du gouvernement et de superviser le fonctionnement des ministères et du cabinet. L’équilibre des pouvoirs entre le législatif et l’exécutif répond à la préoccupation première des constituants, qui est d'assurer un contrôle des pouvoirs exécutifs du Président afin d’empêcher la concentration des pouvoirs entre les mains d’un seul individu.

Depuis l’adoption de la Constitution haïtienne de 1987 amendée en 2012, la gouvernance publique est marquée par un processus continu de réforme, dépendant du contexte national, et particulièrement des facteurs socio-économiques, politiques et humanitaires qui affectent le pays. Ces ambitions de réforme sont définies par deux axes : la réforme de la gouvernance administrative, notamment à travers la décentralisation, et la gouvernance économique et budgétaire, à travers la réforme des finances publiques, dans l’objectif de pouvoir offrir des meilleurs services publics aux citoyens haïtiens, de promouvoir une croissance inclusive et durable, et d’établir une économie émergente à l’horizon 2030. En effet, depuis 2012, Haïti s’est engagé vers des objectifs clairs de réforme, en accord avec ses partenaires internationaux. Le point d’orgue est le Plan Stratégique de Développement d’Haïti (PSDH, 2012-2030) qui définit un cadre global de réforme de l’appareil institutionnel haïtien, aussi bien du système politico-administratif de l’État que de la gouvernance économique, de la justice, de l’éducation, de la santé et de l’environnement. Ce document permet de faciliter la mise en œuvre de la réforme globale de l’État et définit les grands chantiers stratégiques à poursuivre pour l’émergence d’Haïti d’ici à 2030. Il constitue le « nouveau cadre stratégique pour la planification, la programmation et la gestion du développement du pays à court, moyen et long terme » (MPCE), sur lequel s’alignent les interventions des bailleurs internationaux et les réformes administratives et économiques en cours. Celles-ci contribuent à la réalisation de ses objectifs et s’adossent à des documents-cadres que sont : le Programme de modernisation de l'État 2018 -2023 (PME-2023) et la Stratégie de Réforme des Finances Publiques (SRFP).

Le PME-2023, conçu et piloté par l’OMRH, constitue « le cadre d’intervention devant permettre la mise en cohérence et la coordination des programmes en matière de réforme de l’État, incluant la promotion des pratiques de bonne gouvernance. Il inclut également la prise en charge effective de certains engagements de l’État et de principes restés inaccomplis, en dépit de ce qui est prévu par la Constitution haïtienne. Dans un souci de continuité par rapport aux PCRE précédents, le Programme de modernisation de l’État 2023 (PME-2023) a identifié des objectifs de fond, tout en y intégrant les apports de l'expérience passée et des réalisations déjà obtenues. En effet, le PME-2023 poursuit six (6) objectifs (Office de Management et des Ressources Humaines, 2018[4]):  

  • améliorer la qualité des services tout en développant une relation de confiance entre les usagers et l’administration ;

  • offrir un environnement de travail modernisé aux agents publics, en les impliquant pleinement dans la définition et le suivi du projet de modernisation ;

  • repenser et optimiser les dépenses de l’État, de manière à obtenir de meilleures prestations de services publics à un moindre coût ;

  • améliorer la gestion des ressources humaines par la mise en place d’une fonction publique revalorisée, plus attractive et plus compétitive, respectueuse de l’égalité des chances, des principes de déontologie, de la promotion du mérite et de l’excellence ;

  • transformer l’administration publique de manière qu’elle soit à même d’impulser le développement du pays et son émergence à l’horizon 2030, et

  • mettre en place des structures qui contrôlent, dénoncent et combattent les pratiques de corruption, afin de développer une culture de la bonne gouvernance publique.

La mise en œuvre du PME est regroupée en 3 piliers, (I) Rénovation du système administratif, (II) Renforcement de la coordination de l’action gouvernementale et la gouvernance territoriale et, (III) Réforme des finances publiques et gouvernance économique.

