2. Synthèses régionales

Ce chapitre consacré aux synthèses régionales présente les grandes tendances dans les régions définies par la FAO pour mettre en œuvre son programme de travail général. Compte tenu de la diversité qui existe entre les régions, le but de ces synthèses n’est pas de comparer la situation de l’une à l’autre mais de mettre en évidence certaines des évolutions les plus récentes en insistant sur les réponses apportées aux défis mondiaux et les nouvelles tendances qui s’en dégagent, et en reliant ces dernières avec les principaux messages émanant des Perspectives. Les évaluations comparent généralement le point final de la période de projection des Perspectives (2031) avec la période de référence de 2019-21. Cette année, la région Asie-Pacifique, vaste et hétérogène, fait l’objet de deux synthèses distinctes : d’un côté, l’Asie développée et de l’Est ; de l’autre, l’Asie du Sud et du Sud-Est.

L’impact de la pandémie de COVID-19 – qui continue de sévir dans le monde entier – et les mesures qui sont prises pour y faire face varient selon les régions. Les synthèses régionales ne contiennent pas d’évaluation quantitative particulière de l’impact de la pandémie mais reflètent les dernières projections macroéconomiques disponibles et montrent dans quelle mesure les actions engagées pour endiguer la propagation du COVID-19 ont eu une incidence sur le contexte. De même, bien que la guerre de la Russie contre l’Ukraine puisse avoir des effets à court terme sur les différentes régions, les synthèses n’en fournissent pas d’analyse quantitative. Il en résulte que les tendances et les problématiques exposées dans ce chapitre sont celles qui devraient sous-tendre les Perspectives à mesure que les économies se relèveront des chocs inattendus survenus récemment, en supposant que les effets sur la production, la consommation et les échanges des produits destinés à l’alimentation humaine et animale et des carburants s’estomperont peu à peu.

Le chapitre est divisé en sept sections dans lesquelles le texte, les tableaux et les graphiques sont organisés de manière similaire pour chaque région. Une section Contexte présente les principales caractéristiques de la région et décrit le cadre dans lequel s’inscrivent les projections de la production, de la consommation et des échanges figurant dans les sections suivantes. Chaque synthèse régionale comporte une annexe fournissant des graphiques et tableaux de même type décrivant les principaux aspects des projections de la région1.

La région Asie développée et de l’Est2 comprend des pays très différents jouant des rôles centraux sur les marchés internationaux. Elle inclut la Chine et le Japon, qui sont respectivement les deuxième et troisième plus grandes économies mondiales. Avec 1.6 milliard d’habitants, cette région est la deuxième plus peuplée parmi celles examinées dans le présent chapitre, mais sa croissance démographique estimée à 0.1 % par an sur les dix prochaines années figure parmi les plus faibles. Ramenés au nombre d’habitants, les revenus varient de 8 340 USD en Chine à 61 653 USD en Australie. L’urbanisation a progressé rapidement dans toute la région et l’on estime qu’en 2031, 74 % de la population vivra en milieu urbain, contre seulement 42 % en 2000. Cette urbanisation a pour corollaire un changement d’alimentation qui suscite une consommation accrue de produits de plus grande valeur ainsi que d’aliments transformés et emballés, d'où une transformation rapide des systèmes alimentaires. Si les ressources agricoles exploitables sont très limitées en Chine, en Corée du Sud et au Japon, elles sont en revanche abondantes en Australie et en Nouvelle-Zélande.

Au niveau régional, le PIB par habitant a reculé de 0.7 % en 2020, les baisses enregistrées dans les pays développés étant contrebalancées par une hausse ininterrompue en Chine (+1.9 %). Du point de vue économique, ces chiffres signifient que cette région a été l’une des moins touchées par la pandémie de COVID-19. Sa reprise a également été l'une des plus rapides. La région a enregistré une croissance de 5.4 % en 2021, et la reprise a été générale dans tous les pays – sachant que le revenu moyen par habitant en 2021 avait déjà augmenté de 4.7 % par rapport à 2019. Ces revenus devraient croître de 3.4 % par an au cours des dix ans à venir, ce qui signifie qu’en 2031, ils seront de 45 % supérieurs à la moyenne de la période de référence. La hausse des revenus sera un moteur déterminant de la demande en Chine, tandis que les préférences des consommateurs risquent d'avoir plus d'importance dans les pays développés à revenu élevé.

La part de la valeur ajoutée du secteur primaire de l’agriculture et des pêches dans l’économie est en recul – à quelque 5.5 % – et devrait atteindre 4.5 % en 2031. Compte tenu de la croissance des économies, la part moyenne des dépenses alimentaires dans le budget total des ménages était de 13 % au cours de la période de base, variant de 17 % en Chine à seulement 8 % en Australie. Là où les parts des dépenses alimentaires sont élevées, les prix et les variations brutales des revenus risquent d’avoir d'importantes répercussions sur la sécurité alimentaire dans la région, même si les chocs mondiaux pourront être plus ou moins atténués par la protection intérieure mise en place dans certains pays. 3

La région comprend un certain nombre de grands exportateurs et importateurs de produits agricoles et alimentaires. La Chine et le Japon se situent respectivement à la première et la deuxième place mondiale en termes d’importations nettes de produits alimentaires, tandis que la Corée du Sud arrive au sixième rang4. Ces trois pays jouent un rôle important sur les marchés et les chaînes de valeur de l’agriculture au niveau mondial. À l’opposé, la Nouvelle-Zélande et l’Australie se classent parmi les 10 plus gros exportateurs nets mondiaux de produits alimentaires en valeur, en particulier de produits laitiers et d'origine animale. Les domaines de spécialité de la région donnent lieu à de vastes échanges interrégionaux qui vont en s’accroissant.

La région est confrontée à de nombreux défis de nature diverse. Les ressources naturelles sont limitées en Chine, en Corée du Sud et au Japon, ce qui donne souvent lieu à une utilisation trop intensive d’intrants, qui entraîne des problèmes de durabilité. Dans certaines zones, les ressources hydriques ont atteint des niveaux dangereusement bas. En Australie, les sécheresses sont de plus en plus fréquentes et intenses, et cela devrait se poursuivre sous l’effet du changement climatique. Compte tenu de la situation, il sera essentiel, pour garantir la durabilité future, de continuer à investir pour accroître la productivité dans la région. La progression de la productivité totale des facteurs dans la région est estimée à 1.6 % par an pendant la décennie à venir, contre 2 % durant les dix années écoulées5. Alors que la production s’est accrue de 19 % entre 2010 et 2019, les intrants – avec prise en compte de la qualité – ont augmenté de seulement 3 %, le recul de la main-d’œuvre (-28 %) étant plus que compensé par la forte hausse du capital (+62 %) ainsi que celle de l’utilisation de matières et de terres (respectivement +5 % et +2 %).

Les maladies animales comme la peste porcine africaine et la grippe aviaire continuent de menacer la production de viande dans la région, et des mesures plus ambitieuses sont requises pour y faire face. À l’exception de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, les politiques interventionnistes qui sont menées dans la région jouent un rôle capital sur les marchés intérieurs et, compte tenu de la place qu’occupent les pays en question sur les marchés mondiaux, toute modification des politiques intérieures risque d'avoir un impact considérable au niveau international.

Comprenant seulement cinq pays, la région se classe à la première place mondiale pour la production de produits agricoles, halieutiques et aquacoles et devrait, en 2031, représenter 27 % de la production mondiale en valeur. La Chine représente la plus grosse partie de cette valeur : pendant la période de référence 2019-21, sa part moyenne dans la production agricole, halieutique et aquacole totale de l’Asie développée et de l’Est approchait les 90 %. Ce pays est le principal moteur de la croissance dans la région – avec une hausse de sa production agricole, halieutique et aquacole estimée à 20 %, contre une stagnation dans les autres pays –, les modestes gains réalisés en Australie et en Nouvelle-Zélande étant contrebalancés par les baisses au Japon et en Corée du Sud. Mis à part la reprise du secteur de l’élevage après l’épidémie de peste porcine africaine, la croissance dans la région s’est globalement ralentie sous l’effet de l’arrivée à maturité des marchés intérieurs, de l’évolution des politiques publiques, de l’ouverture des marchés et de l’intensification de la concurrence commerciale.

Du fait des ressources limitées, les gains de productivité sont essentiels et la progression attendue de 17.7 % de la valeur de la production agricole, halieutique et aquacole au cours de la décennie à venir surviendra malgré une baisse de 1 % de la superficie agricole totale. Une diminution des pâturages estimée à 1.8 % dans la plus grande partie de la région ne sera pas totalement compensée par l’augmentation de 2.2 % des terres affectées à la production végétale, principalement en Australie et en Nouvelle-Zélande. Alors que la valeur générée sur un hectare de terre cultivée est d’ores et déjà plus élevée en Asie développée et de l’Est que dans toute autre région, de nouvelles hausses de 1.3 % par an sont attendues du fait des changements intervenus dans le panachage des cultures et de l’accroissement des rendements rendu possible par les nouvelles variétés de semences, l’amélioration des méthodes de production et l’extension de l’irrigation. La valeur de la production végétale devrait progresser de 1.6 % par an, ce qui amènera sa part dans la production agricole, halieutique et aquacole totale de 61 % à l’heure actuelle à 63 % en 2031. Cependant, avec la rareté de l’eau et une utilisation record des engrais de synthèse par hectare dans la région, les préoccupations relatives à l’environnement et à la sécurité alimentaire sont de plus en plus grandes.

La région contribue de manière significative à la production mondiale de plusieurs végétaux comme le riz, le maïs et le blé. Elle représente également une part substantielle de la production mondiale de tourteaux protéiques et d’huile végétale, principalement grâce à la transformation d’oléagineux importés. La Chine assure presque à elle seule toute la production de maïs de la région et contribue pour plus de 90 % à celle de riz et pour 80 % à celle de blé. Ses terres consacrées à la production de maïs devraient être étendues de 5 % au cours des dix ans à venir ; ajouté à la hausse des rendements de presque 7 % d'ici 2031, cela entraînera une augmentation de la production de 12 %. À l’inverse, les superficies consacrées à la culture du riz et du blé devraient diminuer respectivement de 2.5 % et 2.4 %. Dans le cas du riz, l’amélioration des rendements de presque 9 % et la croissance de la production de 6 % suffisent à porter sa part dans la production régionale totale à 94 % en 2031. Les rendements du blé devraient eux aussi progresser (+3.6 %), mais avec une hausse de la production de seulement 1.1 %, la part de la Chine dans la production régionale sera en léger recul. En Australie, les rendements du blé vont s'accroître de plus de 11 % sur une superficie relativement stable et contribuer à une augmentation de la production de 8 % d’ici 2031 ; le pays devrait donc représenter presque 60 % de la production supplémentaire de blé de la région.

Le secteur de l’élevage ne représente que 21 % de la valeur totale de la production agricole, halieutique et aquacole de la région au cours de la période de base, et ce pourcentage devrait encore baisser du fait de l'augmentation de la production de seulement 14 % à l’horizon 2031, bien inférieure aux 20 % observés pour la production végétale sur une superficie qui évolue à la baisse. La Chine est le plus gros producteur de produits d'origine animale, principalement de viande porcine et de volaille, qui représentent respectivement 56 % et 28 % de sa production totale de viande. La viande porcine produite en Chine représentera au cours de la prochaine décennie 77 % de la hausse de la production de viande dans la région. Après une grave épidémie de peste porcine africaine qui a réduit les effectifs de porcs du pays de 21 % en 2019 et de 3.3 % supplémentaires en 2020, la production est repartie d'un niveau extrêmement bas et cette embellie est clairement le signe d'une reprise. En Chine, les effectifs de porcs ne devraient dépasser les niveaux de 2018 qu’en 2025. Pour autant, la production en 2031 sera de 5 % supérieure à celle de 2018. Cela s’explique par une importante intensification du secteur après l’éradication de la peste porcine africaine, les nombreux petits producteurs étant remplacés par de grandes exploitations commerciales privilégiant la biosécurité. Avec un cycle de courte durée, la production de volaille en Chine a progressé rapidement par rapport à 2019-21, le déficit de production de viande porcine ayant provoqué une hausse exceptionnelle du prix de la viande dans la région. En supposant que cette croissance se consolide sur le moyen terme, la production devrait s'accroître de 14 % dans l’ensemble de la région au cours de la période de projection. Bien que représentant une part beaucoup plus faible de la production totale de viande de la région, l’Australie est plus encline à produire de la viande bovine, qui compte pour presque la moitié dans sa propre production de viande. Le pays contribue de ce fait à presque un quart de la production totale de viande bovine de la région et en est le principal moteur de développement, avec un taux de croissance de 1.5 % par an.

Près de 40 % de la production halieutique et aquacole mondiale est assurée par la région, dont 90 % par la Chine. En valeur réelle, la production halieutique et aquacole de la région devrait augmenter de 16 % d’ici 2031, les mesures d’efficience et de durabilité prises dans le cadre du 14e Plan quinquennal de la Chine limitant cette hausse. Au niveau régional, le léger recul de la pêche (-0.1% par an) contraste avec la progression de 1.8 % par an de l’aquaculture, qui pourrait représenter plus des trois quarts de la production halieutique et aquacole totale de la région à l’horizon 2031.

Les émissions totales de GES imputables à l’agriculture devraient augmenter de 4.0 % dans la région d’ici 2031. Celles provenant de l’élevage grimperaient de 7.8 % du fait de l’expansion des troupeaux de bovins et d’ovins de respectivement 5 % et 8 %. En revanche, un fléchissement de 0.2 % sur les dix prochaines années est prévu pour ce qui concerne les émissions liées aux cultures. Cela dit, rapportée à la valeur de la production agricole, halieutique et aquacole, la baisse historique des émissions de GES par unité produite devrait se poursuivre, quoique plus lentement.

Le léger recul du PIB par habitant, associé aux mesures d'aide au revenu prises dans les pays développés, implique que les effets de la pandémie de COVID-19 sur la sécurité alimentaire en 2020 ont été moins marqués dans cette région que dans la plupart des autres. Si la pandémie a assurément eu une incidence sur le comportement des consommateurs et les chaînes d'approvisionnement de l’agriculture, la prévalence de l’insécurité alimentaire – de modérée à forte – n’a que peu augmenté en Asie de l’Est, mais a diminué dans la région Océanie. La disponibilité totale en calories dans la région n’a reculé que de 0.14 %. Elle devrait augmenter d’environ 200 kcal/personne/jour pour atteindre plus de 3 460 kcal en 2031, ce qui représentera 13 % de plus que la moyenne mondiale et placera la région au deuxième rang le plus élevé parmi l’ensemble des régions.

Le vieillissement de la population est une réalité dans de nombreux pays de la région, avec un taux de dépendance6 qui devrait atteindre respectivement 53.2 % et 38.2 % au Japon et en Corée à l’horizon 2030. Le postulat général est que le vieillissement de la population aura un impact négatif sur le taux de croissance de la consommation alimentaire totale dans ces pays. Dans l’ensemble de la région, et en Chine en particulier, les modes de vie urbanisés entraîneront une augmentation de la consommation de viande, de matières grasses et de sucres qui dépassera celle de la majorité des autres groupes d’aliments. La consommation d'huile végétale devrait atteindre plus de 29 kg par habitant en 2031, dépassant ainsi de plus de 50 % la moyenne mondiale. Compte tenu du niveau de développement et de maturité dans la plupart des pays de la région, le changement d’habitudes alimentaires le plus radical aura lieu en Chine, où la consommation de produits d’origine animale devrait augmenter aux dépens de celle des céréales de base, comme le riz.

La disponibilité en protéines dans la région devrait progresser de presque 9 g/personne/an, jusqu’à atteindre plus de 115 g/personne/an en 2031. Cela s’expliquera principalement par la hausse de 16 % en moyenne de la consommation de viande dans la région, avec l’ajout de 8 kg/habitant par rapport aux niveaux actuels. Cette augmentation de la consommation de viande varie de 18 % en Chine à moins de 3 % dans les pays à haut revenu comme le Japon, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. La consommation de produits halieutiques et aquacoles devrait elle aussi s'accroître dans la région, à savoir de 13 % ou 5 kg par habitant par rapport à la période de référence, la forte hausse enregistrée en Chine (+15 %) étant compensée par un recul de 7 % au Japon et 2 % en Nouvelle-Zélande.

La région représente environ un quart de la consommation mondiale d’aliments pour animaux et cela ne devrait pratiquement pas changer d’ici 2031. La consommation en alimentation animale dépend d'un certain nombre de facteurs dont l’intensité de l’utilisation d’aliments pour animaux dans les différents systèmes de production et l’efficacité de la conversion alimentaire pour chacune des espèces. D'ici 2031, la consommation d'aliments pour animaux dans la région devrait s’accroître de 14 %, avec une augmentation de 16 % en Chine en raison d'une hausse de la demande liée à l’intensification croissante de l’élevage de porcs et de volaille. D'un côté, les exploitations de grande taille, à vocation purement commerciale, font un usage plus intensif des aliments pour animaux que les petits producteurs au fonctionnement plus traditionnel; de l’autre, l’association d'un environnement contrôlé et d'une amélioration de la génétique favorise une bien meilleure conversion alimentaire. On estime, en tenant compte de tous ces facteurs, que la consommation d'aliments pour animaux en Chine augmentera un peu plus lentement que leur production. En Australie et en Nouvelle-Zélande, où les systèmes de production de produits laitiers, de viande bovine et ovine utilisent des aliments pour animaux de manière plus variable en termes d’intensité et recourent davantage aux pâturages, la consommation en alimentation animale progresse plus lentement, à savoir de 5 % dans la première et de 9 % dans la seconde. Dans les systèmes de production reposant sur une alimentation intensive des animaux, le maïs et le tourteau protéique sont les ingrédients de base de la plupart des rations pré-mélangées, et leur consommation dans la région devrait s'accroître respectivement de 13 % et 16 % au cours de la prochaine décennie.

