6. Vers la consolidation d’un système d’intégrité publique au Maroc

L'intégrité est au cœur d’une gouvernance publique efficace. Maintenir des normes d'éthique et veiller à ce que les responsables publics agissent avec intégrité crée des institutions réactives et renforce la confiance du public. Pour y parvenir, un système d'intégrité efficace doit être mis en place dans le secteur public (OCDE, 2017[1]).

Au cours des dernières décennies, le gouvernement du Maroc a témoigné d’un solide engagement à promouvoir l’intégrité et lutter contre la corruption dans le secteur public, en définissant un cadre intégré pour y parvenir. La lutte contre la corruption a été déclarée comme priorité nationale par plusieurs gouvernements à partir des années 1990. Cette volonté s’est concrétisée par l’élaboration de plans d’action nationaux de prévention et de lutte contre la corruption en 2005 et en 2010, ainsi que par la ratification de la Convention des Nations-Unies contre la corruption en 2007 (OCDE, 2018[2]).

Depuis 2011, plusieurs réformes constitutionnelles ont permis la mise en œuvre de dispositions importantes en matière d'intégrité, de lutte contre la corruption et de principes de bonne gouvernance. La nouvelle Constitution adoptée en juillet 2011 contient, sous le titre XII intitulé «De la bonne gouvernance», 18 articles traitant des questions de transparence, de bonne gouvernance, d’intégrité et de lutte contre la corruption. Ces articles abordent à la fois les volets préventifs et répressifs, par la création d’une Instance Nationale de Probité et de Lutte Contre la Corruption (INPPLC) et l’énonciation des infractions de corruption. Le gouvernement du Maroc a également adopté une approche globale pour favoriser l'intégrité et dépasser l’approche pénale de la notion de corruption, à travers l’adoption d’une Stratégie nationale de lutte contre la corruption (SNLCC) comprenant des dispositions visant à accroître la transparence dans le secteur public et à améliorer l'intégrité des entreprises (Royaume du Maroc, 2015[3]).

Pour être couronnée de succès, une Stratégie nationale de lutte contre la corruption doit faire l’objet d’un engagement fort des plus hautes sphères de l’État, qui sont le moteur de sa réussite et qui donnent l’exemple aux administrations chargées d’exécuter la stratégie. À cet égard, de nombreuses déclarations et prises de positions récentes ont témoigné d’un engagement des plus hauts niveaux politiques et administratifs de l’État marocain en faveur de l’intégrité publique. En particulier :

  • Le discours du roi Mohammed VI à l’occasion de la fête du trône le 29 juillet 2019 a insisté sur l’obligation de se conformer aux règles d’éthique et de bonne conduite, tout en érigeant la moralisation de la vie publique comme fondement d’un développement inclusif (Royaume du Maroc, 2019[4]).

  • Le Rapport sur « Le nouveau modèle de développement » fournit des recommandations sur la lutte contre la corruption et la promotion de l’intégrité dans la vie publique et privée (Royaume du Maroc, 2021[5]). Dans son discours au Parlement à l'occasion de l'ouverture de la 1ère session de la 1ère année législative de la 11ème législature, le Roi a priorisé l’opérationnalisation des recommandations de ce rapport (Royaume du Maroc, 2021[6]).  

  • Le Programme gouvernemental 2021-26 inclut un axe dédié à une « gouvernance au service du citoyen et une administration efficace ». La lutte contre la corruption en est une composante essentielle (Royaume du Maroc, 2021[7]).

Cet engagement des hauts responsables politiques et administratifs en faveur du renforcement de l’intégrité publique est en ligne avec l’approche établie par la Recommandation de l’OCDE sur l’Intégrité Publique [OECD/LEGAL/0435] (ci-après « La Recommandation ») (OCDE, 2017[1]), qui adopte une vision globale, au-delà de l’acte de corruption en lui-même et des démarches traditionnelles, axées sur la création de règles supplémentaires, sur des mesures de conformité plus strictes et sur des sanctions plus sévères. La Recommandation offre aux responsables publics des orientations en vue d’une stratégie d’intégrité publique. Plutôt que des politiques d’intégrité en silos, elle propose une démarche adaptée au contexte et axée sur les risques visant à développer une culture de l’intégrité dans l’ensemble du secteur public et de la société (Graphique 6.1).

Ces différentes réformes ont pu avoir un impact positif sur la perception qu’ont les citoyens marocains des efforts de leur gouvernement pour lutter contre la corruption. Selon le dernier Baromètre arabe (Arab Barometer), en 2022, la moitié des Marocains (50 %) pensaient que leur gouvernement s'efforce de lutter contre la corruption dans une large ou moyenne mesure, un chiffre en augmentation de 14 points de pourcentage par rapport au baromètre de 2018 (Arab Barometer, 2019[8]; 2023[9]). Par ailleurs, une large majorité de citoyens marocains s’est déclarée satisfaite de la performance de leur gouvernement dans la réponse à la pandémie de COVID-19 (Arab Barometer, 2022[10]).

Toutefois, malgré ces engagements et les progrès réalisés depuis la publication du Diagnostic d’Intégrité de l’OCDE en 2018 (OCDE, 2018[2]), la corruption reste une problématique préoccupante au Maroc et coûte à l’économie plus de 5% de son PIB chaque année, selon une récente déclaration du ministre marocain des finances (Benadad, 2019[11]). La grande majorité des Marocains (72 %) affirme que la corruption est toujours présente dans les institutions de l'État, bien que ce pourcentage ait diminué ces dernières années (-13 points de pourcentage depuis 2013) (Arab Barometer, 2023[9]). La corruption, qui entrave l'accès du public aux services, affecte également les ressources de l'État marocain, avec seules huit entreprises sur 1 000 payant régulièrement leurs impôts. Enfin, la corruption reste le principal obstacle aux affaires. Le secteur informel représente 30 % du PIB. Même si cette part a diminué par rapport aux 40 % de 1998, celle-ci reste néanmoins élevée par rapport aux pays de l'OCDE (moyenne de 17.2 %) et aux pays de la région MENA (moyenne de 25 %) (Freedom House, 2022[12]).

Ces problèmes de longue date peuvent entraîner des conséquences sur les niveaux de confiance dans les institutions politiques, qui reste volatile au Maroc : en 2022, 37% des Marocains avaient confiance dans leur gouvernement, contre 48% en 2021 et 29% en 2018 (Arab Barometer, 2023[9]). En particulier, 17% des 18-29 ans ont confiance dans le gouvernement, et 81 % considèrent que la corruption est toujours présente dans l’appareil d’État dans une large mesure (OCDE, 2021[13]).

Ce manque de confiance dans les institutions officielles pourrait pousser également les citoyens, et les jeunes en particulier, à contourner les mécanismes traditionnels de représentation et de participation à la vie économique et démocratique du Maroc. Par exemple, la participation aux élections législatives de 2021 était de 50,35%. Par ailleurs, seul un tiers des 18-24 ans est inscrit sur les listes électorales, contre 69% de la population générale (Le Collectif Associatif pour l'Observation des Élections, 2022[14]), tandis que 94% des jeunes entre 15 et 24 ans travaillent dans le secteur informel (OCDE, 2021[13]).

Afin de préserver la confiance dans le gouvernement et renforcer la résilience économique, le Maroc doit donc poursuivre la mise en œuvre effective des politiques visant à renforcer l’intégrité publique. À cette fin, ce chapitre met à jour les informations des thématiques déjà couvertes par le Diagnostic d’Intégrité du Maroc (OCDE, 2018[2]) et finalise l’évaluation du système d'intégrité du secteur public du Maroc.

Le chapitre formule des recommandations concrètes en matière de politiques publiques afin de soutenir les efforts du gouvernement marocain dans les six domaines suivants :

  • La coordination institutionnelle pour renforcer l’efficacité du système d’intégrité publique

  • L’éthique dans le secteur public

  • La transparence et l’intégrité des pratiques de lobbying

  • Le signalement de faits de corruption et la protection des lanceurs d’alerte

  • Les politiques d’intégrité vis-à-vis du secteur privé et de la société civile

  • La gestion des risques, l’audit interne et externe pour protéger l’intégrité publique.

La promotion d'une culture d'intégrité publique exige des efforts cohérents de la part d'un éventail d'acteurs institutionnels. À cette fin, des responsabilités claires doivent être attribuées aux acteurs du système d’intégrité pour assurer la coopération, éviter les chevauchements et prévenir la fragmentation des actions, tout en assurant un niveau de synergie et de coopération optimal. Les responsabilités comprennent l’élaboration, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des normes et outils d’intégrité, et sont assumées par des acteurs représentant l’ensemble des organes de l’État (législatif, exécutif et judiciaire) et couvrant tous les niveaux de gouvernement (national et infranational). Des responsabilités relatives à l’intégrité publique sont également attribuées au sein de chaque organisation du secteur public. Ces responsabilités doivent bien entendu s'accompagner du mandat, des ressources et des capacités nécessaires pour les assumer efficacement.

La Recommandation de l’OCDE sur l’intégrité publique encourage les adhérents à « expliciter les responsabilités institutionnelles à l’échelle du secteur public pour renforcer l’efficacité du système d’intégrité publique (Principe 2 de la Recommandation). La Recommandation stipule également que les adhérents devraient « élaborer une approche stratégique concernant le secteur public fondée sur des données factuelles et destinée à atténuer les risques en matière d’intégrité publique » (Principe 3 de la Recommandation). En effet, ce n'est que dans le cadre d'une approche stratégique commune et cohérente que les mesures prises peuvent se renforcer mutuellement, déployer leur potentiel et contribuer à un changement positif (OCDE, 2017[1]).

Au Maroc, la Stratégie nationale de lutte contre la corruption (SNLCC) fournit une base solide pour définir les responsabilités institutionnelles en matière d’intégrité publique et contribue à la dynamique actuelle de réforme politique en matière de lutte contre la corruption. Elle reflète un effort de l'ensemble du gouvernement pour lutter contre la corruption et mobilise également les parties prenantes du secteur privé et de la société civile. Malgré ces points forts, la cohérence de la SNLCC et la coordination du système d’intégrité pourraient être optimisés.

Une approche stratégique pour l’intégrité́ publique est essentielle pour soutenir un système d’intégrité́ cohérent et complet. Une stratégie n’est toutefois pas une fin en soi, mais plutôt un moyen d’atteindre un objectif. Elle doit être fondée sur des données factuelles, adopter une perspective systémique, et être concentrée sur les principaux risques liés à̀ l’intégrité́. Le Maroc a adopté la Stratégie nationale de lutte contre la corruption (SNLCC) le 28 décembre 2015. Ses objectifs sont d’une part d’inverser la tendance de manière irréversible et visible et renforcer la confiance des citoyens, et d’autre part d’améliorer l'intégrité des affaires et le positionnement du Maroc à l'international (Royaume du Maroc, 2015[3]).

Conscient de l’importance d’une approche stratégique globale et intégrée, le gouvernement s’est investi dans la SNLCC en impliquant l’ensemble des parties prenantes concernées, notamment avec la société civile ainsi que les représentants des entreprises. (Encadré 6.1). L’élaboration de la stratégie s’est déroulée selon une approche consultative et participative à travers la mise en place d’un « comité de pilotage » composé de représentants de divers ministères et institutions de bonne gouvernance ainsi que des représentants du secteur privé (CGEM – Confédération Générale des Entreprises du Maroc) et de la société civile (Transparency Maroc, le Réseau marocain de la défense des biens publics). Le comité de pilotage est présidé par le Chef du gouvernement. À ses côtés ont été créés un comité de suivi coordonné par le ministère de la Transition Numérique et de la Réforme de l’Administration (MTNRA) et un comité de projet placé sous la responsabilité du Directeur de la Modernisation du même département ministériel. La stratégie est donc fermement soutenue par les dirigeants politiques et évolue dans un environnement à priori favorable.

Cette approche participative visait en particulier à pallier les lacunes des deux précédents programmes gouvernementaux, le Programme de lutte contre la corruption (2005-2009) et le Plan d’action de lutte contre la corruption (2010-2012), à savoir un manque de coordination entre les différents organismes gouvernementaux, des ressources financières et humaines insuffisantes pour la mise en œuvre efficace des programmes existants, ainsi qu’une absence de mécanismes d’outils de suivi, de pilotage et d’évaluation.

Dans son contenu, la SNLCC s’échelonne sur une durée de dix ans et repose sur cinq piliers ainsi que dix axes de travail, intitulés programmes (Graphique 6.2). Chaque programme est coordonné par un ministère ou par un organisme public ou privé concerné, et comprend diverses actions identifiant des objectifs prioritaires, des acteurs majeurs, des indicateurs ainsi que des moyens de mise en œuvre. Un point focal et des chefs de projets ont été désignés, de façon permanente, par l’organisme coordonnateur du programme afin de suivre la mise en œuvre des projets.

Trois phases de déploiement ont été identifiées pour la mise en œuvre de la stratégie : une phase de lancement (2016-2018), une phase d’expansion (2019-2021), ainsi qu’une phase de maturité (2021-2025). L’ensemble du portefeuille de projets comprenait initialement 239 projets avec un budget estimé à 1,796 milliard de dirhams. Un plan de gouvernance permettant de suivre la réalisation et l’évaluation des programmes selon des indicateurs de performance a été adopté pour déterminer le niveau de réalisation des différents projets. Une évaluation générale de la stratégie doit également être réalisée à la fin de la troisième phase de mise en œuvre.

Malgré ces points forts, l’Instance nationale de probité, de prévention et de lutte contre la corruption (INPPLC), chargée notamment de superviser sa mise en œuvre, y relève de nombreuses lacunes. Dans un rapport spécifique publié en 2019, l’INPPLC identifiait notamment les failles suivantes dans la stratégie :

  • Des actions trop orientées vers la production de textes ou encore vers des actions internes à l’administration.

  • Un manque d’articulation entre différents acteurs de la stratégie.

  • Une fragmentation des actions qui continuent d’être menées en silo.

  • Un nombre trop important de projets, sans synergie d’ensemble et non articulés avec les orientations générales et structurantes de la stratégie.

  • Un manque de supervision effective des Ministres sur les comités de coordination des programmes.

  • Un manque d’évaluation de la stratégie, en particulier de mesures d’impact et de contribution à l’atteinte des objectifs opérationnels et stratégiques. 

  • L’absence de la lutte contre la corruption dans la vie politique et dans les élections dans le contenu de la stratégie (INPPLC, 2019[15]).

Dans son rapport annuel 2020, elle appelait à sa refonte afin de consolider son architecture, de restructurer et d’améliorer ses contenus, en vue de renforcer son rôle en tant que cadre global et harmonisé de prévention et de lutte contre la corruption au niveau national. Les entretiens réalisés par l’OCDE dans le cadre de ce rapport ont permis de confirmer que cette restructuration avait été opérée en deux temps : dans un premier temps pour passer de 239 à 187 projets de la deuxième réunion de la CNAC, et dans un deuxième temps pour passer à 89 projets. Selon la CGEM, la restructuration de la stratégie par l’INPPLC, en priorisant les différentes actions menées, vise à redynamiser et améliorer sa mise en œuvre afin d’obtenir plus d’impacts sur les citoyens et sur les acteurs économiques et institutionnels. Elle a permis de prioriser les actions et les objectifs.

Plusieurs rapports de l’INPPLC ont toutefois souligné l’importance de développer des mécanismes rénovés d’analyse et de diagnostic, appuyés par des enquêtes de terrain qui devraient permettre d’enrichir les données fournies par les sources et indicateurs actuellement adoptés (INPLCC, 2021[16]). Les indicateurs de suivi choisis, fondés sur les indices emblématiques, comme l’Indice de Perception de la Corruption (IPC) de Transparency International, ne sont pas adéquat car ils ne permettent pas de mesurer la performance et l’impact effectif de la stratégie. En effet, il n'existe pas de lien direct entre les mesures politiques et la corruption perçue. Dans le meilleur des cas, un pays peut mettre en œuvre efficacement des mesures de lutte contre la corruption et réduire effectivement la corruption, mais souffrir d'un niveau élevé persistant de corruption perçue pour d'autres raisons, telles qu'une attention accrue des médias en raison de l'amélioration de la détection et des poursuites, ou en raison d'un certain nombre de cas très visibles. Malgré ses mérites pour le plaidoyer au niveau mondial, l'IPC ne convient pas comme outil de diagnostic ou pour évaluer les politiques de lutte contre la corruption et d'intégrité dans un pays particulier. Sans indicateurs plus adaptés, les personnes chargées de la mise en œuvre de la SNLCC ne disposent donc pas d’une feuille de route appropriée pour savoir quels résultats concrets doivent être obtenus ni comment les obtenir.

Pour pallier ces lacunes, il apparait nécessaire de poursuivre la restructuration de la SNLCC. Pour cela, les recommandations de l’INPPLC, qui joue un rôle central dans le suivi de la mise en œuvre de la stratégie, doivent être suivies et appliquées de façon diligente afin de renforcer l’effectivité du nouveau cadre national de lutte contre la corruption. En particulier, le Maroc pourrait renforcer le système central de suivi et d’évaluation (S&E) de la stratégie. Le système de suivi et d'évaluation doit traduire chaque objectif stratégique énoncé dans la stratégie en actions et activités claires, y compris en termes de délais, responsabilités et ressources. Celles-ci doivent à leur tour être traduites en indicateurs de résultats mesurables qui permettront de suivre les progrès accomplis vers les principaux objectifs de la stratégie, avec une base de référence, des jalons et des cibles, liés aux objectifs et aux activités. Le Maroc pourrait donc se concentrer sur l'identification d'un ensemble d'indicateurs qui mesurent la mise en œuvre d'actions concrètes et la réalisation des objectifs et des résultats souhaités, au-delà des indicateurs internationaux de perception de la corruption. Le Tableau 6.1 présente des exemples de différentes sources de données qui peuvent être utilisées comme indicateurs.

Par ailleurs, depuis l'adoption de la Recommandation de l’OCDE, un groupe de travail informel composé de délégués du groupe de travail de l'OCDE sur les hauts fonctionnaires chargés de l'intégrité publique (SPIO) a élaboré un cadre avec un ensemble d'indicateurs (indicateurs d'intégrité publique, IIP) afin de mesurer le niveau de mise en œuvre du standard. Ces IIP combinent des sous-indicateurs établissant des garanties légales, procédurales et institutionnelles minimales pour l'indépendance, le mandat et la capacité opérationnelle des acteurs clés du système d'intégrité avec des sous-indicateurs plus orientés vers les résultats, basés sur des données administratives et des enquêtes. Parallèlement à cet examen de l'intégrité, le Maroc a également demandé à adhérer à la Recommandation. Une fois qu'il y aura adhéré, il participera à la collecte de données pour l'IIP, ce qui permettra au pays de comparer sa performance sur les questions d'intégrité clés avec les autres adhérents. Le Maroc pourrait déjà envisager d'inclure certains des sous-indicateurs de l'IIP dans son propre cadre de suivi et d'évaluation (OCDE, n.d.[21])

Au Maroc, comme dans la plupart des pays de l’OCDE, le panorama institutionnel du système d'intégrité est complexe. Le principal défi concernant ces divers acteurs est leur capacité à collaborer ensemble et à coordonner leurs actions. Les acteurs suivants peuvent être considérés comme formant le noyau d'un système national d'intégrité publique marocain :

  • La Commission Nationale Anti-Corruption (CNAC), organe de pilotage stratégique de haut niveau de la SNLCC. Instituée par l’article 2 du décret 2.17.582 du 6 novembre 2017 et présidée par le Chef du Gouvernement, elle est chargée de la supervision et du suivi de la mise en œuvre de la SNLCC.

  • L’Instance Nationale de la Probité, de la Prévention et de la Lutte contre la Corruption (INPPLC), autorité administrative constitutionnelle, créée en vertu de l’article 36 de la Constitution et instituée en 2015. L’INPPLC assure des missions de coordination et de suivi des politiques de lutte contre la corruption.

  • Le ministère de la Transition Numérique et de la Réforme de l’Administration (MTNRA), dont l’implication a eu lieu principalement lors de la phase de cadrage lors de la préparation de la SNLCC.

  • D’autres institutions clés incluent la Cour des Comptes du Maroc, le Médiateur du Royaume, l’Inspection Générale des Finances (IGF), l’Inspection Générale de l'Administration Territoriale (IGAT) et la Présidence du Ministère Public (PMP).

La CNAC et l’INPLCC sont donc les points de contacts centraux dans le domaine de la prévention de la corruption pour toutes les autorités et tous les niveaux de l’administration publique. Leur rôle requiert un certain degré d’influence et d’autorité ainsi que des relations claires avec les autres organes individuels. L’Encadré 6.2 donne un aperçu des principales responsabilités de la CNAC, mécanisme central de coordination du système d’intégrité marocain.