Depuis l’adoption de la Constitution de 1987, l’idée de réforme et de modernisation du cadre organisationnel, de la gestion ainsi que des ressources humaines demeure un objectif constant, personnifié par ces grands acteurs de la réforme de l’État que sont les institutions au cœur de la gouvernance publique et celles qui agissent dans le cadre de la coopération internationale, en appui et soutien technique et financier des projets de réformes. Les institutions principales sont :

  • Le Parlement ;

  • Le Secrétariat général de la Primature ;

  • Le ministère de la Planification et de la Coopération externe (MPCE) ;

  • L’Office de management et des ressources humaines (OMRH), qui est un organe stratégique placé sous l’égide de la Primature ;

  • Le ministère de l’Économie et des Finances (MEF), et

  • La Commission de réforme des finances publiques et de gouvernance économique (CR/FP-GE) formée de représentants du ministère de l’Économie et des Finances, du ministère de la Planification et de la Coopération externe et la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif.

Depuis les trois dernières décennies, ces institutions sont en constante évolution afin de se réformer pour promouvoir une bonne formulation de politiques publiques satisfaisant à des critères de faisabilité (capacité de les mettre en œuvre) et de priorisation des besoins socio-économiques les plus urgents.

Des épisodes récurrents d'instabilité institutionnelle et politique ont affecté le développement économique et social d'Haïti. Au cours des deux dernières décennies, le PIB a connu en moyenne une croissance annuelle de 1,3%, et il est estimé qu’il s’est contracté de 0,9% en 2019 (Banque mondiale, 2020[2]). En outre, Haïti ne s'est pas totalement remis des effets dévastateurs de l'ouragan Matthew d’octobre 2016, qui a détruit une partie de l'économie et des infrastructures du pays, particulièrement dans les régions du Sud et du Sud-Est. En effet, les pertes et dommages ont été estimés à 1 887,9 millions de dollars USD, dont 773,9 millions provenant des secteurs productifs (agriculture, élevage, pêche, commerce, industrie et tourisme) (Gouvernement de la République d'Haïti, 2016[24]). De plus, le pays souffre structurellement de la faiblesse de sa production industrielle de biens de consommation, qui le contraint à dépendre de l’extérieur et fait ainsi dépendre une grande partie de la création de richesse des activités agricoles. Néanmoins, Haïti possède de nombreux avantages économiques qui, s’ils sont bien exploités, peuvent permettre une croissance économique soutenue et durable. En effet, le pays dispose d’une force de travail jeune, 30% de la population active ayant moins de 25 ans, ce qui peut constituer un capital humain important. Pays le plus peuplé de la région, Haïti représente également un marché intérieur considérable pour le secteur privé. Le pays entretient également des relations économiques avec l’extérieur grâce à une diaspora extrêmement dynamique. En 2019, les transferts économiques représentaient ainsi plus de 23% du PIB national (Banque mondiale, 2021[25]). Enfin, le pays possède certains avantages dans des secteurs à fort potentiel de croissance, par exemple le tourisme, l’agroalimentaire et la manufacture textile (Sánchez Gutiérrez et Gilbert, 2017[26])Par ailleurs, la jeunesse haïtienne présente un potentiel formidable pour le futur du pays, qui doit se refléter au cœur des réformes de l’État afin de renforcer leur participation dans la prise de décision publique, pour permettre l’émergence de politiques et services publiques répondant pleinement à leurs besoins.