L’hypothèse retenue dans ces Perspectives est que la Chine n'aura pas, en 2031, totalement atteint les ambitieuses quantités prescrites d’E10. Initialement annoncée en 2017 – avec une échéance de mise en œuvre dans la plus grande partie du pays fixée à 2020 –, l’obligation d’incorporation avait pour but de réduire les stocks excessifs de maïs. Ces stocks ont effectivement baissé et se situaient en moyenne, pendant la période de référence, environ 20 % au-dessous du niveau record de 2015. Ils ne devraient progresser que de 2 % à l’horizon 2031, alors que l’utilisation du maïs dans les aliments pour animaux augmentera de 15 % et sa consommation totale de 6 %. Cette situation incite peu à développer la production d’éthanol, raison pour laquelle le taux d'incorporation est maintenu à 2 % au cours de la période de projection. La production d’éthanol dans la région est assurée en quasi-totalité par la Chine qui, en 2031, devrait représenter quelque 8 % de la production mondiale de ce produit.

De toutes les régions couvertes dans ces Perspectives, l’Asie développée et de l’Est est la plus grosse importatrice nette, et son déficit devrait croître de 9 % supplémentaires d’ici 2031. Cette situation est due principalement aux importations de l’Asie de l’Est – en particulier de la Chine et du Japon – et occulte le statut d’exportatrice nette de l’Océanie. L’Asie de l’Est est une grande importatrice nette de soja, maïs, blé et produits d’origine animale, alors que l’Océanie se démarque par ses exportations nettes de blé, d’orge, de colza, de sucre, de viande et de produits laitiers.

La valeur nette des importations de la région devrait augmenter de 13 % entre la période de référence (2019-21) et 2031. Plus de 80 % des importations supplémentaires reviennent à la Chine, qui est le premier pays importateur de soja au monde. Après une baisse en 2018 et 2019 due à la combinaison de mesures commerciales et d'un recul de la demande consécutif à la réduction des troupeaux de porcs, les importations chinoises de soja ont retrouvé leur niveau record en 2020, malgré les difficultés et obstacles logistiques liés à la pandémie de COVID-19. Les principales raisons de cette embellie ont été l’expansion rapide du secteur de la volaille, ainsi que la reprise des élevages porcins. Cette configuration de la demande devrait se maintenir et, compte tenu de l’environnement commercial devenu généralement moins restrictif, il est probable que les importations chinoises de soja grimperont de 16 % supplémentaires à l'horizon 2031. Cela signifie que la Chine représentera 63 % des échanges mondiaux de cette céréale. Le secteur de l’alimentation animale accroît également la demande de maïs, mais la Chine a ici moins besoin d'importer et ne représente donc que 11 % des importations mondiales. Compte tenu de la forte croissance de la production intérieure, les importations de maïs évolueront à la baisse d’ici 2031, ce qui amènera la part de la Chine dans les échanges mondiaux à moins de 5 %.

Au plus fort de l’épidémie de peste porcine africaine en Chine, les importations de viande ont fortement augmenté mais elles devraient chuter de 25 % au cours de la prochaine décennie du fait de la progression continue de la production intérieure chinoise. Malgré l’augmentation de la demande d'importations en Corée pendant la même période, un recul des importations de viande de 14 % est prévu dans la région. Une part importante des importations de viande de l’Asie de l’Est sera sans doute satisfaite grâce à la hausse des exportations de l’Océanie, en particulier celles de l’Australie (+27 %, soit un gain de 516 000 tonnes). Cette augmentation sera composée à près de 80 % par de la viande bovine.

La région Océanie exporte en abondance de nombreux autres produits, dont les exportations vont vraisemblablement s'accroître durant la prochaine décennie. En 2031, les exportations australiennes de blé devraient progresser de 8 %. La conséquence est que l’Australie verra sa part dans les exportations mondiales de blé passer juste en dessous de 10 % mais pourrait bien devenir un important fournisseur sur le court terme si les livraisons en provenance de la région de la mer Noire venaient à diminuer du fait de la poursuite de la guerre de la Russie contre l’Ukraine. Malgré sa faible superficie agricole, la Nouvelle-Zélande représente plus de 30 % des exportations mondiales de viande ovine et 23 % de celles de produits laitiers. Dans la mesure où la superficie de ses pâturages se réduit de plus en plus et devrait encore diminuer d’ici 2031, la hausse des exportations devrait ralentir au cours de la prochaine décennie – à la fois pour les produits laitiers et la viande ovine –, mais elle sera suffisante pour maintenir la part de la Nouvelle-Zélande dans les exportations mondiales aux niveaux actuels.

La région d’Asie du Sud et du Sud-Est7 est la plus peuplée des régions examinées dans le présent chapitre. Sur ses 2.7 milliards d’habitants – soit 34 % de la population mondiale –, presque la moitié vit en Inde. Les performances économiques ont été très hétérogènes entre les différents pays de la région au cours des dernières décennies. Le revenu par habitant varie de 1 157 USD dans les pays les moins avancés d’Asie à 56 900 USD à Singapour, et la moyenne s’établit à un peu plus de 3 000 USD.

L’activité économique a enregistré un rebond en 2021, le PIB par habitant progressant de 4.5 % après la baisse de 5.2 % en 2020 liée à la pandémie de COVID-19. L’Inde a été le pays le plus durement touché, avec un recul de plus de 8 % en 2020, mais une reprise supérieure aux niveaux précédant la pandémie aura lieu en 2022. Alors que la croissance économique devrait être plus forte dans cette région que partout ailleurs au cours de la prochaine décennie, les taux de croissance ont pour la plupart été revus à la baisse compte tenu des mauvaises perspectives économiques à l’échelle mondiale. Les exceptions à cette tendance sont les pays possédant des réserves énergétiques ou des stocks de produits, car ils profiteront du prix élevé des produits de base. Dans ce contexte, la part des secteurs primaires que sont l’agriculture, la pêche et la foresterie devrait continuer à diminuer au fil du temps, passant de quelque 14 % pendant la période de référence à environ 10 % en 2031.

Sous l’effet de la croissance économique, la part moyenne de l’alimentation dans le budget des ménages de la région a chuté à moins de 17 %. Dans les pays les moins avancés, en revanche, le pourcentage est de 30 % 8, ce qui signifie que l’augmentation du prix des produits alimentaires aura un impact considérable sur la sécurité alimentaire d'une grande partie de la population de ces pays au début de la période de projection. Les terres agricoles s’étendant sur quelque 580 millions d’hectares, les ressources sont relativement restreintes, avec seulement 0.2 ha/personne contre une moyenne mondiale d’environ 0.6 ha. Malgré cela, la région continue d’afficher un excédent commercial pour les produits agricoles.

Les pressions sur les ressources vont s’intensifier car la croissance démographique se maintient à un niveau proche de 1 % par an. La productivité totale des facteurs a progressé de 2 % par an – soit plus que la moyenne mondiale de 1.4 % – au cours de la dernière décennie, ce qui a facilité la croissance économique9. Entre 2010 et 2019, l’augmentation de la production – de presque 3 % par an – a été atteinte avec une progression de seulement 0.5 % par an des intrants – principalement les matières (comme les engrais) et, dans une moindre mesure, le capital, la main-d’œuvre ayant diminué. La demande intérieure de produits agricoles est cependant en train d'augmenter. L’urbanisation progresse dans toute la région : le pourcentage de la population vivant en zone urbaine devrait dépasser les 45 % en 2031, contre 40 % en moyenne en 2019-21. Une grande partie de la population de la région étant soit végétarienne, interdite de viande porcine ou intolérante au lactose, l’évolution des préférences de consommation, dans le contexte de la hausse des revenus, demeure relativement incertaine, notamment en ce qui concerne la consommation de produits d'origine animale.

La région comprend un certain nombre de grands exportateurs et importateurs de produits agricoles et alimentaires divers. Elle affiche traditionnellement une balance commerciale légèrement positive. Ces dernières années, presque un quart de la valeur totale de la production agricole, halieutique et aquacole a été exporté. Les exportations se composent majoritairement de produits végétaux, en particulier de riz et d'huile végétale qui représentent respectivement 79 % et 61 % des exportations mondiales. L’Asie du Sud-Est est considérée comme un acteur de premier plan dans les chaînes de valeur mondiales, particulièrement celles concernant les huiles végétales et les produits transformés qui en sont dérivés10.

Les principaux défis auxquels est confrontée la région concernent sa capacité à accroître la productivité et l’innovation – en particulier dans le contexte du changement climatique et des risques qu'il présente –. L’insécurité alimentaire reste élevée, la région concentrant environ un tiers de la population mondiale souffrant de sous-alimentation. Maintenir la croissance économique à une période d'incertitude sur les marchés internationaux est un aspect extrêmement important. Une forte pression a été exercée sur les ressources naturelles de la région – son capital naturel – lors des précédentes phases de son développement, en particulier dans les pays d’Asie du Sud-Est, et des solutions innovantes doivent être trouvées. Les grands défis que doivent relever les autorités publiques concernent la nature et la portée des dispositifs d’intervention sur les marchés intérieurs, ainsi que leur incidence sur les interactions avec les marchés mondiaux.

L’Asie du Sud et du Sud-Est se classe à la seconde place mondiale pour la production en valeur des secteurs de l’agriculture et de la pêche. La production végétale arrive en tête, mais la production animale croît plus rapidement. La production agricole devrait s'accroître de 25 % d’ici 2031, soit plus que la croissance démographique, ce qui signifie qu’elle sera en hausse une fois ramenée au nombre d’habitants.

Par rapport à la période 2019-21, la production végétale devrait augmenter de 22 %, pour ainsi représenter 62 % de la production agricole, halieutique et aquacole totale en 2031. Les gains de productivité sont essentiels à cette embellie car selon les prévisions, les terres consacrées à la production végétale ne vont progresser que de 1.3 % sur dix ans. En fait, la valeur générée sur un hectare de terre cultivée augmente de plus en plus au cours de la période de projection – jusqu’à 1.6 % par an –, ce qui témoigne de l’intensification de l’activité et de l’amélioration de la productivité. La région intervient pour une grande part dans la production mondiale de plusieurs produits dont le riz, l’huile végétale, les légumineuses et le sucre. Cette part devrait s'accroître pour tous ces produits sauf l’huile végétale, pour laquelle elle restera stable.

La production de céréales a lieu principalement en Inde, en Indonésie, au Pakistan et dans les PMA que sont le Bangladesh, le Cambodge et le Myanmar. L’Inde assure à elle seule quelque 70 % de la production de blé et 40 % de celle de riz – 48 % de la production additionnelle de riz d’ici 2031. La hausse de la production de riz sera due aux gains de productivité, avec une extension des surfaces cultivées d’environ 2.5 % en Inde et dans les PMA d’Asie à l’horizon 2031 ; les rendements augmenteront quant à eux de 16.5 %.

La région est la première productrice au monde d’huile végétale, cette place s’expliquant par la production d’huile de palme en Malaisie et Indonésie. En Malaisie en particulier, cette production s'appuie de manière importante sur la main-d’œuvre étrangère et a, au cours des deux dernières années, été mise en difficulté par la propagation du COVID-19 et les restrictions associées à la circulation des personnes, exacerbant les contraintes structurelles qui avaient déjà limité l’offre avant la pandémie. Si une certaine reprise était manifeste en Indonésie, les conditions météorologiques en Malaisie ont également contribué en 2021 à un bas niveau de production, non enregistré depuis 15 ans. Malgré une timide reprise en 2022, le ralentissement de l’augmentation des superficies de palmiers à huile matures implique que la croissance de la production en Indonésie et en Malaisie sera plus faible au cours de la prochaine décennie, même si ces deux pays continueront de représenter conjointement 33 % de la production mondiale d'huile végétale.

Le secteur de l’élevage compte actuellement pour 22 % dans la valeur de la production agricole, halieutique et aquacole de la région, et sa croissance de 2.9 % par an amènera ce pourcentage à 25 % en 2031. L’Inde et le Pakistan sont les pays contribuant le plus à cette hausse, tirée principalement par les produits laitiers. L’augmentation de la production de lait, évaluée à 41 % d’ici 2031, sera due à l’extension de 21 % du cheptel bovin (malgré une légère baisse de l’utilisation des pâturages) et à une amélioration de 17 % du rendement par vache laitière. La volaille, principale viande produite dans la région, représentera plus de 60 % de la production supplémentaire de viande en 2031. La croissance du secteur sera due en grande partie au recours accru aux aliments pour animaux et à l’amélioration de la sélection animale. La production de viande porcine est peu développée dans la région et se concentre surtout au Viet Nam et en Thaïlande. Après de maigres résultats en 2019 et 2020 à cause de la peste porcine africaine, cette production a repris au Viet Nam et enregistré une hausse de 5 % en 2021. Comme la production est assurée majoritairement par des petits producteurs, le retour à la normale prendra de nombreuses années, à tel point qu’il faudra sans doute attendre 2024 pour pouvoir dépasser les niveaux de 2018.

La production halieutique et aquacole intervient pour une part importante dans la valeur totale de la production agricole de la région, à hauteur de 15 %. Toutefois, avec une croissance de 15 % à l’horizon 2031, sa progression est la plus faible parmi les trois sous-secteurs de l’agriculture, d'où une érosion de sa contribution au fil du temps. Alors que la production halieutique devrait rester stable – les ressources étant limitées –, l'aquaculture connaît une progression de 2.1 % par an, ce qui signifie qu’elle dépassera la pêche en 2027, pour finalement représenter 52 % de la production totale en 2031.

Les émissions directes de GES imputables à l’agriculture devraient s'accroître au total de 8.8 % en 2031 par rapport à 2019-21, principalement à cause du secteur de l’élevage. Tandis que les émissions liées à la production végétale resteront stables, celles dues à l’élevage – qui connaîtra un accroissement des troupeaux de ruminants – augmenteront au même rythme que pendant la précédente décennie, à savoir de 1.1 % par an. En 2031, 29 % des émissions mondiales de GES de l’agriculture seront imputables à l’Asie du Sud et du Sud-Est.

Les progrès accomplis pendant des années par la région de l’Asie du Sud et du Sud-Est pour réduire l’insécurité alimentaire et la sous-alimentation ont pris fin en 2020, en grande partie à cause des effets de la pandémie de COVID-19 sur les revenus et l’accessibilité-prix aux aliments. En Asie du Sud en particulier, la prévalence de la sous-alimentation a dépassé pour la première fois en dix ans le taux des 15 %, et plus de 300 millions de personnes souffraient de sous-alimentation en 2020. La forte reprise économique en Asie du Sud et du Sud-Est – avec une hausse des revenus de 4.5 % en 2021 et de 4.7 % supplémentaires attendus en 2022 – devrait permettre de faire face à l'insécurité alimentaire sur le court terme, mais l'actuelle flambée des prix des produits de base risque d’empêcher toute amélioration. Sur le moyen terme, la combinaison d'un léger recul de la croissance démographique, d'une accélération de la hausse des revenus et d'une urbanisation lente mais régulière contribuera à l’évolution continue des habitudes alimentaires, à savoir une demande accrue d'aliments plus caloriques et nutritifs (Law, Fraser and Piracha, 2020[1]) (Kelly, 2016[2]) (Reardon et al., 2014[3]). En 2031, la disponibilité moyenne en calories dans la région devrait progresser de presque 200 kcal/personne/jour pour atteindre 2 850 kcal en moyenne, 6.5 % de moins que la moyenne mondiale. Cette hausse sera due principalement à la consommation accrue de produits laitiers, de viande et d'huile végétale.

Les céréales, en particulier le riz, demeurent la principale source de calories dans la région. D'ici 2031, elles représenteront 53 % de la disponibilité totale en calories (dont presque 30 % pour le riz). Ces chiffres sont à comparer avec ceux de 2019-21 – respectivement 55 % pour les céréales et 31 % pour le riz – et font suite à une légère progression de la consommation de riz par habitant (+3.5 %) au cours de la période de projection, principalement en Inde. Au Viet Nam et en Indonésie, la consommation de riz est projetée à la baisse, étant remplacée par le blé.

Bien que restant bien inférieure à la moyenne mondiale, la ration protéique moyenne va croître de 7 g/personne/jour, pour atteindre 75 g en 2031. Cela s’explique par l’augmentation de la consommation de viande et de produits laitiers. Partant d’un niveau initialement bas, celle de viande s'élèvera à 15.5 kg par personne en 2031 – soit encore plus de 20 kg en deçà de la moyenne mondiale, en particulier du fait de la consommation réduite de viande en Inde. La volaille représentera plus de la moitié de la consommation supplémentaire de viande. La consommation de produits laitiers est déjà bien supérieure à la moyenne mondiale et une croissance de près de 30 % de la consommation par habitant d'ici 2031 la fera passer à 32 % au-dessus du niveau moyen mondial. C’est la consommation de produits laitiers frais qui devrait connaître le plus rapidement, poussée par une hausse considérable en Inde et au Pakistan.

À mesure que la production de produits laitiers et d’origine animale augmentera, la combinaison de l’extension des cheptels, de l’utilisation accrue d’aliments pour animaux et des gains d’efficience contribuera à une augmentation de la consommation en alimentation animale de 26 % d’ici 2031. Si le maïs représente l’essentiel de l’alimentation animale, sa part est plus faible en Asie du Sud et du Sud-Est que dans de nombreuses autres régions, les tourteaux protéiques occupant également une grande place dans cette alimentation. La consommation de maïs et de tourteaux protéiques par les animaux devrait s'accroître de 2.2 % par an, un pourcentage suffisant pour que leur part respective dans le total de l’alimentation animale demeure relativement stable.