Un tel mécanisme central de coordination formel impliquant tous les acteurs clés de l'intégrité, qui produit des rapports réguliers sur les progrès de la mise en œuvre de la SNLCC, est une bonne pratique à souligner. Bien que les textes ne l’exigent pas, la CNAC travaille de façon coordonnée avec l’INPPLC. Les représentants de l’INPPLC précisent ainsi que l’ensemble des réunions et travaux préparatoires des réunions de la CNAC sont réalisés en échange avec le secrétariat permanent de la CNAC. L’INPLCC poursuit également ses efforts pour améliorer la coopération entre les acteurs de la SNLCC. L’Instance travaille notamment en coordination étroite avec les départements ministériels et les organismes chargés de l’exécution des 10 programmes de la SNLCC. Une quinzaine de réunions ont été tenues pour avoir un état d’avancement des différentes parties prenantes.

Toutefois, le dernier rapport de l’INPPLC souligne que si les mois qui ont suivi la publication de ses recommandations sur la restructuration de la SNLCC ont connu une mobilisation de l’ensemble des départements concernés, à travers l’organisation de réunions de coordination des dix programmes de la stratégie, cette dynamique a été rompue et les résultats ont été timorés quant à l’opérationnalisation des contenus de ce rapport, notamment en termes de supervision et de mise en œuvre coordonnée des projets et actions. Ceci a participé à conforter l’approche en silo, sans véritable coordination entre les différents services, et ainsi à limiter les évolutions escomptées de la mise en œuvre des plans d’actions prioritaires 2019 et 2020 tels que retenus conjointement par l’Instance et les départements et autorités concernés.

Par ailleurs, le secrétariat de la CNAC, qui est présidé par une entité gouvernementale, se trouve souvent confronté à un manque de coopération de certains secteurs. En outre, en raison de la crise sanitaire du Covid-19, certaines réunions de la CNAC n’ont pas pu avoir lieu ce qui risque d’impacter la cohérence des actions. L’organisation de la société civile (OSC) Transparency Maroc a notamment regretté dans son rapport 2020 qu’aucune réunion de la Commission Nationale Anti-corruption n’ait été́ convoquée au cours de l’année 2020 et que celle-ci ne se soit réunie qu’une seule fois par an en 2018 et 2019, alors que les textes prescrivent un minimum de deux réunions par an.

L’INPPLC envisage la création d’un mécanisme de coordination avec le Gouvernement et les départements ministériels plus ciblé pour accompagner la mise en œuvre de ses recommandations. Il est prévu de mettre en place des mécanismes de coordination en partenariat avec la Présidence du Gouvernement pour ce qui est des stratégies sur les thématiques transverses, et de les compléter par des partenariats avec les départements concernés pour ce qui est des thématiques plus spécifiques. D’autres partenariats avec le pouvoir législatif sont prévus, en particulier la création d’un mécanisme de coordination entre l’Instance et les deux commissions de la Justice et de la Législation au Parlement.

Le Maroc doit donc poursuivre ces efforts d’amélioration de la coordination entre les différentes actions menées par les divers acteurs de la SNLCC. Pour cela, l’INPPLC et la CNAC pourraient chapeauter cette coordination en formalisant un cadre de coopération clair et en proposant les outils pratiques de cette collaboration. Cette dynamique de coopération pourra associer des mécanismes formels, assurant la cohérence des décisions ainsi que la communication et le partage d’informations, à des mécanismes informels (e.g. groupes de travail ad hoc ou plateformes en ligne pour la gestion des connaissances) permettant un échange et un soutien horizontaux souples. A minima, des calendriers fixes et réguliers des réunions de la CNAC et des réunions des coordonnateurs des programmes de la SNLCC pourraient être repris. La CNAC doit veiller à se réunir au moins deux fois par an en faisant appel aux OSC membres pour vérifier l’avancée des projets lancés dans le cadre de la stratégie mais aussi pour tenir les OSC informées des perspectives de la SNLCC et vérifier leurs accomplissements sur le terrain.

L’INPPLC et la CNAC pourraient ensuite mettre en œuvre des stratégies de communication interne pour s’assurer que tous les acteurs de la SNLCC soient informés des politiques d’intégrité en place et de leur mise en œuvre. Par exemple, des portails internes et des bases de données administratives en ligne peuvent être utilisés pour partager des informations entre organes, ce qui renforce le potentiel de coopération efficace. Enfin, d’autres mécanismes tels que les ateliers, les forums et les stratégies de communication communes peuvent également soutenir la collaboration informelle entre les organisations.

Pour permettre le bon fonctionnement d'un mécanisme de coordination comme la CNAC, il est important de disposer d'une unité de soutien plus technique. En 2007, un premier organe autonome a été créé au Maroc, l’Instance Centrale de Prévention de la Corruption (ICPC). Son mandat initial était le suivant : recueillir des renseignements sur les questions liées à la corruption et produire des examens thématiques à verser dans une base de données gérée par l'ICPC; renforcer les capacités et l'expertise au sein des institutions publiques du Maroc en échangeant des expériences avec les partenaires internationaux ; produire des campagnes de sensibilisation pour le public; coordonner, superviser et évaluer les politiques nationales de lutte contre la corruption ; et recevoir les plaintes ou les signalements d'actes répréhensibles.

En 2011, la nouvelle Constitution du Royaume a prévu à son article 36 la création d’une « Instance nationale de la probité et de lutte contre la corruption » destinée à remplacer l’ICPC. Après quelques années de négociations sur le cadre juridique de la nouvelle autorité administrative constitutionnelle, le dahir 1-15-65 du 21 chaâbane 1436 (9 juin 2015) portant promulgation de la loi 113-12, a entériné la création l’INPPLC. L’Instance n’a cependant débuté formellement ses activités que fin 2018, à la nomination de son président par le Roi. Enfin, la loi 46.19, publiée au Bulletin Officiel le 13 mai 2021, est venue insuffler une nouvelle dynamique à l’institution et a permis de consolider sa vision stratégique autour de six axes principaux (Instance Nationale de la Probité de la Prévention et de la Lutte contre la Corruption, 2022[22]):

  • Proposition et suivi des orientations stratégiques de la politique de l’État en matière de prévention et de lutte contre la corruption

  • Approfondissement de la connaissance objective du phénomène de corruption et élaboration d’outils et d’indicateurs de mesure

  • Veille juridique et suivi de la mise en conformité de la législation nationale avec les normes et conventions ratifiées par le Royaume

  • Éducation, formation, sensibilisation, mobilisation et interaction ciblée par composante de la société

  • Détection, enquêtes et investigations, mise des dossiers sur la voie de l’application de la loi

  • Coopération et partenariats.

Le nouveau cadre juridique régissant l’INPPLC élargit ses pouvoirs et son influence sur la politique nationale en matière de prévention et de lutte contre la corruption. En plus de ces anciennes prérogatives, il consolide les missions de l’instance en matière de coordination et de suivi des politiques de lutte contre la corruption, de moralisation de la vie publique et de représentativité auprès des organisations internationales. De plus, il autorise l’instance à intervenir par auto-saisine en cas d’alerte ou de suspicion de cas de corruption. Surtout, les nouvelles dispositions accordent des pouvoirs d’investigation pré-judicaires à l’instance, lui permettant de diligenter des enquêtes sur la base de plaintes, tout en assurant la force probante de rapports établis par ses investigateurs. Enfin, conformément à l’article 167 de la Constitution et à l’article 4 de la loi 46-19, l’INPPLC joue un rôle prépondérant dans l’initiation, la coordination, la supervision et le suivi de la mise en œuvre des politiques de lutte contre la corruption, y compris la mise en lumière des avancées, des acquis, des contenus et des modes de gouvernance.

L’Instance est membre à part entière de la Commission nationale anti-corruption (CNAC). Cependant, l’entrée en vigueur du nouveau cadre légal ne s’est faite que progressivement, car la nomination du Secrétaire général et des 12 membres n’est effective que depuis octobre 2022. Sur les 12 membres permanents de l’Instance, 4 sont nommés par Dahir (décret royal), 4 par le Chef du gouvernement, 2 par décision du président de la Chambre des représentants et 2 autres par celui de la Chambre des conseillers. Cependant, l’Instance a pu au préalable mettre en place une équipe d’investigateurs détachés auprès des institutions nationales telles que la Cour des Comptes, la Direction générale de la Sûreté nationale et les Douanes. Un plan de recrutement est également en cours pour renforcer les ressources de l’instance dans ses différents métiers.

Par ailleurs le statut du personnel maintient une séparation stricte entre la fonction préventive des activités liées à la détection des cas individuels d'actes répréhensibles. Afin que l’INPPLC puisse continuer dans de bonnes conditions ses nouvelles missions et s’investir dans une stratégie à long terme, il est recommandé de continuer de s’assurer de la séparation claire et effective en interne de ces deux fonctions. En effet, l'expérience des pays de l’OCDE montre que les unités qui ont les deux fonctions consacrent la plupart de leurs efforts et de leurs ressources aux enquêtes, sans consacrer suffisamment de temps à la prévention et à la promotion d'une culture de l'intégrité.

Enfin, le Maroc devra s’assurer que ce nouvel acteur institutionnel ainsi que l’ensemble des organes participants avec lui à la lutte contre la corruption disposent des ressources financières, techniques et humaines suffisantes à la hauteur de leur mandat, ainsi que les capacités appropriées pour assumer leurs responsabilités. La réduction des ressources d’une partie du système en dessous d’un niveau suffisant pour assurer l’efficacité des opérations non seulement entraverait la capacité de cette fonction particulière à remplir son mandat, mais aurait probablement des retombées sur l’ensemble du système, affectant la réalisation globale des objectifs escomptés (OCDE, 2020[23]).

Un système de suivi et d'évaluation est un élément crucial à la fois pour garantir une mise en œuvre efficace et comme instrument de responsabilité et de communication vis-à-vis des citoyens et des fonctionnaires sur le niveau de mise en œuvre de la stratégie. Les entretiens de l’OCDE conduits pour l’élaboration de ce rapport ont permis de confirmer que l’information quant aux avancées concernant la mise en œuvre effective des différents programmes restait insuffisante. Le dernier rapport concerne la période 2016-2018, validé par la CNAC et rendu public. Les acteurs de la société́ civile notent que, depuis l'adoption de la SNLCC, ils n’ont pas toujours été informés de manière adéquate de l'état de sa mise en œuvre. En 2019, Transparency Maroc a adressé deux lettres au chef du gouvernement (également président de la CNAC) rappelant les engagements du gouvernement quant à̀ ce projet et attirant leur attention sur le faible bilan de sa mise en œuvre. L’association estime dans ces correspondances que ce bilan traduit le manque de volonté́ politique des pouvoirs publics dans leur lutte contre la corruption.

La publication d’information et de rapports réguliers sur les progrès de la mise en œuvre de la SNLCC pourrait aider à gérer et à communiquer les progrès vers les objectifs d'intégrité. Au minimum, les rapports de suivi devraient :

  • Être publiés à intervalles plus réguliers, dans le respect des délais et mis à la disposition du public.

  • Informer des progrès réalisés par rapport aux indicateurs et aux objectifs prédéfinis dans le plan d’action.

  • Présenter le taux de mise en œuvre des activités du plan d’action.

  • Dresser des conclusions et fournir des recommandations à la direction.

  • Être discutés avec les organismes compétents, y compris non étatiques.

Une communication publique plus volontariste sur les programmes de la stratégie pourrait lui accorder une meilleure visibilité et conduire à une plus grande adhésion aux objectifs fixés. Pour cela, l’INPPLC et la CNAC pourraient tirer parti de la mise en place prochaine d’un « Portail National d’Intégrité ». Ce Portail, prévu dans l’engagement 9 du plan d’action OGP 2021-23 du Maroc, a pour objet de consolider et d’unifier la communication autour des analyses, des productions et des actions menées par le Maroc ainsi que des résultats obtenus en matière de transparence et de lutte contre la corruption d’une part, et de permettre un accès rapide et centralisé aux informations en la matière par les citoyens, les entreprises, les organismes internationaux, la société civile ou toutes autres parties concernées d’autre part.

Cette plateforme peut donc également venir renforcer les efforts d'information du public sur l'approche stratégique du gouvernement en matière de lutte contre la corruption et d'intégrité, montrer l’état d’avancement des différents programmes de la SNLCC, et rendre disponibles les différents plans d’actions et rapports de suivi de la SNLCC.

L'ancrage du système de gestion de l'intégrité dans un organisme public garantit la continuité des politiques d'intégrité. L'ancrage organisationnel comporte également un élément symbolique. Il envoie le signal que l'intégrité est jugée importante au sein d’un organisme. Au Maroc, la SNLCC exige que chaque coordinateur de programme désigne un point focal, désigné de façon permanente. Toutefois, ces points focaux sont limités aux organismes désignés comme coordinateurs de programmes et aux activités de mise en œuvre et de suivi de la stratégie.

Le Maroc pourrait ainsi mettre en place une unité dédiée à l'intégrité ou des correspondants en éthique au sein de chaque organisme central et ministère, comme cela est envisagé dans le cadre de l’adoption du prochain Code de conduite des fonctionnaires. Cette fonction pourrait être chargée de fournir des conseils éthiques sur les questions d'intégrité, y compris la gestion et la prévention des conflits d'intérêts, ainsi que la formation et la sensibilisation à l'intégrité. En fonction de la taille de l'organisme, un ou plusieurs membres du personnel à plein temps pourraient assurer cette fonction. Un budget dédié et des ressources humaines appropriées doivent être affectés pour assurer la mise en œuvre. L'Encadré 6.3 donne un aperçu de fonctions d'intégrité similaires au Brésil.

L'essentiel est que ces organismes ne soient pas chargés d'enquêter ou d'appliquer des sanctions, car cela peut sérieusement restreindre leur accès aux agents publics ayant des problèmes d'intégrité. En outre, les unités chargées de l'intégrité peuvent superviser et contrôler la mise en œuvre des politiques et pratiques d'intégrité (campagnes de sensibilisation, plans de formation à l'intégrité, disponibilité de ressources écrites et de conseils, données relatives aux questions et demandes d'intégrité, etc.

Le MTNRA, avec le soutien de l’INPPLC, pourrait former les conseillers en éthique et leur fournir des directives concrètes sur leur rôle en matière d’intégrité.

Pour obtenir un impact dans la construction d'une culture de l'intégrité, il est essentiel d'atteindre le niveau territorial. Par conséquent, le Maroc pourrait envisager d'établir des responsabilités en matière d’intégrité au niveau local. Cela pourrait s’inscrire dans le cadre du renforcement de la décentralisation via la politique de régionalisation avancée, de mise en œuvre de la loi relative aux régions et de l’activation du principe de reddition des comptes et de bonne gouvernance à l’échelle locale. Au minimum, des processus spécifiques de gestion des risques, des conflits d’intérêts et des fonctions d’audit interne de base devraient être mis en place. Étant donné que des fonctions supplémentaires peuvent exiger des ressources considérables pour fonctionner dans chaque gouvernement local, il peut être judicieux d’attribuer certaines fonctions d’intégrité au niveau régional ou national. Par exemple, un mécanisme de lancement d’alerte déjà existant au niveau régional pourrait également couvrir les gouvernements locaux.

Le recours à des réseaux formels et informels, tant au niveau horizontal que vertical, peut également aider à déterminer la répartition des responsabilités et améliorer la coordination. Selon les représentants de la CNAC, une couverture régionale progressive est prévue à partir de 2023. La CNAC est donc encouragée à poursuivre cet objectif par l’établissement des sous-commissions au niveau territorial. La raison d'être de ces mécanismes de coordination consiste à promouvoir la mise en œuvre des politiques d'intégrité au niveau territorial, et d’atteindre les gouvernements locaux. Ces sous-commissions feraient le lien avec la commission au niveau national et pourraient, à l'avenir, être chargées de piloter les plans d'intégrité territoriaux.

L’Encadré 6.4 fournit des informations sur des dispositifs similaires au Pérou et en Colombie, qui pourraient inspirer une solution répondant au contexte marocain. Par exemple, de tels mécanismes pourraient être mis en œuvre au niveau des régions du Maroc.

Dans tous les cas, la considération essentielle est de veiller à ce que, quel que soit le niveau de gouvernement, les responsabilités pour les fonctions d’intégrité soient explicitement attribuées.

Garantir un service public fondé sur l'intégrité nécessite des approches qui vont au-delà des lois et des règlements. Les fonctionnaires doivent être guidés vers l'intégrité en définissant des valeurs communes et des normes de conduite concrètes et en les mettant en œuvre. Les normes et valeurs éthiques vont au-delà des simples mots sur le papier grâce à la socialisation et à la communication qui aident les fonctionnaires à les personnaliser et à les adopter. Une compréhension commune est développée quant au type de comportement que les fonctionnaires sont censés observer dans leurs tâches quotidiennes, notamment lorsqu'ils sont confrontés à des dilemmes éthiques ou à des situations de conflit d'intérêts que tous les agents publics rencontreront à un moment ou à un autre de leur carrière (OCDE, 2020[23]).

Promouvoir une culture d'intégrité dans le secteur public nécessite de fixer des normes de conduite pour les agents publics (Principe 4 de la Recommandation) et de donner aux agents publics des informations, une formation et des orientations suffisantes ainsi que des conseils en temps opportun pour l’application sur le lieu de travail des normes d’intégrité publique (Principe 8 de la Recommandation). Investir dans l’autorité morale en matière d’intégrité (Principe 6 de la Recommandation), promouvoir un secteur public professionnel fondé sur le mérite (Principe 7 de la Recommandation) et favoriser au sein du secteur public une culture institutionnelle de la transparence qui tienne compte des préoccupations en matière d’intégrité (Principe 9 de la Recommandation) sont également des éléments essentiels pour promouvoir une culture d’intégrité publique (OCDE, 2017[1]). Pour soutenir le Maroc dans la promotion d’une culture de l'intégrité publique, cette section examine le cadre juridique et les politiques et outils associés.

L'établissement de normes de conduite qui peuvent être apprises, assimilées et appliquées est un élément essentiel de la prévention de la corruption dans le secteur public car il assure que les fonctionnaires agissent avec intégrité́ dans l’exercice de leurs fonctions et soutient la création d’une compréhension commune au sein d’un gouvernement. L’inscription des normes d'intégrité́ clairement définies dans le cadre juridique, qui donnent la priorité à l’intérêt public, et la communication des valeurs de service public auprès des agents sont autant de moyens efficaces pour les gouvernements d'ancrer une culture de l’intégrité (OCDE, 2017[1]).

Une grande majorité́ des pays de l'OCDE ont établi par écrit des textes officiels sur les normes de comportement. Ceux-ci peuvent décrire dans les grandes lignes les principes fondamentaux qui définissent le rôle professionnel des responsables publics, comme par exemple, agir avec honnêteté et intégrité, ou exécuter ses fonctions en toute transparence. Des textes ou codes plus spécifiques peuvent aborder certaines questions susceptibles de causer des problèmes d’éthique, par exemple les situations de conflit d'intérêts, l’emploi à l'extérieur de la fonction publique ou l'utilisation des ressources publiques. Quelle que soit la forme, l'objectif principal est de donner aux fonctionnaires des instruments cohérents et flexibles qui énoncent les principes communs de la fonction publique et guident leur comportement (OCDE, 2020[23]).

Au Maroc, un certain nombre de textes normatifs définissent les valeurs fondamentales du secteur public, les devoirs et obligations des agents de l’État et les normes de conduite qui protègent l’intérêt public. Au premier chef se trouve la Constitution qui consacre son Titre XII, intitulé « De la bonne gouvernance », aux principes et valeurs qui régissent le service public. En particulier, l’article 155 fait figurer la transparence et la probité parmi les principes qui s’imposent aux agents dans l’exercice de leurs fonctions. De plus, l’article 157 consacre la création d’une « Charte des services publics » qui a été promulguée par la loi 54-19. Celle-ci fixe un cadre général pour la gouvernance des administrations et entités publiques, bâti autour des principes constitutionnels de la bonne gouvernance et des règles opératoires qui en découlent telles que le respect de la loi, l’égalité, l’intégrité, la qualité, la transparence et la redevabilité. Parmi les objectifs de la Charte l’ancrage des valeurs d’éthique au sein des administrations. La charte a ainsi réservé une place prépondérante au renforcement de l’intégrité des services publics et à la lutte contre les pratiques répréhensibles qui nuisent à l’image de l’administration et aux missions qui lui sont assignées.

Par ailleurs, depuis 1958, un Statut général de la fonction publique fixe les droits et devoirs des fonctionnaires. Son chapitre 5 décrit les sanctions disciplinaires et administratives auxquelles s’exposent les fonctionnaires s’ils commettent des actes illicites dans l'exercice de leurs fonctions. Toutefois, le Statut ne fait aucune référence spécifique à des normes éthiques ou à des valeurs de service public, il ne stipule pas non plus ce qui est considéré́ comme une violation de l'éthique. Ceci est une lacune importante du cadre sur l'intégrité́ car les fonctionnaires doivent pouvoir bien comprendre les valeurs éthiques qui sont censées les guider dans leur rôle, et un soutien doit leur être fourni s’ils se retrouvent dans une situation difficile et discutable sur le plan éthique. Le manque de clarté́ autour des normes d'intégrité́ dans les opérations quotidiennes et l'incertitude sur les mesures à prendre en cas de violation de l'intégrité́ entravent le développement d'une culture organisationnelle ouverte.

