7. Lever les barrières linguistiques : les compétences en langues dans des sociétés riches en information

Dans le monde interconnecté d’aujourd’hui, la communication est indispensable. De notre capacité à échanger des informations les uns avec les autres dépendent les avantages que nous tirerons des écosystèmes de l’information numérique. Sur les quelque 8 milliards de personnes qui peuplaient le monde à la fin de l’année 2022, environ 5 milliards étaient connectées à Internet. Mais que ce soit en ligne ou hors ligne, la capacité des personnes à accéder à l’information et à communiquer les unes avec les autres dépend de la ou des langues qu’elles comprennent et parlent. Pour tirer pleinement parti des informations diffusées en ligne et des avancées des technologies de communication, il est essentiel de pouvoir comprendre les textes et les paroles qui véhiculent les informations. Les coûts de transaction associés avec le commerce diminuent rapidement grâce à la grande disponibilité de technologies de l’information et des communications (TIC) et à la vitesse des transports (Hummels, 2007[1]). La langue, c’est-à-dire le moyen par lequel les échanges entre différents agents se produisent, demeure néanmoins à la fois un médiateur et un obstacle dans le contexte du commerce et de l’échange efficace d’informations. Particuliers, entreprises et organisations s’appuient encore sur la langue pour communiquer les uns avec les autres et échanger des informations, des biens et des services. Savoir comprendre et parler une langue est aussi indispensable pour accéder aux emplois proposés dans cette langue : la mobilité professionnelle de chacun et chacune dépend de ses compétences en langues.

Les avancées technologiques augmentent le rendement de la communication et de l’échange d’informations. Elles transforment également l’éventail de compétences nécessaires pour tirer pleinement parti de sociétés et de marchés du travail riches en informations. Ce chapitre s’intéresse à trois moyens par lesquels les individus peuvent communiquer, obtenir et échanger des informations d’une langue à une autre ainsi qu’aux compétences auxquelles ces trois moyens font appel. Le premier est l’échange direct d’informations. Les compétences nécessaires dans cette situation sont « internes aux partenaires de la communication » : leurs compétences permettent aux interlocuteurs de communiquer dans la même langue. Le deuxième est le recours aux technologies de traduction automatique (TA). La communication est rendue possible par des intermédiaires numériques lorsque les individus choisissent de mobiliser ces outils plutôt que leurs propres compétences ou celles d’un professionnel humain. L’utilisation des technologies de traduction automatique nécessite que les individus possèdent des compétences également « internes aux partenaires de la communication ». Parmi elles, bien savoir utiliser les technologies de traduction automatique, savoir apprécier leurs limites et la qualité des résultats traduits, et savoir choisir entre différents intermédiaires possibles. Le troisième est le recours aux services de professionnels. Dans ce cas, la communication est rendue possible par des compétences « externes aux partenaires de la communication » et fait intervenir les compétences d’intermédiaires humains, c’est-à-dire de linguistes. Les linguistes doivent savoir transmettre le sens des paroles dans une langue pour leurs clients, ce qui demande de maîtriser le sujet et les langues de la communication, d’avoir le sens des relations humaines pour accompagner leurs clients et de posséder des compétences qui leur permettront de tirer pleinement parti du contact avec leurs clients.

Une communication efficace d’une langue à une autre présente des avantages importants pour l’individu, mais aussi pour la société de manière plus générale. Pour l’individu, la capacité à communiquer avec les autres est corrélée avec de meilleures perspectives professionnelles, surtout dans les métiers demandant beaucoup d’échange de communications. On trouvera un examen approfondi des publications sur les avantages de l’apprentissage des langues, ainsi que des estimations sur l’évolution des compétences des linguistes et la description de la méthode d’estimation de la demande de compétences en langues sur les marchés du travail européens, dans le document de travail suivant, élaboré dans le cadre de la préparation de ce chapitre : Marconi, Vergolini et Borgonovi (2023[2]). Les personnes capables de communiquer dans plus d’une langue manifestent généralement une plus grande compréhension interculturelle que les personnes monolingues et ont davantage tendance à s’intéresser aux questions d’ordre mondial. Ce sont ici des compétences cruciales pour favoriser la cohésion sociale dans des sociétés diverses. Le multilinguisme est également corrélé avec des résultats économiques positifs, dont une employabilité accrue et un niveau supérieur de rémunération. Ces gains pourraient tenir à la plus grande productivité des travailleurs qui possèdent ces compétences ou au fait que les employeurs se servent des compétences en langues pour juger de l’adaptabilité des candidats et de leur ouverture aux autres cultures ; deux qualités appréciées, mais difficiles à évaluer lors du recrutement. Les personnes multilingues semblent également faire preuve d’une capacité linguistique et d’une capacité de pensée divergente – un aspect de la créativité – supérieures. Elles se démarquent aussi par leur contrôle attentionnel, leur mémoire de travail, leurs connaissances métalinguistiques et leurs capacités de représentation abstraite et symbolique, tous d’importance grandissante dans le contexte des innovations numériques et de l’IA.

À l’échelon de la société, les avantages de la communication interlangue se traduisent par une hausse de la croissance économique et des recettes fiscales issues du commerce international, mais aussi par la disponibilité d’un plus grand volume d’informations provenant de populations exposées à des défis et des opportunités différents. Par exemple, les compétences en langues permettent aux scientifiques d’être informés sur les méthodes efficaces de promotion de la biodiversité utilisées couramment par les populations autochtones et à celles-ci d’être informées sur les méthodes appliquées dans d’autres parties du monde (Borgonovi, Hervé et Seitz, 2023[3]). D’autre part, lorsque du contenu mal traduit est diffusé en ligne, lorsque des personnes interprètent mal les informations glanées sur Internet à cause de leur manque de compétences en langues, ou lorsque les informations diffusées en ligne sont mal traduites, la distorsion de la communication qui en résulte peut être lourde de conséquences pour la cohésion sociale et l’efficience économique (voir le chapitre 5 sur les compétences pour s’orienter dans le paysage informationnel en ligne).

Les compétences en langues sont une forme de capital humain. Leurs bénéfices augmentent avec le nombre de locuteurs et varient en fonction de facteurs contextuels, d’autres formes de capital humain possédées par les individus, et de la combinaison unique de circonstances individuelles et contextuelles. Le développement de la traduction automatique est un facteur contextuel fondamental.