La hausse des obligations d'incorporation, principalement en Inde, entraîne le quasi-doublement de la part de la région dans la consommation mondiale d’éthanol, de 6.5 % en 2019-21 à 11 % en 2031. S'agissant du biodiesel, la part de la région dans la consommation mondiale est actuellement bien plus élevée (à 21 %), mais elle devrait également s'accroître d’ici 2031 (pour atteindre 30 %), principalement du fait des augmentations enregistrées en Indonésie et, dans une bien moindre mesure, en Malaisie et en Thaïlande.

En Indonésie, la teneur obligatoire en biocarburants devrait rediriger l’offre intérieure d’huile de palme vers le marché du biodiesel. Combiné à un soutien ponctuel important des prix de l’huile végétale – pour répondre à la pénurie actuelle de l’offre –, cela pourrait favoriser des investissements dans le secteur. Quoi qu'il en soit, le manque de terres disponibles demeure problématique et reste ces dernières années la principale cause des retards de plantation de palmeraies à huile. Il explique aussi le ralentissement de la croissance de la production d’huile végétale par la région au cours de la période examinée, la hausse devant se limiter à 17 % d'ici 2031, contre 43 % pendant la période de référence.

La région est encore aujourd’hui faible exportatrice nette de produits agricoles, mais un léger déficit est attendu d’ici 2031. Cette situation générale masque toutefois d'importantes différences entre les pays. L’Inde et l’Asie du Sud-Est devraient continuer d’être des exportatrices nettes, mais l'on s’attend à une baisse de l’excédent commercial indien. À l’opposé, les PMA et autres pays en développement de la région enregistrent une hausse continue de leurs importations nettes.

La région se distingue par le niveau élevé de ses exportations nettes de riz, d'huile végétale, de produits halieutiques et aquacoles et de fruits frais. Les exportations de riz devraient sensiblement augmenter, à raison de 3 % par an en moyenne, ce qui portera la part de la région dans les exportations mondiales à 86 % en 2031. Cette hausse provient en grande partie de l’Inde, qui représente 51 % des exportations supplémentaires, mais une forte augmentation est également projetée en Thaïlande, au Viet Nam et dans les PMA comme le Myanmar. Même si l’Indonésie et la Malaisie continueront de se classer en tête des exportations d’huile végétale, la part de la région dans les exportations mondiales ne cessera de diminuer. La principale raison est la baisse de la part de marché de la Malaisie, dont les exportations d’huile de palme devraient progresser de seulement 0.6 % par an. Selon les projections, les exportations de produits halieutiques et aquacoles de la région vont se tasser au cours de la prochaine décennie, la consommation augmentant plus vite que la production. Une part importante des échanges de produits halieutiques et aquacoles aura lieu au sein même de la région.

La dépendance de l’Asie du Sud et du Sud-Est à l’égard des importations de blé, de maïs, d'oléagineux, de tourteaux protéiques et de sucre devrait s’intensifier d'ici 2031. En revanche, la part de la consommation totale de viande assurée par les importations est anticipée à la baisse, mais la production animale devient de plus en plus dépendante des aliments pour animaux importés. Cette tendance s’explique en grande partie par la situation au Viet Nam : après avoir monté en flèche du fait de l’épidémie de peste porcine africaine, ses importations de viande porcine chutent brutalement par rapport à la période de référence.

L’Afrique subsaharienne est une région étendue et hétérogène où vivent 14 % de la population mondiale. Elle présente, parmi les sept régions11 examinées dans ce chapitre, un profil de croissance économique et démographique étonnant. La croissance démographique y est la plus élevée de toutes les régions et, malgré des progrès rapides, l’urbanisation y est de loin la plus lente. D’après les projections, l’Afrique subsaharienne comptera en 2031 334 millions d’habitants de plus qu’en 2019-21, ce qui représente un taux de croissance de 2.5 % par an. La part de la population mondiale vivant dans cette région sera en hausse pour atteindre 16.5 %. Même si les deux tiers ou presque des habitants supplémentaires que comptera la région vivront en zone urbaine, 52 % de la population continuera de vivre en milieu rural en 2031. L’Afrique subsaharienne est donc la seule région dont plus de la moitié de la population vivra en zone rurale en 2031, et l’une des deux seulement (avec le Proche-Orient et l’Afrique du Nord) où la population rurale devrait continuer à croître en termes absolus au cours de la prochaine décennie.

En règle générale, les économies de la région sont très dépendantes des secteurs de production liés aux ressources, comme l’agriculture, le pétrole et les métaux. L’agriculture, la pêche et la foresterie représentent environ 17 % du PIB et cette part devrait fléchir à 15 % en 2031. La croissance économique par habitant devrait être moins vigoureuse que dans d’autres régions émergentes et en développement, avec une augmentation de 1.3 % par an. Après un recul de 5 % en 2020 dû à la pandémie de COVID-19, le PIB par habitant a regagné 1.1 % seulement en 2021, et devrait progresser de 1 % supplémentaire en 2022. Malgré la forte poussée des prix des produits alimentaires à l’échelle mondiale, la timide reprise s’explique par l’impact persistant des mesures restrictives ayant été prises pour endiguer la propagation de la pandémie, les faibles ressources disponibles pour financer la reprise, ainsi que la prolongation des restrictions de déplacements (provoquant une baisse des recettes émanant du secteur touristique). Si l’on s'appuie sur le pourcentage de reprise découlant des projections, il faudra attendre 2025 pour que le PIB par habitant retrouve un niveau supérieur à celui existant avant la pandémie. Les performances économiques sont très variables au sein de la région, les économies les moins avancées progressant plus rapidement, mais en partant d’un niveau plus bas. Les revenus moyens par habitant dans la région sont les plus bas du monde – à 1 719 USD – et devraient atteindre en 2031 1 920 USD (exprimés en USD de 2010). Dans les pays les moins avancés (PMA) de la région, ces revenus ne dépasseront probablement pas 1 000 USD par an.

Les ménages d’Afrique subsaharienne consacrent en moyenne 23 % de leurs revenus à l'alimentation, ce qui représente le pourcentage le plus élevé de toutes les régions. De grandes différences existent cependant entre les pays, avec par exemple 33 % dans les PMA de la région.12 Cette forte proportion du revenu total consacré à l’alimentation rend la région particulièrement vulnérable face à l’augmentation du prix des produits alimentaires qui est prévue à court terme, ce qui aura des conséquences majeures sur le bien-être économique, la sécurité alimentaire et la diversité nutritionnelle. La disponibilité en calories par habitant est d'ores et déjà beaucoup plus faible que dans la plupart des autres régions, ce qui accroît d’autant plus l'impact de la pandémie de COVID-19 sur l'accessibilité-prix des aliments et la sécurité alimentaire. Selon l’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde de la FAO (2021), la prévalence de la sous-alimentation est passée en l’espace d’un an seulement de 20.6 % en 2019 à 24.1 % en 2020, et le nombre d’habitants de la région sous-alimentés s’est accru de 44 millions. Si la sous-alimentation était en hausse dans la région depuis 2018, la tendance s’est rapidement accélérée sous l’effet de la pandémie.

L’Afrique subsaharienne est une région riche en terres qui affiche une grande variété sur le plan agroécologique ; elle représente 15 % des terres cultivées et 20 % des pâturages à l’échelle mondiale. Cependant, dans de nombreux pays, la forte densité de population dans les zones rurales a entraîné un manque de terres agricoles et une baisse de la taille des parcelles. Une grande partie des terres encore disponibles dans la région se situent dans quelques pays seulement et/ou sont des surfaces boisées. C’est pourquoi la région n’a été à l’origine que de 7 % de la valeur mondiale de la production agricole, halieutique et aquacole en 2019-21. En revanche, avec une vaste population ayant des besoins de consommation importants et un régime alimentaire unique reposant sur les aliments de base, la région représente 41 % de la consommation mondiale de racines et de tubercules et 13 % de celle de céréales, mais seulement 7 % de celle de sucre et 6 % de celle d’huile végétale et de poisson. La part relativement faible de la région dans la consommation mondiale de viande (4 %) et de produits laitiers frais (5 %) est le reflet d’un pouvoir d'achat peu élevé et d’un régime alimentaire peu protéiné dans la plupart des pays. Globalement, le taux d’autosuffisance de l’Afrique subsaharienne pour les principaux produits alimentaires diminue car la population de la région augmente à un rythme supérieur à celui de la croissance de l’offre intérieure et l'environnement actuel des prix élevés des denrées alimentaires pourrait peser davantage sur les efforts.

Améliorer la sécurité alimentaire et réduire la faim dans un environnement où les revenus sont faibles sera l'un des plus grands défis qui attendent la région au cours des dix ans à venir. Malgré les progrès et les succès enregistrés dans certains pays, le niveau de productivité reste bas dans la plus grande partie de la région. Selon les estimations, la productivité totale des facteurs a reculé de 2 % entre 2010 et 2019, l’utilisation plus poussée d’intrants, principalement le capital (y compris l’élevage) – n’étant pas corrélée par l'augmentation de la production13. La concentration des terres dans un petit nombre de pays peut offrir des occasions importantes de développer les échanges intrarégionaux, mais une réduction des coûts est nécessaire pour rendre ces échanges plus compétitifs. Les importations de la région devraient donc continuer à augmenter au cours de la période de projection. Dans un contexte où le marché mondial est de plus en plus instable, réduire les coûts commerciaux et améliorer la productivité représentent des pistes importantes pour permettre à la région d’offrir à sa population croissante des produits alimentaires plus abordables.

La production agricole, halieutique et aquacole en Afrique subsaharienne devrait progresser de 2 % par an en moyenne en valeur ajoutée nette. Compte tenu de la croissance démographique rapide, cela signifie que ramenée au nombre d’habitants, la production va continuer de diminuer, une tendance apparue dès 2015 (Graphique 2.9). La production végétale devrait représenter 75 % de la production totale en 2031, tandis que la part des produits d'origine animale restera relativement stable (à 18 %) et que celle des produits halieutiques et aquacoles reculera légèrement (à 7 %). Les produits de base entrant dans la composition de l’alimentation humaine et animale (comme les céréales, les légumineuses, les racines et les tubercules) seront les principales sources de croissance. S'agissant des céréales, racines et tubercules, la part de la région sur les marchés mondiaux augmentera au cours de la période de projection. D’ici 2031, la région pourrait représenter plus de 40 % de la production mondiale de racines et tubercules, 21 % de celle de légumineuses et 6.5 % de celle de céréales. La production de coton devrait progresser de 1.5 % par an, ce qui portera sa part sur le marché mondial à 8 % en 2031. Elle sera assurée à quelque 70 % par les PMA de la région, et pour une grande part en Afrique de l’Ouest, où le Burkina Faso et le Bénin sont de gros producteurs.

La hausse de la production végétale de 25 % au cours des dix prochaines années sera le résultat combiné de l’extension des surfaces, de la modification du panachage des cultures et des gains de productivité. La valeur réelle de cette production, exprimée en unité de surface agricole, continuera de croître de 1.9 % par an, signe d'une certaine intensification des cultures. L’alternance des cultures de haricots et de céréales est courante dans de nombreux pays. Le système de double récolte est fréquent dans les régions tropicales ayant un régime fluvial binaire, tout comme les cultures d’irrigation sont répandues en Afrique australe, où le soja et le blé sont souvent produits l’un à la suite de l’autre au cours d’une même année. Le développement de la culture du riz dans la région, notamment au Nigéria, devrait lui aussi reposer sur la réalisation de plusieurs récoltes par an.

Si la région est considérée comme riche en terres, cela n’est vrai que pour quelques pays : le Soudan, Madagascar, la RDC, le Mozambique, l’Angola, la République du Congo, la République centrafricaine, l’Éthiopie et la Zambie représentent environ 65 % des terres disponibles (Chamberlain et al., 2014). Partout ailleurs, l’extension de la superficie agricole qui est en cours est limitée par la fragmentation des parcelles, les conflits dans certains pays riches en terres ainsi que l’existence d’autres utilisations concurrentes telles que l’exploitation minière et l’étalement urbain. Il est donc d'autant plus important d'améliorer la productivité dans la région.

Le rendement moyen des céréales dans la région devrait augmenter de 22 % au cours de la période de projection, soit au même rythme qu’au cours de la décennie écoulée. La hausse ininterrompue des rendements de la majorité des principales cultures s’explique par les investissements dans des variétés végétales améliorées et adaptées à l’environnement local, ainsi que par des pratiques de gestion optimisées. L'augmentation des rendements de la plupart des cultures dépasse les taux projetés à l’échelle mondiale, mais en partant d’un niveau qui est souvent inférieur à la moitié de la moyenne mondiale. Cela signifie que l’écart substantiel entre les rendements de la région et ceux obtenus dans le reste du monde va se réduire mais demeurera important en 2031. Les efforts déployés pour combler totalement cet écart sont freinés par la faible utilisation d’intrants, ainsi que par le manque d’irrigation et d’infrastructure. Malgré la mise en œuvre de vastes programmes de subvention des engrais dans de nombreux pays, l’utilisation de ces intrants en Afrique subsaharienne est la plus faible de toutes les régions ; de plus, dans cette région qui en est une importatrice nette, la flambée des prix des engrais à court terme pourrait être un obstacle supplémentaire à leurs achats et leur utilisation (Graphique 2.10). La production est fortement dépendante de terres arides et face à des défis écologiques croissants, la région pourrait être l'une des plus gravement touchées par le changement climatique ; la croissance des rendements devra être réalisée dans un environnement de plus en plus instable.

La valeur nette de la production animale devrait croître de 28 % au cours des dix prochaines années, les secteurs de la volaille et du lait enregistrant les augmentations les plus rapides. La région produira 10.5 Mt de lait de plus et 2.9 Mt de viande supplémentaire en 2031, répartis comme suit : 1.0 Mt de volaille, 894 kt de viande bovine, 629 kt de viande ovine et 362 kt de viande porcine.

Les systèmes de production de viande bovine et ovine de la région sont généralement extensifs, et l’augmentation précitée sera due davantage à l’augmentation du cheptel qu’à des gains de productivité. En 2019-2021, l’Afrique subsaharienne représentait seulement 7 % de la production mondiale de viande bovine, mais presque 17 % du cheptel bovin mondial. Selon les projections, sa part du cheptel bovin mondial progressera à plus de 19 % en 2031, mais sa production de viande bovine par rapport au total mondial ne gagnera que 0.5 %. De même dans le secteur ovin, la région comptabilise 14 % de la production mondiale, mais 25 % du cheptel. La production de viande ovine devrait progresser de 29 % au cours de la prochaine décennie en Afrique subsaharienne, ce qui permettra à la région de voir sa part dans la production mondiale passer à 15 %, avec 28 % du cheptel mondial. Cela dit, l’extension du cheptel en 2031 aura lieu sur une superficie de pâturages presque inchangée.

Bien que les systèmes de production de volaille extensifs soient toujours courants dans la région, le processus d’intensification s'accroît dans le secteur, en particulier dans des pays comme l’Afrique du Sud, qui produit un excédent de céréales fourragères. Bien que partant d'un niveau faible, l’utilisation d’aliments pour animaux devrait continuer à augmenter dans la région, sous l’effet de la modernisation des chaînes d'approvisionnement dans des pays comme la Zambie et la Tanzanie ; en revanche, de nombreux petits producteurs utilisent encore des aliments pour animaux autres que des céréales, qu'ils se procurent souvent de manière informelle. Dans les pays qui utilisent déjà les aliments pour animaux de façon plus intensive, les améliorations génétiques et celles, progressives, du taux de conversion alimentaire réduiront la quantité d'aliments requise par animal. À l’échelle de toute la région, le résultat final est que l’utilisation d’aliments pour animaux progresse légèrement plus vite que la production de viande. Une partie de ces aliments est utilisée pour la production halieutique et aquacole, dont on prévoit une hausse de 14 % d’ici 2031. L’aquaculture devrait connaître une expansion de 32 %, soit supérieure à celle de la pêche (13 %), quoique partant d'une base peu élevée ; elle ne représentera en 2031 que 9 % de la production de produits halieutiques et aquacoles de la région, contre 8 % pendant la période de référence.

D’après ces projections de production, les émissions directes de GES liées à l’agriculture devraient progresser de 14 % d’ici 2031 par rapport à la période de référence. L’Afrique subsaharienne sera responsable de 40 % de l’augmentation mondiale desdites émissions et représentera finalement en 2031 16 % des émissions directes du secteur agricole au niveau mondial. En revanche, rapportées à la valeur de la production au niveau régional (en USD), les émissions du secteur agricole devraient continuer à diminuer.

La majeure partie de la population pauvre de la planète se concentre en Afrique subsaharienne. C’est aussi dans cette région que l’on trouve la prévalence la plus élevée de personnes sous-alimentées. La mauvaise situation en matière de sécurité alimentaire a été rendue encore plus difficile par la pandémie de COVID-19. Les bouleversements de la chaîne d'approvisionnement, en particulier dans les secteurs informels, ont eu des conséquences sur l’accès aux produits, tandis que les variations de revenus et les chocs sur l’emploi ont réduit l’accessibilité-prix. Ces problèmes d’accessibilité sont appelés à durer du fait de la lente reprise économique, d’autant qu'une flambée des prix est projetée sur le court terme. La sécurité alimentaire et la sous-alimentation continueront probablement de poser des problèmes, et même lorsque les revenus commenceront à repartir à la hausse, le redémarrage ne sera durable qu'à condition d’améliorer à l’avenir la disponibilité, l'accès, l’accessibilité-prix et l’utilisation des produits alimentaires.

Compte tenu du lent redressement du niveau moyen des revenus suite au ralentissement économique de 2020, le principal moteur de l’augmentation de la consommation de produits alimentaires est la croissance démographique (Graphique 2.13). Combinant une croissance démographique rapide et une possible hausse de la disponibilité en calories par habitant, l’Afrique subsaharienne sera au cours de la prochaine décennie le principal moteur de l’augmentation de la consommation alimentaire pour le secteur agricole mondial. La part de la région dans la consommation mondiale de calories devrait augmenter, de 11.5 % pendant la période de référence à 13.5 % en 2031.