Bien que l’extrême pauvreté ait diminué au niveau national, passant de 31% en 2000 à 24% en 2012 (Banque mondiale, Observatoire National de la Pauvreté et de l’Exclusion Sociale, 2014[27]), cela reste un défi majeur pour le pays. Aujourd’hui, il est estimé qu’environ 2,5 millions d'Haïtiens vivent dans une extrême pauvreté (avec moins de 1,25 dollar par jour) et ce principalement dans les zones rurales (USAID, 2020[28]). L’inégalité est particulièrement exacerbée par un clivage marqué entre les zones urbaines et rurales. Sur la période 2000-2012, il y a eu une réduction de moitié de la pauvreté urbaine, tandis que les niveaux de pauvreté ont stagné dans les zones rurales (USAID, 2020[28]). Ces zones sont marquées par une économie largement dépendante de petites exploitations, caractérisées par une production agricole à faible rendement, et particulièrement affectées par la pression alimentaire croissante, le manque de main d’œuvre et les désastres naturels récurrents (USAID, 2020[28]). Les disparités persistantes, ainsi que la pauvreté rurale reflètent également le manque de services publics essentiels (par exemple les services du secteur de la santé, de l'éducation, de la mobilité et de la sécurité publique), par rapport au niveau des services fournis dans les zones urbaines. Ce manque de services essentiels contribue à la fois à maintenir ces disparités et à entretenir une méfiance populaire envers le gouvernement, car la population n’est pas satisfaite des services publics qui lui sont proposés. Cela peut en partie expliquer les difficultés à mobiliser les recettes au niveau local.

Par ailleurs, l’inégalité des genres persiste au sein de la société. Les femmes haïtiennes gagnent en moyenne 32 % de moins que les hommes, et, après être restée faible et inchangée pendant dix ans, la note d'équité de genre d'Haïti (CPIA) a baissé en 2016, « signalant une détérioration de la qualité des institutions et des politiques promouvant l'équité de genre » (International Monetary Fund, 2020[29]).

Les niveaux de pauvreté élevés ainsi que les problèmes politiques, économiques et environnementaux ont provoqué le départ de nombreux Haïtiens. On a estimé en 2015 qu’environ 1,2 million d’Haïtiens vivent en dehors du pays (OCDE et Institut interuniversitaire pour la recherche et le développement, 2017[30]). Ce chiffre est à rapporter aux atouts que représente cette population pour Haïti, lesquels ne sont pas pleinement exploités par le pays. Cela concerne particulièrement l’investissement des transferts de fonds, qui peuvent être investis dans l’éducation et le secteur agricole, afin de produire des cercles vertueux. L’éducation financière est aussi un atout non négligeable, qui permettrait aux populations d’investir l’argent obtenu des transferts de fonds de façon productive (OCDE et Institut interuniversitaire pour la recherche et le développement, 2017[30]). Enfin, il est essentiel de développer des politiques de création d’emplois durables en Haïti, pour améliorer et structurer le marché de l’emploi.

Haïti est l’un des pays de la région Amérique latine Caraïbes (LAC) qui a les dépenses publiques les plus faibles par habitant, de 359 $ PPA en 2017, par contraste avec une moyenne de 5138 $ PPA dans la région LAC (OCDE, 2020[31]). Cela se traduit par un investissement social limité, Haïti consacrant une faible part du PIB aux dépenses d’amélioration des services et d’infrastructures publiques. En 2019, seulement 24% des citoyens étaient satisfaits des services de santé, tandis que 39% d’entre eux l’étaient des services liés à l’éducation (OCDE, 2020[31]). La confiance envers le gouvernement est restée stable entre 2007 et 2018, avec une moyenne d’environ 41% (OCDE, 2020[31]).

Haïti est exposé à un large éventail de catastrophes naturelles, parmi lesquelles les glissements de terrain, les inondations, les ouragans et les tremblements de terre. Bien que de nombreux pays des Caraïbes soient exposés aux mêmes menaces, la faible proportion d'infrastructures solides et l’absence d’une bonne planification urbaine fait des zones urbaines d'Haïti les lieux les plus affectés par les catastrophes naturelles dans la région, sur le plan humain comme matériel. Globalement, sa situation géographique, dans la zone de prédilection des ouragans et des tempêtes tropicales, combinée à sa forte densité de population, en fait un pays particulièrement vulnérable. Au cours des trente dernières années, l’impact du changement climatique a aggravé les conditions météorologiques. En effet, depuis 1998, Haïti a été frappé par une dizaine de tempêtes tropicales et d’ouragans qui ont causé de nombreux dégâts matériels, physiques et psychologiques, ainsi que la mort d’un grand nombre de personnes (University de Fondwa, 2018[32]). En outre, ces catastrophes exacerbent les pressions sur les faibles infrastructures du pays, particulièrement le système de santé national. Par ailleurs, la destruction des infrastructures telles que la réduction de l’accès à l’eau potable peut provoquer de fortes crises épidémiques (le choléra, par exemple).