En quelques années, l’offre d’intermédiaires numériques pour communiquer, obtenir et échanger des informations d’une langue à une autre, dont les outils de TA, a subi une remarquable transformation grâce aux avancées du traitement automatique du langage naturel. D’une part, le nombre de combinaisons linguistiques uniques traduisibles est passé de 16 000 environ en 2019 à 150 000 environ en 2022 (intento, 2022[4]). De l’autre, les technologies de TA sont capables de produire des traductions très fidèles de certains types de textes. La qualité des traductions varie selon les algorithmes employés par les modèles de langue, mais aussi selon la quantité, la qualité et la variété des traductions utilisées pour entraîner les algorithmes d’apprentissage automatique qui alimentent les outils de traduction automatique par IA. La complexité du texte à traduire entre elle aussi en jeu. Étant donné la variabilité des résultats de traduction automatique et les problèmes persistants liés au fait que les technologies de TA ne sont pas capables de prendre en compte les subtilités culturelles et le contexte, la prolifération de traductions automatiques en ligne peut dénaturer le paysage de l’information. Les technologies de TA par IA n’étant pas tout à fait exactes, les informations diffusées en ligne sous forme textuelle ou orale, puis traduites par ces outils, peuvent contenir des inexactitudes ou des erreurs. On trouvera un examen exhaustif des publications sur les systèmes de traduction automatique par intelligence artificielle dans le document de travail technique suivant, rédigé en appui de la préparation de ce chapitre : Borgonovi, Hervé et Seitz (2023[3]).

Les avancées technologiques repoussent les limites des capacités des intermédiaires numériques, entraînant avec elles un changement du coût d’opportunité, pour les individus, de l’investissement dans l’apprentissage des langues et de l’utilisation d’intermédiaires numériques plutôt qu’humains pour obtenir et échanger des informations. Elles modifient aussi les compétences à posséder puisque la communication interlangue par l’intermédiaire de la technologie demande des compétences cognitives et métacognitives particulières. Comme d’autres technologies émergentes, la traduction automatique nécessite d’en connaître les capacités et les limites afin que son utilisation soit bénéfique aux individus comme à la société et que, au lieu de remplacer les compétences, elle change l’usage qui en est fait.

A minima, les individus qui utilisent du contenu en ligne devraient être capables d’établir s’il s’agit ou non de traductions automatiques et, le cas échéant, avec quels outils. Ils devraient en outre avoir conscience de l’évolution constante des capacités des technologies de traduction automatique par IA, de leurs biais et de leurs limites. Les avancées technologiques peuvent être porteuses de bénéfices, mais aussi créer de nouveaux problèmes en fonction des capacités des individus à comprendre leur fonctionnement et de la volonté des décideurs de réguler l’utilisation et les applications des nouvelles technologies. Ce constat revêt un intérêt particulier dans le contexte des résultats dont il est question au chapitre 5 sur la complexification du paysage de l’information et les nouveaux enjeux qu’elle pose aux individus relativement à l’obtention, l’utilisation et l’échange d’informations.

Le chapitre commence par illustrer l’importance des compétences en langues sur les marchés du travail actuels en analysant la demande dans les annonces d’offre d’emploi publiées en ligne par les employeurs. En un deuxième temps, il cartographie les niveaux autodéclarés de compétences des populations adultes des pays européens et dresse l’état des lieux de l’enseignement des langues dans les systèmes scolaires. Il aborde ensuite la nécessité pour les individus et les organisations d’évaluer les capacités et les limites des technologies de TA afin de prendre des décisions éclairées sur leur usage selon les circonstances. Enfin, il traite des conséquences des récentes avancées de l’IA pour les travailleurs de la connaissance, en s’intéressant plus particulièrement aux complémentarités et substitutions possibles entre outils de traduction automatique et linguistes. Pour cela, il cerne les tendances récentes de la demande de linguistes et s’interroge sur les incidences possibles des avancées technologiques de l’IA sur la demande de compétences.

Les compétences en langue sont très prisées sur les marchés du travail, constat qui s’explique par l’importance des échanges d’informations et de la communication interlangue pour des économies des services dans lesquelles l’échange de données et d’informations est le socle de l’innovation et de la croissance. Or, l’aptitude ou non des adultes à parler une autre langue que la ou les langues officielles de leur pays de résidence dépend dans une certaine mesure des possibilités d’apprentissage offertes par les systèmes scolaires aux enfants et aux adolescents.

Les compétences en langues sont cruciales sur les marchés du travail. Il s’agit non seulement de la maîtrise de la ou des langues officielles du pays, mais aussi d’autres langues. Des études antérieures portant sur la demande de compétences en langues sur les marchés du travail révèlent qu’une connaissance de l’anglais est la sixième compétence la plus demandée dans les offres d’emploi en ligne publiées dans les pays européens en 2021. Ce constat fait de l’anglais l’une des compétences transversales les plus recherchées. Les cinq compétences citées plus fréquemment que l’anglais dans les offres d’emploi en ligne en 2012 sont : savoir s’adapter au changement, travailler en équipes, utiliser un ordinateur, appliquer les principes du travail d’équipe et utiliser Microsoft Office (Marconi, Vergolini et Borgonovi, 2023[2]).

Le Tableau 7.1 indique le pourcentage d’offres d’emploi publiées en 2022 pour chaque pays exigeant au moins des notions d’une des quatre langues qui semblent les plus recherchées dans l’échantillon combiné d’offres d’emploi publiées en ligne dans quelques pays européens : l’anglais, le français, l’allemand et l’espagnol. Ce pourcentage combine les offres d’emploi demandant explicitement au moins des notions d’anglais, français, allemand ou espagnol dans le texte de l’offre d’emploi et celles rédigées dans l’une de ces langues (les compétences dans cette langue étant implicitement supposées). Par exemple, une offre publiée en Autriche est classée comme nécessitant au moins des notions d’anglais si elle est rédigée en allemand, mais précise que les candidats doivent être capables de communiquer en anglais pour être considérés. Elle est également classée comme nécessitant des notions d’anglais si elle ne demande pas explicitement de connaissance de la langue, mais est rédigée en anglais. On peut raisonnablement supposer que les annonces rédigées en anglais concernent des emplois pour lesquels cette langue est utilisée, même si l’anglais n’est pas cité parmi les compétences recherchées. Enfin, la dernière colonne du Tableau 7.1 montre le pourcentage d’offres d’emploi demandant explicitement des notions d’au moins une langue dans le libellé (y compris les langues autres que l’anglais, le français, l’allemand ou l’espagnol) sans tenir compte de la langue de l’annonce.

Si l’on exclut les pays dont l’anglais est la langue officielle (Irlande et Royaume-Uni), la connaissance de l’anglais est demandée dans 33 % ou plus des offres d’emploi en ligne publiées en 2022 en Autriche, en Belgique, en Bulgarie, au Danemark, en Grèce, en Hongrie, au Luxembourg, au Portugal, en Roumanie et en Suisse. En revanche, la connaissance de l’anglais est demandée dans 15 % ou moins des offres d’emploi publiées en ligne en 2022 en Croatie, Finlande et Lettonie.