La contribution des aliments de base à la disponibilité totale en calories est plus élevée en Afrique subsaharienne que dans toute autre région. Alors que cette contribution évolue relativement peu à l’horizon 2031, la consommation par habitant des aliments de base devrait quant à elle continuer d’augmenter. Pour la plupart des autres catégories de produits, dont la viande, les produits laitiers, les produits halieutiques et aquacoles, le sucre et l’huile végétale, les niveaux de consommation par habitant sont actuellement les plus faibles du monde. Alors que la consommation par habitant de produits laitiers et d'huile végétale devrait s'accroître dans les dix ans à venir, celle de viande, de produits halieutiques et aquacoles et de sucre devrait baisser en raison de la lente reprise post-pandémique de la croissance des revenus. Cela signifie que la diversification des habitudes alimentaires prendra du temps, mais que la consommation alimentaire totale augmentera substantiellement pour tous les produits du fait de la croissance démographique rapide.

Avec une progression de 79 kcal/jour au cours de la période de projection, la disponibilité moyenne en calories dans la région dépassera en 2031 les 2 500 kcal/jour par habitant. Cela reste très inférieur à la moyenne mondiale de 3 040 kcal/jour, et signifie que la consommation de calories dans la région sera toujours la plus faible du monde en 2031. La consommation de protéines – provenant majoritairement de produits d’origine végétale – ne devrait croître que de 1.2 g par personne et par jour. Une augmentation de la consommation de produits laitiers est prévue au cours de la prochaine décennie, mais elle sera plus que contrebalancée par la baisse de la consommation par habitant de viande et de produits halieutiques et aquacoles, ce qui limitera l’amélioration des apports de nutriments et micronutriments essentiels.

D'ici 2031, les céréales devraient supplanter les racines et les tubercules et devenir la principale source d'alimentation animale pour le secteur de l’élevage. Cela dit, la consommation totale d'aliments pour animaux est faible en Afrique subsaharienne et représentera moins de 4 % du total de la consommation mondiale en 2031, alors que la région abritera 16 % de la population mondiale.

Selon les prévisions, la région deviendra de plus en plus dépendante aux importations pour combler l’écart entre la production et la consommation intérieures. Hormis de rares exceptions, la plupart des aliments de base produits dans la région sont destinés à la consommation intérieure et non à l’exportation. Toutefois, un grand nombre de pays tirent parti de la différence de saison dans l’hémisphère nord et de la compétitivité de leurs coûts du travail pour devenir exportateurs nets de produits frais à valeur élevée.

Le déficit commercial de la région pour les principaux produits alimentaires devrait se creuser au cours de la prochaine décennie. Évalué en prix de référence mondiaux constants (2014-16), ce déficit devrait considérablement s'alourdir, passant d’environ 9 milliards USD à 26 milliards USD en 2031.

Face aux défis liés à la pandémie en 2020, les importations de céréales ont augmenté, alors que celles de viande, de produits halieutiques et aquacoles, d'huile végétale et de sucre ont diminué. Au plus fort de la première vague de la pandémie, le commerce intrarégional a connu de nombreuses difficultés logistiques qui ont entraîné de longs retards aux postes-frontières terrestres (Njiwa and Marwusi, 2020[4]). Avec l’allègement des restrictions lors des vagues ultérieures de la pandémie, et au fur et à mesure de l’adaptation des stratégies, les importations de viande, de produits halieutiques et aquacoles et de céréales se sont également accrues ; en revanche, la forte poussée des prix a limité celles de sucre et d’huile végétale. De plus, l’Afrique subsaharienne doit encore faire face aux problèmes qui touchent le monde entier – comme la pénurie de conteneurs, le coût élevé des transports et la hausse locale du prix des carburants – et qui renchérissent les échanges, alors que ses résultats dans les indicateurs mesurant l’efficacité dans le domaine du commerce (comme l’indice de performance logistique de la Banque mondiale) sont déjà peu satisfaisants.

Pendant la prochaine décennie, les importations de céréales, de viande, de produits halieutiques et aquacoles, de sucre et d’huiles vont sensiblement augmenter et à un rythme plus rapide que la production. Le blé représente presque la moitié des importations de céréales de la région, et la Russie en a toujours été le principal fournisseur, en plus des volumes importants fournis par l’Ukraine. L’évolution de la guerre de la Russie contre l’Ukraine est donc un motif supplémentaire de préoccupation concernant la disponibilité du blé et le coût de ses importations. S'agissant de la plupart des principaux produits, leurs exportations auront tendance à diminuer au fil du temps. L’Afrique subsaharienne n’est pas autosuffisante pour les aliments de base, et sa dépendance aux importations devrait s’accentuer au cours des dix prochaines années. Pour ce qui est en revanche des fruits et légumes frais, leurs exportations en valeur réelle augmenteront respectivement de 31 % et 48 % d’ici 2031. Cela signifie que globalement, les exportations agricoles en valeur réelle (2014-16) pourraient s'accroître au total de 23 % pendant la période de projection.

Contrairement aux cultures vivrières de base, la production de coton est vendue pour l’essentiel sur les marchés mondiaux et en 2031, plus de 90 % de la production de coton de l’Afrique subsaharienne sera exportée. Cette production est assurée pour l’essentiel par les pays les moins avancés de la région, dont la part dans les exportations mondiales devrait légèrement progresser au cours de la période examinée.

Cela fait un peu plus d'un an que le régime préférentiel des échanges est entré en vigueur au sein de la Zone de libre-échange continentale africaine (AfCFTA). Son objectif – améliorer les échanges au sein de cette zone – est extrêmement important pour le développement économique de la région, et ce d'autant plus au vu des incertitudes croissantes au niveau mondial. La pandémie de COVID-19 a retardé sa mise en œuvre et en 2020, les échanges intra-africains ont été ramenés à 16 %, contre une moyenne de 18 % sur les cinq années précédentes. Les produits agricoles représentent environ un quart de ces échanges, et les perturbations de la chaîne d’approvisionnement dues à la pandémie ont clairement porté un coup au commerce.

L'objectif de l’AfCFTA est de supprimer les droits de douane sur 90 % des lignes tarifaires ; une mise en place progressive est prévue sur dix ans pour les PMA et sur cinq ans pour les autres pays. En janvier 2022, cependant, les règles d’origine de l’accord n’avaient été mises en œuvre que pour 88 % des lignes tarifaires. D'autres retards proviennent du fait que certains membres de l’union douanière n'ont pas ratifié l'accord. C’est le cas du Botswana, du Soudan du Sud, du Bénin, de la Guinée-Bissau et du Libéria, ce qui empêche la pleine application du régime préférentiel à plusieurs organisations commerciales régionales, à moins que des compromis puissent être trouvés pour que l’accord puisse être mis en œuvre au cas par cas. Malgré un démarrage au ralenti, des progrès ont été accomplis et pas moins de 76 % des pays ont déposé un instrument de ratification. Cela témoigne à n’en pas douter d'une volonté de mettre en œuvre l’accord. Alors que de nouveaux engagements doivent être pris concernant les règles d’origine, seuls 3 % des lignes tarifaires seront finalement exclus de l’accord, qui a donc toutes les capacités d'accroître les échanges intra-africains sur le moyen terme.

Plus de 50 pays ont pris des engagements en matière d'accès au marché pour les échanges de services, souvent en complément et en accompagnement des échanges de biens ; des négociations sont toujours en cours pour définir les règles régissant les investissements, la politique de la concurrence, les droits de propriété intellectuelle, le commerce électronique ainsi que la place des femmes et des jeunes dans les échanges commerciaux, de manière à optimiser les bienfaits de l’AfCFTA.14 Le Système de paiement et de règlement panafricain (PAPSS), récemment créé par l’Afreximbank (ou banque africaine d'import-export) et le Secrétariat de l’AfCFTA, est à cet égard une initiative importante qui ouvre des possibilités. Parce qu'il permet des paiements instantanés en devises locales à travers les frontières africaines, le PAPSS supprime de fait les frontières existant entre les systèmes financiers africains et les regroupe de façon formelle.

Hormis les droits de douane, un autre frein aux échanges intrarégionaux est le niveau élevé des obstacles non tarifaires. Bien que l’AfCFTA prévoie une reconnaissance mutuelle des normes et des licences ainsi que l’harmonisation des mesures sanitaires et phytosanitaires, un grand nombre de ces obstacles sont difficiles à éliminer ou réduire. Selon les données relatives au coût des échanges recueillies par la CESAP-Banque mondiale, l'équivalent ad valorem du coût des obstacles non tarifaires sur les échanges internes du continent est estimé à quelque 283 %. Il est en outre de plus de 300 % pour les produits agricoles15 et dépasse de plus de 100 % celui des produits manufacturés non agricoles. Les facteurs y contribuant sont le coût élevé du transport routier, qui résulte de la déficience des infrastructures, ainsi que le manque d’efficacité aux postes-frontières. Cela est corroboré par la présence de seulement six pays d’Afrique subsaharienne dans la première moitié de l'indice de performance logistique de la Banque mondiale, qui couvre 160 pays. Compte tenu des réglementations mises en œuvre à ce jour et de la nécessité de finaliser les programmes de réduction des droits de douane et les listes de produits sensibles, aucun impact visible n’a été prévu cette année dans les projections de référence.

La région Proche-Orient et Afrique du Nord16 comprend des pays aux profils de revenus hétérogènes, qui sont souvent confrontés à des problèmes similaires en ce qui concerne l’environnement de la production agricole. Les ressources foncières et hydriques sont limitées, et moins de 5 % des terres de la région sont considérées comme arables. L’ensemble des pays de la région, à l’exception de l’Iraq et de la Mauritanie, doivent composer avec la rareté des ressources hydriques, et dans certains pays, cette rareté est extrême, les niveaux par habitant équivalant à moins d’un quart des niveaux viables. Ses ressources hydriques déjà limitées rendent la région particulièrement vulnérable au changement climatique.

Parmi son éventail de pays moins avancés et d’économies à revenu élevé et intermédiaire, la région comprend un grand nombre de pays du Golfe exportateurs de pétrole. Cette ressource étant une manne financière, les marchés de l’énergie jouent un rôle extrêmement important au regard de l’activité économique et peuvent avoir un impact majeur sur l'évolution de la demande. À cet égard, l'instabilité des marchés de l’énergie depuis deux ans ainsi que les prévisions de hausse du prix du pétrole à court terme vont, si elles s'inscrivent dans la durée, avoir un effet sur le niveau des revenus plus marqué dans cette région que dans toutes les autres examinées dans les présentes Perspectives.

Du fait des conditions difficiles dans lesquelles a lieu la production agricole, le Proche-Orient et l’Afrique du Nord est l’une des principales régions importatrices nettes de produits alimentaires et les taux d’autosuffisance pour la plupart des produits y sont faibles, en particulier pour les céréales, l’huile végétale et le sucre (Graphique 2.15). Sa dépendance aux importations rend cette région particulièrement vulnérable aux incertitudes liées au marché comme les fragilités du système commercial mondial mises en évidence par la pandémie de COVID-19, les problèmes logistiques persistants à mesure que la pandémie se poursuit, et les éventuelles difficultés d’approvisionnement en provenance de la région de la mer Noire, où la guerre en cours de la Russie contre l’Ukraine risque d’avoir une incidence sur les exportations des principaux produits (dont le blé, le maïs et les produits oléagineux). La Russie et l’Ukraine ont toujours été les deux principaux fournisseurs de blé de la région, mais même si le blé vient d'ailleurs, la flambée des prix des céréales importées suscite des inquiétudes quant à l’accessibilité-prix des produits alimentaires de base dans les pays à plus faible revenu. Avec des dépenses alimentaires représentant en moyenne quelque 15 % du budget total des ménages – 33 % dans les pays les moins avancés –, les variations brutales des revenus et des prix peuvent avoir des répercussions importantes sur le bien-être.17

Depuis toujours, les ressources limitées de la région ont été utilisées pour financer des politiques publiques visant à stimuler la production et à réduire la dépendance aux importations de céréales de base. Si de telles mesures ont pour but de réduire la dépendance commerciale, elles peuvent cependant freiner la croissance car les céréales sont en concurrence avec des cultures de plus grande valeur en ce qui concerne l’utilisation des maigres ressources en eau, le résultat étant une disponibilité moindre de produits frais qui pourraient sinon permettre d'améliorer la diversité de l'alimentation. De surcroît, les conflits géopolitiques dans la région ont entraîné de nouvelles baisses des investissements et des déplacements de population, ce qui constitue de nouvelles entraves à la production.

Le secteur de l’agriculture, la foresterie et la pêche représente actuellement quelque 5 % du PIB total de la région et devrait passer à 4 % en 2031. L’Égypte assure presque 30 % de la valeur nette de la production agricole, halieutique et aquacole de la région, tandis que les autres pays d’Afrique du Nord en représentent 48 % (14 % pour les PMA et 34 % pour les autres). Ces pourcentages devraient s’accroître d’ici dix ans, et l’Afrique du Nord représentera presque 80 % de la valeur nette de la production agricole de la région en 2031.

La croissance démographique, qui joue un rôle important dans l’évolution de la demande, ne devrait ralentir que modérément, de presque 23 % au cours de la précédente décennie à 20 % dans les dix ans à venir. Ce taux de croissance, le deuxième plus élevé derrière celui de l’Afrique subsaharienne, portera la population de la région à plus de 500 millions de personnes en 2031. Presque les deux tiers de cette population devraient vivre en milieu urbain, ce qui pourrait encourager la consommation de produits de plus grande valeur, y compris de viande et de produits laitiers, mais aussi de produits essentiels contenant de l’huile végétale et du sucre. Cela dit, l'accessibilité-prix jouera également un rôle important ainsi que la forte dépendance à l’égard des recettes provenant des exportations les économies de la région ont été parmi les plus touchées par la pandémie de COVID-19 en 2020, le revenu par habitant ayant diminué de plus de 7 % et regagné seulement 1.3 % en 2021. Même dans un contexte de hausse des prix du pétrole, l’activité économique de la région ne devrait s’accroître que de 3.3 % en 2022, pour atteindre à moyen terme une moyenne de +1.6 % par an. Il est donc peu probable qu’elle ait une grande influence sur la demande durant la prochaine décennie. Il s'agit là d'un aspect préoccupant dans une région où une alimentation saine est financièrement inaccessible pour plus de la moitié de la population (FAO et al., 2021[5]).

L'un des plus grands défis qui attend la région au cours de la période de projection sera d'assurer l’accessibilité-prix des produits alimentaires à une population de plus en plus nombreuse, dans un environnement où les revenus sont faibles. La dépendance aux importations est inévitable compte tenu des capacités de production limitées et des maigres ressources naturelles ; cependant, dans le contexte d'un marché mondial de plus en plus instable, une certaine flexibilité dans les politiques publiques et les pratiques d'approvisionnement sera de mise pour garantir la sécurité alimentaire, car les taux d’autosuffisance de la région pour la plupart des principaux produits devraient continuer à diminuer au cours de la prochaine décennie.

La production agricole, halieutique et aquacole de la région devrait progresser de 1.6 % par an dans les dix ans à venir, soit au même rythme que la croissance démographique. La dépendance de la région aux marchés mondiaux continuera de s’accroître (Graphique 2.14). La valeur totale de la production agricole provient pour l’essentiel des cultures, dont la croissance moyenne de 1.4 % par an leur suffira à se maintenir à 60 % d’ici 2031. La production animale connaît un taux de croissance supérieur – 2.1 % par an – et sa part dans la valeur totale nette passera à 28 % d'ici 2031.

La production halieutique et aquacole représente une part importante de la valeur totale de la production, mais sa progression d'un peu moins de 1 % par an la conduira à une légère baisse, pour atteindre 11.2 % en 2031. L'augmentation de cette production était due récemment à la pêche pratiquée dans les zones côtières, mais les stocks halieutiques se raréfient, d’où un net ralentissement de l’activité au cours de la période de projection. La contribution de l’aquaculture à la production totale de produits halieutiques et aquacoles est en augmentation, sous l’influence de l’Égypte.

La superficie agricole totale devrait rester relativement stable, même si un léger recul des terres consacrées à la production végétale est attendu d'ici 2031. Ce sera le cas principalement en Arabie saoudite, où les conditions ne sont pas propices aux cultures à grande échelle, et dans les pays les moins avancés d’Afrique du Nord. En 2031, presque 38 % de la superficie totale des terres cultivées pourront être affectées à la production de céréales, contre 34 % pendant la période de référence. Cette augmentation proviendra en majorité des céréales secondaires et du blé, dont la part dans les terres utilisées pour la production de céréales devrait s’élever respectivement à 59 % et 38 %.

Les gains de productivité sont une nécessité dans une région où les terres arables et les ressources en eau sont peu abondantes. Entre 2010 et 2019, la productivité totale des facteurs s’est accrue de seulement 1.2 % par an, principalement du fait d'un apport accru de capital18. La valeur générée sur un hectare de terre cultivée a augmenté régulièrement sur les dix dernières années – de 1.4 % par an – et devrait progresser encore plus vite dans la décennie à venir jusqu'à atteindre 1.6 % par an. Cette tendance résulte de plusieurs facteurs, dont une intensification des cultures – comme l’atteste le maintien au même niveau des superficies récoltées, malgré la diminution de 2.8 Mha des superficies exploitées – et une hausse considérable des rendements. Selon les prévisions, les rendements vont augmenter pour toutes les cultures importantes : le blé de 0.8 %, le maïs de 0.5 %, les autres céréales secondaires de 1.5 %, le riz de 1.5 % et les légumineuses de 1.0 % par an en moyenne au cours de la prochaine décennie. Les rendements du blé s'établiront ainsi à 78 % environ de la moyenne mondiale, tandis que les autres céréales secondaires ne dépasseront pas 47 %.