Ces catastrophes naturelles laissent un impact durable sur le pays, par exemple le tremblement de terre de janvier 2010 a causé des dommages massifs aux biens et aux infrastructures, en particulier dans les zones urbaines comme Port-au-Prince ; il a fait plus de 230 000 morts et a déplacé plus de 1,5 millions de personnes. Cet événement a eu des répercussions sociétales et économiques sans précédent, qui ont fortement affecté la gouvernance publique haïtienne. L’État a perdu ce jour-là 17% de ses fonctionnaires (Forst, 2012[33]), ce qui a considérablement déstabilisé le pays. Cette combinaison de facteurs récurrents environnementaux et de destruction de la situation économique et sociale est un obstacle majeur à une bonne gouvernance et à une croissance durable et inclusive en Haïti.

Haïti est actuellement gouverné par le Président Jovenel Moïse, élu en 2016 après des élections mouvementées, qui ont conduit à un conflit permanent avec l'opposition politique3. Celle-ci critique le manque de clarté du calendrier électoral haïtien, et conteste notamment la date de fin du mandat présidentiel. Ce différend non résolu s'inscrit dans le contexte de l'absence de quorum parlementaire depuis janvier 2020 et de l'expiration du mandat du Parlement, dans un contexte où le Président Moïse est passé à un mode de gouvernance par décret. Parallèlement, la situation sécuritaire en Haïti se dégrade, du fait de la criminalité et des enlèvements, qui touchent fortement la population des zones urbaines, notamment de Port-au-Prince (Bureau intégré des Nations Unies en Haïti, 2021[34]). Ce contexte sécuritaire instable a également entravé la bonne mise en œuvre étatique des efforts de réforme de la gouvernance publique. Par ailleurs, plusieurs élections générales vont avoir lieu au cours de l’année 2021, pour renouveler l’ensemble du personnel politique, du Président aux collectivités territoriales.

Dans ce contexte socio-politique tendu, il est essentiel de souligner que le succès des efforts de réforme de la gouvernance publique, et notamment de la mise en place des conclusions et recommandations de l’Examen, dépendent en partie de la volonté politique nationale et de la stabilité des conditions politiques et socio-économiques. Cet Examen formule par conséquent des conseils qui ne s’adressent pas seulement au gouvernement actuel, mais doivent être appliqués par l’administration nationale haïtienne dans son ensemble, dans le cadre d’un processus de réforme régulier et continu, et qui s’inscrit dans le temps.

Les enjeux actuels auxquels doit faire face Haïti sont multiformes : économiques, politiques, sociaux, démographiques et climatiques. Ces défis ne sont pas nouveaux, mais le produit des tendances historiques décrites plus hauts, et d’évènements exogènes qui complexifient le contexte de gouvernance. Afin de pouvoir y répondre, il est essentiel de promouvoir une gouvernance publique résiliente et efficace face à des défis de plus en plus imprévisibles. En regard de ces observations, l’Examen met au centre de son analyse la coordination entre les différents acteurs gouvernementaux et les partenaires techniques et financiers (PTF), dans le but de faciliter la mise en œuvre des projets et des objectifs de gouvernance publique. Le constat général est qu’il y a eu des avancées notables en ce qui concerne certains des axes de la réforme, notamment en ce qui concerne le renforcement des ressources humaines de la fonction publique et la mise en mouvement d’une politique de décentralisation. Cependant, le manque de coordination et de définition des principaux secteurs de réformes rend difficile la réalisation des objectifs fixés par le gouvernement. Il est essentiel de faire valoir une vision claire et unifiée des objectifs des acteurs de la réforme en Haïti, affirmée dans les documents-cadres comme le PME-2023 et le PSDH.