Le Graphique 7.1 montre le pourcentage d’offres d’emploi en ligne demandant de manière implicite ou explicite des compétences en anglais pour des professions intellectuelles et scientifiques par rapport au pourcentage d’offres d’emploi en ligne demandant systématiquement l’anglais de manière implicite ou explicite. Les personnes qui exercent une profession intellectuelle ou scientifique sont souvent diplômées du supérieur ou du deuxième cycle du secondaire et possèdent de plus hauts niveaux de compétences élémentaires, techniques et transversales pour exécuter des tâches cognitives difficiles (BIT, 2012[6]). En moyenne, dans les pays de l’OCDE et les pays européens, presque une offre d’emploi sur deux concernant une profession intellectuelle ou scientifique demande explicitement ou implicitement que les candidats aient au moins des notions d’anglais. Au Luxembourg, au Portugal et en Roumanie, plus de sept offres d’emploi en ligne sur dix concernant une profession intellectuelle ou scientifique exigent de manière explicite ou implicite au moins des notions d’anglais. L’anglais est également demandé dans environ une offre sur deux concernant une profession intellectuelle ou scientifique en Autriche, en Belgique, en Bulgarie, au Danemark, en Espagne, en Hongrie, en Pologne et en République slovaque. En revanche, en Finlande et en Lettonie, seulement environ deux offres d’emploi en ligne sur cinq concernant une profession intellectuelle ou scientifique demandent au minimum, de manière explicite ou implicite, des notions d’anglais. Dans les pays où l’apprentissage de l’anglais est obligatoire au deuxième cycle du secondaire, comme la Suède, les employeurs peuvent s’attendre à ce que les candidats aient tous une connaissance pratique de l’anglais et n’exigent donc pas, de manière explicite ou implicite, cette compétence dans le libellé de l’annonce.

Les pays du monde entier reconnaissent l’importance des langues pour les échanges, l’intégration culturelle et l’emploi. Les compétences en langues sont certes importantes pour un échange d’informations efficace d’une langue à une autre, et les compétences en anglais indispensables à cet égard, mais la maîtrise de la ou des langues d’un pays demeure cruciale pour l’insertion professionnelle et sociale. Elle demeure essentielle pour accéder à l’emploi dans le pays et, par extension, le marché du travail reste fermé à ceux qui ne maîtrisent pas la ou les langues nécessaires. Bien que dans bon nombre de pays les employeurs déplorent un manque de travailleurs qualifiés pour pourvoir les postes vacants, et que bon nombre de travailleurs déplorent un manque de possibilités de mettre leurs compétences à profit efficacement sur le marché du travail, la langue demeure un obstacle important pour rectifier l’inadéquation des qualifications et combler les pénuries de compétences.

L’importance de la maîtrise des langues officielles d’un pays a fait l’objet d’études approfondies dans le contexte de l’insertion professionnelle et sociale des populations émigrées. Les études constatent que l’acquisition de la langue parlée dans le pays d’accueil est porteuse d’importants bénéfices pour les populations immigrées (Bleakley et Chin, 2004[7] ; Chiswick et Miller, 1995[8] ; Dustmann et Fabbri, 2003[9] ; Dustmann et Soest, 2001[10]). Et ce, nulle part autant qu’en Europe : une grande communauté caractérisée par sa diversité linguistique, plus de 500 millions de ressortissants et 24 langues officielles où, grâce au Marché commun européen, la libre circulation des marchandises, des capitaux, des services et des personnes est garantie. Selon le Conseil de l’Union européenne, « les compétences linguistiques favorisent la mobilité, l’employabilité et l’épanouissement personnel des citoyens européens, en particulier les jeunes, conformément aux objectifs de la stratégie Europe 2020 pour l’emploi et la croissance » (Conseil de l'Union européenne, 2014, p. 2[11]).

Le Tableau 7.2 indique le pourcentage d’annonces d’offre d’emploi publiées en ligne en 2022 dans la ou les langues officielles du pays ainsi que le pourcentage d’offres d’emploi en anglais, allemand, espagnol ou français. Les résultats correspondent aux compétences en langues demandées par les offres d’emploi en ligne et pourraient, par conséquent, ne pas livrer une représentation fidèle des perspectives d’emploi. Il est notamment possible que les offres d’emploi en ligne recherchent des profils plus susceptibles de nécessiter un niveau élémentaire de compétences numériques et de meilleures compétences linguistiques. Tandis que peu d’annonces d’offre d’emploi sont en français, en allemand ou en espagnol en dehors des pays dans lesquels ces langues ont qualité de langue officielle, environ 5 à 10 % des annonces d’offre d’emploi sont en anglais dans bon nombre de pays.

De nombreux pays au-delà de l’Europe reconnaissent l’importance de maîtriser la langue locale pour réussir son insertion professionnelle. En Australie, par exemple, il est essentiel que les candidats à l’emploi parlent anglais. Une étude constate que les compétences d’une personne en anglais influencent ses perspectives d’emploi et augmentent ses chances de décrocher des emplois plus stables et de meilleure qualité (Roshid et Chowdhury, 2013[12]). Au Canada, pour prétendre à un permis de travail, une personne doit démontrer qu’elle possède le niveau minimum de maîtrise de l’anglais et du français demandé pour la catégorie d’emploi concernée (Gouvernement du Canada, 2014[13] ; Gouvernement du Canada, 2023[14]). De manière plus générale, la maîtrise de l’une des langues officielles (français ou anglais) est un facteur important pour la délivrance d’un permis de travail canadien, l’aptitude d’une personne à communiquer avec d’autres employeurs, avec les clients et les services d’urgence étant une condition essentielle pour la plupart des emplois (Karas, 2020[15]).

Le Japon impose également une épreuve de langue (JLPT pour Japanese Language Proficiency Test) aux ressortissants étrangers souhaitant travailler dans le pays. Le niveau requis dépend de l’entreprise et des postes, mais un niveau 2 est généralement le minimum pour travailler dans une entreprise (le niveau 1 étant le niveau le plus élevé) (CCI France Japon, s.d.[16]). La Corée impose elle aussi une épreuve de maîtrise du coréen (TOPIK pour Test of Proficiency in Korean) aux ressortissants étrangers (TOPIK Guide, s.d.[17]).

La maîtrise d’une autre langue que la langue maternelle chez les adultes varie d’un pays à l’autre et la proportion d’adultes ne connaissant pas d’autre langue que leur langue maternelle a diminué avec le temps. Le Graphique 7.2 montre la proportion de la population adulte des pays européens ayant déclaré ne pas connaître d’autre langue que leur langue maternelle en 2007 et en 2016 (dernière année connue). En moyenne, dans les pays de l’OCDE de l’échantillon, 23 % des répondants en 2016 déclaraient ne pas connaître d’autre langue que leur langue maternelle, contre 29 % en 2007. C’est au Royaume-Uni (65 %) que le pourcentage d’adultes ne connaissant pas d’autre langue que leur langue maternelle en 2016 est le plus élevé, et en Suède (3 %) qu’il est le plus faible. Le Graphique 7.2 révèle en outre qu’au Danemark, en Estonie, en Finlande, en Lettonie, au Luxembourg, en Norvège, en Suède et en Suisse en 2016, moins de 10 % des adultes déclaraient être incapables de s’exprimer dans une langue autre que leur langue maternelle. Dans la plupart des pays pour lesquels des données étaient disponibles en 2007 et 2016, la proportion d’adultes déclarant ne pas connaître d’autre langue que leur langue maternelle a diminué. Elle a néanmoins progressé de plus de 30 points de pourcentage au Royaume-Uni, passant de 35 % en 2007 à 65 % en 2016.