Pour combler ces lacunes, un Code de conduite des fonctionnaires devrait bientôt voir le jour. Ce dernier était en cours d’élaboration par le MTNRA au moment du premier diagnostic d’intégrité du Maroc réalisé par l’OCDE en 2018 (OCDE[27]). Selon les responsables du ministère, une première version du code a été rédigée et est actuellement en phase d’adoption par le gouvernement. Il inclurait les principes, valeurs et comportements que doivent adopter les fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions professionnelles. L’adoption de ce code fournira ainsi un ensemble cohérent de règles pour les fonctionnaires. Le Maroc devrait donc prioriser dans le court-terme l’adoption du projet de code de conduite pour les agents publics et veiller à ce qu’il contienne des dispositions détaillées sur les valeurs de service public qui sous-tendent les fonctions des employés de l’État et leurs activités quotidiennes. Le Code pourrait faire référence aux valeurs fondamentales énoncées dans la Constitution et dans la Charte des services publics, et fournir des lignes directrices claires pour l’application de ces valeurs (les lignes directrices peuvent figurer dans le code ou dans un document d'accompagnement distinct). Le code devrait également fournir des conseils et des orientations sur les mesures à prendre face à une situation discutable sur le plan éthique, comme lorsqu’une personne soupçonne un conflit d'intérêts potentiel.

Pour cela, des modèles internationaux, comme le Code de conduite international pour les agents publics (AGNU, 1997[28]) ou le Modèle de code de conduite du Conseil de l’Europe (Conseil de l'Europe, 2000[29]), fournissent des orientations sur les questions les plus couramment abordées par les codes de conduite. Le Maroc pourrait également s’inspirer des codes mis en place au sein des pays de l’OCDE, comme l’Australie et le Canada (Encadré 6.5).

En outre, une meilleure implication des parties prenantes dans le processus de rédaction et de validation du code parait nécessaire. Cela contribuerait à une compréhension commune des normes de conduite attendues, améliorerait la clarté et renforcerait l’adoption du code. Des responsables du MTNRA ont néanmoins estimé que la démarche de consultation des pouvoirs publics sur la rédaction de ce code était défaillante, en raison d’un manque d’identification des parties prenantes concernées, et des procédures de consultation insuffisamment définies. Le Maroc pourrait donc s’inspirer du processus de consultation mis en place dans l’État du Nuevo León au Mexique par exemple, où le code d'éthique a été adopté grâce à la participation de diverses parties prenantes, ce qui a facilité sa diffusion auprès des agents publics (Encadré 6.6).

Enfin, afin d’être effectifs, les différents instruments légaux d’intégrité doivent avoir une valeur contraignante et imposer des sanctions administratives ou disciplinaires en cas d’irrespect des règles édictées. Les dispositifs marocains prévoient effectivement des sanctions, à l’image de l’article 73 du Statut général de la fonction publique qui dispose qu’en cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu’il s’agisse d’un manquement à ses obligations professionnelles ou d’une infraction de droit commun, celui-ci peut être immédiatement suspendu par l’autorité hiérarchique et faire l’objet d’une procédure disciplinaire. De tels mécanismes devront assortir l’ensemble des codes promulgués. Le type de sanction peut varier en fonction de la gravité de la violation du code (avertissements ou réprimandes, sanctions financières, impact sur la carrière, interdiction d’exercer une fonction publique, révocation). Par exemple, la loi australienne sur la fonction publique de 1999 prévoit une série de sanctions administratives en cas de violation du code de conduite par les agents publics, allant du blâme à la révocation (OCDE, 2020[23]). Dans tous les cas, il est important que les sanctions soient proportionnées et suffisamment dissuasives.

Outre un code de conduite général, les normes d’intégrité peuvent être adaptées à des secteurs et à des rôles sensibles au sein de l’administration publique grâce à des codes « personnalisés ». Notamment, des codes de conduite adaptés peuvent être élaborés pour les postes à risque. Au Canada par exemple, un code séparé et régulièrement mis à jour s’applique aux responsables de la passation de marchés, même s’il est aligné sur le Code de valeurs et d’éthique du secteur public et sur la politique nationale en matière de conflits d’intérêts (OCDE, 2020[23]). Les élus et les responsables judiciaires peuvent aussi disposer de codes spécifiques adaptés à leurs fonctions, devoirs et missions. Les codes peuvent également guider le comportement des conseillers politiques, compte tenu de leur rôle dans l’élaboration des politiques.

Sur la base du code général en cours d’élaboration au Maroc, d’autres codes de conduite spécifiques sont en cours d’élaboration pour certains secteurs ou institutions. Il en existe déjà dans un nombre restreint de secteurs tels que la police, la gendarmerie royale ou les agences urbaines. Par exemple, en mars 2021, un code de déontologie judiciaire a été publié au Bulletin officiel du Royaume du Maroc. Celui-ci s’inscrit dans le cadre de la mise en conformité des textes nationaux aux standards internationaux relatifs à la conduite professionnelle des magistrats. Ce nouveau code prévoit dans ses dispositions la consolidation et la concrétisation des principes fondamentaux inhérents à la magistrature, tels que l’indépendance, l’impartialité, l’intégrité, les convenances, l’égalité des justiciables devant la justice, la compétence et la diligence, ou encore le courage dans la prise de décisions.

Le Maroc est donc encouragé à poursuivre le développement de ces codes de conduite spécifiques, et veiller à ce qu’ils prennent en compte les spécificités des fonctions et adaptent les règles générales du code de conduite des agents publics à la réalité de leur métier. Cela permettra de créer une culture de l’intégrité solide au sein des divers organes de la fonction publique et d’éviter que ne perdurent des vides ou des zones d’ombre sur la conduite à adopter dans certaines situations spécifiques à un domaine d’activité, non appréhendé par le code général. Si ces codes sont développés en tant qu’instruments juridiques, la coordination entre les différents services et ministères du secteur public veillera à ce qu’ils soient cohérents.

Il est normal que les intérêts privés des responsables publics entrent parfois en concurrence avec l'intérêt public. En ce sens, un conflit d'intérêts n'est pas automatiquement synonyme de corruption. Toutefois, si les conflits d'intérêts ne sont pas détectés et gérés de manière appropriée, ils peuvent sérieusement mettre en danger l'intégrité des agents publics, des décisions des organismes et des gouvernements, et conduire en fin de compte à imposer l’influence d'intérêts privés sur les politiques publiques (OCDE, 2005[31]). À ce titre, la gestion des conflits d’intérêts dans le secteur public est essentielle. Pour commencer, la définition d’un « conflit d’intérêts » doit permettre de comprendre le problème et savoir comment l’identifier, le gérer et le résoudre. Une approche descriptive (définissant un conflit d’intérêts en termes généraux) ou prescriptive (définissant une série de situations considérées comme étant en conflit avec les devoirs publics) peut être adoptée. La recommandation du Conseil de l’OCDE sur les lignes directrices pour la gestion des conflits d’intérêts dans le service public [OECD/LEGAL/0316] a adopté une définition pour soutenir l’identification et la gestion efficaces de ces situations: un « conflit d’intérêts » est un conflit entre la mission publique et les intérêts privés d’un agent public, dans lequel l’agent public possède à titre privé des intérêts qui pourraient influencer indûment la façon dont il s’acquitte de ses obligations et de ses responsabilités (OCDE, 2005[31]).

Au Maroc, des dispositions légales et constitutionnelles sont en place pour la gestion des conflits d'intérêts. L'article 36 de la Constitution dispose que « les infractions relatives aux conflits d'intérêts, aux délits d'initiés et toutes infractions d'ordre financier, sont sanctionnées par la loi ». En outre, l’article 33 de la loi organique n° 065-13 relative à l’organisation et à la conduite des travaux du gouvernement et au statut de ses membres dispose que les membres du gouvernement doivent, pendant la durée d’exercice de leurs fonctions, suspendre toute activité professionnelle ou commerciale dans le secteur privé, notamment leur participation dans les organes de direction, de gestion et d’administration des entreprises privées à but lucratif. Enfin, les articles 15 et 16 du Statut général de la fonction publique stipulent que les fonctionnaires ont l’interdiction d’occuper un poste rémunéré́ dans le secteur privé ou de détenir des intérêts économiques qui peuvent compromettre l'exercice de leurs fonctions en qualité́ de fonctionnaire. Une multitude de dispositions légales complémentaires précisent les différents cas d’incompatibilités touchant différents corps de fonctionnaires. Ces dispositions sont consultables dans le Guide juridique pour la probité, la prévention et la lutte contre la corruption (Ministère de la Transition Numérique et de la Réforme de l'Administration, 2020[32]).

Toutefois, les dispositions du cadre légal en ce qui concerne les conflits d'intérêts se rapportent uniquement aux gains économiques et à l'enrichissement illicite. Or, l’exercice impartial de leurs fonctions par les agents publics peut être compromis par des intérêts financiers et économiques, des liens ou des relations personnels ou d'autres intérêts et engagements personnels. Au Maroc, il n'y a pas de description claire précisant quelles activités ou intérêts personnels peuvent présenter un conflit d'intérêts, ou être contraires aux bonnes pratiques éthiques dans le secteur public. Par ailleurs, la fragmentation actuelle du cadre pour la définition d’un conflit d’intérêts peut également rendre difficile le respect de ces règles par les agents publics. Le Maroc pourrait donc veiller à ce que les dispositions légales concernant les conflits d'intérêts incluent des définitions claires et précises, en particulier sur ce qui constitue des intérêts personnels et non financiers. Une clarification des situations potentielles de conflit d'intérêts et des dispositions plus détaillées favoriseraient la détection précoce des situations problématiques et l'atténuation des activités contraires à l'éthique. Des projets et propositions de loi ont été annoncées en 2020 en ce sens par le législateur marocain sur l’actualisation des normes relatives aux conflits d’intérêts et leur alignement sur les standards internationaux, mais aucune concrétisation n’a eu lieu à ce jour.

Le Code de conduite en cours d’élaboration pourrait inclure une définition explicite et réaliste des circonstances et des relations qui peuvent conduire à une situation de conflit d’intérêts, ce qui permettrait de fournir un cadre unique traitant de l'éthique publique et de la gestion des conflits d'intérêts, synthétisant les lois existantes en une seule réglementation cohérente. Dans ce contexte, le Maroc pourrait s'inspirer des définitions utilisées par des pays comme le Canada et la France (Encadré 6.7).

Outre la définition du conflit d’intérêts, une mise en œuvre efficace repose sur l’établissement de procédures et de lignes directrices afin que les agents publics sachent comment identifier et résoudre un conflit d’intérêts. À ce jour, le Maroc n'a pas encore de système de déclaration, détection et de gestion des conflits d'intérêts pour les fonctionnaires, hormis pour le traitement des cas d’incompatibilité et de cumul. Les fonctionnaires qui se trouvent dans une situation de conflit d'intérêts ne savent donc pas comment procéder pour gérer de telles situations. Le Maroc pourrait donc introduire des procédures claires pour l'identification, la divulgation, la gestion et la promotion de la résolution appropriée des situations de conflit d'intérêts au sein des ministères et des administrations. Il peut s’agir par exemple de l'obligation de déclarer un conflit d'intérêts, d'indiquer clairement à qui et dans quel délai un conflit d'intérêts doit être déclaré et de préciser dans quel délai une résolution du conflit doit être prononcée. Certains gouvernements confient la responsabilité à un organe centralisé, tandis que d’autres ont un organe centralisé avec des points de contact au sein de chaque ministère ou organisme (Encadré 6.8).

Enfin, le Maroc pourrait également mettre à disposition des agents des mécanismes formels et informels d’orientation et de consultation pour les aider à prévenir et signaler des situations confrontant leurs intérêts privés avec leurs fonctions publiques. À ce jour, aucune procédure n’est mise en place pour appréhender dans la pratique les situations de conflit d’intérêt ou pour orienter et conseiller les agents publics en cas de doute sur une situation mêlant leurs intérêts privés avec l’intérêt public. Le point de contact pour l'intégrité, dont la création est recommandée dans les entités publiques, doit pouvoir être consulté en cas de doute ou servir d'intermédiaire, si l'employé ne se sent pas à l'aise pour aborder la question avec son supérieur.

Obliger les agents publics à divulguer leur patrimoine et leurs intérêts privés est un moyen efficace d’empêcher l'enrichissement illicite et de maintenir des normes d'intégrité́ élevées. Un système optimal de déclaration de patrimoine et d’intérêts permet d’accroitre la transparence et la confiance des citoyens envers l'administration publique, d’aider les responsables des institutions publiques à éviter les conflits d'intérêts chez leurs employés et enfin de surveiller la variation des richesses des employés du gouvernement pour les dissuader de commettre des actes répréhensibles et les protéger contre de fausses accusations (OCDE, 2020[23]). Un système efficace de déclaration de patrimoine doit comporter plusieurs éléments clés :

  • Une base juridique solide qui définit la finalité de la déclaration ;

  • Des indications sur les informations que les agents publics doivent déclarer ;

  • Une périodicité de la soumission des déclarations (lors de la prise de fonction d’un agent public, puis à intervalles réguliers pendant son mandat, ainsi qu’à la fin de son mandat) ;

  • Un système de vérification efficace des déclarations, via un organisme de surveillance disposant de ressources suffisantes pour vérifier la bonne soumission des déclarations et contrôler leur contenu ;

  • Des sanctions proportionnées et dissuasives ;

  • La publication de certaines déclarations, accessibles en ligne et mises à la disposition du public, augmentant ainsi la surveillance de la société civile sur les agents publics et renforçant la responsabilisation.

Depuis l'adoption de la Constitution de 2011, le suivi du patrimoine des fonctionnaires est devenu une exigence constitutionnelle au Maroc. L'article 158 dispose que tout élu ou fonctionnaire nommé doit déposer une déclaration écrite des biens et des avoirs qu'il possède. Le cadre légal précise que les déclarations sont à remettre lors de l’entrée en fonction, tous les trois ans au cours du mandat et à l’issue du mandat. La déclaration doit indiquer les changements dans les revenus, les actifs ou les activités entreprises par le fonctionnaire, le cas échéant. Elle ne mentionne toutefois par les intérêts privés. Les organes de contrôle chargés de recevoir les déclarations des employés du gouvernement sont les greffiers de la Cour des comptes pour les déclarations des membres du gouvernement et des fonctionnaires ayant des compétences nationales, ainsi que les greffiers des Cours régionales des comptes pour les déclarations des élus et agents publics locaux.

Plusieurs textes sont venus détailler le système de déclaration de patrimoine en précisant les différentes catégories de responsables publics assujettis, les sanctions encourues en cas de défaut de déclaration ainsi que les prérogatives des organismes chargés de les contrôler. La Cour des comptes a toutefois souligné la possibilité de regrouper l’ensemble de ses dispositions légales afin d’encadrer le processus par une seule loi. Par ailleurs, les dispositions légales couvrent largement les agents publics, ce qui élève le nombre d’assujettis fin septembre 2022 à 100 000 selon la Cour des comptes marocaine. Fin 2022, le nombre de déclarations de patrimoine déposées au niveau de toutes les juridictions financières (Cour des comptes et cours régionales des comptes) s’élève à plus de 450 000 déclarations de patrimoine, toutes catégories confondues. Actuellement, le taux de déclaration est de l’ordre de 93 %, ce qui révèle une forte adhésion au dispositif et un assujettissement positif des personnes concernées.

Pour gérer le flux considérable de déclarations, le Maroc a digitalisé une partie de la procédure. Début 2019, une plateforme électronique gérée par la Cour des comptes a été mise en place, à destination des représentants des autorités gouvernementales et organismes publics. Ces derniers sont chargés d’y déposer les listes des assujettis à la déclaration de patrimoine relevant de leur administration et de les actualiser en cas de nouvelles nominations ou cessations de fonctions ou mandats. Les listes téléchargées permettent de contrôler la conformité à l’obligation, dans les délais légaux, par tous les assujettis visés. Le passage au suivi électronique des dépôts s’est accompagné d’un contrôle plus opérationnel et ciblé sur des critères objectifs mais la Cour des comptes exige une plus grande coordination avec les autorités gouvernementales pour améliorer le suivi.

Concernant le contrôle des déclarations de patrimoine, la loi donne une large latitude aux conseillers rapporteurs pour effectuer des contrôles à tous les niveaux si une déclaration n’est pas plausible. La loi n°62.99 portant Code des Juridictions financières, telle que modifiée et complétée, qui décrit notamment les prérogatives des juridictions financières, investit les magistrats rapporteurs de la Cour des pouvoirs d’investigation sur toute inexactitude ou omission constatée dans une déclaration, et à demander des preuves (ex. des justificatifs pertinents) s’ils le jugent nécessaire. Le juge rapporteur peut également demander des informations pertinentes auprès des banques ou établissements de crédit sur les comptes de dépôt ou de titres de l'individu. À cette occasion, toutes les données qui figurent dans la déclaration peuvent être contrôlées et recoupées, selon différents niveaux de contrôle : un niveau de conformité pure, un niveau de cohérence interne des données, une évaluation dans le temps de l’évolution du patrimoine ou enfin un audit approfondi global par des recoupements auprès des institutions publiques et privées. L’ensemble de ces démarches d’enquête effectuées auprès des administrations publiques et privées ne peuvent être effectuées que sur ordonnance du Premier Président de la Cour.

Selon la Cour des comptes, passer à une déclaration entièrement électronique et permettre l’interopérabilité avec d’autres bases de données est souhaitable, afin d’atteindre un contrôle plus efficace. Face à̀ l’important volume de déclarations, la Cour des comptes se voit consacrer l’essentiel de son effort aux opérations de réception et de suivi des déclarations. En effet, bien que la loi l’exige, l’institution supérieure de contrôle ne vérifie pas l’exhaustivité des déclarations ni leur exactitude en raison du nombre élevé d’assujettis par rapport aux ressources limitées. La Cour ne traite en profondeur que les cas particuliers qui font l'objet d'une enquête ou d’une saisine. En conséquence, le contrôle effectué est un suivi de l’obligation de dépôt. La Cour des comptes avait inscrit dans son programme annuel 2022 le contrôle d’un échantillon représentatif de déclarations, sélectionnées sur la base de l’approche par les risques, dans l’objectif de dégager les discordances au niveau de l’évolution du patrimoine des assujettis concernés. Cette évolution du contrôle basé sur les risques est une bonne pratique à souligner.

Les observations résultant de ce contrôle ont été publiées dans le rapport annuel de la Cour au titre de l’année 2022. Ce rapport, publié en mars 2023, fait état du contrôle d’un échantillon de déclarations du patrimoine dans un double objectif : analyser les pratiques de remplissage des formulaires papier de déclaration et effectuer le suivi et la comparaison des données inscrites afin d’apprécier leur cohérence au niveau de la forme et sur le fond. Le choix de l’échantillon de déclarants à contrôler s’est inscrit dans le cadre de l’approche basée sur les risques, en termes de secteurs à forts enjeux financiers et des fonctions en relation significative avec la gestion des deniers publics. Les résultats montrent des incohérences entre les déclarations successives du même assujetti, et des interprétations divergentes des rubriques composant le patrimoine. Sur la base de ces résultats, et compte tenu de l’importance primordiale du formulaire de la déclaration pour refléter une image fidèle du patrimoine afin de permettre un contrôle efficace, la Cour des Comptes a préconisé la nécessité de réviser le modèle en vigueur, dans la perspective d’élaborer un modèle clair et univoque. La Cour des Comptes a également souligné la nécessité d’amorcer la transition vers la déclaration électronique afin de faciliter le traitement et le contrôle des déclarations, ainsi que le recoupement avec les bases de données des administrations et organismes publics à travers l’échange électronique de données.

Dans cet objectif, le cadre juridique de la déclaration de patrimoine pourrait donc être davantage mis en cohérence et rationnalisé, en unifiant les différents textes législatifs régissant le dispositif et en précisant les objectifs qu’il poursuit, afin de donner plus de visibilité à la Cour des comptes, investie de ces prérogatives. Afin de permettre aux organismes de surveillance de traiter efficacement l’important volume de déclarations qui sont demandées, le Maroc devrait poursuivre la numérisation complète du système de déclaration de patrimoine. Cette numérisation doit s’accompagner d’une meilleure coordination des procédures de déclarations entre les différentes parties prenantes. Cela faciliterait et accélèrerait la réception et la vérification des déclarations par la Cour des comptes. À cet égard, le Maroc devrait allouer plus de moyens humains à la structure de la Cour des comptes responsable du contrôle des déclarations de patrimoine. Ceci permettrait d’exercer un véritable contrôle du contenu des déclarations, tel que prescrit par la loi et non une vérification superficielle du dépôt des déclarations. Enfin, les déclarations pourraient être traitées en utilisant différentes méthodes d'échantillonnage, les sanctions prévues en cas de manquement à la déclaration de patrimoine pourraient être proportionnées à la gravité de l’infraction, et certaines déclarations pourraient être rendues publiques afin de permettre leur contrôle par la société civile.

L’INPPLC avait présenté, dans le cadre d’un rapport thématique spécifique accompagnant la sortie du rapport annuel au titre de l’année 2020, des recommandations similaires portant sur la révision globale du dispositif de la déclaration obligatoire du patrimoine (INPLCC, 2021[16]). Le Maroc pourrait à cet égard s’inspirer du cadre français établi en 2013, sur la base d’une approche progressive de la déclaration et de la publication de leurs patrimoine et intérêts (Encadré 6.9).