La hausse de la production de viande proviendra principalement de la volaille, dont le pourcentage de progression – 3.1 % par an par rapport à la précédente décennie – devance de loin toutes les autres viandes, même s'il est nettement plus faible que par le passé. Des progrès sont également attendus pour la viande bovine, dont la production augmentera de 1.6 % par an, après avoir été en baisse par le passé. La production de viande ovine restera globalement stable d’ici 2031.

Les émissions directes de GES liées au secteur de l’élevage progresseront dans la région de 3.8 % entre 2019-21 et 2031, ce qui contraste avec les 28.6 % et 24.2 % d'augmentation prévus respectivement pour la production de viande et de produits laitiers, preuve de l'importance des gains de productivité pour réduire les émissions. Les émissions imputables aux cultures devraient s'accroître de 2.2 %, tandis que les émissions directes de l’agriculture augmenteront au total de 3.4 % d'ici 2031. La baisse historique du volume des émissions par rapport à la valeur unitaire de la production agricole devrait se poursuivre.

Les politiques alimentaires de la région ont traditionnellement été axées sur la sécurité alimentaire en encourageant la consommation des aliments de base, principalement les céréales, et en favorisant donc des habitudes alimentaires centrées sur ces produits. Ces dernières années, ces politiques se sont ouvertes à l’intégration des produits d'origine animale. Il n’empêche que la prévalence de la malnutrition et le nombre absolu de personnes sous-alimentées ont augmenté ces dernières années et que la pandémie de COVID-19 a accéléré cette tendance en 2020. La disponibilité totale en calories dans la région devrait s'accroître quelque peu, à 3 020 kcal/personne/jour d’ici 2031, soit légèrement en dessous de la moyenne mondiale. Cela traduit à la fois la lenteur de la reprise économique – il faudra attendre 2025 pour que les revenus par habitant retrouvent les niveaux précédant la pandémie – et la sensibilisation accrue à la nécessité de se nourrir sainement, comme l’atteste la réduction de l’apport calorique de produits comme l'huile végétale et les édulcorants. Il existe cependant une grande hétérogénéité entre les pays : dans les PMA de la région, par exemple, la disponibilité en calories reste faible et ne dépassera pas 2 594 kcal/personne/jour, ce qui est inférieur d’environ 15 % à la moyenne mondiale.

Les projections pour le régime alimentaire moyen dans la région indiquent qu’environ 54 % des calories viendront des céréales en 2031, soit nettement plus que la moyenne mondiale de 44 %. Un phénomène similaire se produira pour la consommation de sucre : sa part dans l’apport calorique total sera de 9 %, alors que la moyenne mondiale est de 7 %. Le régime alimentaire de la région, qui se compose de féculents et de sucre, est riche en calories mais pauvre en nutriments, et il est souvent associé à une augmentation des cas de surpoids et d’obésité, ainsi que de diverses maladies chroniques comme le diabète. Parallèlement, la prévalence de la sous-alimentation, ainsi que du retard de croissance et du dépérissement chez les jeunes enfants, atteint un niveau élevé dans certains pays, en particulier ceux frappés par un conflit. Cela laisse à penser que le « triple fardeau » de la malnutrition représentera un défi que les autorités publiques devront relever sur le moyen terme. Le problème est que l’accessibilité-prix demeure un obstacle majeur à l’adoption d’une alimentation saine.

Le niveau moyen de disponibilité en protéines dans la région devrait être de 85 g par jour en 2031, soit à peine plus que pendant la période de référence. La baisse de l’apport de protéines provenant de produits d’origine végétale devrait être plus que compensée par la consommation d’aliments plus riches en protéines (viande et produits halieutiques et aquacoles).

La croissance du secteur de l’élevage, en particulier celui de la volaille, entraînera une hausse de 20 % de l’utilisation des aliments pour animaux dans les dix ans à venir. Des produits comme le maïs, l’orge et les tourteaux protéiques devraient représenter plus de 75 % du total de l’alimentation animale. La majorité des aliments pour animaux continueront d’être importés, et les importations de maïs passeront par exemple de 27 Mt pendant la période de référence à 34 Mt en 2031. Cette tendance est la conséquence de politiques publiques privilégiant les cultures vivrières plutôt que les cultures fourragères, dans un environnement où le potentiel de production est très limité.

La forte croissance démographique de la région, associée à la capacité de production limitée, continuera de pousser les importations de produits alimentaires à la hausse au cours de la période de projection. En 2031, la région devrait se classer à la deuxième place mondiale derrière l’Asie développée et de l’Est en tant qu’importatrice nette de produits alimentaires, mais elle occupera le premier rang en termes d’importations par habitant. C’est en Arabie saoudite et dans les autres pays du Moyen-Orient (dont les États du Golfe) que les importations de produits alimentaires par habitant sont les plus élevées (Graphique 2.14).

Parmi les défis économiques et logistiques suscités par la pandémie, la facture totale des importations de la région a baissé, en termes réels, entre 2019 et 2020. Après une légère hausse en 2021, elle devrait s'accroître fortement en 2022 en lien avec la reprise économique. D’ici 2031, le coût des importations de la région aura augmenté de 29 % par rapport à la période de référence. La hausse se vérifiera pour presque tous les produits, mais à un rythme moins prononcé qu’au cours de la précédente décennie. En 2031, les importations de la région conserveront des niveaux élevés sur les marchés mondiaux d'un grand nombre de produits, dont le blé (26 %), le sucre (22 %) et le maïs (17 %). La région continuera de représenter une part élevée des échanges mondiaux de viande ovine (33 %), de fromage (19 %) et de volaille (18 %). Compte tenu du rôle important de la région sur les marchés mondiaux et de celui des importations sur les marchés intérieurs, les évolutions de ces différents marchés auront de vastes répercussions en matière de sécurité alimentaire.

Couvrant deux continents, la région Europe et Asie centrale19 comprend des pays se trouvant à des stades de développement divers et affichant des différences notables en termes de démographie, de ressources agricoles et de politiques publiques. Les pays représentant la plus grosse partie de la production agricole régionale sont l’Union européenne, le Royaume-Uni, la Russie, l’Ukraine, la Türkiye et le Kazakhstan. La région abrite 12 % de la population mondiale, mais la croissance démographique y est variable selon les pays. Elle devrait globalement rester relativement stable, avec une hausse de seulement 1 % au cours de la prochaine décennie. Ce résultat est le reflet de la stabilité en Europe occidentale, de la baisse en Europe orientale et de la hausse de 1 % par an en Asie centrale. La région est très urbanisée et, d’ici 2031, 75 % de sa population vivra en milieu urbain.

Le revenu moyen dans la région est supérieur à 26 000 USD par habitant et par an, mais il existe de grandes différences entre les pays. Les revenus varient d'un peu plus de 38 000 USD par habitant et par an dans les économies très développées d’Europe occidentale à 12 250 USD dans les pays de l’Est riches en ressources et seulement 5 000 USD en Asie centrale. En 2020, la pandémie de COVID-19 et les restrictions qui avaient été décidées pour endiguer sa propagation ont conduit à une baisse de 5.6 % en moyenne du PIB par habitant en valeur réelle, même si certains pays ont été plus durement touchés que d'autres en raison des stratégies différentes adoptées pour gérer l'épidémie. Après une nette reprise en 2021 et une croissance de 5 %, la région connaît en 2022 un nouveau ralentissement à mesure que la guerre se poursuit. Si l’ampleur et la portée de ses effets dépendront de sa durée et de son issue, cette guerre a déjà provoqué une crise humanitaire et aura certainement une incidence sur les perspectives de croissance dans la région et au-delà. Outre les conséquences directes de la guerre, la dépendance de la région à l’égard de la Russie pour l’approvisionnement en énergie, en engrais et en céréales la rendra plus vulnérable aux perturbations. Les livraisons de la Russie à l’Asie centrale pourraient elles aussi être perturbées par la guerre. Cette conjoncture entraînera une révision à la baisse des projections à moyen terme qui, d’après les hypothèses de base, tablent sur une croissance record de 1.8 % par an du revenu par habitant en valeur réelle.

Au plus fort de la pandémie de COVID-19, le secteur agricole de la région était déjà confronté à de nombreux défis tels que des goulets d'étranglement logistiques, des pénuries de main-d’œuvre et des modifications du volume et de la composition de la demande. Un grand nombre de ces défis ayant été relevés avec succès, l’actuelle guerre est source de nouvelles difficultés et d'une grande incertitude pour 2022 et au-delà. La Russie est un important fournisseur d’intrants agricoles pour les autres pays d’Europe et l’Asie centrale, ainsi que pour de nombreux pays d'autres régions. La Russie et l’Ukraine représentent par ailleurs une part importante des exportations agricoles, et la persistance des facteurs limitant la production et les exportations aura des répercussions de taille sur le secteur. Ces deux pays sont également de gros importateurs de plusieurs produits agroalimentaires provenant d'autres pays de la région, qui auront du mal à trouver rapidement des marchés alternatifs.

La part des secteurs primaires de l’agriculture, de la foresterie et de la pêche dans le PIB total varie de 1.6 % seulement dans l’Union européenne à 12 % en Ukraine. La part de l’alimentation dans le budget des ménages est estimée en moyenne à 10 % dans la région pour 2019-2021 (de quelque 6 % au Royaume-Uni à environ 17 % en Ukraine)20. Une grande disparité existe également en ce qui concerne la hausse de la productivité totale des facteurs (PTF) de la région : de seulement 6 % en Europe occidentale entre 2010 et 2019, la PTF atteignait presque 50 % en Europe orientale grâce à la forte augmentation de la productivité de la main-d’œuvre.

La région est à l’origine de 16 % de la valeur de la production agricole, halieutique et aquacole mondiale, une part qui pourrait régresser à 15 % à l’horizon 2031, en grande partie sous l’effet de la stagnation en Europe occidentale. Les cultures représentent en moyenne quelque 56 % de la valeur nette de la production totale, la pêche et l’aquaculture 8 % et l’élevage 36 %. Ces dix dernières années, la région a représenté 11 % de la croissance totale de la valeur nette mondiale de la production agricole, halieutique et aquacole, et 38 % de la croissance des exportations mondiales. Cette orientation croissante vers les exportations a été largement influencée par l’Europe orientale, où les niveaux de productivité des secteurs des cultures et de l’élevage se sont améliorés, alors que la croissance de la demande a été faible du fait d'une certaine stabilité de la population et des niveaux de consommation parvenus à une relative maturité. Sur le court terme tout au moins, la guerre va probablement inverser cette tendance, la capacité de l’Ukraine à effectuer des plantations, des récoltes et des transformations de produits agricoles étant déjà incertaine en 2022. L'infrastructure détruite pendant la guerre pourra nécessiter des années avant d’être reconstruite, ce qui mettra en péril l’accès aux marchés et suscitera des incertitudes quant au délai de restauration de la pleine capacité de production. Le risque que ces perturbations se maintiennent à moyen terme est difficile à déterminer et dépendra au final de l’issue qui sera donnée à la guerre. La durée des sanctions imposées à la Russie sera un facteur important dans les échanges intrarégionaux, de même que les embargos russes sur les importations en provenance de l’Union européenne, qui ont été continuellement renouvelés depuis 2014, ainsi que les futurs arrangements commerciaux entre le Royaume-Uni et l’Union européenne.

Par rapport à d’autres régions, les produits d’origine animale occupent une place importante, tant dans la production que la consommation. Ils représentent plus d’un tiers de la valeur nette de la production agricole, halieutique et aquacole, et respectivement 26 % et 53 % de la disponibilité totale en calories et en protéines. L’Union européenne produit, consomme et échange de grandes quantités de lait et de produits laitiers, et si sa part dans la production mondiale de lait ne cesse de diminuer, sa production et ses échanges de produits à valeur élevée tels que le fromage et le beurre progressent. La consommation par habitant de fromage et de beurre y est respectivement six fois et trois fois plus élevée que la moyenne mondiale.

Au sein de l’Union européenne, l’accent est de plus en plus mis sur la viabilité écologique, à la fois par les consommateurs et par les pouvoirs publics. Ainsi, la stratégie « De la ferme à la table », qui est au cœur du pacte vert pour l’Europe, préconise une croissance inclusive reposant sur des systèmes alimentaires équitables, sains, durables et respectueux de l’environnement. Cela pourra à l’avenir avoir une influence sur la demande, les échanges, le taux de productivité et la croissance de la production de la région. Les progrès technologiques et leur adoption, notamment les technologies numériques, joueront à cet égard un rôle essentiel.

De toutes les régions examinées dans les présentes Perspectives, l’Europe et l’Asie centrale est celle qui est en proie à la plus grande incertitude à cause de la guerre. Il est encore trop tôt pour déterminer l’ampleur et la durée des effets que produira cette guerre. L'hypothèse implicite de ces Perspectives est que la région retrouvera sa pleine capacité de production à moyen terme, ce qui lui permettra d’enregistrer une balance commerciale positive dont la hausse se poursuivra jusqu’en 2031. Toutefois, la prolongation de la guerre pourrait donner des résultats très différents, compte tenu de son rôle dans la production et les exportations agricoles en Europe et Asie centrale. De surcroît, la destruction massive des infrastructures, les pertes humaines et le déplacement de la main-d’œuvre nécessiteront des investissements considérables pour restaurer la capacité d'action de la chaîne agroalimentaire. De nombreuses années, voire décennies, pourraient être nécessaires avant un retour à la normale, et la structure du secteur pourrait bien en sortir complètement modifiée.

La valeur nette de la production agricole, halieutique et aquacole (déduction faite des aliments pour animaux et des semences) devrait progresser de 8 % d’ici 2031 par rapport à la moyenne de 2019-21 ; la situation en Europe occidentale restera globalement inchangée, tandis que la croissance de l’Europe orientale sera de 13 % et celle de l’Asie centrale de presque 28 %. La forte augmentation en Europe orientale, très incertaine car ne tenant pas entièrement compte d'un impact prolongé de la guerre actuelle, sera due à l’Ukraine (+5 %), la Türkiye (+20 %) et la Russie (+11 %). En Ukraine et en Russie, la hausse sera conduite par la production végétale. En Türkiye, en revanche, les productions animale et végétale devraient augmenter toutes les deux fortement, mais la valeur de la première s’élèvera plus rapidement que celle de la seconde (respectivement 24 % et 20 %) à l’horizon 2031.

La diminution durable de la superficie exploitée devrait se poursuivre à l’avenir, quoique lentement, ce qui laisse entendre que la croissance continue du secteur sera rendue possible par des gains de productivité. Alors que la superficie exploitée évolue globalement à la baisse, une certaine réaffectation des parcelles devrait avoir lieu entre les pâturages et les cultures. Les terres utilisées pour le pacage devraient reculer de 0.8 % en 2031, soit deux fois plus que celles affectées à la production végétale.

La valeur de la production végétale devrait croître de 10 % au cours de la décennie à venir, soit plus de 71 % de la croissance de la production agricole, halieutique et aquacole de la région. Si cette hausse sera due à l’affectation à cet usage de terres supplémentaires, des gains de productivité y contribueront également pour une part importante. La valeur nette de la production par hectare de terre cultivée devrait progresser de 1.1 % par an en moyenne, sous l’effet combiné de l’intensification des cultures et de l’augmentation des rendements. Les superficies récoltées devraient croître de presque 8.8 Mha, alors que les superficies cultivées devraient diminuer de 1.5 Mha. L’augmentation des superficies récoltées en Europe occidentale et orientale est due à l’intensification. Une hausse des rendements est également attendue pour toutes les cultures importantes, de 3 % pour le blé à environ 5.9 % pour le maïs et les oléagineux.

L'accroissement de la production végétale de la région s’explique en majorité par l’augmentation des volumes de céréales et d’oléagineux produits dans la région de la mer Noire. Dans l’hypothèse où, selon ces Perspectives, la capacité de production de la région serait rétablie à moyen terme, la Russie et l’Ukraine conserveront un niveau de croissance soutenu pour le maïs, le blé, le soja et les autres graines oléagineuses, leur part conjointe atteignant alors respectivement 41 %, 39 % et 54 % du total de la production. Dans ces deux pays, c’est la production de maïs qui enregistrera la plus forte croissance parmi toutes les cultures, celle du blé et des autres graines oléagineuses augmentant également fortement. Malgré l’expansion des superficies dans les deux pays, la hausse de la production d’ici 2031 y sera due majoritairement à l’amélioration des rendements. Leur part conjointe de 82 % de la production supplémentaire de maïs et de blé qui est projetée pour l’ensemble de la région en 2031 ne tient pas compte de l'étendue des risques et des incertitudes si la guerre venait à durer.

La production animale devrait croître plus lentement que la production végétale au cours de la prochaine décennie, à savoir de seulement 0.4 % par an. L’Europe occidentale continue de représenter l’essentiel de l'activité d'élevage de la région, mais à mesure que la transition vers la viabilité écologique se poursuivra, un léger recul sera observé sur les dix ans à venir et sa part passera de 62 % en 2019-21 à 60 % en 2031. Une croissance plus soutenue dans le reste de la région entraînera une hausse de 3 % de la valeur totale de la production animale, la part de l’Europe orientale dans le total régional passant à 29 % et celui de l’Asie centrale à 12 %. À l’exception de l’Asie centrale, où les effectifs de bétail ne cessent de s'accroître, la hausse de la production animale sera due principalement à l’intensification, d'où l'augmentation des poids carcasse. Le volume de la production de volaille devrait croître fortement dans toute la région, à savoir de 6 % à l'horizon 2031. La production halieutique et aquacole devrait augmenter de 7 % au cours de la prochaine décennie. La hausse de 12 % pour l’aquaculture – contre 6 % pour la pêche – fera grimper la part de cette activité dans la production totale à 21 % en 2031.