La proportion d’adultes incapables de s’exprimer dans une autre langue que leur langue maternelle varie non seulement entre les pays, mais aussi en fonction du niveau de formation : plus le niveau de formation diminue, plus la probabilité de ne pas connaître d’autre langue (que la langue maternelle) augmente. Le Graphique 7.3 illustre que, en moyenne dans les pays de l’échantillon, 10 % des répondants indiquant être diplômés du supérieur déclarent ne pas connaître d’autre langue que leur langue maternelle. Ce chiffre grimpe à 23 % pour les diplômés du deuxième cycle du secondaire et à 41 % pour ceux ayant au plus achevé le premier cycle du secondaire. Dans tous les pays, les diplômés du supérieur ont moins tendance à déclarer ne pas connaître d’autre langue que leur langue maternelle que les autres. En Autriche, en Croatie, au Danemark, en Estonie, en Finlande, en Lettonie, en Lituanie, au Luxembourg, aux Pays-Bas, au Portugal, en République tchèque et en Suisse, moins de 5 % des adultes diplômés du supérieur déclarent ne pas connaître d’autre langue que leur langue maternelle, alors que la proportion de non diplômés du deuxième cycle du secondaire dans ce cas n’est inférieure à 5 % dans aucun pays. La variation entre les diplômés du supérieur et les adultes ayant obtenu au plus un diplôme du premier cycle du secondaire est la plus prononcée en Roumanie, où 90 % des individus possédant moins qu’un diplôme du deuxième cycle du secondaire ne connaissent pas d’autre langue que leur langue maternelle, tandis que 13 % des diplômés du supérieur déclarent la même chose.

Les niveaux de compétence varient parmi les adultes qui connaissent une autre langue que leur langue maternelle. Le Graphique 7.4 révèle la proportion d’individus indiquant maîtriser la langue (capables de comprendre un large éventail de textes complexes et de manier la langue avec aisance), par opposition à une bonne connaissance (capables de comprendre l’essentiel d’un langage clair et de produire des textes simples) ou une connaissance élémentaire (capables de comprendre et d’utiliser les expressions courantes de tous les jours), parmi ceux qui déclarent connaître au moins une autre langue que leur langue maternelle. En 2016, en moyenne, dans les pays pour lesquels des données sont disponibles, 32 % d’individus indiquaient maîtriser presque entièrement la langue qu’ils connaissaient le mieux après leur langue maternelle. Ce chiffre ne dépassait pas 27 % en 2007. Au Danemark, en Lettonie, au Luxembourg, en Lituanie, Norvège, Slovénie et Suède, plus de 40 % des adultes qui parlent au moins une autre langue que leur langue maternelle indiquaient maîtriser cette autre langue en 2016. En revanche, en Italie, Pologne, République tchèque et Roumanie, moins de 15 % des adultes qui parlent au moins une autre langue que leur langue maternelle disaient la maîtriser en 2016. Ces données pourraient traduire une variation dans la perception des compétences plutôt que dans les niveaux réels de compétence. Le graphique révèle par ailleurs que la proportion de personnes qui maîtrisent une autre langue que leur langue maternelle augmente au fil du temps. L’Allemagne, la Lettonie, la République slovaque et la Roumanie sont les seuls pays où cette proportion a diminué entre 2007 et 2016. L’Encadré 7.1 illustre les moyens mis en œuvre par le Programme international pour le suivi des acquis des élèves de l’OCDE afin d’évaluer les compétences en langues dans le contexte de ses efforts de comparaison internationale.

Le degré de maîtrise d’une langue varie également en fonction du niveau de formation, les niveaux supérieurs étant corrélés avec une plus forte probabilité de parler la langue en question couramment. Le Graphique 7.5 illustre les différences de compétences en langues selon le niveau de formation. En moyenne, en 2016, dans les pays pour lesquels des données sont disponibles, 44 % des personnes de 25 à 64 ans diplômées du supérieur indiquaient maîtriser presque entièrement la langue qu’ils connaissaient le mieux après leur langue maternelle. Chez les 25 à 64 ans diplômés du deuxième cycle du secondaire, ce chiffre descend à 26 %, et à 24 % parmi ceux qui possèdent au plus un diplôme du premier cycle du secondaire. Au Luxembourg et en Suède, plus de 70 % des 25 à 64 ans diplômés du supérieur indiquent maîtriser presque entièrement la langue qu’ils connaissent le mieux après leur langue maternelle, tandis qu’en Italie et en République de Türkiye (ci-après la Türkiye), cette proportion s’établit respectivement à 22 % et 17 %. Le Luxembourg et la Suède affichent la plus forte proportion d’individus ayant au plus un diplôme du premier cycle du secondaire qui déclarent maîtriser presque entièrement la langue qu’ils connaissent le mieux après leur langue maternelle, soit respectivement 40 % et 47 %. La variation de la maîtrise déclarée selon le niveau de formation est le plus marquée en Grèce, où 41 % des personnes diplômées du supérieur déclarent parler la langue en question couramment, contre 10 % des personnes ayant au plus achevé le premier cycle du secondaire.

La langue joue un rôle complexe dans l’identité, l’insertion sociale, l’éducation et le développement. Aussi, la préservation ou non des langues a d’importantes conséquences géopolitiques dans des sociétés multiculturelles et connectées à l’échelle mondiale. Selon les estimations, une langue s’éteindrait toutes les deux semaines, ne laissant souvent derrière elle que peu de vestiges écrits du patrimoine culturel et intellectuel accumulé au fil de son usage. Environ 40 % des langues encore en usage sont menacées et seules quelques centaines sont parlées dans les systèmes publics d’éducation (UNESCO, 2010[20]). Les actions internationales, dont la célébration de l’Année internationale des langues autochtones en 2019, la Décennie internationale des langues autochtones (2022-32) et la Recommandation de l’UNESCO sur la promotion et l’usage du multilinguisme et l’accès universel au cyberespace (UNESCO, 2003[21]) sont autant de tentatives importantes de préservation, de revitalisation et de promotion des langues menacées d’extinction.

La période pendant laquelle les jeunes apprennent une première langue ou une langue supplémentaire dans l’enseignement préprimaire, primaire et secondaire général varie d’un pays européen à l’autre (l’Encadré 7.2 porte sur l’apprentissage des langues dans certains pays hors d’Europe et plus particulièrement aux États-Unis, au Japon et en Colombie). Le Graphique 7.6 montre que, dans quasiment tous les systèmes d’éducation d’Europe (exception faite de l’Irlande), l’apprentissage d’au moins une langue vivante en plus de la langue de l’enseignement est obligatoire à l’école. Dans ce chapitre, « langue vivante » est employé de préférence à « langue étrangère », car cette langue peut être la ou l’une des langues maternelles de certains enfants. D’autre part, l’expression « langue étrangère » serait incorrecte dans les pays où les langues régionales et/ou minoritaires ne sont pas distinguées des langues « étrangères ». La durée de l’apprentissage obligatoire d’une première langue vivante varie entre 7 ans aux Pays-Bas et 13 ans au Luxembourg et en Pologne. Dans la plupart des systèmes d’éducation, l’apprentissage d’une première langue vivante est obligatoire pendant 11 à 13 ans de scolarisation.