Avec l’Examen sur la gouvernance publique en Haïti, les résultats attendus incluent le renforcement de la capacité du gouvernement d’Haïti de concevoir et procéder à la bonne mise en œuvre d'un programme de réformes visant à :

  • Améliorer la capacité de piloter et de conduire une stratégie interministérielle, ainsi que de diriger la stratégie de l'ensemble du gouvernement en coordonnant efficacement les silos administratifs, pour fixer et poursuivre les objectifs de développement national, tout en articulant plus efficacement les activités de réforme de la gouvernance menées par les bailleurs qui poursuivent ces objectifs ;

  • Renforcer les liens entre la stratégie et la planification fiscale pour améliorer l'élaboration des politiques et la prestation des services ;

  • Renforcer les relations verticales entre le gouvernement central, les départements et les municipalités, pour développer une capacité administrative infranationale plus solide ;

  • Renforcer la capacité de la fonction publique en gérant ses effectifs nationaux, départementaux et municipaux de manière plus stratégique, grâce à des pratiques améliorées de planification, de recrutement, de promotion, de mobilité et de formation ;

  • Renforcer l'engagement des citoyens et l'ouverture de l'administration pour plus de transparence, de réactivité et de responsabilité, et utiliser de bonnes pratiques de suivi et d’évaluation pour améliorer les politiques et les services lorsque les résultats s'avèrent insatisfaisants ;

  • Concevoir et utiliser des cadres de suivi et d'évaluation à l'échelle de l'ensemble de l'administration, notamment pour accroître les informations sur les performances fondées sur des objectifs et des indicateurs solides ;

  • Élaborer et mettre en œuvre les plans stratégiques et le cadre fiscal du gouvernement, d'une manière qui améliore notablement la capacité de service et la fourniture de services aux citoyens, en conduisant ainsi à de meilleurs résultats dans les domaines de la santé, de l'éducation, de la sûreté et de la sécurité, de l'eau et de l'électricité, etc., et

  • Évaluer la mise en œuvre de ce programme en regard de son impact sur l'amélioration des résultats pour les citoyens, afin que les informations sur les performances guident d'autres réformes pour améliorer encore les résultats.

L’Examen identifie les aspects clés dans les différents domaines de la gouvernance publique que le gouvernement a jugés prioritaires en regard de ses objectifs de réforme. Ces thèmes doivent être abordés dans la perspective d’établir une administration publique inclusive et responsable, qui promeuve des politiques publiques et des services adaptés aux besoins des citoyens haïtiens.

  • Le chapitre 2 examine l’amélioration de la capacité de piloter et de diriger la conception et la mise en œuvre de politiques et services stratégiques à l'échelle du gouvernement. Il identifie les problèmes actuels du cadre décisionnel et la capacité de coordination institutionnelle du CdG. Il analyse en outre la capacité du gouvernement de coordonner le développement, l'exécution et le suivi des performances d'une planification stratégique dans le contexte de l’ample appui international qu’il reçoit.

  • Le chapitre 3 porte sur le renforcement de la stratégie et de la capacité de planification et d'évaluation fiscale en vue d’améliorer l'élaboration des politiques et la prestation des services publics. Il évalue les approches actuelles du gouvernement sur ces questions, afin d'offrir des conseils sur la façon d'améliorer la planification de la stratégie et de relever efficacement ces défis. Il formule également des recommandations sur la manière d'élaborer des cadres et des outils de suivi et d'évaluation de la stratégie, y compris des méthodes de définition d’indicateurs et d’objectifs de performance fondés sur les résultats, afin de mesurer les progrès et de permettre au gouvernement de changer de cap si les résultats ne sont pas atteints.