Afin d'institutionnaliser les normes d'intégrité et de les intégrer comme il se doit dans la culture organisationnelle, une orientation et une formation bien conçues permettent aux agents publics d'acquérir les connaissances et les compétences nécessaires pour gérer les questions d'intégrité de manière appropriée. Au Maroc, la formation sur l’éthique varie en fonction des différents ministères et les fonctionnaires du MTNRA précisent qu'il incombe à̀ chaque ministère de fournir une formation à ses employés. Par conséquent, il n'existe pas de programme de formation cohérent sur l'éthique et l'intégrité́, ni aucun suivi des activités de formation qui sont organisées au sein de différents organismes.

Le manque de sensibilisation des fonctionnaires, identifié lors des rencontres organisées pour l’élaboration du présent rapport, ainsi que l'absence d'une approche cohérente pour assurer les formations sur l'intégrité démontrent la nécessité de développer une démarche proactive des formations à l'intégrité qui aident à renforcer la sensibilisation et les capacités en relation avec les principes et les normes de conduite. L’INPPLC, en collaboration avec le MTNRA, pourrait donc envisager d'élaborer des programmes de formation sur l'intégrité́ pour les fonctionnaires du secteur public, abordant les risques de corruption de façon générale et les questions éthiques spécifiques à chaque secteur. Cela pourrait se faire en conjonction avec le code de conduite en cours d’adoption à l’attention des fonctionnaires ou comme démarche à part entière.

Au minimum, les nouveaux agents publics peuvent se voir remettre un exemplaire du code ou un accès facile à ce dernier, et recevoir une formation initiale sur le code. Les formations initiales sont la première occasion de familiariser les fonctionnaires avec la conduite et le comportement spécifiques que l’on attend d’eux dans leurs activités quotidiennes. Au Maroc, l’INPPLC pourrait déléguer aux unités d’intégrité recommandées précédemment dans le chapitre la responsabilité de dispenser la formation initiale.

En deuxième lieu, le programme de formation pourrait également inclure une formation régulière aux agents publics sur les conflits d’intérêts et les mesures à adopter dans de telles situations. L'un des principaux objectifs de la formation pourrait être de renforcer la capacité des participants à reconnaître les situations de conflit d'intérêts potentiel. À ce titre, la méthode de formation proposée pourrait être celle des études de cas sur les dilemmes éthiques. Les publics cibles pourraient être les cadres (qui reçoivent les déclarations de conflits d'intérêts), les fonctionnaires (qui sont tenus de déclarer leurs conflits d'intérêts) et les nouvelles recrues.

En outre, pour un renforcement durable des capacités, les formations sur l’intégrité devraient être répétées au fil du temps, et adaptée aux besoins de groupes cibles spécifiques tels que les postes à risque ou la direction. Aux États-Unis par exemple, en plus de la formation initiale obligatoire, certaines catégories d’employés (par exemple, les personnes nommées par le président, le bureau exécutif du président, certains agents contractuels, etc.) sont tenues par le Code de la réglementation fédérale de suivre une formation complémentaire annuelle en matière d’éthique.

Dans tous les cas, pour les formations initiales et continues, un certain nombre de méthodes permettent de soutenir la formation à l’intégrité (voir le Tableau 6.2 pour les principaux types de tendances en matière de formation). Dans le cadre du programme de formation recommandé, l’INPPLC et le ministère de la Transition Numérique et de la Réforme de l’Administration pourraient préparer des supports de formation communs, notamment des manuels de formation, des études de cas, des présentations, des vidéos, des termes de référence pour les prestataires de formation et des modules de formation en ligne.

En plus des formations, il faut également veiller à une large diffusion des règles en vigueur pour les porter à la connaissance de l’ensemble des personnes concernées. Selon le MTNRA, la priorité pour les années à venir est la déclinaison de ces dispositions juridiques sous forme de guides et d’éléments de communications. En 2020, un guide juridique pour la probité, la prévention et la lutte contre la corruption a été publié. Il se présente comme un recueil des différentes dispositions juridiques relatives à la lutte contre la corruption au sens large. Le Maroc est donc encouragé à poursuivre cette démarche et diffuser à toutes les personnes concernées les règles de conduite qui s’appliquent à leurs fonctions afin d’informer les employés de l’État sur leurs devoirs et obligations. Ceci permettra d’installer une culture de l’intégrité partagée par tous. A minima, une page ou une section dédiée peut être attribuée sur l’intranet d’une organisation sous la forme d’un référentiel d’informations relatives aux normes de conduite.

Les politiques publiques sont le principal « produit » que les citoyens reçoivent, observent et évaluent de la part de leurs gouvernements. Lors de la conception et de la mise en œuvre de ces politiques, les gouvernements doivent reconnaître l’existence de divers groupes d’intérêts et prendre en compte les coûts et les avantages pour ces groupes (OCDE, 2021[34]).

Au Maroc, les associations d'entreprises, les syndicats et les organisations de la société civile peuvent apporter leur contribution aux projets de lois et aux propositions de politiques lors de consultations publiques, lancées par les administrations, les institutions publiques et les institutions élues, même s’il n’existe à ce jour pas de cadre juridique général sur les consultations publiques. Par ailleurs, le Maroc a une tradition de dialogue avec la société civile. En effet, l'article 13 de la Constitution exige que les pouvoirs publics œuvrent à la création d'instances de dialogue, en vue d'associer les différents acteurs sociaux à l'adoption, la mise en œuvre, l'exécution et l'évaluation des politiques publiques. Les représentants de la société civile et du secteur privé contribuent également aux efforts nationaux de prévention et de lutte contre la corruption, notamment au niveau de l’élaboration et de mise en œuvre de la SNLCC.

Cependant, les activités de lobbying et d'influence, entendues au sens large comme toutes les actions visant à ou capables d'influencer la prise de décision publique, peuvent avoir un impact profond sur le résultat des politiques publiques. Selon la manière dont elles sont menées, elles peuvent faire progresser ou bloquer considérablement les progrès réalisés dans la résolution des grands défis mondiaux. D'une part, des processus d'élaboration de politiques publiques inclusifs peuvent conduire à des politiques mieux éclairées et, en fin de compte, de meilleure qualité, et accroître la légitimité des décisions publiques (OCDE, 2021[34]). Toutefois, la réalité montre que l’élaboration des politiques peut mener à des situations où s’exercent une influence indue et/ou un monopole d’influence. Parfois, l’influence est concentrée entre les mains de ceux qui sont plus puissants politiquement et financièrement, au détriment de ceux qui possèdent moins de ressources (monopole d’influence). Ce déséquilibre accentue les difficultés rencontrées par les groupes ayant des capacités d’engagement et des ressources moindres. La réalité montre également que les politiques publiques peuvent être indûment influencées par des argumentaires ou des données biaisés ou trompeurs, ou par la manipulation de l’opinion publique (influence indue) (OCDE, 2021[34]).

Lorsque les décideurs publics poursuivent des politiques qui servent leurs intérêts privés ou les intérêts commerciaux ou politiques de certains groupes, nationaux ou étrangers, qui tentent de les influencer, il existe un risque que les décisions concernant des politiques publiques essentielles, telles que les politiques de santé ou de protection des consommateurs, aient des effets néfastes au lieu de promouvoir le bien-être économique et social des individus.

Pour déterminer comment répondre aux problèmes de gouvernance liés au lobbying, l'OCDE encourage les pays à élaborer une réglementation sur le lobbying qui soit conforme aux Principes de l’OCDE pour la transparence et l'intégrité des activités de lobbying [OECD/LEGAL/0379] (OCDE, 2010[35]). Les dix principes portent sur quatre grands domaines : construire un cadre efficace et équitable pour l'ouverture et l'accès, améliorer la transparence, promouvoir une culture d'intégrité, et mettre en place des mécanismes pour la mise en œuvre efficace et la conformité. La Recommandation de l’OCDE sur l’Intégrité publique encourage également les pays à « empêcher la captation des politiques publiques par des groupes d’intérêts restreints grâce (…) à l’instillation de transparence dans les activités de lobbying » (OCDE, 2017[1]). En particulier, les pays doivent évaluer les options réglementaires et politiques disponibles afin de choisir la solution appropriée. Le contexte spécifique, les principes constitutionnels et les pratiques démocratiques établies (telles que les auditions publiques ou les pratiques de consultation institutionnalisées) doivent être pris en compte lors de la réflexion sur la forme de réglementation sur le lobbying à mettre en œuvre.

Cette section propose des recommandations concrètes pour un cadre équitable pour promouvoir la transparence des processus décisionnels et garantir une prise de décision inclusive et informée au Maroc, tout en minimisant le risque que les politiques publiques répondent uniquement aux besoins de quelques groupes d’intérêts particuliers.

Depuis quelques années, on constate une reconnaissance croissante de l'importance de réglementer le lobbying par l’élaboration de cadres d'intégrité nationaux. En effet, 23 pays membres de l'OCDE ont introduit une réglementation sur le lobbying. Dans ces pays, l’adoption de lois et de réglementations sur le lobbying a été un levier de légitimation de ces activités et a permis de développer l’ouverture et la transparence dans l'interaction public-privé (OCDE, 2021[34]). Au Maroc, il n’existe pas de législation visant à réglementer expressément les activités de lobbying, ou de lignes directrices dans ce sens. Par ailleurs, bien que la Constitution de 2011 ait renforcé le partenariat entre l'État et la société civile, la capacité de ces groupes à influencer la prise de décision effective reste limitée, comme c’est le cas dans de nombreux pays. Le pays s’est toutefois engagé dans une série d’actions qui permettent de tendre vers plus de transparence dans les processus institutionnels :

  • Le Plan d’action national pour un gouvernement ouvert 2021-2023 inclut dans ces objectifs d’encourager les organisations de la société civile, les citoyens et les acteurs sociaux à participer activement à la prise de décision publique.

  • L’adoption du code de déontologie de la fonction publique doit permettre au Maroc de s’aligner sur les pratiques internationales inhérentes à la transparence de l’administration publique, notamment en matière de gestion des conflits d’intérêts.

  • La Commission Nationale de Gouvernance d’Entreprise, co-présidée par la CGEM, est en phase de finalisation des codes de bonnes pratiques de gouvernance. Un code thématique concerne les entreprises publiques. Une consultation publique a été lancée en mars 2022 à travers une plateforme numérique1.

Pour poursuivre cet engagement, le Maroc pourrait envisager d'introduire une législation pour renforcer la transparence sur les activités de lobbying et réduire le risque qu'une influence indue puisse être exercée sur l'élaboration des politiques publiques. La transparence peut être assurée par différents moyens qui peuvent être complémentaires (Tableau 6.3).

Quel que soit l’outil envisagé, tout règlement efficace en matière de lobbying doit d'abord définir clairement les termes « lobbying » et « lobbyiste ». Les définitions doivent être complètes et exhaustives, définir avec précision la portée des activités de lobbying afin de prévenir toute erreur d’interprétation et d'éviter les failles. Les règles peuvent cibler en priorité les lobbyistes dont les activités sont rémunérées, mais les définitions doivent néanmoins rester suffisamment larges afin d’uniformiser les règles du jeu pour les groupes d'intérêts qui cherchent à influencer la prise de décision publique. Par exemple, des associations professionnelles cherchent souvent à influencer les politiques publiques pour faire valoir leurs intérêts et leurs préoccupations. De même, les méthodes d'influence évoluent : par exemple, les médias sociaux sont désormais largement utilisés comme un outil de lobbying indirect pour orienter l'opinion publique et faire pression sur les décideurs publics, ce qui pose de nouveaux risques d'intégrité pour le processus d'élaboration des politiques. L'Encadré 6.10 donne un aperçu de l'expérience des membres de l'OCDE en matière de définition claire du lobbying.

En outre, s’il est nécessaire de définir des règles et des lignes directrices claires et applicables en matière de transparence et d'intégrité du lobbying, cela ne suffit pas pour garantir une réglementation efficace. Les exigences en matière de transparence ne peuvent atteindre leur objectif que si les acteurs couverts par la réglementation s'y conforment et si les entités de surveillance les font effectivement respecter.

Un enjeu clé réside donc dans la conception d’outils et de mécanismes visant à collecter et gérer les informations sur les pratiques de lobbying et permettant la publication dans un format ouvert et réutilisable afin d’identifier des tendances dans les larges volumes de données. Ensuite, il est également important de trouver un équilibre entre la pratique d’un lobbying ouvert et transparent et le risque de compromettre le processus démocratique en imposant une réglementation excessivement contraignante et intrusive. Enfin, il est nécessaire d’affecter des ressources appropriées aux opérations de suivi et de contrôle, en désignant par exemple une institution chargée de l’application de la réglementation, et de la mise en œuvre d’éventuelles sanctions. Ces éléments de réflexion devront être soigneusement considérés par le législateur marocain et pondérés en fonction de leur impact attendu sur les perceptions du lobbying au Maroc, ainsi que sur les ressources disponibles à leur mise en œuvre.

À minima, le Maroc pourrait adopter une politique « d’agenda ouvert », qui consiste à exiger de certains agents publics ciblés de divulguer des informations pertinentes concernant leurs réunions avec les lobbyistes. Les informations publiées peuvent inclure des informations sur les réunions d'un agent public, ainsi que leurs dates et heures, les parties prenantes rencontrées, l’objectif poursuivi et la décision précise visée, par exemple. Sur le modèle espagnol, la publication de ces rencontres pourrait être rendue obligatoire pour certains responsables publics : les membres du gouvernement, les membres de cabinets ainsi que les membres du Parlement (Encadré 6.11).

Outre le renforcement de la transparence du processus d'élaboration des politiques, la force et l'efficacité de ce processus reposent également sur l'intégrité tant des agents publics que de ceux qui tentent de les influencer (OCDE, 2021[34]). Dans cette perspective, le Maroc pourrait envisager d'introduire des standards d’intégrité et/ou lignes directrices claires et complètes sur la conduite à tenir entre responsables publics et tierces parties afin de préserver l'intégrité du processus de prise de décision.

En premier lieu, les lobbyistes ont besoin de normes de professionnalisme et de transparence qui précisent les règles et le comportement attendus pour s'engager auprès des agents publics, car ils partagent la responsabilité de favoriser une culture de transparence et d'intégrité dans le lobbying (OCDE, 2021[34]). Dans certains pays de l'OCDE, les lobbyistes s'autorégulent par le biais de codes de conduite publiés par les employeurs des lobbyistes ou des associations de lobbying. À ce titre, le gouvernement du Maroc pourrait encourager la CGEM d’inclure dans son label RSE une dimension sur le lobbying responsable.

Toutefois, l'expérience des pays membres de l'OCDE a montré que l’autorégulation reste insuffisante pour atténuer les problèmes réels ou perçus d'influence inappropriée des lobbyistes. C’est pourquoi certains pays, comme l'Australie et l'Irlande fixent directement des normes par le biais de codes de conduite (Encadré 6.12). Le Maroc pourrait adopter un code de conduite pour les lobbyistes basé sur ces modèles.

Le Maroc pourrait en deuxième lieu favoriser une culture d'intégrité dans les organisations publiques en élaborant des principes, des normes et des procédures spécifiques à l'intention des responsables publics afin de leur donner des orientations claires sur la manière dont ils sont autorisés à s'engager avec les lobbyistes. Les normes d'intégrité en matière de lobbying peuvent être incluses dans une loi spécifique sur le lobbying, dans un code de conduite en matière de lobbying et des lignes directrices spécifiques aux interactions avec les parties externes, ou encore dans les normes générales applicables aux agents publics, telles que les lois, les codes d'éthique ou les codes de conduite. Comme mentionné précédemment, le Maroc est en train de développer un code général de conduite des fonctionnaires ainsi que des codes spécifiques pour traiter les risques sectoriels d'intégrité.

Le Maroc pourrait donc envisager d'utiliser ces codes pour introduire des normes spécifiques sur le lobbying qui pourraient inclure par exemple l'obligation de traiter les lobbyistes de manière égale en leur accordant un accès équitable, l’obligation de signaler les violations des normes de lobbying en vigueur aux autorités compétentes, l'obligation de publier leurs rencontres avec des lobbyistes via un agenda ouvert, ainsi que l’obligation de refuser d'accepter des cadeaux (entièrement ou au-delà d'une certaine valeur) de la part de lobbyistes, ou de déclarer les cadeaux et avantages reçus, entre autres.

Pour élaborer ces dispositions, le gouvernement du Maroc pourrait envisager de s'inspirer de certaines normes spécifiques destinées aux agents publics concernant leurs interactions avec les lobbyistes, élaborées par d'autres pays (Encadré 6.13). En outre, ces normes peuvent être adaptées aux secteurs ou fonctions des pouvoirs exécutif et législatif, ainsi qu'aux postes plus élevés et plus exposés politiquement. Par exemple, il peut être nécessaire de fixer des attentes plus élevées pour les postes politiquement exposés (membres du parlement, les ministres et les conseillers politiques) afin de traiter efficacement les risques de lobbying et d'autres activités d'influence les concernant.

Une autre question particulièrement importante à considérer dans le contexte marocain est le pantouflage entre le secteur public et privé. Le phénomène de pantouflage peut être caractérisé comme le mouvement du personnel entre les secteurs public et privé dans des domaines connexes, et peut produire de nombreux résultats positifs, notamment le transfert de connaissances et d’expériences. Néanmoins, il peut poser un certain nombre de problèmes, y compris des conflits d'intérêts et l'utilisation abusive d’informations privilégiées. Par exemple, les personnes qui travaillent dans un domaine pertinent du secteur public puis poursuivent leur carrière dans le secteur privé (ou inversement) peuvent utiliser des informations privilégiées acquises dans leurs fonctions de manière à en tirer un avantage indu.

Certains pays de l'OCDE ont introduit une période de « carence » (« cooling-off period ») entre l'emploi dans le secteur public et privé (et inversement). Pour cela, il est important de trouver un équilibre entre attirer des collaborateurs qualifies et expérimentés, et éviter qu’une influence indue soit exercée sur la prise de décisions dans le secteur public. Au Maroc, aucune des dispositions légales en vigueur ne fait référence à la prévention des conflits d'intérêts, soit en ce qui concerne l’ancien poste occupé par un fonctionnaire, soit en ce qui concerne les emplois futurs auxquels pourra prétendre un fonctionnaire après avoir quitté́ la fonction publique. Seuls les membres de la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle et de la Commission Nationale des Données Personnelles font l’objet de dispositions spécifiques, tandis qu’un devoir de confidentialité s’applique aux fonctionnaires publics au sens large du code pénal.

Le Maroc pourrait donc compléter son cadre légal afin de préciser quelles dispositions peuvent être appliquées à un emploi avant et après un passage dans le secteur public afin de réduire les risques en matière d'intégrité́ dans le secteur public.

En premier lieu, les restrictions et interdictions relatives à l’emploi après l’exercice d’une fonction publique constituent des outils utiles pour éviter l’utilisation d’informations d’initiées et décourager le trafic d'influence, ou pour éviter d’être soupçonné d'avoir pris précédemment des décisions qui pourraient être favorables à un employeur potentiel. Elles peuvent prendre diverses formes, par exemple l’interdiction d’utiliser des informations confidentielles obtenues dans le cadre du mandat public, des restrictions relatives à certaines activités pendant une période donnée, comme accepter de devenir membre d’un conseil d’administration ou d’être employé dans des entités privées avec lesquelles l'agent public a eu des relations officielles, ou de participer à des activités de consultant. Dans certains pays, l’activité professionnelle envisagée après l’emploi public doit faire l’objet d’une demande d’autorisation spécifique au supérieur hiérarchique ou à une entité dédiée (Encadré 6.14).

La période de carence peut également spécifiquement inclure l’interdiction d’exercer des activités de lobbying pendant une période donnée. De telles dispositions ont été mises en œuvre pour les élus et certains postes à risques dans plusieurs pays de l’OCDE. L’Encadré 6.15 contient des exemples parmi les pays de l’OCDE qui peuvent servir de modèle pour le Maroc.

Concernant l’autre sens des portes tournantes, les règles imposant à d’anciens lobbyistes devenus responsables publics de ne pas traiter dans leurs nouvelles fonctions des dossiers similaires à ceux qu’ils ont traités comme lobbyistes sont plutôt rares. Certains pays imposent toutefois un tel délai lors de l’élection, la nomination ou l’embauche d’un agent venant du secteur privé à des responsabilités dans le secteur public. En France par exemple, la HATVP a été chargée d'un nouveau contrôle « pré-nomination » pour certains postes à responsabilité. Un contrôle préventif est effectué avant une nomination à certains postes de haut niveau (notamment les membres d'un cabinet ministériel, les collaborateurs du Président de la République, les directeurs d'administration centrale), si une personne a exercé des fonctions dans le secteur privé au cours des trois années précédant la nomination (OCDE, 2021[34]).

Les politiques de protection des lanceurs d’alerte complètes et solides sont une composante essentielle d’un encadrement de l'intégrité́. Elles favorisent la responsabilisation des décideurs et facilitent la détection de fraudes, d’actes de corruption et de comportements contraires à l'éthique dans les secteurs public et privé. Pour ce faire, le système en place doit être caractérisé par la confiance ; les employés doivent être en mesure de signaler des actes répréhensibles en sachant qu'ils ne subiront pas de conséquences négatives sur leur lieu de travail et que les questions qu’ils soulèvent seront traitées efficacement.