La production de produits laitiers devrait se maintenir à un niveau élevé. La part de l’Asie centrale et celle de l’Europe orientale devraient s'accélérer pour atteindre respectivement 39 % et 12 % d'ici 2031. En Europe occidentale, en revanche, la production ne devrait progresser que de 3 %. Pour autant, la hausse de la production de produits laitiers sera de plus en plus destinée à répondre à la demande internationale : une part croissante du beurre, du fromage et des poudres de lait de la région devrait être exportée au cours des dix prochaines années. La région dans son ensemble représentera 43 % des exportations mondiales de produits laitiers à l’horizon 2031. L’essentiel des produits laitiers exportés par la région proviendra de l’Union européenne, dont la part s'élèvera à 71 % en 2031. Cela dit, dans le contexte de transition vers la viabilité écologique, la part de l’Union européenne dans la production mondiale de lait passera de 18 % pendant la période de référence à 15 % en 2031.

Les émissions directes de GES liées à l’agriculture devraient baisser légèrement, de 1.3 % d’ici 2031. Cependant, compte tenu de la hausse de la productivité, le volume de ces émissions rapporté à la production agricole va diminuer de 8.3 % par rapport à 2019-2021. Cette baisse sera plus forte en Asie centrale et Europe orientale – respectivement de 12 % et 14 % –, mais elle ne dépassera pas 5 % en Europe occidentale.

Bien que la région soit pour l’essentiel un marché d'une relative maturité, les consommateurs n’ont pas été épargnés par les effets de la pandémie de COVID-19 (De Vet et al., 2021[6]) (FAO, 2020[7]) (OCDE, 2020[8]). Les effets sur la consommation alimentaire ont été particulièrement marqués en 2020, principalement à cause des problèmes d'accessibilité-prix à court terme, en particulier dans les pays où les consommateurs consacrent une plus grande part de leur revenu total à l’alimentation, et où les mesures d'aide au revenu ont été plus limitées. Les modifications de la structure de la production et des circuits d'approvisionnement dans le contexte du COVID-19 ont également eu des répercussions sur la consommation globale. Les ventes au détail se sont accrues ainsi que la vente alimentaire à emporter ; les consommateurs se sont également tournés vers les achats en ligne, les produits locaux et les produits à longue durée de conservation. La pandémie n’a fait qu’accentuer les tendances de consommation qui se profilaient déjà avant, comme par exemple la sensibilisation accrue à une alimentation saine, qui continuera d'influencer la demande sur le moyen terme. Si un grand nombre des effets de la pandémie se sont atténués, de nouvelles préoccupations en termes de sécurité alimentaire ont vu le jour en Europe orientale, sous l’effet de la guerre (depuis le début de l’invasion russe en février 2022, presque 5 millions de réfugiés avaient quitté l’Ukraine et plus de 7 millions de personnes avaient été déplacées à l’intérieur du pays à la mi-avril).

La disponibilité moyenne en calories par habitant et par jour est bien supérieure dans la région à la moyenne mondiale et devrait encore s’accroître de 35 kcal/jour, ce qui la portera à plus de 3 440 kcal/jour. Cette augmentation a lieu majoritairement en Europe orientale et Asie centrale, principalement du fait de la consommation accrue de produits laitiers, de céréales et de légumineuses. Bien que la consommation de sucre ne cesse de s'accroître en Asie centrale, la demande de ce produit devrait continuer de diminuer dans la région en raison d'une sensibilisation accrue des consommateurs européens aux questions de santé. Selon les projections, la consommation de sucre par habitant en Europe occidentale va diminuer de 1.3 kg par an à l’horizon 2031 mais continuera de dépasser de presque 60 % la moyenne mondiale.

La disponibilité en protéines par personne dans la région devrait augmenter de 2 g par jour pour atteindre 105 g par jour en 2031, un chiffre supérieur d’environ 20 % à la moyenne mondiale de 87 g par jour. La disponibilité en protéines provenant de produits d’origine végétale est en hausse, la consommation individuelle de légumineuses progressant de 20 % grâce aux bienfaits pour la santé qu’elle procure, et atteindra plus de 5 kg par personne et par an en 2031. Cela dit, la principale source de protéines restera les produits d'origine animale, en particulier du fait de la hausse de la consommation de produits laitiers. La demande intérieure de produits laitiers pour la consommation humaine restera forte dans toute la région, contribuant d’ici 2031 à 12 % de l’apport calorique quotidien et à 20 % de la disponibilité quotidienne en protéines. Les tendances en matière de consommation reflètent celles de la production : une baisse de la consommation par habitant est prévue en Europe occidentale, qui contrastera avec une nette embellie en Europe orientale et Asie centrale. La consommation de viande croît plus lentement mais devrait tout de même avoisiner 59 kg par personne et par an en 2031, soit 2.2 % de plus que pendant la période de référence. Cette hausse proviendra en majorité de la volaille, dont la consommation augmentera de 1.4 kg pour atteindre une moyenne de 24 kg par personne et par an. La consommation de viande porcine et bovine devrait au contraire diminuer de 0.1 % par an en moyenne par rapport à la précédente décennie. Celle de produits halieutiques et aquacoles va également reculer légèrement d’ici 2031 ; en Europe occidentale, cependant, les niveaux de consommation par personne se maintiendront à 1 kg au-dessus de la moyenne mondiale de 18.8 kg. En Asie centrale, au contraire, elle ne dépassera pas 3 kg par personne, soit environ 16 % de la moyenne mondiale.

En grande partie du fait de l’importance des produits d’origine animale, la région représente près d’un quart de la consommation mondiale d’aliments protéiques pour animaux. Le ralentissement de la croissance du secteur de l’élevage, de même que l’utilisation plus efficiente des aliments pour animaux, vont aboutir à une progression de seulement 3 %, contre 10 % au cours de la précédente décennie. En 2031, la part de la région dans l’alimentation animale mondiale pourrait être ramenée à presque 22 %. Au même titre que la production du secteur de l’élevage, l’augmentation de l’alimentation animale sera concentrée en Europe orientale et en Asie centrale, alors qu’un léger recul sera enregistré en Europe occidentale. D'après les projections, l’augmentation de la consommation animale de maïs sera plus rapide que celle de blé, sous l’effet d’une forte hausse de la production de viande en Europe orientale (par opposition à son faible recul en Europe occidentale).

La configuration des échanges au sein de la région Europe et Asie centrale a considérablement changé au cours des dix dernières années. Alors que la région était traditionnellement l’une des plus grosses importatrices nettes, son déficit commercial en matière de produits agricoles a été divisé par plus de la moitié en l’espace de dix ans. Cette évolution est due à la hausse des exportations de l’Europe orientale, qui est devenue progressivement une exportatrice nette (Graphique 2.19). Cette situation trouve son origine en Ukraine et en Russie, où l'augmentation de la productivité ajoutée à la lente croissance de la demande intérieure ont suscité une hausse continue des excédents exportables, mais où la guerre actuelle aura d'importantes conséquences pour l’avenir. Bien dotées en terres, l’Europe orientale et l’Asie centrale possèdent un avantage comparatif en ce qui concerne la production de céréales et d’oléagineux. Associée à des niveaux de consommation déjà élevés et à une faible croissance démographique, la hausse des exportations devrait permettre une nouvelle amélioration de la balance commerciale nette de la région, en supposant que la guerre prenne fin et que la capacité de production soit rétablie. D'après les hypothèses de base, la région devrait se classer en 2031 à la deuxième position mondiale pour ses exportations nettes, derrière l’Amérique latine et les Caraïbes, mais la prolongation de la guerre risque de changer la donne.

Le volume total des exportations de la région pourrait augmenter de 23 % entre la période de référence et 2031 grâce à la poussée de 28 % des exportations de produits d'origine végétale, celles des produits d'origine animale affichant une progression plus modérée (10 %). Les exportations de céréales de la région passeront de 161 Mt pendant la période de référence à 190 Mt en 2031, soit une hausse de 18 %, avec comme principal importateur la région Proche-Orient et Afrique du Nord. Cela portera la part de l’Europe et l’Asie centrale sur les marchés mondiaux à 36 % d’ici 2031. Si le blé continue de représenter la plus grosse part des exportations de céréales de la région, celle du maïs est en hausse. Tandis que les exportations de blé devraient s'accroître de 18 % en 2031 – soit 55 % des exportations mondiales –, celles de maïs vont progresser de 17 %, soit 22 % sur les marchés mondiaux.

Si la région exporte de grandes quantités de viande et de produits laitiers, la croissance de ces exportations est plus faible que celle des produits d'origine végétale. L’Europe et l’Asie centrale représentent 44 % des exportations mondiales de viande porcine et 29 % de celles de volaille. L’UE arrive en tête, avec 90 % de la viande porcine, 59 % de la viande bovine et 53 % de la volaille de la région. Du fait de l’UE également, la région est la première exportatrice de produits laitiers au monde. La région assure 41 % des exportations mondiales de ces produits, qui proviennent à 70 % de l’UE. S’agissant du fromage, la région alimente 59 % du marché mondial, l’UE contribuant à 40 %. Pour ce qui est de l’ensemble des produits laitiers, la part de l’UE et celle de toute la région dans les échanges mondiaux devraient s'accroître. D’ici 2031, l’UE représentera respectivement 44 %, 31 %, 34 % et 11 % des exportations mondiales de fromage, beurre, lait écrémé en poudre et lait entier en poudre.

Grâce à la Russie et la Norvège, la région est également l'une des plus grandes exportatrices de produits halieutiques et aquacoles. Les exportations russes pourraient grimper de 31 % au cours de la période de projection, ce qui aboutirait à une hausse de 14 % à l’échelle de toute la région.

Malgré une hausse plus faible de ses importations, la région continue d'importer abondamment. Une grande partie de ces échanges ont lieu au sein de la région, l’Asie centrale étant importatrice nette de produits d’origine animale. Compte tenu de l’importance des échanges intrarégionaux, l’évolution future de l’embargo sur les importations russes ainsi que la guerre auront des conséquences sur les échanges à l'intérieur et à l’extérieur de la région. Hormis les produits d’origine animale, l’Europe et l’Asie centrale importent de grandes quantités de tourteaux protéiques, dont la part dans les importations mondiales devrait passer de 34 % pendant la période de référence à 29 % en 2031. La région est également une grande importatrice de sucre et d’éthanol, mais la situation devrait évoluer à la baisse au cours de la période de projection et pourrait subir les effets des sanctions imposées au secteur énergétique dans le contexte de la guerre.

L’Amérique du Nord est la plus homogène des régions étudiées dans ce chapitre. Les deux pays qui la composent, les États-Unis et le Canada, affichent un niveau de développement élevé dû à leur économie diversifiée et parvenue à maturité. Avec 369 millions d’habitants, sa part dans la population mondiale est actuellement inférieure à 5 % et devrait reculer au cours des dix prochaines années du fait d’une croissance démographique limitée à 0.6 %. Bien que pesant pour 1.1 % dans le PIB régional, le secteur agriculture, sylviculture et pêche est un poids lourd de l'agriculture mondiale.

Au plan mondial, l’Amérique du Nord abrite 10 % des terres agricoles et la plus grande superficie agricole par habitant. Sa production agricole, halieutique et aquacole représente 9 % du total mondial et est la plus élevée en valeur par habitant. Au cours de la période 2019-21, la région a enregistré le troisième plus gros excédent commercial agricole (derrière l'Amérique latine et du Sud et l’Asie du Sud-Est) et réalisé 13 % des exportations mondiales. Cependant, elle perd lentement du terrain sur la scène agricole mondiale car d'autres régions produisent et exportent à un rythme plus soutenu. D'après les prévisions, l’Amérique du Nord représentera 12 % des exportations agricoles, halieutiques et aquacoles mondiales en 2031. Son excédent commercial restera à la troisième place, mais sa valeur aura diminué de 60 % par rapport à la période de référence.

L’agriculture nord-américaine se caractérise par un usage intensif des moyens de production. On estime pourtant que la productivité totale des facteurs a fondu de 1 % entre 2009 et 2019, après être montée en flèche durant la décennie précédente à la faveur, principalement, des dépenses d’investissement en capital21. La région étant celle qui recourt le plus aux engrais, leur renchérissement à court terme entraînera certainement un effondrement des marges. Le secteur a pour autre particularité d’être à forte intensité capitalistique. En effet, l’essentiel de la production agricole est assuré par de grandes unités commerciales. Ainsi, la productivité des cultures et du bétail ‒ mesurée par les rendements des cultures, les rendements laitiers et la quantité de viande produite par animal – est très élevée dans la région. L’érosion continue de la superficie agricole et de la part des terres cultivées ralentissant depuis quelques années, la contraction aura été modeste sur l’ensemble de la décennie. L'amélioration des rendements s’est traduite par une hausse de la production végétale de 12 % au cours de la période. Elle devrait poursuivre sur cette lancée et croître de 13 % d'ici à 2031, même s’il est attendu que la part des terres cultivées recule de 2 %. L'élevage est un secteur de premier plan : sa part dans la valeur totale de la production agricole a progressé au cours de la décennie écoulée pour atteindre 36 % en moyenne entre 2019 et 2021. À titre de comparaison, la moyenne mondiale s’élève à 30 %. En revanche, les effectifs de bétail sont proportionnellement plus faibles vu leur productivité élevée. Par exemple, la production de viande bovine par animal est trois fois supérieure à la moyenne mondiale. S’agissant des produits halieutiques et aquacoles, l’Amérique du Nord produit relativement peu par rapport aux autres régions et sa part dans la production mondiale devrait continuer de baisser, pour tomber à 3 % en 2031.

L’Amérique du Nord est la région du monde dans laquelle la consommation alimentaire par habitant est la plus élevée. La raison en est que le revenu par habitant (54 588 USD) et le taux d'urbanisation (83 %) y sont supérieurs à ceux enregistrés ailleurs, ce qui rejaillit à la fois sur le niveau et la composition de la consommation. Du fait de la pandémie de COVID-19 et des mesures prises pour l’endiguer, la région a vu son PIB par habitant fondre de 4.2 % en 2020. Cette même année, pour la première fois depuis 2014, la prévalence de l’insécurité alimentaire a augmenté en glissement annuel, mais du fait de l’existence d'une base de consommateurs bien établie et des mesures d’aide au revenu et plans de relance ultérieurs, le choc de la pandémie s’est fait sentir davantage sur la composition et la répartition des ventes de produits alimentaires que sur les quantités consommées en valeur absolue. À cause de la fermeture des restaurants et de la diminution de l’activité hôtelière, la restauration hors domicile a perdu du terrain, tandis que les ventes de produits alimentaires au détail se sont redressées au point de bouleverser la chaîne d'approvisionnement alimentaire. Avant la pandémie, la part de la restauration hors domicile dans les dépenses d'alimentation s’élevait à 50 % aux États-Unis et à 35 % au Canada (Saksena et al., 2018, Canning et al., 2016). Ce phénomène a également rejailli sur la composition de la demande en produits alimentaires et les tailles d’emballage utilisées. Certes, la chaîne d’approvisionnement alimentaire a mis du temps à s’adapter, entraînant une hausse du gaspillage à court terme. Mais, il lui a fallu quelques mois pour effectuer un quasi-retour à la normale et il y a tout lieu de penser qu’elle aura ainsi gagné en résilience face aux chocs futurs (Weersink et al., 2021).

L'économie s’est bien relevée de la récession provoquée par la pandémie en 2020 : le PIB par habitant a augmenté de près de 5 % en 2021, si bien que les niveaux en valeur absolue sont supérieurs à ceux de 2019. Après avoir de nouveau crû de 3 % en 2022, le revenu réel par habitant devrait progresser de 1.1 % par an en moyenne au cours de la prochaine décennie. Alors que les niveaux de revenus sont déjà élevés et que la croissance démographique est de 0.6 % par an, les changements susceptibles d'intervenir dans les préférences alimentaires risquent de peser sur la demande d’aliments tout au long de la période de projection. Outre le pouvoir d’achat, ces préférences pourraient aussi évoluer durablement sous l’effet de la pandémie, qui a rappelé les avantages d'une alimentation saine.

D'après les estimations qui incluent un gaspillage alimentaire considérable, pendant la période 2019-21, les disponibilités en calories et en protéines se sont élevées, en moyenne, à 3 808 kcal/habitant/jour et à 114 g/habitant/jour, soit environ 29 % et 36 % de plus que la moyenne mondiale. La consommation de produits d’origine animale est proportionnellement plus élevée, avec des parts dans les apports caloriques et protéiques de respectivement 29 % et 64 %, contre 18 % et 40 % en moyenne à l’échelle mondiale. Les régimes nord-américains sont aussi riches en huile végétale et en édulcorants, dont les parts dans l'apport de calories s’élèvent respectivement à 19 % et 15 % (10 % et 8 % en moyenne dans le monde). Les habitudes alimentaires et les modes de vie sont à l’origine d'une montée de l’obésité et des maladies chroniques d'origine alimentaire comme le diabète. Malgré ce niveau général de la consommation, l’insécurité alimentaire toucherait entre 10 % et 13 % de la population nord-américaine du fait des grands écarts de revenu et indépendamment des effets de la pandémie (Tarasuk and Mitchell, 2020[9]).

L’Amérique du Nord (à travers les États-Unis) est la première région productrice de biocarburants, représentant respectivement plus de 40 % et 35 % de la production et des exportations mondiales. Il s’agit principalement d’éthanol produit à partir de maïs et, dans une bien moindre mesure, de biodiesel obtenu à partir d’huile de soja. Bien qu’étroitement liée à l’intervention des pouvoirs publics, du fait que les obligations d’incorporation – à des taux de mélange proches du taux maximal pour les carburants de transports – sont largement respectées, la production pourrait bénéficier du maintien des prix élevés du pétrole brut. Le commerce infrarégional joue un rôle non négligeable : le Canada importe de grandes quantités d’éthanol des États-Unis pour respecter ses propres obligations d’incorporation.