  • Le chapitre 4 souligne l’importance de promouvoir des relations verticales fluides et efficaces entre le gouvernement central et le gouvernement local, ainsi que le renforcement des capacités administratives infranationales. Il comprend, une analyse des dispositions de gouvernance prises dans le but d'améliorer la conception et la fourniture des services, ainsi que l’implication des citoyens, et pour améliorer l'impact et les résultats sur le terrain :

    • Les relations horizontales et verticales entre les institutions du CdG, les ministères sectoriels et les autorités locales dans un domaine de service donné ;

    • Le renforcement des capacités administratives des municipalités et des départements ;

    • Les relations verticales entre les niveaux de gouvernement, et

    • La coordination horizontale entre les autorités régionales/locales

  • Le chapitre 5 traite du renforcement des capacités de la fonction publique. Il propose une analyse de la fonction publique dans la perspective d’en améliorer le mérite, la capacité ainsi que l’efficacité de l'allocation des ressources humaines, notamment dans le contexte de l'activité appuyée par les bailleurs dans ce domaine.

  • Le chapitre 6 étudie le renforcement de l’implication des citoyens et l'ouverture du gouvernement pour une transparence et une réactivité accrues. Les approches de la redevabilité du secteur public doivent garantir que les citoyens ont la capacité et la possibilité d'obtenir des informations clés sur l'activité et les performances du gouvernement, et d'influencer l'évolution de la politique gouvernementale ainsi que la conception et la fourniture des services par le biais d'un engagement et d’une participation effectifs. Dans cette perspective, le chapitre formule des recommandations au sujet des cadres de transparence et d’implication des citoyens aux niveaux national et infranational en Haïti.

Face aux défis politiques, socio-économiques et environnementaux auxquels Haïti est aujourd’hui confronté, les réformes contemporaines privilégient une approche stratégique de la planification, et leur mise en œuvre adopte recherche la cohérence et l’efficacité. Le présent Examen de la gouvernance publique en Haïti que réalise l’OCDE pour le compte de l’Office de management et des ressources humaines (OMRH), présente cinq domaines d’études essentiels, qui s’inscrivent dans le cadre plus large de la réforme administrative et de celle des finances publiques : la coordination de l’ensemble du gouvernement, les cadres de planification et d’évaluation stratégiques, la gouvernance multi-niveaux, les capacités de la fonction publique et le gouvernement ouvert. Les domaines thématiques développés dans l’Examen font écho et cherchent à répondre durablement aux principaux défis de gouvernance publique évoqués dans ce chapitre, à savoir : la captation de l’action publique, la concentration et la centralisation du pouvoir, la fragmentation politique, et l’instabilité gouvernementale.

Ainsi, les analyses déclinées dans l’Examen prennent en compte les facteurs historiques, économiques et sociaux haïtiens, ainsi que l’expérience internationale de l’OCDE, pour mieux appuyer et soutenir le gouvernement dans la bonne réalisation des objectifs du PME-2023 et du PSDH. Cet Examen englobe également les objectifs des bailleurs et des PTF, en présentant des axes d’actions favorables à une gouvernance publique inclusive, efficace, efficiente et résiliente, qui évite les chevauchements par rapport à l’aide extérieure, en proposant des projets coordonnés répondant aux besoins actuels du gouvernement haïtien. En s’appuyant sur les documents-cadres de réformes, les cinq chapitres de ce rapport proposent des modèles de trajectoires de la réforme de la gouvernance publique, qui doivent être privilégiés pour promouvoir un développement socio-économique durable et inclusif pour tous les Haïtiens.

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Notes

← 1. Communément traduit comme « déssouchage », qui illustre l’ambition de « déracinement de toutes les bases de la dictature » (Hector et Hurbon, 2009[42]).

← 2. Empêché par la Constitution de se représenter pour un second mandat consécutif en 1995, Jean-Bertrand Aristide soutient son allié le plus proche, René Garcia Préval, qui est élu président en décembre de la même année.

← 3. La rédaction de ce rapport et les activités d'enquête entreprises dans le cadre de ce projet ont été effectuées de février 2019 à juin 2021.

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