La Recommandation de l’OCDE sur l’intégrité publique invite les adhérents à « favoriser au sein du secteur public une culture institutionnelle de la transparence qui tienne compte des préoccupations en matière d’intégrité » (Principe 9 de la Recommandation).  Cette culture institutionnelle de la transparence doit notamment inclure des canaux pour signaler les violations présumées des normes d’intégrité, ainsi que des règles et des procédures explicites pour le signalement de violations présumées des normes d’intégrité, et garantir, dans le respect des principes fondamentaux du droit interne, une protection dans la législation et dans l’usage contre tous les types de traitement abusif consécutif à un signalement de bonne foi et sur la base de soupçons raisonnables (OCDE, 2017[1]).

Cette section examine le cadre juridique et les politiques et outils associés du Maroc pour protéger les lanceurs d’alerte, et propose des recommandations concrète pour renforcer ce dispositif.

Un cadre juridique incitatif en matière de signalement doit définir clairement quelles activités ou comportements constituent un acte de corruption, afin que la violation de la loi, d’un règlement ou d’un code de conduite soit claire aux yeux du lanceur d’alerte. L’élaboration d’une définition permet aux employés de savoir si l’acte dont ils ont été témoins est répréhensible ou non et influence ainsi le signalement.

Au Maroc, les actes qui constituent une divulgation protégée sont énoncés à l'article 82-7 de la loi sur la protection des victimes, des témoins, des experts et des dénonciateurs (Loi n° 37-10). Les individus sont protégés pour la divulgation des infractions de corruption, du trafic d'influence, de la mauvaise utilisation des fonds publics, du détournement de fonds, et du blanchiment d'argent. Toutefois, le terme « infraction de corruption » restait jusqu’à récemment insuffisamment défini. L’adoption de la Loi n°46-19 en 2021 a apporté une définition élargie de l’infraction de corruption, qui englobe désormais toutes les infractions telles que définies par la législation pénale et la législation spéciale, en plus des infractions administratives et financières, stipulées dans l’article 36 de la constitution. Cela inclut les conflits d’intérêts, de délits d’initié ou de toute forme de délinquance liées à l’activité des administrations et des organismes publics et à la passation des marchés publics ou encore à de mauvais usages des fonds publics. Par ailleurs, l’INPPLC est en cours de finalisation d’un guide de sensibilisation sur le concept de « corruption » afin de permettre une meilleure compréhension de la part du grand public.

À l’avenir, d'autres violations de l'éthique et formes d'inconduite pourraient être incluses dans la législation concernée, par exemple des infractions au futur code de conduite des fonctionnaires ou d’éventuelles règles concernant le lobbying. Les personnes témoins de ces autres formes d'actes répréhensibles seront davantage disposées à les signaler aux autorités compétentes si elles savent pouvoir bénéficier d'une protection en le faisant.

Le Maroc pourrait donc envisager d’amender la loi n° 37-10 afin de garantir la protection des lanceurs d’alerte qui dénoncent tous les types d’actes de corruption existants (conflit d’intérêts, pots de vins, favoritisme, détournement de fonds, influence indue etc.) ainsi que des violations de l’ensemble les textes qui protègent l’intégrité tels que les codes de déontologie ou les règlements.

Les lanceurs d’alerte peuvent être protégés en vertu d’une loi unique qui leur serait dédiée ou en vertu de mesures contenues dans les dispositions de différentes lois. Cette dernière approche est la plus largement adoptée par les pays de l'OCDE, les lanceurs d’alerte jouissant de certaines mesures de protection contenues dans les lois du travail, les lois anti-corruption et les codes pénaux, entre autres.

Au Maroc, l'article 42 du Code de procédure pénale impose aux fonctionnaires de signaler les actes de corruption. Ce faisant, ils sont protégés par la loi n° 37-10 promulguée en 2011 sur la protection des victimes, des témoins, des experts et des dénonciateurs en ce qui concerne les infractions citées ci-dessus. De façon concrète, plusieurs mesures sont prévues pour protéger les dénonciateurs et leur anonymat. Un numéro spécial rattaché aux services de sécurité a été mis en place afin que les lanceurs d’alerte puissent signaler des menaces pesant sur leur intégrité physique ou celle de leur famille. Celui-ci permet aux forces de l’ordre d’orienter la personne concernée et de lui offrir rapidement une protection adéquate. Les dénonciateurs peuvent par ailleurs obtenir un changement de lieu de résidence et les informations relatives à leur identité́ sont masquées dans l’ensemble des documents administratifs et judiciaires de la procédure (plainte, procès-verbal etc.). En outre, la loi donne aux autorités judiciaires la possibilité de modifier le degré de protection ou d’ajouter de nouveaux moyens de protection des dénonciateurs si le besoin s’en fait sentir.

Cependant, ces dispositions sont des éléments généraux de la protection des témoins et aucune référence n’est faite à la protection spécifique des lanceurs d’alerte contre les représailles qu’ils peuvent subir sur le lieu de travail par exemple, comme un licenciement abusif ou un harcèlement quotidien, et qui peuvent entraîner des dommages à long terme sur la réputation ainsi que des pertes économiques. L'Article 82-6 prévoit que la protection est assurée en cas d'intimidation ou de menaces de violence physique envers l'individu ; or les menaces physiques ne sont pas la forme la plus commune de représailles suite à un signalement, ce qui réduit considérablement la portée de la protection prévue. En outre, l'Article 82-4 ne donne la possibilité à la victime de demander une protection qu’une fois la procédure pénale engagée. Dans la majorité des pays de l'OCDE, les lanceurs d’alerte sont protégés contre de nombreux types de représailles (Encadré 6.16).

Par ailleurs, pour être efficaces, les cadres juridiques de protection des lanceurs d’alerte doivent prévoir des sanctions contre ceux qui exercent des représailles à l’encontre des lanceurs d’alerte. De telles dispositions peuvent dissuader les personnes accusées d'actes répréhensibles d'exercer des représailles contre les lanceurs d’alerte. En vertu du Code du travail marocain, les employés peuvent prendre des mesures de contestation à la suite d'un licenciement abusif et se pourvoir en justice. Cependant, il n'existe aucune disposition en place pour protéger les dénonciateurs contre d'autres types de représailles.

Pour pallier ces lacunes, un projet de loi a été élaboré par le gouvernement marocain, visant la protection des agents publics qui dénoncent tout crime ou délit dont ils auraient eu connaissance dans l’exercice de leurs fonctions, notamment des actes de corruption. Le texte en préparation viserait à protéger le fonctionnaire dénonciateur de toute exclusion ou représailles et à lui fournir les garanties nécessaires pour l’encourager à dénoncer les actes répréhensibles. La loi aurait également pour but d’éviter les règlements de compte et les dénonciations abusives. Un statut spécifique stipulerait clairement les droits et les devoirs du lanceur d’alerte dans la fonction publique. Selon le MTNRA, ce projet de loi a été élaboré avec différentes parties prenantes et serait actuellement en phase d’approbation.

Dans le cadre de l’élaboration de ce projet de loi, l’INPPLC a préconisé dans son rapport annuel de 2019, de bien définir les notions d’« agent public » et de « corruption », de poser un cadre institutionnel de réception et de traitement des dénonciations indépendant, neutre et efficace. L’Instance a par ailleurs insisté sur la mise en place de différents niveaux de déclaration, impliquant une ouverture à des mécanismes de dénonciations externe, et de systèmes d’incitation à la dénonciation, tel que par des récompenses financières, pour certaines catégories de lanceurs d’alerte.

Le Maroc doit donc veiller à ce que la nouvelle loi de protection des lanceurs d’alerte réponde aux défaillances du système existant : elle doit interdire de façon explicite les différents types de représailles contre les lanceurs d’alerte et ne pas se limiter aux menaces physiques. Elle doit assortir ces interdictions de sanctions proportionnées à l’encontre des auteurs de représailles. La victime doit pouvoir bénéficier d’une protection dès son alerte, si celle-ci parait raisonnablement sérieuse. Comme le préconise l’INPPLC, les termes d’agent public et d’actes de corruption doivent être précisément définis afin d’éviter les confusions et éclairer pertinemment les fonctionnaires sur les actes qu’ils peuvent signaler. La nouvelle loi en cours d’adoption ne concernant que les agents publics, il serait également judicieux d’envisager l’amendement de la loi 37.10 afin d’y préciser un régime de protection spécifique aux lanceurs d’alerte du secteur privé. Enfin, le gouvernement marocain doit s’assurer que les autorités compétentes disposent des moyens financiers et humains suffisants pour protéger l’ensemble des lanceurs d’alerte.

Afin de faciliter la déclaration des actes répréhensibles et promouvoir la confiance dans le secteur public, des canaux de communication clairs et délimités doivent être mis en place. Les systèmes de protection des lanceurs d’alerte contiennent généralement un ou plusieurs canaux par lesquels les employés peuvent faire des divulgations protégées afin de veiller à ce qu’elles soient traitées efficacement. Cela inclut les procédures de divulgation interne, la communication externe à une autorité ou un organisme pertinent et la communication externe aux médias et au public.

Premièrement, la divulgation interne est encouragée pour renforcer une culture institutionnelle transparente ; elle fournit des informations pertinentes aux fonctions responsables et contribue à une résolution rapide et efficace des cas ou des préoccupations. Toutefois, le fait d’exiger que les signalements soient d’abord effectués en interne peut dissuader les personnes d’exprimer leurs préoccupations ou de signaler des comportements répréhensibles. Par ailleurs, si l'environnement de travail ne favorise pas les divulgations ou si une divulgation n’a pas été suivie d’effets, les employés doivent pouvoir signaler les actes présumés par des voies externes. Dès lors, les organismes externes chargés de réceptionner les réclamations doivent être bien connus. Les canaux externes peuvent consister en des lignes téléphoniques directes, des portails numériques, des lignes de conseil, des bureaux de conformité ou des médiateurs internes et externes. Enfin, si toutes les voies précitées ont échoué à faire traiter de manière adéquate les divulgations ou en cas d'urgence publique ou de danger grave ou personnel, il peut être nécessaire pour l’individu concerné d'alerter directement les médias ou le public sur les infractions observées (OCDE, 2020[23]).

Dans tous les cas, et pour éviter toute confusion dans les procédures, le processus de divulgation doit être accompagné d’une explication des étapes à suivre et des procédures à respecter afin que les lanceurs d’alerte soient bien informés, non seulement des personnes auprès desquelles réaliser une divulgation, mais également des répercussions potentielles de la divulgation (OCDE, 2020[23])

Dans le cadre de sa participation à la mise en œuvre de la SNLCC, la Présidence du Ministère public du Maroc a installé, en mai 2018, une ligne téléphonique directe pour la dénonciation de faits de corruption. Les appels sont traités par un centre spécial auquel sont affectés deux fonctionnaires du ministère en lien avec des juges. Des outils informatiques dédiés permettent de récolter l’ensemble des informations fournies par les dénonciateurs sur les faits de corruption ou de fraude financière et sur l’identité des responsables. Certains appels sont transmis à des juges compétents et les citoyens sont orientés vers le parquet général compétent. Une attention toute particulière a été accordée au secret des correspondances afin de préserver l’anonymat du lanceur d’alerte qui l’exige. Enfin, un suivi est maintenu avec ce dernier afin de poursuivre la récolte des preuves au fur et à mesure de la procédure. En 2020, des travaux ont été menés pour le développement d’une application qui recevrait les appels des dénonciateurs en dehors des horaires de travail, en langue française, arabe et amazighe.

Depuis 2018, la Présidence du Ministère Public reçoit quotidiennement une dizaine de dénonciations anonymes de faits de corruption et les transmet au parquet général compétent. Des enquêtes pour soupçons de corruption sont régulièrement ouvertes sur la base des dénonciations sérieuses. La ligne directe a ainsi permis l’arrestation de 206 suspects en flagrant délit de corruption, en coordination avec les parquets compétents. Cependant, l'introduction de ce numéro a suscité́ une certaine confusion : la Présidence du Ministère publique a noté que la majorité́ des appels reçus ne sont pas liés à des actes présumés de corruption, mais constituent des plaintes plus générales des citoyens concernant les services publics. Ainsi, parmi les 60,000 appels reçus depuis sa création, 20% seulement concernent des faits de fraude ou de corruption. C’est pour cette raison que la Présidence a mené une campagne de sensibilisation des citoyens pour les encourager à dénoncer les faits de corruption dont ils sont témoins, à travers des spots publicitaires diffusés à la radio et à la télévision. À son tour, l’INPPLC, qui peut également recevoir des plaintes et des dénonciations de faits de corruption, a appelé à la multiplication des actions de communication et de sensibilisation, notamment sur les services en ligne, pour motiver le grand public à les utiliser, entre autres, à des fins de dénonciation.

Malgré ces bonnes pratiques, la loi marocaine ne précise pas les étapes à suivre pour révéler une infraction et exige simplement du dénonciateur qu’il en fasse part aux « autorités compétentes », et c’est ensuite au parquet de se charger de sa protection. Dans les faits, les citoyens sont dirigés vers la ligne directe ou invités à faire une divulgation directement à l’INPPLC. Il est donc difficile de savoir si les fonctionnaires peuvent signaler des actes répréhensibles à leur supérieur et passer par un processus formel après avoir fait des allégations. Le manque de clarté entourant les procédures de divulgation peut empêcher les lanceurs d’alerte potentiels de se manifester.

Comme le préconisait déjà le Diagnostic d’intégrité en 2018, le Maroc pourrait donc fixer dans la loi un système de dénonciation à plusieurs niveaux où des canaux clairs sont mis à la disposition des agents de la fonction publique pour exprimer leurs préoccupations au regard d’actes répréhensibles (OCDE, 2018[2]). Par ailleurs, le Maroc devrait poursuivre la diversification et la modernisation des mécanismes de signalement au-delà du courrier, de l’e-mail et du téléphone, qui ne garantissent pas les exigences de base comme la confidentialité́ et la possibilité́ de signaler en toute sécurité. L’Encadré 6.17 décrit l’exemple du portail autrichien pour le signalement de la corruption.

Enfin, le Maroc doit poursuivre ses efforts de communication sur les différents moyens à disposition des citoyens et travailleurs pour effectuer un signalement aux autorités compétentes. Ceci évitera que la ligne directe mise en place, voire l’ensemble des mécanismes futures soient incorrectement utilisés par les usagers et encombrés par des appels sans lien avec la corruption, ce qui pourrait avoir un effet dommageable sur le signalement des faits ciblés par le dispositif.

Un système de signalement de la corruption peut être détourné à des fins personnelles ou pour des intérêts privés. Pour éviter une instrumentalisation du droit d’alerte, la loi doit empêcher l’émergence de fausses déclarations, de diffamations ou de dénonciations de mauvaise foi.

Dans le contexte marocain, l'article 82-9 de la Loi n° 37-10 dispose qu'un lanceur d’alerte a le droit de demander la protection du parquet s’il fait une divulgation « de bonne foi » et « pour des motifs raisonnables ». Or la notion de bonne foi est subjective et pas toujours facile à prouver. Les citoyens peuvent avoir eux-mêmes des intérêts privés qui n’annulent pas pour autant la vertu d’intérêt public de l’annonce. Par ailleurs, l’article 445 du code pénal précise qu’un lanceur d’alerte qui effectue des dénonciations calomnieuses peut encourir des sanctions pénales. Une fois que des poursuites pénales sont enclenchées des suites du signalement, les individus risquent jusqu’à 5 ans d’emprisonnement s'ils sont dans l’incapacité́ de prouver que leur signalement était de bonne foi. Leurs déclarations sont alors considérées comme de faux témoignages ou des diffamations.

Cette disposition est particulièrement sévère et peut avoir un effet dissuasif sur les témoins de faits de corruption, allant à l’encontre du mécanisme. Il ne devrait pas incomber aux lanceurs d’alerte d’apporter la preuve de leur réclamation. La simple conviction ou croyance raisonnable que les actes signalés ont eu ou auront lieu devrait suffire. Cette hypothèse garantit que la confiance règne dans le système tant du point de vue du lanceur d’alerte que des autorités compétentes. Le Maroc pourrait donc envisager de supprimer la clause qui impose des sanctions aux lanceurs d’alerte qui ne peuvent pas prouver que leurs allégations sont faites de bonne foi. Comme cela a été́ observé dans de nombreux pays de l'OCDE, l'obligation pour les employés de signaler de bonne foi et pour des motifs raisonnables est suffisante. En outre, la charge de la preuve de la mauvaise foi du lanceur d’alerte devrait incomber à l’institution ou la personne mise en cause et non pas au dénonciateur lui-même. Cette disposition peut encourager plus de gens à signaler des cas de violations de l'intégrité́ (OCDE, 2020[23]).

L’intégrité publique ne concerne pas seulement le secteur public : la société civile et les entreprises façonnent les interactions au sein de la société, et leurs actions peuvent nuire à l’intégrité au sein de leurs communautés ou la favoriser. Une approche englobant toute la société affirme que, dans la mesure où ces acteurs interagissent avec les agents publics et jouent un rôle essentiel dans la définition de l’agenda public et l’influence sur les décisions publiques, ils ont également la responsabilité de promouvoir l’intégrité publique. C’est pourquoi la Recommandation de l’OCDE sur l’intégrité publique stipule que les adhérents devraient « promouvoir une culture de l’intégrité publique à l’échelle de l’ensemble de la société, en partenariat avec le secteur privé, la société civile et les particuliers » (Principe 5 de la Recommandation). La Recommandation encourage aussi l’avènement d’une société où existent des organisations « sentinelles », des groupes de citoyens, des syndicats et des médias indépendants (Principe 13d de la Recommandation) (OCDE, 2017[1]).

La concrétisation de cette approche dépend du rôle de chaque acteur dans la société (OCDE, 2020[23]). Pour les entreprises, il peut s’agir de respecter les normes en matière d’environnement et de droits de l’homme dans le cadre de l’exercice de leurs activités, de s’abstenir d’offrir des pots-de-vin et de veiller à ce que leurs activités de lobbying soient conformes aux objectifs de durabilité à long terme fixés par l’entreprise. Pour les organisations de la société civile, il peut s’agir de veiller à respecter les normes d’intégrité publique lorsqu’elles agissent en qualité de prestataires de services ou qu’elles plaident pour des enjeux politiques. Pour les individus, cela peut signifier de ne pas se livrer à des activités frauduleuses liées aux régimes de prestations sociales ou d’évasion fiscale, et signaler la corruption et la fraude lorsqu’ils en sont victimes (OCDE, 2020[23]).

Au Maroc, la SNLCC reconnaît ce défi puisqu’elle énonce dans ces objectifs « la promotion d’une société fondée sur l'intégrité et l'éthique avec une participation de l’ensemble des composantes à la lutte contre la corruption ». Par ailleurs, Le Maroc a notamment su impliquer de nombreuses organisations de la société civile dans les grands projets coordonnés par les pouvoirs publics sur la lutte contre la corruption et la transparence de l’action publique, tels que la SNLCC et l’OGP. En particulier, quatre organisations ont été associées à la SNLCC : la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), Transparency Maroc, le Réseau marocain de défense des biens publics ainsi que l’Organisation mondiale des parlementaires contre la corruption (GOPAC) lors de la phase de préparation de la SNLCC. Ces derniers sont également représentés au sein de la CNAC, organe central de supervision de la stratégie, qui comprend aussi le Réseau marocain de défense des biens publics (RMDBP), en tant que second représentant de la société civile. En participant à la gouvernance de la SNLCC, la société civile joue donc un rôle de premier plan dans la mise en place du système d’intégrité au Maroc.

Conformément à ces objectifs, cette section se concentre sur la promotion de l'intégrité dans les organisations de la société civile et les entreprises, ainsi que sur la manière dont le système éducatif peut contribuer à un changement culturel en faveur des valeurs d'intégrité publique.

Les organisations de la société civile (OSC) jouent un rôle essentiel dans la lutte contre la corruption et la promotion de l'intégrité. Pour remplir leurs fonctions, les OSC bénéficient souvent d’un statut spécial, comme une exonération fiscale et d’autres avantages, ainsi que d’un accès aux marchés publics. Elles gèrent également des budgets importants provenant du secteur privé mais aussi de fonds publics nationaux et internationaux. Par conséquent, les gouvernements, les entreprises et le grand public attendent des OSC qu’elles agissent conformément à leur mission, qu’elles fassent preuve d’intégrité et de fiabilité et qu’elles adoptent un comportement exemplaire dans leur organisation (OCDE, 2020[23]). Les violations de l’intégrité́ publique et de la bonne gouvernance par les OSC, comme la fraude, le gaspillage et les mauvaises pratiques de gestion, peuvent avoir des effets très négatifs, mettant en péril non seulement leur légitimité aux yeux du gouvernement et du public mais aussi la durabilité de leurs activités et de leur accès au financement. Un manque de transparence de leur mission et de leurs sources de financement peut aussi donner l'impression que les OSC sont un véhicule pour la poursuite d'intérêts privés, liés à certaines industries, entreprises ou acteurs politiques (OCDE, 2021[34]).