Si les problèmes d'approvisionnement que la guerre a générés dans la région de la mer Noire engendrent le maintien à des niveaux élevés des prix agricoles mondiaux, il sera crucial que l’Amérique du Nord, grande région productrice et exportatrice de produits agricoles, parvienne à accroître l’offre afin de garantir la disponibilité et l’accessibilité-prix des produits alimentaires à l’échelle mondiale. Une solution envisageable consiste à mettre davantage de terres en cultures, compte tenu de la baisse de la superficie cultivée enregistrée par le passé. On observe toutefois que la productivité a marqué le pas ces dix dernières années (Fuglie, 2021) et que la montée des coûts environnementaux pourrait être érodée à l’avenir.

En Amérique du Nord, la production agricole, halieutique et aquacole devrait continuer à croître au cours de la décennie à venir, quoique plus lentement (11 %) que par le passé. Cette évolution tient pour l’essentiel au fait qu’à moyen terme, les prix, pourtant élevés à court terme, resteront stables, en termes réels, voire diminueront, sous l’effet d'un dollar des États-Unis fort. Contrairement à la tendance observée durant la décennie écoulée, la production végétale devrait progresser davantage (+13 % en 2031 par rapport à la période 2019-21) que la production animale, halieutique et aquacole (+7 %).

Malgré une diminution constante de la superficie des terres cultivées, de l’ordre de 2 % d'ici à 2031, la productivité par hectare de la production végétale continuera d'augmenter. D'après les projections, la superficie des terres céréalières sera supérieure de 3.6 % en 2031, ce qui portera à 42 % sa part dans le total des surfaces cultivées. Les surfaces d’oléagineux s'accroîtront de 7 % au cours des dix prochaines années, à la faveur de prix élevés au début de la période de projection et de la demande d'aliments pour animaux, stimulée par la hausse de production animale et celle de biocarburants. En conséquence, la part des oléagineux dans la superficie totale cultivée aura grimpé à 29 % en 2031. Partant d’un niveau nettement plus bas, la superficie affectée à la production de légumineuses augmentera de 9 % sur la même période, tandis que celle des cultures de racines et tubercules continuera de décroître. À l’échelle régionale, la superficie récoltée diminuera de 1.5 % seulement, soit moins que la superficie totale des terres exploitées, en raison d'un phénomène d'intensification : plus précisément, on table par rapport à la période de base sur une réduction de 2 % aux États-Unis et sur une hausse de près de 1 % au Canada. Au total, la production végétale devrait croître de 12 % aux États-Unis et bien plus vigoureusement au Canada, où une croissance de 21 % est attendue. Ce dernier chiffre tient en partie au faible niveau enregistré pendant la période de référence, marquée en 2021 par une chute de la production végétale, en particulier des céréales (29 %) et des oléagineux (25 %). À moyen terme, dans les deux pays, la production puisera l’essentiel de sa croissance dans le rendement, dont le taux d’amélioration sera compris entre 8 % (céréales) et 12 % (oléagineux).

En 2020, la récession liée à la pandémie a pesé à la baisse sur les prix de la viande, à cause de la perte de pouvoir d'achat des consommateurs, mais aussi sous l’effet du COVID et des mesures anti-propagation imposées à l’égard des installations de transformation. La relance à court terme sera tirée par le redémarrage de la demande, conjugué aux problèmes d'offre dus au renchérissement de l’alimentation animale, après quoi les prix réels s'inscriront à la baisse. Il est donc prévu que la production de viande augmente plus lentement qu'au début de la période de référence pour s’élever toutefois à 56 Mt en 2031 (+6 %). Sur 3.1 Mt supplémentaires ainsi produites, 2.8 Mt (90 %) proviendront des États-Unis. D'après les prévisions, c’est la viande de volaille qui, parmi les principaux types de viande, verra sa production croître le plus vite, au rythme de 0.7 % par an : elle représentera 59 % de la viande supplémentaire produite au cours de la période considérée et 47 % de la production totale de viande en 2031. La filière porcine progressera légèrement moins vite, et la filière bovine plus lentement encore, au rythme de 0.3 % par an seulement.

La production de lait augmentera de 13 %, principalement grâce à l'amélioration du rendement des vaches laitières. En effet, il est prévu qu’au cours de la période de projection, leurs effectifs croissent de 3 % et la production laitière par animale de 9 %. Préférences des consommateurs obligent, une part grandissante de la production de lait sera consacrée aux produits laitiers transformés, et une part décroissante au lait liquide.

En Amérique du Nord, la production halieutique et aquacole reste dominée par la pêche proprement dite, qui représente 89 % du total. Son volume devrait augmenter de 7 % entre la période de référence et 2031, en passant de 6 Mt à 6.4 Mt. Plus de 65 % de ce surcroît de production sera à mettre au compte des États-Unis. L’aquaculture, qui part de plus bas, poursuit son essor et devrait représenter 12.4 % de la production totale en 2031.

D'après les prévisions, le niveau des émissions de GES d’origine agricole augmentera moins vite qu'au cours de la décennie précédente, voire diminuera par habitant. En 2031, il sera supérieur de 1.4 % au niveau enregistré durant la période de référence. Une grande partie est composée des émissions imputables aux activités d’élevage, qui progresseront de 1.5 % du fait de la croissance faible des effectifs de ruminants. En revanche, les émissions du secteur des cultures devraient diminuer de 0.5 %.

Dans les économies développées du Canada et des États-Unis, l'évolution de la consommation alimentaire par habitant est largement déterminée par celle des préférences des consommateurs, qui ne devraient guère changer. La pandémie aura probablement mis davantage en exergue les régimes alimentaires sains, ce qui influera de façon notable sur la consommation de produits frais, non étudiés en tant que tels ici. Pour certaines catégories de produits comme les édulcorants et les huiles végétales, une tendance à la baisse semble émerger. Telle qu’exprimée en calories disponibles, la consommation alimentaire nord-américaine ne devrait que faiblement augmenter d’ici à 2031, de 14 kcal/habitant/jour ; elle demeurera 25% supérieure à la moyenne mondiale et la plus élevée de toutes les autres régions étudiées. À l'échelle régionale, les produits dont la consommation devrait le plus fortement reculer sont les édulcorants (-55 kcal) et les céréales (-13 kcal). Ces baisses seront en partie compensées par la hausse de la consommation de produits d’origine animale, dont la viande (+8 kcal) et les produits laitiers (+19 kcal). La disponibilité totale en calories augmentera davantage au Canada (+24 kcal) qu’aux États-Unis (+13 kcal), mais son niveau en valeur absolue restera bien plus élevé dans ce second pays d’ici à 2031.

En Amérique du Nord, l’apport en protéines n’augmentera que légèrement, passant de 114 g/jour à 116 g/jour entre la période de référence et 2031. D’après les prévisions, la distribution entre sources animales et végétales restera relativement stable : la part des protéines animales dans la disponibilité totale gonflera de moins de 1 % pour s'élever à 65 % en 2031. Tous types confondus, la consommation de viande augmentera (de 0.7 kg/habitant) : elle sera en hausse dans les filières volaille et porcine (+1.3 kg/habitant et 0.3 kg/habitant respectivement) et en recul dans la filière bovine (-0.9 kg/habitant). En équivalent matières sèches, la consommation de produits laitiers aura baissé de 4 % en 2031. Toutefois, la disponibilité en protéines devrait augmenter, principalement du fait de la hausse de la consommation de fromage (1.3 kg/habitant par an). La consommation de produits halieutiques et aquacoles augmentera de 5 % entre la période de référence et 2031. Enfin, sous l’effet de la diminution durable de la consommation de céréales, la disponibilité en protéines d’origine végétale devrait légèrement fléchir malgré une augmentation de l’ordre de 14 % d’ici à 2031 de la consommation de légumineuses.

L’alimentation animale est importante dans la région : elle nécessite plus d’énergie/de calories que la consommation humaine finale (Graphique 2.23). Dans le sillage de la production animale, l’utilisation totale d’aliments pour animaux devrait croître de 12 % au cours de la période de projection pour s'élever à 304 Mt en 2031 : la part du maïs (drêches de distillerie séchées incluses) grimpera lentement pour atteindre 69 %, tandis que celle des tourteaux protéiques chutera à 16 %.

Dans la région, la production de biocarburants constitue un débouché de taille pour les céréales fourragères. D’après les prévisions, la production d’éthanol gonflera de 5.9 % pour frôler la barre des 64 milliards de litres en 2031, grâce aux programmes de décarbonation. La durabilité étant de plus en plus importante, la production de biodiesel progressera de 4 %. Les perspectives des biocarburants dépendent fortement de l'évolution de la situation dans le secteur de l’énergie et des mesures prises à leur égard. Il est possible que les États-Unis approuvent l’utilisation des mélanges composés à 15 % d’éthanol à partir de l’été 2022. Si tel est le cas et, surtout, si l’emploi de ce dosage se généralise, les répercussions pourraient être considérables sur les marchés mondiaux.

L’excédent commercial agricole de l’Amérique du Nord a fondu de 27 % au cours de la décennie précédente. Cette tendance doit se maintenir tout au long de la période de projection, avec des importations nettes qui croîtront plus fortement, au rythme de 1.6 % par an, que les exportations (1.0 % par an). Une décélération tant des importations que des exportations est attendue sous l’effet du fléchissement de la demande intérieure et étrangère, qui freinera la production. Les relations commerciales, en particulier celles que les États-Unis entretiennent avec la Chine, jouent un rôle de premier plan en raison de l’ampleur des flux bilatéraux. Elles se sont améliorées après une période agitée, si bien qu’en 2021, la Chine était le premier pays destinataire des exportations agricoles des États-Unis. Ainsi, des débouchés commerciaux ont recommencé à apparaître, voire à s'étendre, notamment à la faveur d'un surcroît de demande chinoise en produits d'alimentation animale, dû à l’expansion de la production de volaille et à la prompte reconstitution des effectifs porcins au lendemain de l’épidémie de peste porcine africaine (PPA). L’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), qui est entré en vigueur le 1er juillet 2020 en remplacement de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), a lui aussi influé sur les échanges infrarégionaux en faisant bondir les exportations des États-Unis à destination du Canada et du Mexique en 2021.

D'après les prévisions, la valeur des exportations, calculée sur la base des prix internationaux des produits de base observés durant la période 2014-16, aura progressé de 12 % en 2031 par rapport à la période de référence (2019-21), contre 20 % la décennie précédente. Ce ralentissement tient principalement au recul des exportations de soja (malgré le réchauffement des relations commerciales avec la Chine), de maïs et d’éthanol.

Récemment, la région a cédé une part considérable du commerce de maïs, de blé et de soja. Dans le cas du maïs, cette tendance devrait se poursuivre, quoique plus lentement, du fait de la concurrence grandissante de l’Amérique latine et, avant que ne débute la guerreRussie contre l’Ukraine dans la région de la mer Noire. D'après les prévisions, la part de l’Amérique du Nord dans les exportations mondiales de soja se stabilisera aux environs de 37 % durant la seconde moitié de la période étudiée, sa part dans les échanges mondiaux d'éthanol se maintiendra autour de 50 %, tandis qu’elle progressera dans les échanges de viande porcine et de poudre de lait écrémé (Graphique 2.24).

Indépendamment de son excédent commercial, l’Amérique du Nord est aussi une grande région importatrice de produits agricoles. La valeur nette de ses importations, calculée sur la base des prix constants observés durant la période 2014-16, devrait grimper de 20 % d'ici à 2031. Auparavant grosse importatrice nette de viande bovine, la région conserve une part importante des importations mondiales (18 %), mais elle est devenue exportatrice nette au cours de la décennie écoulée en raison de la montée des exportations de produits d'origine domestique. Aucun revirement n’étant attendu d’ici à 2031, elle continuera de peser environ 18 % dans les exportations mondiales de viande bovine et de perdre du poids dans les importations mondiales. L’Amérique du Nord reste un importateur de produits halieutiques et aquacoles relativement important, avec 15 % du marché mondial et des importations qui devraient croître de 11 % d’ici à 2031. Elle fait également partie des principaux importateurs de fruits et légumes frais, ce qui devrait rester le cas tout au long de la période considérée.

La région Amérique latine et Caraïbes22 abrite quelque 8.5 % de la population mondiale et, forte d’une croissance démographique annuelle de 0.7 %, elle comptera 57 millions d'habitants supplémentaires en 2031. À cette date, les citadins formeront 84 % de la population de cette région en développement la plus urbanisée au monde. Si la majorité de ses habitants pauvres vivent en milieu urbain, le taux de pauvreté n’en reste pas moins élevé dans les campagnes. La région présente un large éventail de structures d’exploitation agricole, qui va des grandes exploitations commerciales tournées vers l’agriculture dans le cône Sud, en particulier en Argentine et au Brésil, aux petites exploitations et exploitations familiales, dont le nombre s'élève à 15 millions et qui assurent une grande partie de la production alimentaire de la région (OCDE-FAO, 2019).

Depuis quelques temps, la région pâtit d’une grande incertitude économique, que la pandémie de COVID-19 est venue exacerber23. Le revenu par habitant s’est contracté de 1.8 % par an au cours de la décennie écoulée. S'ajoutant aux problèmes structurels antérieurs, le COVID-19 a mis à rude épreuve la région, dont le PIB par habitant a fondu de 7.3 % en 2020. Malgré un sursaut de 5.3 % en 2021, il faudra attendre 2023, d'après les prévisions, pour que le revenu par habitant en valeur absolue dépasse les niveaux d'avant-pandémie. En outre, la récession provoquée par la pandémie a été plus dure dans certains pays que dans d'autres en raison de l'ampleur des problèmes disparates auxquels ils étaient auparavant confrontés. En Argentine, par exemple, la chute du taux de change amorcée avant 2020 s’est accélérée tout au long de la pandémie au point que le PIB réel par habitant a diminué de près de 11 %. L'activité économique met aussi plus longtemps à repartir : en 2022, le revenu par habitant sera plus élevé qu’en 2019, mais n’en restera pas moins plus faible que dix ans auparavant.

Malgré le bon départ pris dans la lutte contre la sous-alimentation, sa prévalence dans la région est repartie à la hausse après 2014. Cette tendance s’est accélérée sous l’effet conjugué de la récession économique, de la détérioration de la situation financière et des perturbations des chaînes de valeur, enregistrant en 2020 la plus augmentation annuelle depuis la mise en place du programme de lutte. Le nombre de personnes souffrant de la faim a augmenté de 79 % entre 2014 et 2020, où 41 % de la population se trouvaient dans une situation d'insécurité alimentaire modérée ou grave. Selon la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes, la pandémie a fait grimper le taux d’extrême pauvreté dans la région, puisqu’il est passé de 13.1 % à 13.8 % entre 2020 et 2021. Par rapport à 2019, 13 millions de personnes supplémentaires sont donc tombées dans l’extrême pauvreté en l’espace de deux ans, ce qui a considérablement aggravé l’insécurité alimentaire.

D'après les prévisions, le PIB par habitant progressera à moyen terme au rythme de 1.6 % par an en moyenne pour s’élever à 10 190 USD en 2031, ce qui sera 23 % de moins que la moyenne mondiale et seulement 3 % de plus que le niveau enregistré en 2014. L'alimentation a représenté quelque 14 % des dépenses des ménages au cours de la période 2019-21. Il y a tout lieu de penser que l'instabilité macroéconomique et les prix des produits alimentaires pèseront lourdement sur la sécurité alimentaire de la région tout au long de la décennie à venir24.

Riche en terres et en eau, la région représente 13 % de la production agricole, halieutique et aquacole mondiale, et 17 % de la valeur nette des exportations connexes. Ces pourcentages devraient poursuivre leur ascension au cours de la prochaine décennie, compte tenu de l’importance accordée dans la région à l’ouverture des échanges internationaux. La demande extérieure constituera la principale source de croissance à moyen terme. La hausse des exportations bénéficie d’un regain de compétitivité : la productivité totale des facteurs a augmenté de 40 % entre 2000 et 201925. Malgré une diminution du facteur travail, la croissance de la production est soutenue par l’essor des intrants physiques, et plus particulièrement des engrais dont l'utilisation a été multipliée par deux entre 2000 et 2019. Ces intrants risquent de freiner la croissance, en raison du renchérissement des coûts dont ils feront l’objet au début de la période de projection. Si la région est très orientée vers les exportations, ses échanges intérieurs sont faibles et certains des pays qui la constituent, comme le Panama et El Salvador, ont le statut d’importateur net.

Bien qu’exportant beaucoup, les secteurs de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture représentent environ 10 % du PIB. Cette part a augmenté en 2020, en raison de la résilience du secteur agricole, par ailleurs exempté des mesures de confinement. Elle pourrait continuer de croître à court terme si les difficultés d'approvisionnement induites par la guerre en cours de la Russie contre l’Ukraine maintenaient durablement les prix à la hausse sur les marchés d’exportation. En effet, une telle situation favoriserait une hausse de la production. On s'attend toutefois à ce qu’à moyen terme, l’agriculture, la pêche et l’aquaculture pèsent un peu moins dans le PIB. Ces deux secteurs pâtissent également de la multiplication des phénomènes climatiques défavorables et de la récente hausse des coûts de transport, d’énergie et d’engrais.

Bien qu’étant la plus grosse exportatrice nette des régions étudiées dans les présentes Perspectives, la région Amérique latine et Caraïbes a bien du mal à lutter contre l’insécurité alimentaire. Loin de concerner la disponibilité alimentaire, les obstacles rencontrés tiennent en grande partie à la répartition des revenus et aux problèmes d'accessibilité-prix qui en découlent. Les exportations servant de moteur à son activité, le secteur est moins vulnérable à l’instabilité macroéconomique régionale. En revanche, ses perspectives de croissance sont sensibles à la volatilité des prix mondiaux et au repli sur les chaînes d'approvisionnement locales qui s'opère un peu partout dans le monde. Les exportations vont marquer le pas dans la région, dans le sillage de la production, mais aussi de la demande mondiale d'importations. La région rencontre en outre des difficultés du fait de la concentration accrue des exportations par destination, qui expose davantage la demande d'exportations aux risques de marché.