Les enfants commencent l’apprentissage d’une langue vivante dès trois ans dans la Communauté germanophone de Belgique, au Luxembourg et en Pologne. En revanche, l’apprentissage d’une langue n’est pas obligatoire pour les élèves de moins de 10 ans aux Pays-Bas. Dans de nombreux systèmes d’éducation, l’apprentissage obligatoire d’une langue commence au début de l’enseignement primaire. Les enfants apprennent une langue vivante en plus de la langue de l’enseignement dès six ans en Autriche, Espagne, France, Italie et Norvège, mais sept ans en Croatie, au Danemark, en Finlande, Lettonie, Slovénie, Suède et Türkiye.

On observe moins de variation de l’âge auquel l’apprentissage d’une première langue vivante en plus de la langue de l’enseignement est obligatoire. Dans tous les pays, les élèves doivent apprendre une deuxième langue jusqu’à 17, 18 ou 19 ans. Le Graphique 7.7 indique que, dans bon nombre de systèmes d’éducation, une deuxième langue vivante obligatoire est inscrite au programme scolaire et généralement étudiée pendant cinq à neuf ans. Dans de nombreux pays, l’apprentissage d’une deuxième langue vivante devient obligatoire uniquement dans l’enseignement secondaire. Le Luxembourg se démarque en imposant l’apprentissage d’une deuxième langue vivante dès six ans. Dans tous les autres systèmes d’éducation, l’apprentissage d’une deuxième langue vivante commence à 12 ans ou plus.

La possibilité d’apprendre une deuxième langue vivante varie selon si les élèves suivent un programme du deuxième cycle de l’enseignement secondaire général ou de l’enseignement professionnel. Le Graphique 7.8 indique que, dans tous les systèmes d’éducation à l’exception du Danemark, de la Grèce, de l’Irlande, de l’Islande et du Portugal, plus de 95 % des élèves du deuxième cycle du secondaire apprennent une langue vivante. En revanche, dans la plupart des systèmes d’éducation des mêmes pays, les élèves de l’enseignement professionnel ont beaucoup moins de chances d’apprendre des langues vivantes.

En Allemagne, au Danemark, en Espagne et en Islande, plus de 50 % des élèves du deuxième cycle de l’enseignement secondaire professionnel n’apprennent pas de langue vivante alors que, dans de nombreux systèmes d’éducation, une grande proportion des élèves du deuxième cycle de l’enseignement secondaire général apprennent deux langues vivantes ou plus : en Belgique (Communauté flamande), Croatie, Estonie, Finlande, France, au Luxembourg, en Norvège, République tchèque et Slovénie, 90 % ou plus des élèves du deuxième cycle de l’enseignement secondaire général apprennent deux langues vivantes ou plus. En revanche, très peu d’élèves du deuxième cycle de l’enseignement secondaire professionnel apprennent deux langues ou plus.

Dans la majorité des pays, y compris le Japon (Encadré 7.2), l’anglais est la langue vivante la plus enseignée à l’école. Le Graphique 7.9 révèle qu’en Autriche, Croatie, Espagne, France, Grèce, Italie, Lettonie, Norvège, Pologne et Suède, plus de 90 % des élèves de l’enseignement primaire apprennent l’anglais en classe. L’anglais ne fait toutefois pas partie du programme scolaire dans l’enseignement primaire en Belgique (Communauté flamande) ou au Luxembourg. Ces deux pays ont plusieurs langues officielles, que les enfants sont censés maîtriser avant d’en apprendre d’autres. Dans les établissements d’enseignement du premier cycle du secondaire, beaucoup d’élèves apprennent encore l’anglais dans les pays où l’enseignement de cette langue est quasi-universel dans le primaire. Leurs effectifs augmentent sensiblement dans le reste des pays : plus de 90 % des élèves du premier cycle du secondaire suivent des cours d’anglais dans tous les pays à l’exception de la Belgique (Communauté flamande), de la Hongrie et du Luxembourg. Dans plusieurs pays, le pourcentage d’élèves du deuxième cycle du secondaire qui apprennent l’anglais diminue : il passe de 95 % au premier cycle du secondaire à 43 % au deuxième cycle en Norvège. De même, il passe de 100 % au premier cycle du secondaire, à 54 % au deuxième cycle au Danemark. En revanche, en Belgique (Communautés flamande et francophone) et au Luxembourg, le pourcentage d’élèves du deuxième cycle du secondaire qui apprennent l’anglais augmente pour atteindre respectivement 77 %, 89 % et 84 %.

Les compétences en langues sont le socle de la communication interlangue. Les intermédiaires numériques, dont les technologies de traduction automatique (TA), font partie des moyens à la disposition des individus pour améliorer leur potentiel de communication lorsqu’ils ne maîtrisent pas une langue. Or, pour utiliser efficacement les technologies de TA, ils doivent acquérir une bonne connaissance de ces outils, de leurs atouts et de leurs limites dans différents contextes, en plus de savoir les manier. Le fait est que les outils de traduction automatique en existence souffrent de certaines limites qui les rendent inadaptés pour remplacer les compétences en langues dans de nombreuses situations. Ils sont plutôt utiles aux personnes qui ont pleinement conscience de leurs possibilités et de leurs limites. Pourtant, malgré le fait que les systèmes de traduction automatique sont utilisés dans le monde entier pour communiquer en plusieurs langues, l’enseignement des langues tel qu’il est actuellement proposé – pour les jeunes en milieu scolaire ou pour les adultes – est lacunaire en ce qu’il n’équipe pas les apprenants de ce type de connaissances et d’aptitudes, rendues nécessaires par l’évolution des technologies. Cette section décrit les principaux aspects des systèmes actuels de traduction automatique, leurs possibilités et leurs limites, dans le but de mettre en évidence la nécessité d’une évolution des systèmes d’enseignement et de formation face à cette importante avancée technologique.

Comme son nom l’indique, la traduction automatique consiste à traduire de manière automatique du contenu dans une langue (la source) en contenu dans une autre langue (la cible). La traduction fut l’une des premières applications de l’informatique, dès les années 1930. Les outils de traduction automatique ont connu une transformation remarquable depuis les années 1980, et la qualité des résultats s’est sensiblement améliorée au fil du temps.