Pour soutenir les normes d’intégrité publique au sein des OSC, les gouvernements peuvent assurer un contexte juridique explicite dans lequel elles peuvent opérer et nouer un dialogue à propos des avantages, complémentaires de ceux qu’offre l’intégrité publique, qui découlent de la promotion de l’intégrité dans les entités à but non lucratif (OCDE, 2017[1]). En outre, les gouvernements peuvent utiliser le cadre législatif pour promouvoir l’intégrité publique des OSC, par exemple en les soumettant aux lois de lutte contre la corruption lorsqu’elles constituent des personnes morales, et en exigeant d’elles une structure de gouvernance saine. Cette structure peut comprendre des lignes de redevabilité claires, des normes d’intégrité, des mesures de contrôle interne et de gestion des risques, ainsi que des processus transparents en matière d’activités et d’utilisation des fonds (OCDE, 2020[23]).

La société civile au Maroc compte environ 230 000 associations dont la majorité traite de questions sociales et culturelles et opère au niveau local. La loi sur les associations exige la transparence dans l'utilisation de leurs ressources. Selon l'article 9, les associations sont tenues de soumettre un rapport budgétaire annuel au Secrétaire Général du Gouvernement et tenir une comptabilité de leur patrimoine, de leur situation financière et de leurs résultats. En outre, les associations subventionnées par un organisme public doivent rendre des comptes à cet organisme (article 32). Selon l’association anti-corruption Transparency Maroc, les plus grandes associations mettent en place des normes de transparence et de gouvernance dans leurs propres modes de fonctionnement. Cela inclut la présentation de rapports et de budgets annuels à l'assemblée générale et, dans certains cas, la publication de ces rapports (Transparency Maroc, 2014[37]). Toutefois, les associations plus petites ne respectent pas toujours ces normes de transparence aussi efficacement, car elles souffrent souvent d'un manque de ressources et de capacités. Outre les contraintes de ressources liées à la promotion de la transparence au sein de la société́ civile, des affaires contre les ONG impliquées dans la corruption ont été́ jugées ou soumises à̀ des procédures judiciaires (Transparency Maroc, 2014[37]).

Lors des entretiens avec l’OCDE, le ministère en charge des relations avec la société civile cite l’élaboration d’un projet de loi « Dialogue national sur la société civile » qui contiendrait des recommandations instaurant des mécanismes de responsabilisation et des normes d’intégrité à destination des OSC. Le projet de loi aurait été soumis au Secrétaire général du Gouvernement mais reste non adopté à ce jour. Le projet de loi n’a pas pu être porté à la connaissance de l’OCDE. Le Maroc devra veiller à ce que le projet de loi établisse un ensemble de règles et de contrôles proportionnés qui tiennent compte de la taille des OSC, et permettre au gouvernement d’accompagner et aider les jeunes et petites associations qui n’ont pas les moyens techniques, humains et financiers pour se mettre à niveau des normes existantes et instaurer des mécanismes de transparence budgétaire et opérationnelle. Toute aide fournie devra toutefois respecter les principes visant à favoriser un espace civique favorable protégeant la vie, la liberté, l’intégrité physique et la vie privée des acteurs de la société civile. Pour cela le nouveau cadre juridique pourra être complété par un environnement politique et public qui reconnaisse et défende la valeur d’une société civile indépendante, engagée et active (OCDE, 2020[23]).

En outre, le processus d’élaboration du projet de loi devrait associer les organisations de la société civile à la conception de ces normes en les consultant afin de connaitre leurs attentes et leurs difficultés. En effet, l’initiative de Dialogue national sur la société civile, lancée en 2013, avait été boycottée par des associations parmi les plus actives dans la société civile. Ces ONG, regroupées au sein de la Dynamique de l’appel de Rabat, mettaient en avant le fait qu’à leurs yeux, le ministère adoptait une démarche unilatérale dans l’élaboration des lois, caractérisée par une volonté de vouloir mettre sous tutelle les associations (OCDE, 2018[2]).

La corruption a un impact négatif sur l'environnement des affaires, car elle fausse les marchés, sape la concurrence et décourage les investissements. S'attaquer aux problèmes de corruption dans le secteur privé est donc bénéfique, non seulement pour le secteur des affaires lui-même, mais aussi pour les gouvernements et la société dans son ensemble. À cet égard, une culture de l'intégrité à l'échelle de la société exige que les gouvernements qui s'associent au secteur privé veillent à ce que son engagement avec le secteur public respecte les normes, principes et valeurs éthiques partagés de la société (OCDE, 2017[1]). Cet aspect est aussi de plus en plus encouragé par des principes internationaux, tels que les Principes de gouvernement d'entreprise du G20 et de l'OCDE (OCDE, 2015[38]).

Le Maroc s’est fermement engagé à améliorer l’environnement des affaires. La SNLCC inclut par ailleurs dans l’un de ses deux objectifs stratégiques « d’améliorer l’intégrité des affaires et le positionnement du Maroc à l’international ». Parmi les programmes de la SNLCC, on note en particulier le P8 « Intégrité du monde des affaires ». Dans le cadre de ce programme, il est prévu d'améliorer la transparence des affaires au sein du secteur privé, et d'assurer une forte adhésion des entreprises aux codes d'éthique et à la certification de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) afin de réduire, à long terme, « les foyers de corruption alimentés par le secteur privé ». Ce programme est coordonné et piloté par la CGEM, à laquelle est associé le ministère de l'Industrie et du Commerce ainsi que l’Agence marocaine de développement des investissements et des exportations (AMDIE), qui y est rattachée. L’AMDIE assure également la présidence et le secrétariat du point de contact national (PCN), composé de 7 départements ministériels et 3 instances constitutionnelles (dont l’INPPLC), et qui assure une mission de promotion, de communication et de diffusion des principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales (OCDE, 2011[39]) et de ses guides de devoir de diligence (OCDE, 2018[40]) auprès des entreprises marocaines.

Par ailleurs, le cadre légal criminalise les conflits d’intérêts, les délits d’initiés, toute infraction d’ordre financier, le trafic d’influence et de privilèges, l’abus de position dominante et le monopole, et toutes autre pratique contraire aux principes de la concurrence libre et loyale dans les relations économiques. Les entreprises marocaines sont également appelées, par le biais de la loi 19.20 et de différents codes de bonnes pratiques de gouvernance des entreprises, à mettre en place une série de mesures nécessaires pour renforcer leur gouvernance. Ces codes, inspirés des Principes de Gouvernance d’Entreprise de l’OCDE [OECD/LEGAL/0413], constituent un recueil de lignes de conduite et de recommandations complémentaires à la loi et aux règlements en vigueur (Code du Travail, Code du Commerce, Droit des Sociétés, Droit de la Concurrence etc.) (Encadré 6.18). Ils intègrent également la règle recommandée par l’OCDE de « Comply or Explain » (appliquer la recommandation ou expliquer), à savoir que l’entreprise qui ne respecte pas totalement ou partiellement l’une des recommandations du code est appelée à expliquer pourquoi elle y déroge dans le chapitre « Gouvernance d’Entreprise » de son rapport de gestion et le cas échéant, dans son rapport annuel.

L’adoption des codes de bonnes pratiques par le gouvernement marocain en concertation avec les organismes professionnels est une avancée positive et révèle une volonté marquée de diffuser les valeurs et pratiques d’intégrité au sein du secteur privé, sous toutes ses formes. Les autorités marocaines sont encouragées à poursuivre leurs efforts dans ce sens et notamment les travaux en cours pour la révision du code général de 2008 qui devrait inclure les besoins des divers secteurs et des lignes de conduite spécifiques adaptées à la nature de l’entreprise. Afin de compléter les codes de bonnes pratiques, les pouvoirs publics marocains ont par ailleurs engagé le développement d'outils de certification complémentaires pour accompagner les démarches d’intégrité́ au sein des entreprises. Dans ce cadre, le Maroc est membre du comité́ technique ISO/PC 278 (International Standardisation Organisation) chargé de l'élaboration de la norme internationale 37001 relative aux systèmes de management qui a pour objectif de prévenir la corruption au sein des sphères d'influence.

Par ailleurs, la CGEM engage de nombreuses actions concrètes de prévention de la corruption et de promotion de l’intégrité des affaires auprès des entreprises. Elle est dotée d’une commission « Entreprise responsable et citoyenne », chargée notamment du Label RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises), créé par la CGEM en 2006 et décerné aux entreprises qui se soumettent à toutes les dispositions de la Charte de responsabilité sociétale de la CGEM. Ce label englobe neuf exigences, dont la prévention de la corruption (Section 4 de la Charte), et la mise en place des bonnes pratiques de gouvernance basées sur le Code Marocain de Bonnes Pratiques de Gouvernance d’Entreprise de 2008.

Le label est attribué par un comité d’experts après une évaluation exhaustive menée par un cabinet d’audit indépendant. Il est renouvelé tous les trois ans avec une évaluation à mi-parcours. Une plateforme numérique RSE a été mise en place, accompagnée d’un autotest d’évaluation qui permet aux entreprises de mesurer leur niveau de maturité vis-à-vis de la Charte de responsabilité sociétale. Actuellement, 114 entreprises ont obtenu le label RSE de la CGEM, dont 30% de PME.

Au-delà de ces outils et codes de bonnes pratiques, il n'existe toutefois pas de législation marocaine spécifique sur l'établissement et la mise en œuvre de programmes de conformité et de lutte contre la corruption dans le secteur privé, à l’exception du secteur bancaire, où Bank Al-Maghreb (BKAM) a émis la directive n°1/W/2022 relative à la prévention et la gestion par les établissements de crédit des risques de corruption, émise le 19 mai 2022, et qui rentrera en vigueur en 2023 (Bank Al-Maghrib, 2022[43]). Par conséquent, le législateur marocain pourrait compléter et renforcer le cadre légal soutenant l'intégrité publique au sein des entreprises en exigeant la mise en œuvre d’un programme de conformité et/ou d’un code de gouvernement d'entreprise, sur la base des Codes de bonnes pratiques de gouvernance des entreprises, et comme recommandé dans le précédent Diagnostic d’Intégrité du Maroc (OCDE, 2018[2]). Pour cela, le Maroc pourrait assurer la mise en place d’une législation pertinente. Le cadre juridique pourrait par exemple institutionnaliser et pérenniser la Commission de la gouvernance d’entreprise. Il pourrait aussi à la fois fixer des exigences et des normes légales pour les pratiques d'intégrité des entreprises et inciter les entreprises à mettre en œuvre ces pratiques, par exemple en matière de gestion des risques, de codes de conduite, de protection des dénonciateurs et de systèmes de conformité. À cet égard, la loi Sapin II en France est une bonne pratique qui pourrait servir d’exemple pour le Maroc pour encourager les entreprises à adopter des mesures de conformité aux normes anti-corruption (Encadré 6.19).

Pour éviter que les programmes de conformité et de responsabilisation des entreprises ne soient axés sur des formalités visant à éviter des sanctions gouvernementales, il est important que le gouvernement informe les entreprises au sujet de dispositions règlementaires nationales et leur apporte un soutien afin que ces dernières puissent se mettre en conformité avec la législation. Le gouvernement doit aussi être à l’écoute des observations et préoccupations du secteur privé, et les intégrer dans sa propre démarche de prévention et de soutien à l’intégrité. De cette manière le gouvernement peut créer les conditions pour une mise en œuvre la plus large possible de la lutte contre la corruption (OCDE, 2020[23]).

Au Maroc, de nombreux organismes et associations professionnelles, représentatives de l’écosystème des affaires, participent à la promotion de la bonne gouvernance et des pratiques d’intégrité au sein du secteur privé. Ces derniers mènent, chacun à leur niveau, des actions variées de soutien et de conseil aux entreprises qui insufflent indéniablement une culture de l’intégrité dans les divers domaines économiques :

  • La CGEM organise la diffusion des normes et l’échange de bonnes pratiques en animant des webinaires, des ateliers de sensibilisation et des formations afin de permettre aux entreprises de monter en compétence sur les questions d’intégrité. Elle a également constitué une bibliothèque fournie à destination des entreprises afin de leur donner accès aux sources scientifiques et institutionnelles sur le sujet de la corruption. La CGEM indique qu’elle lancera prochainement, avec le concours de ses partenaires, un guide participatif pour une politique de lutte contre la corruption efficace à destination des entreprises, qui permettra de prodiguer des conseils aux entreprises selon leur niveau de maturité.

  • L’Institut marocain des administrateurs (IMA) organise des séminaires de formation à destination des administrateurs d’entreprises, des organes de gestion et de gouvernance des entreprises publiques et privées nationales, afin de renforcer leurs compétences dans l’exercice de leurs fonctions et de les sensibiliser aux problématiques de la gouvernance d’entreprise.

D’autres acteurs économiques au champ de compétence plus restreint participent à l’effort de consolidation de l’intégrité des affaires au Maroc. Il s’agit en particulier du centre des jeunes dirigeants d’entreprises (CJD), mouvement d’entrepreneurs militants engagés pour défendre et partager des valeurs communes tel que l’intégrité, la transparence, la responsabilité et l’éthique. Il est également possible de citer la Chambre française de commerce et d’industrie au Maroc (CFCIM) qui mène des actions en phase avec les dix principes du Pacte Mondial des Nations-Unies qu’elle a signé en juillet 2016, notamment en matière de responsabilité sociétale des entreprises, qui intègre des logiques de bonne gouvernance.

Plus récemment, en mars 2022, Bank Al-Maghreb (BKAM), l’Autorité de Contrôle des Assurances et la Prévoyance Sociale (ACAPS) et l’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux (AMMC) ont publié, en partenariat avec l’INPPLC un guide anti-corruption pour les entreprises du secteur financier marocain (établissements de crédit et de paiement, intervenants du marché des capitaux, des assurances et de la prévoyance sociale). Cet outil pratique a pour but de faciliter la compréhension de la réglementation en vigueur et sa mise en œuvre.

Tout en reconnaissant la valeur de ces activités, la multiplicité des acteurs impliqués impose néanmoins une bonne coordination de leurs actions auprès des entreprises. À cette fin, la participation des entreprises et des associations d’entreprises marocaines aux actions de promotion de l’intégrité dans le secteur privé gagnerait donc à être mieux formalisée, et mériterait plus de collaboration, une meilleure coordination des actions et une plus grande implication des PME. Il serait souhaitable que les missions, responsabilités et prérogatives de ces différentes institutions gouvernementales et non-gouvernementales soient clairement définies afin de garantir l’efficacité de leurs actions. L’INPLCC, en tant qu’organe central de la prévention de la corruption, peut jouer un rôle de premier plan et diriger ce processus de dialogue public/privé, en veillant à la participation de tous les acteurs concernés, notamment la CGEM. La CGEM collabore déjà avec l’INPPLC et est partie prenante du prochain portail national de l’intégrité, ainsi que de l’étude nationale sur la corruption. Le gouvernement marocain pourrait également s’appuyer sur des structures existantes comme la Commission Nationale pour la Gouvernance d’Entreprise et le Comité National de l’Environnement des Affaires, instauré par le gouvernement marocain à la demande de la Banque Mondiale, pour consolider la relation entre le secteur privé et le Gouvernement et améliorer le climat des affaires.

Enfin, les autorités marocaines pourraient également réfléchir aux différents moyens de coordonner la diffusion la plus large possible des normes édictées dans les textes, et sur la manière de fournir des conseils et un soutien aux entreprises en matière d'intégrité des affaires. Les conseils peuvent prendre diverses formes, notamment la fourniture d'un modèle de code de conduite pour les entreprises, de lignes directrices sur la gestion des risques, d'un référentiel de bonnes pratiques et d'exemples sur la diligence raisonnable en matière de lutte contre la corruption. Les formations, séminaires, webinaires mais aussi les différentes formes de communication écrite directe auprès des entreprises sont à favoriser et à développer. Le point de contact national du Maroc pour une conduite responsable des entreprises, désigné pour promouvoir les Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales, pourrait être chargé de ces prérogatives. Les activités envisagées pourraient prendre exemple sur les services d'appui aux entreprises françaises (Encadré 6.20).

En outre, il est important que toutes les entreprises, quelle que soit leur taille et domaine d’activité, soient ciblées mais aussi impliquées. Il serait par exemple souhaitable de sensibiliser toutes les organisations patronales du Maroc aux moyens et outils de lutte contre la corruption afin qu'elles puissent en informer leurs membres, ainsi que les petites et moyennes entreprises, qui paraissent insuffisamment intégrées aux efforts de promotion des pratiques d’intégrité des affaires au Maroc. En particulier, comme l’avait préconisé le Diagnostic d’intégrité du Maroc en 2018, l’agence Maroc PME pourrait jouer un rôle plus accru dans la promotion de l’intégrité auprès des PME marocaines, en collaboration avec la CGEM (OCDE, 2018[2]).

Enfin, une autre problématique alimentant grandement la corruption dans le milieu des affaires est le secteur informel. À ce sujet, des avancées ont été réalisées, notamment la création du statut d’autoentrepreneur, la généralisation de la protection sociale d’ici fin 2022 (assurance maladie, allocations familiales, indemnités de perte d’emploi) ainsi que l’amélioration du régime des retraites. La CGEM estime que le gouvernement a fait de la lutte contre l’informel une priorité mais qu’il y a un effort de formation et d’accompagnement afin de soutenir le secteur informel dans la transition vers le respect des réglementations et des normes. Le gouvernement du Maroc pourrait s’appuyer sur le livre blanc publié par la CGEM sur le Nouveau Modèle de Développement, dans lequel la CGEM détaille un ensemble de mesures et de recommandations pour lutter contre l’informel (CGEM, 2021[44]).

Les campagnes de sensibilisation constituent l’une des principales méthodes dont disposent les gouvernements pour améliorer la compréhension des questions d’intégrité publique pour les entreprises, les organisations de la société civile et les individus. Les campagnes de sensibilisation visent à mettre en lumière un problème spécifique et à atteindre un public ciblé, en interne au sein d’une organisation ou d’un groupe, ou en externe dans la société au sens plus large (OCDE, 2020[23]).

À cette fin, l’INPLCC, en collaboration avec les ministères concernés, pourrait concevoir et mettre en œuvre une stratégie de communication visant à sensibiliser le secteur privé, les organisations de la société civile et le grand public aux responsabilités en matière d'intégrité publique. Informée par des données (données d’enquête, groupes de discussion etc.), la stratégie devrait définir des objectifs de sensibilisation, être dotée de ressources et des financements appropriés, et pourrait inclure comme objectif de sensibiliser davantage la société aux retombées positives de l’intégrité publique, en réduisant la tolérance aux violations des normes d’intégrité publique. Pour chacune des (sous-)campagnes envisagées, la stratégie doit identifier les résultats escomptés (par exemple, les attitudes ou les comportements à changer, les compétences à développer), les publics cibles, les messages clés et les canaux de communication (par exemple, la télévision, le web, les médias sociaux, la presse écrite) ainsi que les mécanismes d'évaluation (par exemple, les enquêtes d'opinion, les analyses web, la participation à des événements, le nombre de plaintes déposées, etc.).

Ensuite, au moment de l’élaboration des campagnes de sensibilisation, il est utile de veiller à ce que les messages soient fondés sur une compréhension des problèmes d’intégrité auxquels la société est confrontée et éviter de traiter la question sous un angle sensationnaliste (Tableau 6.4). L’utilisation de données factuelles crédibles et authentiques peut également permettre aux destinataires de s’identifier aux principaux messages.

Le gouvernement peut également envisager de maintenir un dialogue ouvert avec la société civile, ainsi que les médias, sur les progrès de la mise en œuvre de la stratégie de lutte contre la corruption et les défis rencontrés.

Une approche de l'intégrité publique à l'échelle de la société comprend également l'engagement des jeunes par le biais du système éducatif et universitaire. À ce titre, la Recommandation de l’OCDE sur l’Intégrité publique recommande de mettre en œuvre des « campagnes de promotion de l’éducation civique en matière d’intégrité publique auprès de la population » (OCDE, 2017[1]).

Le Maroc ne dispose actuellement pas d’un programme d’enseignement sur l’intégrité publique. Dans certains pays, l’autorité chargée de l’intégrité ou de la lutte contre la corruption est responsable de la mise en œuvre des programmes d’éducation (Encadré 6.21). Ce modèle peut servir d’exemple pour le Maroc, où l’INPPLC pourrait jouer un rôle majeur dans l’éducation à l’intégrité publique. La formation des éducateurs, qui leur permet d’acquérir les compétences et les connaissances nécessaires pour aborder des problèmes comme la corruption, doit également être un élément essentiel de tout programme d’éducation à l’intégrité (OCDE, 2018[45]).

Enfin, en tant que futurs professionnels, les étudiants universitaires constituent une cible stratégique des activités de formation et de sensibilisation à la lutte contre la corruption.