D'après les prévisions, la production végétale, halieutique et aquacole de la région augmentera de 14 % au cours des dix prochaines années. Ce surcroît de production se composera approximativement comme suit : 64 % seront imputables à la production végétale, 28 % à l’élevage et les 8 % restants à la pêche et à l’aquaculture.

Bien que la région soit riche en terres, l’intensification sera certainement pour beaucoup dans la hausse de la production végétale. Avec le développement de la pratique de la double culture, la superficie récoltée devrait s'agrandir de 6.7 %, mais celle des terres cultivées de 3.4 % seulement, d’ici à 2031. Sur les 12.4 Mha supplémentaires de surfaces récoltées en 2031, presque 3.2 Mt et 2.6 Mt seront consacrées au développement des cultures de soja et de maïs respectivement. La région restera la plus grande productrice de soja au monde, avec 53 % du total en 2031. Les cours mondiaux sont par conséquents très sensibles au moindre fléchissement des approvisionnements régionaux d'origine météorologique. À supposer que ses conditions météorologiques s’améliorent, la région est donc amplement en mesure d’accroître sa production pour pallier les problèmes d'approvisionnement susceptibles de surgir au cas de prolongation de la guerre. La région contribue dans une proportion moindre à la production mondiale de céréales, mais sa part dans la production de maïs devrait frôler la barre des 18 % en 2031.

La croissance de la production végétale tient pour beaucoup aux gains de productivité enregistrés par le passé. Dans le cas des grandes cultures comme le maïs et le soja, les rendements ont progressé de 23 % et 13 % respectivement au cours de la décennie écoulée. D'après les prévisions, cette tendance va se maintenir, avec, d'ici à 2031, une amélioration des rendements de 10 % en moyenne pour la plupart des principaux produits agricoles. La valeur nette de la production végétale par hectare ‒ qui est déjà la deuxième plus élevée par rapport aux autres régions étudiées ‒ pourra ainsi continuer son ascension, au rythme de 1.2 % par an au cours de la prochaine décennie. S’agissant des engrais, la région en fait un usage intensif - qui la place au deuxième rang derrière la région des pays développés de l’Asie de l’Est ‒ et les importe en grandes quantités. Il y a donc lieu de penser qu’à court terme, les rendements et la production seront freinés par l’envolée des coûts des engrais, aggravée par la guerre.

Les gains de productivité expliquent aussi la croissance de la production animale, qui bénéficie de l’intensification de l'élevage, synonyme d’utilisation accrue de céréales fourragères. La volaille représentera plus de 55 % de l’augmentation de la production de viande en 2031, tandis que les filières bovine et porcine y pèseront respectivement 29 % et 16 %. Malgré quelque temps sous pression pendant les premières années de la période de projection, les prix de la viande rapportés aux prix des céréales fourragères évolueront de manière avantageuse à moyen terme, au point de stimuler l’essor de la production de volaille et de viande porcine, laquelle est fortement tributaire des aliments pour animaux. D’ici à 2031, le rendement de la filière bovine s'améliorera de 10.8 %, grâce à des gains de productivité, à l’augmentation du poids des carcasses et à une croissance du cheptel de 3 %.

La production halieutique et aquacole, en léger recul au cours des dix dernières années, va redémarrer et progressera de 12 % d'ici à 2031. Plus de 60 % de ce surcroît sera principalement à mettre au compte de l’aquaculture, qui se développe dans plusieurs pays de la région, tandis que les chiffres de la pêche proprement dite varieront au gré d’El Niño, qui influe sur les captures de poissons (en premier lieu, les anchois) utilisés dans la production de farine et d’huile de poisson.

Le niveau des émissions de GES augmentera peu au cours des dix prochaines années : au rythme de 0.1 % par an, d'après les prévisions. La filière de la production végétale sera principalement responsable de cette progression : ses émissions croîtront de 3.2 % pendant la période considérée, contre 2.3 % dans le cas de l’élevage. Cela dit, rapporté à la valeur nette de la productivité agricole, le niveau des émissions par unité de valeur de production devrait fléchir, quoique plus lentement que par le passé.

Après avoir diminué sur une courte durée, sous l’effet de la perte de pouvoir d'achat consécutive à la pandémie et du retard de la reprise, le nombre moyen de calories absorbées par habitant devrait repartir à moyen terme pour s’élever à 3 077 kcal/jour en 2031. L’essentiel de ces 60 kcal/jour supplémentaires (par rapport à la période 2019-21) seront d'origine animale. La hausse des calories d'origine végétale sera freinée par l’effondrement de la consommation d’édulcorants (-28 kcal), signe possible que les consommateurs se soucient davantage de leur santé. L’Amérique latine et les Caraïbes n’en resteront pas moins la région du monde où il sera consommé la plus grande quantité de sucre par habitant. Différentes mesures ont été mises en place pour lutter à la fois contre la montée du surpoids et de l’obésité et contre les problèmes persistants de l’insécurité alimentaire et de la qualité nutritionnelle, par exemple : amélioration des programmes d'alimentation scolaire et obligations légales en matière d’étiquetage. En général, dans les groupes de population à faible revenu, la qualité de l'alimentation pâtit des problèmes persistants de pauvreté.

D'après les prévisions, 89 g/jour de protéines seront consommés par habitant en 2031, soit 3.1 g/jour de plus qu'au début de la période de projection. Cet apport supplémentaire sera surtout d'origine animale (pour plus de 70 %), principalement du fait d'une consommation accrue de produits laitiers. Bien que son profil démographique la classe dans la catégorie à revenu intermédiaire, la région Amérique latine et Caraïbes affiche une consommation de viande déjà élevée : près de 61 kg par an, soit quasiment le double de la moyenne mondiale. Cependant, la consommation de viande par personne ne devrait augmenter que de 3.3 % au cours des dix prochaines années, car les consommateurs se tourneront vers d’autres produits pour augmenter leur apport en protéines. La consommation de produits halieutiques et aquacoles, dont le niveau, rapporté au nombre d’habitants, représente environ la moitié de la moyenne mondiale, n’augmentera que de 1 kg/habitant, pour atteindre 10 kg.

D'après les prévisions, la consommation d'aliments pour animaux devrait croître de 15 % d’ici à 2031 du fait de l’intensification continue du secteur de l’élevage. Cette hausse concernera aux deux tiers le maïs et à 19 % la farine protéique, dont la part dans l'alimentation animale progressera de 18 % et 13 % respectivement. En conséquence, le maïs et la farine protéique représenteront 75 % du surcroît d'aliments pour animaux consommés d’ici à 2031.

La production régionale d’éthanol devrait augmenter de 6 % d’ici à 2031 et contribuer pour 15 % à la hausse mondiale, malgré une part relativement constante de la canne à sucre. Avec son programme « Renovabio », le Brésil est le premier producteur d’éthanol de la région et demeurera un grand fournisseur mondial. Il y a fort à parier que le niveau élevé des prix du pétrole brut dopera la demande en à court terme. En revanche, à l’échelle de la région, ce secteur restera en proie à une grande incertitude du fait de l’évolution des secteurs mondiaux de l’énergie et des transports à moyen terme.

Vu l’ampleur du surplus agricole régional, les exportations font partie des principaux moteurs de la croissance agricole et le secteur agro-alimentaire est moins vulnérable aux chocs exogènes et aux risques économiques régionaux. Les exportations augmentent à un rythme tel que leur part dans la production agricole totale ne cesse de croître, de même que la part de la région dans les échanges mondiaux. Au cours de la décennie écoulée, son excédent commercial a quasiment doublé et sa part dans les exportations mondiales est montée à 17 %. D'après les prévisions, la région verra son excédent commercial gonfler de 28 % supplémentaires d’ici à 2031, où elle représentera 18 % des exportations mondiales. Les exportations régionales ralentiront dans le sillage des exportations brésiliennes qui les composent pour plus de la moitié. Le taux de croissance annuel des exportations brésiliennes n’en restera pas moins supérieur à 2 %, contre 6 % au cours de la dernière décennie. Si l'on y ajoute le boom des exportations de fruits et de légumes attendu au Mexique, au Costa Rica et en Équateur, la part de la valeur nette des exportations dans la production agricole, halieutique et aquacole de la région frôlera la barre des 50 % en 2031.

Forte d'une croissance robuste de l’offre, la région confirmera son statut de grande exportatrice de maïs, de soja, de viande bovine, de viande de volaille, de farine de poisson, d’huile de poisson, de sucre et d'éthanol, et gagnera du terrain sur les marchés de ces produits, à l’exception de la farine de poisson, de l’éthanol et du sucre. En 2031, sa part dans les exportations mondiales s'élèvera à 61 % pour le soja, à 59 % pour le sucre, à 45 % pour la farine de poisson, à 43 % pour le maïs, à 40 % pour la viande bovine et les huiles de poisson, à 32 % pour la volaille et à 25 % pour l’éthanol.

Vu le poids de la région dans le marché mondial, le degré de son ouverture commerciale ne sera pas sans conséquences pour le secteur. La pandémie et les restrictions qui en ont découlé ont fait surgir des goulets d'étranglement dans les systèmes d'échanges internationaux, créant ainsi des coûts supplémentaires et mettant en évidence les risques existant dans les chaînes d'approvisionnement mondiales. L’ampleur de leurs répercussions sur les échanges sera déterminante pour la région. En parallèle, celle-ci pourrait accroître sa part de marché à court terme en surmontant les problèmes posés par les approvisionnements en provenance de la mer Noire si la guerre perdure. L'accord de libre-échange conclu entre l’UE et le Mercosur et le Partenariat économique régional global pourraient élargir davantage encore ses débouchés commerciaux, même s’il faut également compter avec les relations commerciales entretenues en dehors de la région, notamment entre la Chine et les États-Unis. Si une ouverture sur le marché mondial présente clairement des avantages pour la région, le commerce infrarégional a tout à gagner de l’intégration des marchés intérieurs et de l’amélioration des conditions de fonctionnement des PME, des coopératives et des exploitations familiales, qui diversifieront les débouchés commerciaux du secteur et le rendront plus résilient.

Références

[6] De Vet, J. et al. (2021), Impacts of the COVID-19 pandemic on EU industries, https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2021/662903/IPOL_STU(2021)662903_EN.pdf.

[7] FAO (2020), “Répercussions de la Covid-19 sur l’alimentation et l’agriculture en Europe et en Asie centrale et action menée par la FAO pour y faire face”, Conférence régionale de la FAO pour l’Europe, https://www.fao.org/3/ne001fr/ne001fr.pdf.

[5] FAO et al. (2021), L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2021, https://www.fao.org/3/cb4474fr/cb4474fr.pdf.

[2] Kelly, M. (2016), “The Nutrition Transition in Developing Asia: Dietary Change, Drivers and Health Impacts”, Drivers and Health Impacts. In: Jackson P., Spiess W., Sultana F. (dir. pub.) Eating, Drinking: Surviving. SpringerBriefs in Global Understanding. Springer, Cham, pp. 83-90, https://doi.org/10.1007/978-3-319-42468-2_9.

[1] Law, C., I. Fraser and M. Piracha (2020), “Nutrition Transition and Changing Food Preferences in India”, Journal of Agricultural Economics, Vol. 71/1, pp. 118-143, https://doi.org/10.1111/1477-9552.12322.

[4] Njiwa, D. and K. Marwusi (2020), Improving the Functioning of Regional Food Supply Chains and Trade amidst the COVID-19 pandemicin East and Southern Africa, https://agra.org/wp-content/uploads/2020/08/Improving-Functioning-of-Regional-Food-Supply-Chains.pdf.

[8] OCDE (2020), “Supporting livelihoods during the COVID-19 crisis: closing the gaps in safety nets”, Les réponses de l’OCDE face au coronavirus (COVID-19), https://www.oecd.org/coronavirus/policy-responses/supporting-livelihoods-during-the-covid-19-crisis-closing-the-gaps-in-safety-nets-17cbb92d/.

[3] Reardon, T. et al. (2014), Urbanization, Diet Change, and Transformation of Food Supply Chains in Asia, Michigan State University, http://www.fao.org/fileadmin/templates/ags/docs/MUFN/DOCUMENTS/MUS_Reardon_2014.pdf.

[9] Tarasuk, V. and A. Mitchell (2020), Household food insecurity in Canada 2017-2018, Toronto: Research to identify policy options to reduce food insecurity (PROOF), https://proof.utoronto.ca/wp-content/uploads/2020/03/Household-Food-Insecurity-in-Canada-2017-2018-Full-Reportpdf.pdf.

Notes

← 1. Sauf indication contraire, les données utilisées pour décrire la situation historique et actuelle dans chaque région sont agrégées à partir de la base de données sous-jacente utilisée dans les projections. Ces données proviennent de diverses sources, notamment des questionnaires des pays membres de l'OCDE et des bases de données d'AMIS, de FAOSTAT, de l'ONU (Population) et du FMI (Macro), avec des manipulations réalisées par les secrétariats de l'OCDE et de la FAO.

← 2. Australie, Chine, Corée du Sud, Japon et Nouvelle-Zélande.

← 3. Source OCDE-FAO interpolée pour 2019-21 à partir de la base de données du Projet d’analyse des échanges mondiaux (GTAP) de 2011, en utilisant les données sur les dépenses alimentaires et les PIB de ces Perspectives.

← 4. Dans cette analyse, l’Union européenne des E27 est considérée comme une seule et même région.

← 5. Fuglie, Keith (2015). « Accounting for growth in global agriculture » Bio-based and Applied Economics 4 (3): 221-254. Les estimations sont établies à partir d'un ensemble de données sur la productivité de l’agriculture à l’échelle internationale compilées par le ministère de l’Agriculture des États-Unis. Voir https://www.ers.usda.gov/data-products/international-agricultural-productivity.

← 6. Le taux de dépendance des personnes âgées est le rapport entre la population âgée de 65 ans ou plus et celle âgée de 15 à 64 ans.

← 7. Inde, Indonésie, Iran (République islamique d'), Malaisie, Pakistan, Philippines, Thaïlande, Viet Nam, pays d’Asie les moins avancés, autres pays d'Asie en développement et Océanie. Pour les régions mentionnées, voir le tableau récapitulatif pour le regroupement régional des pays.

← 8. Source OCDE-FAO interpolée pour 2019-21 à partir de la base de données du Projet d’analyse des échanges mondiaux (GTAP) de 2011, en utilisant les données sur les dépenses alimentaires et les PIB de ces Perspectives.

← 9. Fuglie, Keith (2015). « Accounting for growth in global agriculture », Bio-based and Applied Economics 4 (3): 221-254 (mis à jour avec les données de 2019, USDA).

← 10. Voir le chapitre « Asie du Sud-Est : Perspectives et défis » dans les Perspectives agricoles de l'OCDE et de la FAO 2017-2026.

← 11. Pour les régions mentionnées, voir le tableau récapitulatif du regroupement régional des pays.

← 12. Source OCDE-FAO interpolée pour 2019-21 à partir de la base de données du Projet d’analyse des échanges mondiaux (GTAP) de 2011, en utilisant les données sur les dépenses alimentaires et les PIB de ces Perspectives.

← 13. Fuglie, Keith (2015). « Accounting for growth in global agriculture », Bio-based and Applied Economics 4 (3): 221-254 (mis à jour avec les données de 2019, USDA).

← 14. Consultation informelle par la FAO des ministres africains de l’Agriculture le 4 avril 2022, en préambule de la 32e Conférence régionale pour l’Afrique de la FAO.

← 15. Base de données CESAP-Banque mondiale sur les coûts du commerce, https://www.unescap.org/resources/escap-world-bank-trade-cost-database

Voir la synthèse dans le rapport Tralac : https://www.tralac.org/resources/infographics/15537-intra-africa-non-tariff-trade-costs-for-the-period-2015-2019.html;

← 16. Moyen-Orient : Arabie saoudite et autres pays d'Asie occidentale. Les moins avancés : pays d’Afrique du Nord les moins avancés. Afrique du Nord : autres pays d'Afrique du Nord. Pour les régions mentionnées, voir le tableau récapitulatif du regroupement régional des pays.

← 17. Source OCDE-FAO interpolée pour 2019-21 à partir de la base de données du Projet d’analyse des échanges mondiaux (GTAP) de 2011, en utilisant les données sur les dépenses alimentaires et les PIB de ces Perspectives.

← 18. Fuglie, Keith (2015). « Accounting for growth in global agriculture », Bio-based and Applied Economics 4 (3): 221-254 (mis à jour avec les données de 2019, USDA, regroupement des pays par région).

← 19. Pour les régions mentionnées, voir le tableau récapitulatif du regroupement régional des pays.

← 20. Source OCDE-FAO interpolée pour 2019-21 à partir de la base de données du Projet d’analyse des échanges mondiaux (GTAP) de 2011, en utilisant les données sur les dépenses alimentaires et les PIB de ces Perspectives.

← 21. Fuglie, Keith (2015). « Accounting for growth in global agriculture », Bio-based and Applied Economics 4 (3): 221-254. (mis à jour jusqu’en 2019, USDA)

← 22. Chili, Colombie, Paraguay, Pérou, Amérique centrale et du Sud et Caraïbes. Pour les régions mentionnées, voir le tableau récapitulatif des groupements de pays.

← 23. Voir également «  The Outlook for Agriculture and Rural Development in the Americas: A Perspective on Latin America and the Caribbean 2021-2022 ». CEPALC, FAO, IICA https://repositorio.cepal.org/bitstream/handle/11362/47209/1/ECLAC-FAO21-22_en.pdf

← 24. Source OCDE-FAO interpolée pour 2019-21 à partir de la base de données du Projet d’analyse des échanges mondiaux (GTAP) de 2011, avec les données relatives aux dépenses alimentaires et aux PIB exploitées dans les présentes Perspectives.

← 25. Fuglie, Keith (2015). « Accounting for growth in global agriculture », Bio-based and Applied Economics 4 (3): 221-254. (mis à jour jusqu’en 2019, USDA).

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