L’un des principaux problèmes communs à un grand nombre d’outils de TA est celui de la grande hétérogénéité de la qualité de traduction selon les langues. Elle s’explique par des différences de volume de ressources disponibles pour entraîner les systèmes d’IA et par le fait que les minorités linguistiques sont rarement représentées parmi les développeurs d’IA (Fan et al., 2022[30] ; Haddow et al., 2022[31] ; Lewis, 2020[32] ; Time, 2023[33]). Cette hétérogénéité de la qualité des traductions produites par des outils de TA pour les langues à forte et à faible ressource ne fera probablement que s’accroître. En effet, les modèles récents utilisés dans les outils de TA, comme les modèles de réseau neuronal, produisent des traductions de meilleure qualité, mais uniquement lorsqu’ils disposent d’une grande quantité de jeux de données pour s’entraîner. La compilation de jeux de données importants et divers pour les langues à faible ressource est coûteuse, difficile sur le plan logistique ou les deux (Kuwanto et al., 2021[34] ; Nekoto et al., 2020[35] ; Orife et al., 2020[36]). À l’heure actuelle, les langues à forte ressource, c’est-à-dire celles pour lesquelles il existe d’importantes quantités de données d’entraînement au format numérique et pour lesquelles les outils de TA fonctionnement le mieux, sont les mêmes langues qui dominent les échanges scientifiques et sociaux. Sauf si cette situation change, par exemple parce qu’un plus grand nombre de textes au format numérique deviennent disponibles, la progression des technologies d’IA pourrait exacerber plus encore la domination de certaines langues au lieu de réduire les disparités existantes.

L’évolution et l’utilisation de la TA ont d’importantes incidences technologiques, culturelles, environnementales et sociétales, dont les individus comme les collectivités doivent tenir compte en plus de ses avantages. Les systèmes d’IA, en particulier ceux qui s’appuient sur des quantités colossales de données, peuvent avoir un lourd impact environnemental (Costa-jussà et al., 2022[37]). Les systèmes de TA, pour leur part, continuent de souffrir de limites linguistiques. Ils donnent notamment des résultats de piètre qualité lorsqu’ils rencontrent des mots « intraduisibles » et lorsque le texte fait appel à la sensibilité culturelle. Les technologies de TA ont également des difficultés à évaluer ou à reconnaître le sens métaphorique des mots, à interpréter et traduire des messages cachés ou subtils, ou encore à discerner un sens contextuel non littéral, par exemple l’humour, l’ironie ou le sarcasme (Ducar et Schocket, 2018[38] ; Wallace et Kertz, 2014[39]). Les outils de TA sont limités dans leur capacité à adapter les traductions au contexte culturel ou à répondre aux attentes culturelles (Ducar et Schocket, 2018[38]).

Le développement de la TA repose sur des modèles de langue nécessitant d’importantes quantités de données créées par des humains. Les biais des données dus aux structures de pouvoir existantes font partie des grands sujets de préoccupation concernant l’IA et les modèles d’apprentissage automatique (Anaconda, 2020[40]). Ces biais des systèmes d’IA causent des résultats incorrects ainsi que des résultats et prédictions discriminatoires pour certaines populations (Smith et Ishita, 2020[41]). L’un des biais les plus répandus a trait au genre (Savoldi et al., 2021[42]). La TA donne des résultats moins exacts lorsque des mots ou des textes sont traduits d’une langue plutôt neutre vers une langue qui ne l’est pas. La traduction automatique peut alors produire un texte dans un seul genre ou au masculin par défaut dans des domaines à dominante masculine. Parce que les systèmes d’IA sont créés par des humains, il est possible qu’ils projettent la perspective et la connaissance de la société de ceux qui les développent (Smith et Ishita, 2020[41]). Le fait est que les femmes et les minorités linguistiques et ethniques sont largement sous-représentées parmi les développeurs d’IA (Smith et Ishita, 2020[41]).

Les dernières limites de la TA concernent les conséquences éthiques et juridiques de son utilisation. Il convient d’accorder une attention particulière aux questions de propriété et de confidentialité du contenu saisi dans les systèmes de TA, mais aussi à la responsabilité juridique des conséquences d’éventuelles erreurs dans les documents traduits, qui demeurent les principaux problèmes liés à l’utilisation de la traduction automatique lorsque les enjeux sont de taille.

Si les technologies de TA progressent au point de produire des traductions de qualité égale à celles de linguistes, les systèmes d’éducation devront s’interroger en profondeur sur la pertinence de leurs méthodes d’enseignement et d’apprentissage actuelles et le meilleur moyen d’accompagner les élèves. À mesure que les technologies progressent, décideurs et éducateurs doivent absolument suivre de près les capacités d’évolution des systèmes d’IA, identifier les compétences qui permettront aux individus de travailler et de vivre aux côtés de l’IA, et mettre en place des programmes qui permettent efficacement d’acquérir ces compétences.

Faire appel aux linguistes et à leurs compétences est une troisième façon de permettre la communication, d’obtenir et d’échanger des informations d’une langue à une autre. Outre les compétences dont auront besoin les individus intervenant directement dans l’échange d’informations, les technologies de traduction modifient aussi les compétences que les intermédiaires humains doivent posséder pour aider les autres à communiquer. Les linguistes ont un rôle crucial à jouer dans la société en tant que médiateurs de communication au-delà des frontières de la langue, car ils facilitent les échanges entre agents économiques dans différents pays et différentes communautés linguistiques. D’autre part, le travail des traducteurs suppose un grand nombre de tâches non répétitives que les précédentes vagues de développement technologique n’ont pas exposées à la menace d’automatisation, mais qui pourraient l’être par les nouvelles capacités linguistiques de l’IA.

Les linguistes sont peu nombreux dans le monde. Il ressort toutefois des données en provenance des États-Unis que, parallèlement à l’importance croissante des échanges d’informations au-delà des frontières de la langue, l’emploi d’interprètes et de traducteurs a presque triplé en 20 ans, passant de 20 000 en 2001 à environ 50 000 en 2021. Qui plus est, on prévoit que l’emploi d’interprètes et de traducteurs augmentera d’environ 20 % entre 2021 et 2031, une hausse de 15 points de pourcentage au-dessus du taux de croissance moyen de l’ensemble des professions (Bureau of Labor Statistics, Department of Labor, 2022[43]). Les données extraites des annonces d’offres d’emploi en ligne dans certains pays anglophones et européens indiquent, de même, que la demande de linguistes est restée relativement constante entre 2015 et 2019 (Borgonovi, Hervé et Seitz, 2023[3]). Cela étant dit, l’évolution des modes de travail en conséquence de l’adoption de l’IA pourrait modifier les compétences requises puisque les tâches à exécuter seront différentes. Par conséquent, les travailleurs devront améliorer ou recycler leurs compétences (Lane et Saint-Martin, 2021[44] ; Nedelkoska et Quintini, 2018[45]).