Au Maroc, certaines universités ont mis en place des masters spécialisés sur la lutte contre la corruption et la bonne gouvernance. Les Services du Chef du gouvernement en collaboration avec l’École Nationale supérieure d’administration (ENSA) avaient initié, en octobre 2018, un cycle de formation qualifiante et certifiante (CFQ) d’une première promotion de cadres des inspections générales des ministères (IGMs) sur une durée de neuf mois pour couvrir douze modules privilégiant l’approche de formations pratiques et opérationnelles, conçues à travers des cas réels. Un deuxième cycle de formation est en préparation avec toutefois l’introduction de nouvelles thématiques telles que la bonne gouvernance. Sur une durée de six mois, ce cycle s’adresse prioritairement aux IGMs mais a été élargi aux cadres de différentes institutions de contrôle, tels que les contrôleurs financiers, les cadres du ministère public, et les magistrats de la cour des comptes.

Dans ce contexte, les Services du Chef du gouvernement pourraient poursuivre leur collaboration avec l’École Nationale supérieure d’administration (ENSA) afin de mettre en œuvre des cycles de formation qualifiante pour certaines catégories de responsables publics sur l’intégrité publique.

Un modèle global de redevabilité publique repose sur deux dimensions : l’obligation de rendre des comptes et l’application de sanctions contre tout comportement illégal de l’institution ou du fonctionnaire responsable (OCDE, 2017[1]). Ces deux piliers doivent reposer sur une structure institutionnelle à deux niveaux : un cadre interne de contrôle et de gestion des risques, assorti d’une fonction d'audit interne efficace et clairement séparée des opérations, ainsi que des mécanismes de surveillance externes, opérés par des organes indépendants des institutions contrôlées, par exemple une institution supérieure de contrôle.

Solidement établis, ces politiques et processus aident les gouvernements à trouver un équilibre entre un modèle axé sur l’application de la loi et des approches plus préventives, fondées sur les risques. Depuis plusieurs années, le Maroc a progressé pour s’aligner sur les normes internationales du contrôle interne, de l’audit et de la gestion des risques. Par ailleurs, la SNLCC reconnait la nécessité d'introduire la gestion du risque de corruption dans les organismes publics. Cette dernière section fournit des recommandations concrètes pour renforcer le cadre de contrôle interne, de gestion des risques et de contrôle externe.

Un système d’administration publique doit reposer sur un cadre efficace de contrôle interne et de gestion des risques pour préserver l'intégrité publique, permettre une responsabilisation efficace et prévenir la corruption. À cet égard, la Recommandation de l’OCDE sur l’intégrité publique invite les adhérents à « appliquer un cadre interne de contrôle et de gestion des risques pour protéger l’intégrité au sein des entités du secteur public » (OCDE, 2017[1]).

Pour être mises en œuvre efficacement, les politiques de contrôle interne et de gestion des risques reposent sur de nombreux acteurs aux niveaux gouvernemental, institutionnel et individuel. Au niveau gouvernemental, les organes de normalisation du secteur public veillent par exemple à̀ ce que les politiques de contrôle interne et de gestion des risques à l’échelle du gouvernement soient cohérentes et harmonisées. Au niveau institutionnel, les politiques et processus de contrôle interne et de gestion des risques fournissent à l’administration une assurance raisonnable que l’organisation atteint ses objectifs d’intégrité et gère ses risques efficacement. Enfin, au niveau individuel, de nombreuses normes appellent à l’engagement personnel des agents publics en faveur de l’intégrité́ et du respect des codes de conduite (OCDE, 2020[23]).

À l’échelle du gouvernement, la responsabilité de la mise en œuvre du contrôle interne et de la gestion des risques est partagée par différents organes du secteur public. Ces organes comprennent les institutions d’audit, les unités centrales d’harmonisation et les organes de lutte contre la corruption. En particulier, ils : 1) définissent et harmonisent les normes et les politiques de contrôle interne, 2) fournissent des orientations et des outils, 3) évaluent les efforts déployés à l’échelle du gouvernement pour préserver l’intégrité, et 4) coordonnent et normalisent les pratiques de signalement et de réaction aux violations présumées de l’intégrité pour l’ensemble du secteur public.

Au Maroc, le besoin d’établir un contrôle interne est précisé dans le cadre légal sur la gestion financière publique. La loi organique relative aux lois de finances, adoptée en 2015, érige en priorité le contrôle de l’emploi des fonds publics ainsi que le contrôle de la qualité de l’information financière et des comptes. Les activités de contrôle sont confiées à une fonction centralisée d’inspection financière ayant pour mandat à l’échelon gouvernemental de surveiller et contrôler les dépenses et la bonne utilisation des fonds publics, l'Inspection Générale des Finances (IGF), qui assure la fonction d'audit et de contrôle internes dans le secteur public marocain, et la Trésorerie Générale du Royaume (qui assure l’audit de capacité de gestion des services ordonnateurs dans le cadre du contrôle modulé de la dépense). L’IGF avait précédemment dirigé une initiative visant à harmoniser le cadre méthodologique pour l’évaluation des risques de certains ministères, développe des matrices de suivi pour ses recommandations, et conçoit activement un nouveau manuel de contrôle et d’audit interne pour une utilisation plus large parmi les ministères et agences du gouvernement (OCDE, 2019[46]).

Toutefois, aucune institution spécifique n’est explicitement chargée de concevoir et d’harmoniser le cadre méthodologique et les outils adéquats pour le contrôle interne et l’audit interne au Maroc. Un manque de clarté de la part du niveau central sur la méthodologie d’institutionnalisation du contrôle interne et la gestion des risques peut diminuer l’efficacité des contrôles et donner l’impression que les objectifs d’intégrité, ainsi que les activités de contrôle interne et de gestion des risques qui les soutiennent, sont distincts des autres objectifs stratégiques et opérationnels.

Un projet de décret relatif au contrôle interne dans l’Administration de l’État est en cours d’approbation et devrait fixer un cadre de référence et des modalités de mise en œuvre du contrôle interne dans les départements ministériels qui sont tenus de mettre en place un dispositif adapté à leurs missions. Par ailleurs, le décret n° 2-22-580 relatif à la mise en place d’un dispositif de contrôle de gestion au sein des départements ministériels vient d’être publié. Il vise à asseoir un cadre réglementaire harmonisé pour la mise en place d’un dispositif de contrôle de gestion qui répond aux principes de transparence. Ce dispositif va permettre l’aide au pilotage opérationnel et la mise en cohérence des plans stratégiques des départements ministériels avec les objectifs des programmes budgétaires.

Le Maroc est donc encouragé à poursuivre la consolidation d’une approche unifiée du contrôle et de l’audit interne axé sur l’amélioration de la performance organisationnelle et s’attaquant à la fraude et à la corruption. Ces activités pourraient être confiée à l’IGF ou une fonction d’harmonisation centrale (CHF) dédiée, qui aurait pour mandat d’harmoniser les normes et outils de contrôle interne et de surveiller la qualité et la performance globales, ainsi que d’organiser des activités de formation et de renforcement des capacités (OCDE, 2019[46]), à l’image de l’exemple français (Encadré 6.22).

Pour les organismes du secteur public, les mécanismes de contrôle interne constituent un moyen fondamental d'atténuer les risques. Ils sont constitués d’un ensemble de normes, de processus et de structures de contrôle interne à l'échelle d’une entité, qui doivent être continuellement adaptées et affinées pour répondre aux changements de l’environnement et des risques de l’entité. Pour être efficace, le système de contrôle interne doit être mis en œuvre comme une partie intégrante des opérations déjà en place dans les entités gouvernementales.

En particulier, l’encadrement d’une organisation doit avoir la responsabilité première de la conception, de la mise en œuvre et du suivi des fonctions de contrôle interne et de gestion des risques. Dans la majorité des pays de l'OCDE, les dirigeants d’une organisation sont tenus légalement responsables du suivi et de la mise en œuvre des activités de contrôle et de gestion des risques. En outre, de nombreux pays disposent de lois qui rendent les dirigeants spécifiquement responsables des politiques de gestion du risque d'intégrité (OCDE, 2017[47]).

Au Maroc, l'idée répandue selon laquelle le contrôle interne est une activité indépendante, simplement ajoutée aux pratiques et processus administratifs existants, continue de constituer un obstacle important à l’établissement d’un processus de contrôle interne solide. Afin de contrôler le fonctionnement des administrations publiques, le gouvernement marocain s’appuie en premier lieu sur les Inspections Générales des Ministères (IGM), qui ont la responsabilité verticale des audits au sein des ministères. Leur mission est de faire un rapport sur le fonctionnement des services, effectuer des missions d’audit et entreprendre des évaluations de performances et des enquêtes dans le but d’améliorer la qualité des services publics. Le mandat des IGM est décrit dans l’Encadré 6.23. Dans la pratique, peu d’audits et d’évaluations sont réalisés, et le suivi des recommandations n’est pas systématique.

Par ailleurs, les gestionnaires opérationnels et le personnel ne sont en général pas assez conscients du fait qu’ils ont la responsabilité du risque et de sa gestion dans le cadre de leurs missions quotidiennes et de leurs responsabilités (OCDE, 2019[46]). Le Maroc pourrait donc veiller à ce que des fonctions de contrôle interne correspondants soient intégrées aux procédures opérationnelles des organisations du secteur public et soient capables d’atténuer efficacement les risques pouvant empêcher l’entité d’atteindre ces objectifs. Cela peut passer par le renforcement du cadre légal sur le contrôle interne établissant dans les entités publiques un système solide de contrôle interne, comprenant des indicateurs de performance financière et non financière, accompagné d’une fonction d’audit interne crédible, et fixant des objectifs clairs à tous les niveaux de l’organisation. En France par exemple, toutes les entités publiques (administrations de l’État, collectivités locales, établissements publics et sociétés d’économie mixte) sont légalement tenues de procéder à des évaluations des risques, quelle que soit leur taille. À ce titre, les entités publiques doivent dresser la liste de tous les processus liés à leurs activités, comme le recrutement et les marchés publics, et évaluer les risques associés, y compris les risques liés à l’intégrité.

Cette recommandation est alignée avec les principes du « modèle des trois lignes » afin de confier une plus grande responsabilité en matière de contrôle interne et de gestion des risques à la direction opérationnelle. Ce modèle de l'Institute of Internal Auditors (IIA) souligne que la responsabilité première du contrôle interne et de la gestion des risques incombe au personnel et au management opérationnel des entités publiques, car ils sont responsables du maintien de contrôles internes efficaces et de l'exécution des procédures de risque et de contrôle au quotidien. La deuxième ligne comprend les personnes chargées de l'établissement d'un cadre de gestion des risques, de la surveillance, de l'identification des risques émergents et des rapports réguliers aux cadres supérieurs. Enfin, les unités d’audit interne constituent la troisième ligne (Institute of Internal Auditors, 2020[48]).

L’audit interne est une composante centrale d’un système de contrôle interne efficace. En principe, l’audit interne a pour rôle principal de fournir à la direction une assurance indépendante, objective et a posteriori de la qualité de la gestion du risque et des contrôles internes des entités publiques. À ce titre, les auditeurs internes évaluent la conception et la mise en place des activités de contrôle financier et managérial et de gestion des risques, tout en maintenant leur indépendance en n’effectuant eux-mêmes aucune de ces activités de contrôle de première et deuxième lignes de défense.

Depuis 2013, un certain nombre d'initiatives, tant au niveau national que local, sont en cours pour moderniser la fonction d'audit interne. Ces initiatives ont contribué à renforcer les capacités et les fonctions essentielles, ainsi qu'à soutenir la décentralisation à travers les niveaux locaux. En outre, ces initiatives ont abouti à une structure institutionnelle qui démontre la responsabilité partagée de diverses entités d’audit interne au sein des ministères, agences publiques et administrations locales au Maroc. La charge de la fonction d’audit interne est partagée entre différentes institutions, notamment la fonction centralisée d’inspection financière (IGF) ayant pour mandat à l’échelon gouvernemental de surveiller et contrôler les dépenses et la bonne utilisation des fonds publics par des audits ex post, la Trésorerie Générale du Royaume (pour l’audit de capacité de gestion des services ordonnateurs dans le cadre du contrôle modulé de la dépense), et les Inspections Générales Ministérielles, et qui sont beaucoup moins puissants que l’IGF interministérielle. De plus, les comités et unités d’audit, rattachés au conseil d’administration d’une variété d’entreprises détenues et contrôlées par l’État (EP), fournissent une analyse des EP.

Toutefois, cette structure reflète aussi la confusion quant au rôle et aux missions affectés aux auditeurs internes. Tandis que l’inspection financière est une activité d’investigation, axée sur le contrôle financier ex post, qui relève généralement d’une organisation centrale ayant pour but d’examiner les défaillances majeures et sanctionner les organisations et personnes responsables, l’audit interne est un service de conseil non axé sur la vérification et le contrôle, destiné aux gestionnaires opérationnels et à la haute direction des organisations, et permettant de promouvoir une amélioration des systèmes de contrôle. Le Graphique 6.3 et le Tableau 6.5 placent la fonction d’audit interne parmi les dispositifs constitutionnels de suivi, de contrôle et d’audit. Les auditeurs internes peuvent favoriser le changement en incluant dans leurs programmes de travail des audits sur la manière dont les risques sont gérés et en attirant l'attention sur le manque de gestion des risques opérationnels dans l'ensemble du gouvernement dans leurs rapports d'audit. La fonction d’audit interne peut potentiellement tirer un enseignement des résultats des inspections financières et utiliser leurs conclusions pour élaborer des exercices de planification basée sur les risques.

Par ailleurs, plusieurs rapports de l’IGF ont montré le besoin de renforcer le contrôle managérial, en allant au-delà de la vérification ordinaire de la comptabilité et de la régularité, et en commentant l’efficacité des procédures organisationnelles et managériales des organisations publiques. Le Maroc devrait donc continuer à investir dans la modernisation complète de sa fonction d’audit, en définissant clairement et en séparant le rôle de l’audit interne par rapport aux activités de contrôle – notamment financier – des institutions et fonctions d’inspection financière.

À cette fin, le Maroc pourrait poursuivre une démarche nationale pour établir des unités d’audit interne au sein des entités publiques, axées sur le renforcement des premières et deuxièmes lignes de défense. Cela pourrait passer par le renforcement des IGM comme troisième ligne de défense, et permettrait aux gestionnaires opérationnels d’être en mesure d'entreprendre des évaluations des risques sans crainte de représailles et de manière totalement distincte de l'évaluation des risques entreprise par les auditeurs dans le cadre de leur planification d'audit. Dans certains pays membres de l’OCDE, comme les États-Unis ou la Nouvelle-Zélande, l’existence de comités d’audit a obligé la haute direction à se concentrer sur le contrôle interne et le cadre de gestion des risques, afin qu’il soit plus stratégique, cohérent, opérationnel et clairement séparé de la fonction d’audit, afin d’éviter tout conflit d'intérêts.

Le Maroc peut aussi explorer la possibilité d’établir une unité d’audit commune qui fournirait des services à plusieurs entités d’un même secteur ou domaine politique (par ex. le gouvernement local ou la santé). De nombreux pays de l'OCDE disposent d'une fonction d'audit interne centrale qui est chargée d'auditer plus d'un ministère – et la plupart de ces fonctions d'audit interne centrales ont des objectifs dédiés à l'intégrité, comme la Government Internal Audit Agency (GIAA) du Royaume-Uni (Encadré 6.24). L'audit de plusieurs entités à un niveau central permet aussi de tirer parti des ressources d'audit disponibles, de renforcer la capacité du gouvernement à identifier les problèmes systémiques et transversaux, et de mettre en place des mesures pour y répondre dans une perspective pangouvernementale (OCDE, 2020[23]).

Un élément clé d'un système de contrôle interne solide est une approche positive et intégrée de la gestion des risques de corruption ; le système doit permettre d'identifier les risques potentiels de fraude et de corruption, et contenir les mécanismes de contrôle appropriés pour les traiter efficacement. Au niveau des pays de l’OCDE, certains organes du secteur public désignent une entité chargée de gérer les risques liés à l’intégrité. Cette entité dédiée peut être un comité, une équipe ou une personne, selon les besoins. Quelle que soit l’approche adoptée, il est essentiel que l’entité ou la fonction relève directement de l’encadrement supérieur, étant donné la responsabilité globale de cette dernière dans la gestion des risques.

Dans de la mise en œuvre de la SNLCC, de multiples initiatives ont été prises et des mécanismes ont été mis en place visant à évaluer les risques de corruption. Le Maroc a par exemple adopté le 10 mai 2017 la norme ISO 37001 sur le management anticorruption. Des cartographies des risques ont déjà été élaborées, notamment en matière d’urbanisme et de transports, sur la base de la Charte des services publics qui consacre également la gestion des risques.

Le MTNRA pointe néanmoins le manque d’un cadre général, sous forme de référentiel ou de guide, afin d’instituer un nouveau savoir-faire en ce domaine au niveau des départements ministériels, même s'il a été précisé qu’un projet de guide réalisé par les Services du Chef du gouvernement et l’INPPLC est en cours de finalisation au moment de l’élaboration de ce rapport. Le Maroc est donc encouragé à généraliser les pratiques de contrôle interne et de gestion des risques d’intégrité à l’ensemble des services publics et secteurs économiques sur la base des initiatives concluantes déjà réalisées dans certains domaines. Un référentiel précis fournirait une base solide pour l’évaluation du risque de corruption dans les organisations du secteur public, permettrait une meilleure diffusion de la pratique de gestion des risques et apporterait plus de clarté aux mécanismes préconisés. La Charte des services publics ainsi que le projet de texte en cours de rédaction portant sur le contrôle interne et la gestion des risques, pourrait servir de base à la généralisation de ces mécanismes. En particulier, des cartographies des risques devraient être élaborées dans tous les domaines et services sensibles. À titre d’exemple, la République slovaque a mis en place une méthodologie commune sur la gestion des risques de corruption qui s’applique à tous les organismes du secteur public (Encadré 6.25).

Ce cadre de gestion des risques devrait indiquer clairement quelles informations sur les risques doivent être recueillies et comment la responsabilité des risques est attribuée au sein d’une organisation. Selon les normes ISO pour la gestion des risques, l'évaluation des risques est un processus en trois étapes qui commence par l'identification des risques et est suivi par l'analyse des risques, qui consiste à développer une compréhension de chaque risque, de ses conséquences, de la probabilité que ces conséquences se produisent et de la gravité du risque. La troisième étape est l'évaluation du risque, qui consiste à déterminer le degré de tolérance de chaque risque et à décider si le risque doit être accepté ou traité (ISO, 2009[51]).

Des lignes directrices pourraient par exemple décrire les conditions dans lesquelles différents risques de corruption peuvent survenir, contenir des matrices de risques qui montrent comment évaluer et hiérarchiser les risques, fournir des modèles que les responsables pourraient utiliser et désigner les responsabilités pour l'identification et le traitement des risques. Au Royaume-Uni (RU), par exemple, le ministère de l'Intérieur a publié un modèle d'évaluation de la corruption dans le plan britannique de lutte contre la corruption. Ce modèle d’auto-évaluation est publié en ligne et s'adresse aux agences et départements gouvernementaux pour évaluer leur réponse à la corruption (Encadré 6.26).

Une fois qu'un cadre de gestion des risques clair a été établi, la gestion des risques doit être promue et communiquée et doit imprégner la culture et les activités de l'organisation de telle sorte qu'elle devienne l'affaire de tous au sein de l'organisation – elle ne doit pas être le domaine des unités d'audit interne et ne doit pas être gérée de manière isolée.

Au Maroc, un certain nombre d'initiatives ont déjà été lancées en matière de sensibilisation et de renforcement des capacités. L’INPPLC participe à l’instauration d’une culture de la gestion du risque en incitant les autorités publiques et privées, par divers partenariats, à se saisir des mécanismes de contrôle interne. Dans son rapport annuel 2020, l’INPPLC met en avant l’organisation d’un atelier numérique, en partenariat avec le Centre de Genève pour la Gouvernance du Secteur de la Sécurité, traitant de la promotion de la probité et de la prévention des risques de corruption à l’heure des pandémies. Les travaux dudit atelier ont porté́ sur la recherche de réponses communes et le partage de solutions et d’expériences pour faire face aux risques de corruption, aggravés par les conditions engendrées par la situation de la pandémie. De son côté, la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) organise des ateliers de sensibilisation et des échanges de bonnes pratiques entre les entreprises.

L’INPPLC, qui participe à l’élaboration de cartographies de risques et fournit un réel effort de sensibilisation des différentes parties prenantes à la gestion de risques, est donc encouragée à initier davantage d’organisations publiques et d’acteurs économiques de secteurs sensibles à la pratique de la gestion de risques et des cartographies des risques. Cela peut contribuer à institutionnaliser la gestion du risque de corruption et à guider les organismes publics dans leurs activités de gestion des risques de corruption. En outre, cela peut servir de base solide à l’INPLCC pour étendre ses activités d'analyse des risques au-delà du programme national de lutte contre la corruption afin de développer des approches et des résultats différents, comme l'identification des risques de corruption émergents. En Australie, par exemple, la Commission sur le crime et la corruption du Queensland (CCC) produit des documents pour les agences gouvernementales afin de les sensibiliser aux risques de corruption actuels et émergents (Encadré 6.27). L’INPLCC pourrait s'inspirer de cette pratique afin d'élargir son analyse des risques et d'adopter une approche à facettes multiples pour identifier les tendances des risques de corruption rencontrés par les agences gouvernementales.