Le déploiement de la TA est avantageux du point de vue des employeurs ; un avis qui n’est pas forcément partagé par les linguistes [voir (Borgonovi, Hervé et Seitz, 2023[3]) sur le point de vue des linguistes concernant l’adoption de la TA dans leur travail]. Ceux-ci voient notamment leur profession mise sous tension pour trois raisons : 1) les particuliers et les institutions demandeurs de traductions ont tendance à surestimer la qualité des traductions automatiques et à sous-estimer le temps et les compétences nécessaires pour assurer la qualité des résultats au moyen de la post-édition ; 2) des compétences pointues sont nécessaires pour travailler aux côtés des machines – par exemple pour post-éditer des textes rapidement, les traducteurs doivent posséder une connaissance approfondie du sujet de chaque texte, mais aussi maîtriser pleinement tel ou tel outil de TA – et l’acquisition de compétences pointues en post-édition peut ne pas être possible sans une vaste expérience directe de la traduction originelle ; et 3) les compétences en langues peuvent s’estomper faute d’être mises à contribution au quotidien.

Les compétences de post-édition font partie des compétences en langues nécessaires lorsque les outils de TA sont intégrés dans le flux de travail des linguistes (Commission européenne, 2022[46] ; Koponen, Salmi et Nikulin, 2019[47] ; Pym, 2014[48] ; Rico et Torrejón, 2012[49]). La post-édition est la correction, par des traducteurs humains, de traductions produites par un outil de TA pour en améliorer la qualité (Garcia, 2011[50] ; O’Brien, 2002[51]). Étant donné qu’elle doit être effectuée par une personne qui maîtrise la langue cible, la post-édition est principalement confiée à des traducteurs professionnels (Vieira, Alonso et Bywood, 2019[52]). Le besoin croissant de post-édition de traductions automatiques a donné lieu à des tentatives d’harmonisation et de standardisation du procédé. En 2017, l’Organisation internationale de normalisation (ISO) a élaboré une norme de post-édition (ISO 18587:2017) qui « spécifie les exigences relatives au processus de post-édition humaine complète d’un texte résultant d’une traduction automatique et aux compétences des post-éditeurs » (Organisation internationale de normalisation, 2017[53]).

L’apprentissage de la post-édition de contenu traduit automatiquement trouve également sa place dans la formation des linguistes, dans le cadre du programme d’enseignement formel ou de formations non formelles (Guerberof Arenas et Moorkens, 2019[54]). La formation à la post-édition, par exemple, apprend à connaître les divers types de systèmes de TA ou à analyser les erreurs de TA (Guerberof Arenas et Moorkens, 2019[54]). Cela est important étant donné que l’exactitude de la TA, malgré les fortes avancées des dernières années, n’a pas pu atteindre un niveau humain de maîtrise de la langue en raison de ses limites en rapport avec la linguistique et les biais.

Des compétences instrumentales sont également nécessaires (Rico et Torrejón, 2012[49]). Il s’agit, par exemple, de familiariser les traducteurs avec l’éventail des technologies pouvant être utilisées dans leur travail (Alcina, Soler et Granell, 2007[55]). La compréhension des résultats de la TA et de leur intégration dans le flux de travail ainsi que la connaissance des systèmes de TA et de leurs capacités font partie des compétences instrumentales (Commission européenne, 2022[46] ; Rico et Torrejón, 2012[49]).

Enfin, les compétences de communication et autres compétences socioémotionnelles sont indispensables pour les linguistes. Le fait qu’ils ne communiquent pas est l’un des principaux défauts des outils de TA en existence. Bien que les systèmes adaptatifs soient capables de prendre en compte les « retours » sur la qualité de ce qu’ils produisent dans leurs nouvelles traductions, cette adaptation est réactive et enclenchée par les utilisateurs plutôt que par le système. Les systèmes de TA ne sont pas capables d’exprimer des doutes et de douter d’eux-mêmes, d’être incertains de leurs prédictions de traduction ou de demander de l’aide. Parce que les outils de TA en existence ne peuvent pas comprendre qu’ils ne comprennent pas, quand ils ne comprennent pas et ce qu’ils ne comprennent pas, il n’y a pas de processus de cocréation dans le but de satisfaire les besoins et les intentions des personnes qui ont besoin de leur service. De véritables traductions nécessitent des intermédiaires qui donnent un sens au langage et effectuent certains ajustements en réponse à des indices verbaux et non verbaux. Lorsque des intermédiaires humains interviennent, ce processus de médiation peut devenir un effort collaboratif entre l’intermédiaire et l’individu qui en fait la demande. En proposant et en éliminant des solutions, ainsi qu’en comprenant le contexte – qu’il soit technique et particulier à un sujet ou culturel – les intermédiaires humains peuvent améliorer la qualité et produire un contenu porteur de sens adapté aux situations individuelles. Les intermédiaires numériques, jusqu’à présent, ne communiquent pas en profondeur avec les clients. Aussi, les compétences transversales, dont l’aptitude à travailler avec d’autres personnes, la communication et la sensibilité culturelle et situationnelle, sont des aspects cruciaux des compétences requises des intermédiaires linguistiques humains.

Le Graphique 7.10 illustre le pourcentage d’annonces d’offre d’emploi en ligne recrutant des linguistes qui mentionnent l’un ou l’autre des groupes plus généraux de « connaissances », « compétences transversales » et « compétences numériques ». La notion de connaissances renvoie au savoir théorique et factuel assimilé par l’apprentissage (Commission européenne, direction générale de l'emploi, des affaires sociales et de l'inclusion, 2017[56]). Les mots-clés en rapport avec les connaissances sont les plus souvent présents dans les annonces d’offres d’emploi en ligne recrutant des linguistes. Entre 2014 et 2019, la proportion d’annonces d’offre d’emploi citant les connaissances est relativement stable : environ 95 % des annonces mentionnent les connaissances. Les compétences transversales, utiles pour un large éventail de professions et de secteurs économiques (Commission européenne, direction générale de l'emploi, des affaires sociales et de l'inclusion, 2017[56]) constitue le deuxième groupe de compétences les plus recherchées chez les linguistes. En 2015, 47 % des annonces mentionnent les compétences transversales, tandis que cette proportion grimpe jusqu’à environ 70 % en 2019, soit une hausse de plus de 20 points de pourcentage. Enfin, la part de compétences numériques reste relativement stable malgré de petites fluctuations entre 2015 et 2019. La proportion d’annonces mentionnant les compétences numériques varie entre 26 % en 2015 et 33 % en 2019.

Il ressort de ces analyses que la demande de compétences numériques et de connaissances reste stable pendant la période considérée, mais que la demande de compétences transversales augmente légèrement. Ce constat donne à penser que la hausse de la demande de compétences transversales ne survient pas aux dépens d’autres compétences, mais plutôt que l’éventail de compétences recherché chez chaque professionnel s’est élargi au fil du temps.

Le Graphique 7.11 brosse un tableau plus détaillé des catégories de compétences particulières, notamment des compétences numériques, étant donné que ce chapitre s’intéresse à l’incidence des technologies sur les compétences. Bien que le Graphique 7.10 ne fasse pas ressortir de tendance croissante de la demande de compétences numériques, des variations sont possibles au sein des sous-groupes de compétences. Le Graphique 7.11 donne une vue d’ensemble de sept groupes de compétences relevant des compétences numériques : programmation informatique ; traitement de données numériques ; création de contenu numérique ; outils de bureautique et logiciels de collaboration ; télécommunications ; création de sites web ; et rédaction. Les compétences numériques sont recherchées dans environ un cinquième des annonces d’offre d’emploi recrutant des linguistes. Par exemple, en moyenne, 21 % des annonces d’offre d’emploi en ligne recherchent des compétences rédactionnelles ; 15 % des compétences en rapport avec les outils de bureautique et les logiciels de collaboration ; et 12 % des compétences en télécommunications. Les autres compétences sont recherchées dans 10 % ou moins des annonces sachant toutefois que, en moyenne, environ une annonce sur dix recrutant des linguistes dans les pays anglophones demande au moins l’une des compétences numériques très particulières liées au développement et à l’utilisation d’applications d’IA (Borgonovi, Hervé et Seitz, 2023[3]).

Exemples de compétences rédactionnelles très recherchées : édition et post-édition ; linguistique informatique ; TA ; traduction assistée par ordinateur (TAO) ; et traduction consécutive. Exemples de compétences de traitement de données numériques très recherchées : apprentissage automatique ; données massives ; métadonnées ; ArcGIS ; et science des données. Exemples de compétences de programmation informatique très demandées : IA, C++, Linux, Java et JavaScript.

Le Graphique 7.12 montre les 20 groupes de compétences les plus fréquemment mentionnés (sur 60) dans les annonces d’offres d’emploi en ligne recrutant des linguistes entre 2015 et 2019. Parmi les 20 groupes de compétences les plus demandées, 45 % sont des compétences transversales, 40 % des connaissances et 15 % des compétences numériques. Parmi les 20 groupes de compétences les plus fréquemment mentionnés dans les annonces d’offre d’emploi recrutant des linguistes, les 5 premiers, présents dans plus d’une annonce sur cinq sont : compétences en langues (84 %), communications et médias (31 %) ; art de parler (23 %) ; médecine et dentisterie (22 %) ; et rédaction (21 %). La rédaction est groupée avec les compétences numériques en raison des aspects technologiques d’un grand nombre de compétences relevant de ce groupe. Par exemple, les mots-clés « linguistique informatique », « TA » et « TAO » relèvent tous de la catégorie des compétences rédactionnelles.

Les individus comme la société ne peuvent tirer pleinement parti des possibilités offertes par l’interconnexion mondiale qu’à condition que les différents agents économiques et sociaux puissent se comprendre et communiquer les uns avec les autres. La diversité linguistique est essentielle pour la viabilité des populations dans le monde entier, et la communication d’une langue à l’autre peut favoriser la compréhension mutuelle, la sensibilité au monde et le respect. Ce chapitre s’est intéressé au rôle de l’acquisition de compétences en langues et de l’intermédiation linguistique au sein de la société et du marché du travail, ainsi qu’à leurs incidences sur les systèmes d’enseignement et de formation.

Promouvoir l’acquisition de langues à l’école et par la formation des adultes est bénéfique pour les apprenants, pour le marché du travail et pour la société en général. La langue est un outil indispensable pour comprendre d’autres cultures et pour s’informer au-delà des frontières. Elle demeure également un obstacle « intangible » de taille à la circulation et à l’affectation des travailleurs. À cause des barrières linguistiques, certains secteurs économiques souffrent d’une offre excessive de main-d’œuvre qualifiée pour certaines tâches. Parallèlement, d’autres domaines sont confrontés à des pénuries de travailleurs parce que ceux-ci manquent des compétences en langues nécessaires à leur insertion professionnelle dans un autre contexte.

Dans les pays européens, d’importants efforts ont été mis en œuvre pour veiller à ce que les citoyens maîtrisent deux autres langues en plus de leur langue maternelle. La plupart des jeunes commencent à apprendre une langue dans l’enseignement préprimaire ou primaire - l’anglais dans de nombreux cas. Une deuxième langue vivante est enseignée à la majorité des élèves de l’enseignement secondaire, bien que l’on constate une importante variation entre les filières générales et professionnelles. Les élèves de l’enseignement professionnel ont nettement moins de chances que les autres d’apprendre une langue à l’école. Les résultats indiquent que l’anglais est la langue vivante la plus demandée (et enseignée) en Europe et la plus recherchée pour l’emploi. Bien que la demande de compétences en anglais soit plus particulièrement prononcée pour les directeurs, cadres de direction et gérants ainsi que pour les professions intellectuelles et scientifiques, les employeurs demandent aussi l’anglais pour bon nombre d’autres professions.

Ce chapitre s’est également interrogé sur le rôle des avancées technologiques dans le devenir de la communication interlangue. L’avènement des outils de TA transforme à la fois les perspectives d’emploi des linguistes et les possibilités de communication d’une langue à une autre pour les entreprises et les particuliers. L’arrivée des technologies de TA fait craindre une dévalorisation et une diminution des compétences des linguistes qui pourraient aboutir à une baisse de rémunération et des conditions d’emploi moins favorables. De nombreux professionnels des langues travaillent en tant qu'indépendants, et les premières données sur les résultats en matière d'emploi des indépendants sur une grande plateforme en ligne suite à l'introduction du grand modèle linguistique ChatGPT indiquent que les indépendants ont connu des réductions à la fois en termes d'emploi et de revenus (Hui, Reshef et Zhou, 2023[58]). L’accord collectif conclu en Finlande en avril 2023 établissant les tarifs minimum pour les traducteurs indépendants de l’audiovisuel est un exemple des actions menées pour ralentir la dévalorisation du travail des linguistes (slator, 2023[59]). Aujourd’hui, les systèmes de médiation linguistique sont à portée de main : n’importe qui peut obtenir une traduction immédiate et gratuite d’un texte sur l’écran de son smartphone. Un éventail de choix plus vaste peut générer d’importants avantages sociétaux en ce qu’elle permet d’élargir l’accès aux informations produites dans plusieurs langues. Pour autant, si les utilisateurs potentiels des systèmes de médiation linguistique ne sont pas informés des possibilités et des limites des autres prestataires dans ce domaine, il est possible que les intermédiaires numériques soient à l’origine à la fois de préjudices et de nouvelles possibilités. Plus concrètement, alors que les pays s’efforcent de limiter la diffusion et les effets délétères de la mésinformation, de la désinformation et des informations malveillantes, l’utilisation de technologies de traduction automatique pourrait avoir pour effet involontaire d’aggraver ces problèmes (Caramancion, 2022[60] ; Muda et al., 2021[61]). Dans la mesure où des traductions non vérifiées, dont l’exactitude et la qualité sont variables, sont mises à la disposition d’un plus grand nombre de personnes et sont consultées par des personnes qui n’ont pas une vision critique de la nature du processus de traduction, les outils de traduction automatique pourraient exacerber les problèmes existants liés aux contenus en ligne.

Références

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