Pour que les contrôles et audits soient suivis d’effets, les organisations publiques doivent donner des réponses adéquates aux recommandations des instances de surveillance. Au niveau du suivi des rapports émis par les autorités de contrôle, les services du Chef du gouvernement du Maroc analysent les rapports de la Cour des comptes, de l’Inspection générale des finances (IGF) et des inspections générales des ministères (IGM) et émettent des propositions de mesures concrètes pour pallier les dysfonctionnements constatés. Les services du Chef du gouvernement étudient également les rapports de l’instance nationale anti-corruption (INPPLC) et des autres institutions participant à la lutte contre la corruption telle que la Présidence du Ministère public, l’Autorité nationale du renseignement financier (ANRF) ou encore le Médiateur afin d’harmoniser et de faire converger l’évaluation et la gestion des risques. Par ailleurs, l’article 15 de Charte des services publics exige des services publics de mettre en œuvre les différentes recommandations en matière de bonne gouvernance issues des instances de contrôle, de régulation et de gouvernance et des institutions consultatives.

Le Maroc pourrait toutefois formaliser les mécanismes de suivi en renforçant le cadre légal, et en confiant aux IGM et autres unités d’audit interne la mission de suivre la mise en œuvre des recommandations d’audit. En Australie par exemple, la loi de 2013 sur la gouvernance, la performance et la responsabilité publiques (PGPA) exige que chaque entité du gouvernement australien ait un comité d'audit. Ces comités d’audit doivent, entre autres responsabilités, examiner le contenu des rapports d'audit interne et externe afin d'identifier les éléments pertinents pour l'entité, conseiller l’encadrement sur la réponse à adopter, et examiner la pertinence de la réponse de l'entité aux rapports de vérification interne et, dans la mesure du possible, de vérification externe (Australian Department of Finance, 2015[53]).

En parallèle du contrôle interne, le contrôle externe des activités des pouvoirs publics se présente comme un élément essentiel d’un système d’intégrité optimal. À ce titre, la Recommandation de l’OCDE sur l’intégrité publique incite les États à « renforcer le rôle de la surveillance et du contrôle externes au sein du système d’intégrité publique » (Principe 12 de la Recommandation) (OCDE, 2017[1]). Un système de surveillance externe doit reposer avant tout sur des organes de contrôle indépendants ayant pour mission de mener des enquêtes et évaluations approfondies sur le fonctionnement et la gestion des institutions publiques, et dotés des moyens suffisants pour le faire. Les failles relevées par ces institutions doivent être prises en compte et les recommandations qu’elles émettent pour y remédier doivent être suivies d’effets. De plus, les rapports de surveillance peuvent éclairer la stratégie en matière d’intégrité́, ainsi que les politiques et les réformes à mettre en place.

Au Maroc, la fonction d'audit externe relève principalement de la Cour des comptes du Maroc (CCM), qui a connu plusieurs réformes récentes, notamment la réforme constitutionnelle de 2011 et l’adoption en 2015 de la Loi organique relative à la loi de finances révisée (LOLF). Ces réformes ont entraîné une augmentation des demandes adressées à la CCM, qui s’est par ailleurs considérablement développée au cours des vingt dernières années avec la création de 12 bureaux d’audit régionaux (Cours régionales des comptes) pour renforcer la surveillance et l’audit des entités gouvernementales locales (à savoir, les gouvernements locaux, les exécutifs et agences régionaux et les prestataires de services affiliés) (OCDE, 2017[54]). Ces évolutions ont permis à la CCM de répondre aux normes reconnues de mandat, de pouvoirs et d’indépendance de l’INTOSAI y compris dans sa programmation des audits.

En matière de programmation des audits, la CCM dispose d’un mécanisme formel, qui inclut l’indépendance des cours régionales pour de programmation des audits, qui est garantie par la loi. Il convient de noter qu’en 2021, la CCM a adopté́ un plan stratégique sur cinq ans (2022-2026) qui vise à̀ définir et encadrer les grandes orientations des travaux des juridictions financières (Cour des Comptes du Maroc, 2021[55]). Il s’articule principalement autour de la programmation des travaux de contrôle, l’uniformisation des normes et des approches adoptées dans ce contrôle, la préparation et la publication des travaux des juridictions financières, l’activation des passerelles entre les différentes attributions juridictionnelles et non juridictionnelles et l’instauration d’une culture d’ouverture sur l’environnement extérieur. Le plan stratégique prescrit que la programmation des travaux de contrôle sera élaborée selon une approche fondée sur l’analyse des risques, tout en garantissant l’indépendance, l’objectivité et l’impartialité des juridictions financières. Pour aller plus loin, la programmation des travaux basées sur les risques pourrait intégrer les risques liés à la corruption, à l’image de ce qui a été récemment effectué en France (Encadré 6.28).

La CCM a également renforcé ses processus de suivi des recommandations. La CCM réalise notamment le suivi des recommandations des juridictions financières et publie le résultat de ce suivi dans ses rapports annuels. Depuis 2015, les résultats du suivi des cours régionales des comptes y sont également publiés. La Cour a veillé à ce que les synthèses élaborées sur le suivi des recommandations fassent l’objet d’une procédure contradictoire avec tous les organismes concernés. Plus spécifiquement, la Cour des comptes a procédé à l’évaluation de la mise en œuvre des dispositifs de maîtrise des risques, de contrôle et d’audit internes dans 13 départements ministériels. La CCM a également mis en place, depuis juin 2021, une plateforme numérique ayant pour objectif de faciliter l’échange avec les différents départements ministériels concernant le suivi des recommandations émises par la Cour. Le maintien d’une communication et d’une coordination efficaces avec les entités auditées est une bonne pratique à souligner. Le Maroc pourrait donc maximiser l’utilisation de cette plateforme pour maintenir des relations d’échange et d’écoute avec les entités auditées tout au long du processus d’audit, ce qui peut mener à des conclusions plus pertinentes et à une mise en œuvre améliorée des recommandations.

Enfin, afin que son travail d’évaluation de la gestion des services publics soit exhaustif, utile et efficace, les moyens de la CCM pourraient être renforcés. En effet, plusieurs acteurs de la société civile, dont l’Association marocaine de protection de l’argent public, ont récemment déploré le rôle encore très limité de la Cour des comptes dans la lutte contre la corruption, notamment en raison d’un manque d’effectifs humains, qui ne lui permettent pas de répondre correctement à ses champs d’actions multiples (Yabiladi, 2022[57]). Le Maroc pourrait donc renforcer les moyens humains, techniques et financiers de la Cour et de ses antennes régionales afin de lui permettre d’agir pleinement sur chacun des volets de son champ de compétence.

L’un des défis majeurs auxquels est confronté le Maroc est la promotion d’une coordination efficace entre la fonction d’audit interne et les organes d’inspection existants d’une part, et les institutions de responsabilisation, telles que la CCM et l’INPLCC d’autre part. La CCM dispose d’un certain nombre de processus et de mécanismes pour collaborer avec les parties prenantes afin de renforcer la responsabilité, l’intégrité et la transparence du gouvernement marocain.

S’agissant des relations de la CCM avec les fonctions d’audit interne, la communication et la coordination restent encore caractérisées par des échanges d’informations ad hoc. Un précédent rapport de l’OCDE confirmait que même s’il existe des dispositions légales pour assurer l’échange systématique de rapports d’audit entre l’IGF et la CCM, les institutions n’échangent pas leurs plans d’audit futurs, ce qui génère des doublons, des chevauchements potentiels et une lassitude envers les audits de la part des entités auditées. Le rapport recommandait donc d’améliorer les efforts existants pour formaliser des mécanismes de contact et de coordination entre la CCM et les parties prenantes (OCDE, 2017[54]). Depuis, la CCM a conclu un protocole de coopération avec le ministère des Finances, dont dépend l’IGF, afin d’éviter la duplication des efforts et de maximiser la couverture des audits. Un protocole de coopération similaire pourrait être conclu avec Inspection générale de l'Administration territoriale (IGAT). La Cour des Comptes est donc encouragée à poursuivre les efforts de coopération afin de permettre une remontée d’informations vers la CCM concernant les risques de fraude et de corruption identifiés et qui pourraient informer l’analyse des risques et la planification des audits de la CCM relatifs aux systèmes de contrôle interne.

Enfin, la CCM pourrait renforcer et formaliser les mécanismes de coopération et de coordination avec l’INPPLC, ce qui l’aiderait à approfondir sa compréhension des risques de corruption. Le Médiateur du Royaume est également une partie prenante pertinente, de même que certaines entités du secteur privé, des organisations de la société civile, des institutions de recherche et les médias. Une telle coopération pourrait aider la CCM à recueillir des perspectives uniques sur les risques émergents dans la société et ainsi lui permettre d’affiner sa programmation d’audits.

Sur le fondement de l’article 19 de la Constitution de 2011, un Médiateur a été créé au Maroc par le Dahir du 17 mars 2011. L’article premier du règlement le définit comme une institution nationale indépendante qui a notamment pour mission de défendre les droits et de procéder à la diffusion des valeurs de la moralisation et de la transparence dans la gestion des services publics. Le texte dispose que le Médiateur doit également veiller à promouvoir une communication efficiente entre les personnes (physiques ou morales), et les organismes dotés de prérogatives de puissance publique. Le Médiateur joue ainsi le rôle d’intermédiaire neutre entre les administrés au sens large et les pouvoirs publics dans tout le spectre social et territorial. Il est donc bien positionné pour identifier la mauvaise gestion et les risques potentiels en termes d’intégrité et de responsabilisation, et pour conseiller sur les problèmes émergents.

Dans son dernier rapport portant sur l’année 2019, le Médiateur du Royaume indique avoir reçu 5843 demandes, plaintes et doléances dont 3339 relevaient de sa compétence. Près de la moitié des dossiers enregistrés concernent des problèmes de moralisation de la gestion publique. Le rapport relève que la moyenne des délais de réponse de l’administration aux dossiers de doléances traités par le Médiateur est de 74 jours, soit plus que le délai moyen prévu par la loi. Mais ce sont surtout les délais d’application par l’administration des recommandations formulées par le Médiateur qui sont excessivement longs, à savoir 660 jours en moyenne soit près de de deux ans. Ajouté au fait que 13% des correspondances adressées par le Médiateur aux administrations ne reçoivent aucune réponse, cela dénote une diligence limitée des administrations dans l’application des recommandations du Médiateur.

Le Maroc pourrait donc inciter ses administrations à réduire les délais de traitement des requêtes des citoyens en simplifiant les procédures et en priorisant les demandes selon leur degré d’urgence. Le Maroc devrait également consolider et améliorer le respect des recommandations du Médiateur du Royaume par les administrations et le traitement de ses correspondances par les autorités publiques. L’importance croissante du Médiateur dans la protection des droits des administrés et la confiance qu’il suscite dans la population, démontrée par l’évolution du nombre de plaintes reçues annuellement, doit s’accompagner d’une meilleure application concrète de ses décisions afin d’assurer son effectivité et préserver son rôle d’intermédiaire entre les citoyens et les pouvoirs publics.

References

[28] AGNU (1997), Action contre la corruption, AGNU documents officiels, 51e session ONU Doc A/Res/51/59, https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N97/762/74/PDF/N9776274.pdf?OpenElement.

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[10] Arab Barometer (2022), Arab Barometer VI. Morocco Country Report, https://www.arabbarometer.org/wp-content/uploads/Morocco_ArabBarometer_Public-Opinion_2021_En-1.pdf.

[8] Arab Barometer (2019), Arab Barometer V. Morocco Country Report, https://www.arabbarometer.org/wp-content/uploads/ABV_Morocco_Report_Public-Opinion_Arab-Barometer_2019.pdf.

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[11] Benadad, H. (2019), “La corruption coûte au Maroc 5% de son PIB”, Le 360.fr, https://fr.le360.ma/politique/la-corruption-coute-au-maroc-5-de-son-pib-187250/ (accessed on 27 April 2023).

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[56] Cour des Comptes (2021), JF 2025: Construire ensemble l’avenir des juridictions financières, https://www.ccomptes.fr/system/files/2021-02/20210212-rapport-JF-2025.pdf.

[55] Cour des Comptes du Maroc (2021), Orientations stratégiques des juridictions financières pour la période 2022-2026, http://www.courdescomptes.ma/upload/wysiwyg/files/Brochure_Plan%20et%20orientations%20strat%C3%A9giques_pour%20site(4).pdf.

[52] Crime and Corruption Commission (Queensland) (2020), Website, https://www.ccc.qld.gov.au/.

[12] Freedom House (2022), Freedom in the World 2022. Country report: Morocco, https://freedomhouse.org/country/morocco/freedom-world/2022.

[16] INPLCC (2021), Rapport Annuel 2020. Résumé exécutif, https://inpplc.ma/fr/publications.

[15] INPPLC (2019), Stratégie Nationale Anti-Corruption. Pour une nouvelle dyna;ique d’ensemble, https://inpplc.ma/fr/publications?page=2.

[22] Instance Nationale de la Probité de la Prévention et de la Lutte contre la Corruption (2022), Lettre de la Probité n°3, https://inpplc.ma/sites/default/files/PUBLICATIONS/Lettre%20de%20la%20Probit%C3%A9%20N3%20-%20Version%20Fran%C3%A7aise%20VF.pdf (accessed on 20 July 2022).

[48] Institute of Internal Auditors (2020), Le Modèle des Trois Lignes de l’IAA, https://www.theiia.org/globalassets/documents/resources/the-iias-three-lines-model-an-update-of-the-three-lines-of-defense-july-2020/three-lines-model-updated-french.pdf (accessed on 5 June 2023).

[51] ISO (2009), ISO 31000-2009 Risk Management,, https://www.iso.org/iso-31000-risk-management.html.

[20] Kaptein, M. (2007), “Developing and Testing a Measure for the Ethical Culture of Organizations: The Corporate Ethical Virtues Model”, ERIM Report series Research in Management, Vol. ERS-2007-084-ORG/Erasmus Research Institute of Management (ERIM), http://hdl.handle.net/1765/10770.

[14] Le Collectif Associatif pour l’Observation des Élections (2022), Le Maroc Vote. Les élections législatives en chiffres 2011-2021, https://tafra.ma/wp-content/uploads/2022/04/leMarocVote-edit21.pdf.

[32] Ministère de la Transition Numérique et de la Réforme de l’Administration (2020), Guide Juridique pour la Probité, la Prévention et la lutte contre la Corruption, https://www.mmsp.gov.ma/uploads/documents/GuideJuridique_15022021_Fr.pdf.

[42] Ministère de l’Économie et des Finances du Maroc (2013), Code marocain de bonnes pratiques de gouvernance des entreprises et des établissements publics, https://www.finances.gov.ma/Publication/depp/2013/Codegouvernance_fran%c3%a7ais.pdf.

[36] OCDE (2022), L’encadrement du lobbying au Québec, Canada: Poursuivre le développement d’une culture de transparence et d’intégrité, Examens de l’OCDE sur la gouvernance publique, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/dbbc360d-fr.

[26] OCDE (2022), OECD Integrity Review of Costa Rica: Safeguarding Democratic Achievements, OECD Public Governance Reviews, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/0031e3b3-en.

[50] OCDE (2022), OECD Integrity Review of the Slovak Republic: Delivering Effective Public Integrity Policies, OECD Public Governance Reviews, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/45bd4657-en.

[34] OCDE (2021), Lobbying in the 21st Century: Transparency, Integrity and Access, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/c6d8eff8-en.

[13] OCDE (2021), Renforcer l’autonomie et la confiance des jeunes au Maroc, Examens de l’OCDE sur la gouvernance publique, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/588c5c07-fr.

[24] OCDE (2021), Strengthening Public Integrity in Brazil: Mainstreaming Integrity Policies in the Federal Executive Branch, OECD Public Governance Reviews, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/a8cbb8fa-en.

[23] OCDE (2020), Manuel de l’OCDE sur l’intégrité publique, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/84581cb5-fr.

[46] OCDE (2019), Contrôle interne et gestion des risques pour l’intégrité publique au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, Examens de l’OCDE sur la gouvernance publique, https://www.oecd.org/gov/ethics/controle-interne-gestion-risques-integrite-publique-mena.pdf.

[33] OCDE (2019), Integrity Review of Argentina: Achieving Systemic and Sustained Change, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/g2g98ec3-en.

[25] OCDE (2019), OECD Integrity Review of Argentina: Achieving Systemic and Sustained Change, OECD Public Governance Reviews, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/g2g98ec3-en.

[27] OCDE (2018), Diagnostic d’intégrité au Maroc : Mettre en œuvre des politiques d’intégrité pour renforcer la confiance, Examens de l’OCDE sur la gouvernance publique, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264302693-fr.

[2] OCDE (2018), Diagnostic d’Intégrité du Maroc.

[45] OCDE (2018), Education for Integrity. Teaching on Anti-Corruption, Values and the Rule of Law, https://www.oecd.org/governance/ethics/education-for-integrity-web.pdf.

[40] OCDE (2018), Guide OCDE sur le devoir de diligence pour une conduite responsable des entreprises, https://www.oecd.org/fr/daf/inv/mne/Guide-OCDE-sur-le-devoir-de-diligence-pour-une-conduite-responsable-des-entreprises.pdf.

[30] OCDE (2018), Integrity Review of Nuevo León, Mexico: Sustaining Integrity Reforms, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264284463-en.

[47] OCDE (2017), Government at a Glance 2017, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/gov_glance-2017-en.

[54] OCDE (2017), Institution Supérieure de Contrôle du Royaume du Maroc. Une étude d’apprentissage conjointe pour l’amélioration de la gouvernance au moyen d’un contrôle externe, https://www.oecd.org/gov/ethics/institution-superieur-controle-Maroc.pdf.

[17] OCDE (2017), Monitoring and Evaluating Integrity Policies, Working Party of Senior Public Integrity Officials GOV/PGC/INT(2017)4, Paris.

[1] OCDE (2017), Recommandation de l’OCDE sur l’intégrité publique, https://www.oecd.org/gov/ethics/Recommandation-integrite-publique.pdf.

[38] OCDE (2015), Principes de gouvernement d’entreprise du G20 et de l’OCDE, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264236905-fr.

[39] OCDE (2011), Les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, https://www.oecd.org/fr/daf/inv/mne/2011102-fr.pdf.

[35] OCDE (2010), Recommandation du Conseil sur les Principes pour la transparence et l’intégrité des activités de lobbying, https://legalinstruments.oecd.org/fr/instruments/OECD-LEGAL-0379.

[31] OCDE (2005), Gérer les conflits d’intérêts dans le service public: lignes directrices de l’OCDE et expériences nationales, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264104945-fr.

[21] OCDE (n.d.), OECD Public Integrity Indicators, https://oecd-public-integrity-indicators.org/.

[19] Parsons, J. (2013), Indicators of Inputs, Activities, Outputs, Outcomes and Impacts in Security and Justice Programming, Department for International Development (DFID).

[5] Royaume du Maroc (2021), Le nouveau modèle de développement : Libérer les énergies et restaurer la confiance pour accélérer la marche vers le progrès et la prospérité pour tous, https://www.csmd.ma/documents/Rapport_General.pdf.

[7] Royaume du Maroc (2021), Programme gouvernemental 2021-2026, https://social.gov.ma/programme-gouvernemental/.

[6] Royaume du Maroc (2021), Sa Majesté le Roi addresse un discours au Parlement à l’occasion de l’ouverture de la 1ère session de la 1ère année législative de la 11ème législature, https://www.diplomatie.ma/fr/sa-majest%C3%A9-le-roi-adresse-un-discours-au-parlement-%C3%A0-loccasion-de-louverture-de-la-1%C3%A8re-session-de-la-1%C3%A8re-ann%C3%A9e-l%C3%A9gislative-de-la-11%C3%A8me-l%C3%A9gislature.

[4] Royaume du Maroc (2019), Discours du roi Mohammed VI à l’occasion de la fête du trône le 29 juillet 2019, http://diplomatie.ma/fr/sa-majesté-le-roi-mohammed-vi-adresse-un-discours-à-la-nation-à-loccasion-de-la-fête-du-trône.

[3] Royaume du Maroc (2015), Stratégie Nationale de Lutte contre la Corruption, https://www.mmsp.gov.ma/fr/nos-metiers/moralisation-et-lutte-contre-la-corruption-dans-l%E2%80%99administration.

[37] Transparency Maroc (2014), « Société Civile » dans Étude sur le Système national d’intégrité 2014, https://images.transparencycdn.org/images/2014_NIS_Morocco_FR.pdf.

[49] United Kingdom Government Internal Audit Agency (2022), About us, https://www.gov.uk/government/organisations/government-internal-audit-agency/about (accessed on 2 June 2022).

[18] United Nations (2011), The United Nations Rule of Law Indicators - Implementation Guide and Project Tools, Department of Peacekeeping Operations and Office of the High Commissioner for Human Rights, New York.

[57] Yabiladi (2022), Mohamed El Ghalloussi : «Malgré les rapports de la Cour des Comptes, la corruption s’amplifie au Maroc», https://www.yabiladi.com/articles/details/125399/mohamed-ghalloussi-malgre-rapports-cour.html.

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