Résumé
L’économie et la société ont été fortement touchées par la crise liée au coronavirus (COVID-19). Cette pandémie est survenue après une longue période d’augmentation des niveaux de vie, alors que les taux de chômage et de pauvreté avaient atteint des niveaux historiquement bas (Graphique 1). Les mesures initiales d’endiguement ont limité la propagation du virus durant la première partie de 2020. Après leur assouplissement, la production et la consommation ont rapidement rebondi jusqu’en septembre, mais la résurgence des contaminations a conduit les autorités à rétablir des restrictions en octobre.
Malgré les aides massives de l’État, la récession aura des conséquences durables (Tableau 1). Des mesures budgétaires de grande ampleur et un soutien monétaire sans précédent ont permis d’amortir l’impact socioéconomique de la pandémie. La croissance et l’emploi ont bien résisté au début de 2020, notamment par rapport aux évolutions observées dans les pays européens comparables. Toutefois, même si la situation sanitaire s’améliore progressivement, le PIB devrait chuter fortement, tandis que de nouvelles vagues de contaminations affaibliraient les résultats économiques.
L’incertitude est particulièrement forte. Des épisodes de contagion plus sévères que prévu ou des retards dans le déploiement de vaccins efficaces pourraient mettre à mal la situation économique. En outre, les tensions commerciales internationales restent élevées et pourraient encore croître.
La crise va laisser des traces qui viendront s’ajouter à des problèmes existant de longue date. L’emploi a reculé et la dette publique s’est alourdie brutalement, tandis que la faible productivité de certains travailleurs, la médiocrité des résultats environnementaux et la diminution de la population d’âge actif restent des enjeux de premier plan. Prenant en cela des mesures bienvenues, le gouvernement s’est engagé à relever les dépenses de santé et à encourager l’investissement, l’innovation et l’entrepreneuriat.
Avec la dégradation rapide de la situation économique, l’assouplissement des politiques budgétaire et monétaire ont aidé à amortir l’impact du choc provoqué par le coronavirus.
Le gouvernement a adopté un vaste train de mesures budgétaires, représentant quelque 5.2 % du PIB en 2020, pour soutenir les ménages et les entreprises les plus touchés. Ces mesures temporaires, couplées à l’effet direct de la récession, porteront le déficit à 11 % du PIB en 2020. La dette au sens de Maastricht atteindra des niveaux historiquement élevés. En outre, le programme de « Bouclier financier » soutient les petites, moyennes et grandes entreprises. Le budget de l’Union européenne (UE) en cours d’examen et le plan de relance prévu par l’UE devraient également soutenir l’économie. L’orientation de la politique budgétaire devrait rester accommodante, car le niveau élevé des incertitudes et la mauvaise conjoncture mondiale pèseront sur la reprise. Concentrer l’investissement en début d’exercice, notamment dans la santé et les infrastructures, stimulerait les perspectives à court et à long terme tout en étayant la transition vers une économie plus durable. Une fois que la reprise sera fermement engagée, les autorités devraient s’employer à assainir les finances publiques pour réduire la dette publique.
Les instruments de la politique monétaire ont été rapidement et énergiquement actionnés. La banque centrale a ramené son taux directeur à 0.1 % et engagé un assouplissement quantitatif sans précédent. Les autorités ont également assoupli les conditions de financement des entreprises, étoffé les mesures d’apport de liquidités et abaissé les exigences de fonds propres des banques. En cas de nouvel affaiblissement, les autorités monétaires pourraient décider d’accroître encore les achats d’actifs ou envisager des taux nominaux négatifs, en particulier dans la mesure où les tensions inflationnistes se sont atténuées sur fond d’une demande totale en berne.
Les réformes fiscales devraient conforter la reprise. La progressivité du coin fiscal sur le travail est faible, les allégements d’impôts restent nombreux et les impôts sur le patrimoine sont relativement peu élevés. Le coin fiscal concernant les travailleurs peu qualifiés pourrait être abaissé pour stimuler la création d’emplois. Une fois la reprise fermement sur les rails, la Pologne pourrait s’appuyer sur ses réussites antérieures pour continuer d’accroître la discipline fiscale et le recouvrement des recettes afin de financer de telles mesures. Réduire les dépenses fiscales inefficientes et augmenter les impôts sur le patrimoine, notamment sur les biens et les terrains à bâtir vacants, permettrait d’augmenter les recettes et l’offre de logement.
Affermir la reprise pour pouvoir poursuivre au même rythme le rattrapage des niveaux de vie sera difficile. Les réformes proposées dans la présente Étude, qui visent à améliorer la productivité, les compétences et l’emploi, pourraient avoir un effet considérable qui pourrait se traduire par un supplément de PIB de 5.6 % au bout de 10 ans.
De nombreux travailleurs et petites et moyennes entreprises (PME) ont une faible productivité (Graphique 2). La pandémie a touché de manière disproportionnée les régions les plus faibles, les entreprises les plus modestes et les travailleurs défavorisés. Avec le développement des secteurs à haute technologie, la demande de tâches non répétitives et de compétences améliorées augmente, et de nombreux travailleurs risquent d’être laissés pour compte.
Améliorer l’environnement des entreprises donnerait un coup de pouce à la croissance et à l’internationalisation de nombreuses petites entreprises. Les coûts de la discipline fiscale restent élevés et les modifications réglementaires et fiscales sont fréquentes. Les dépenses fiscales et les dérogations à la réglementation accordées aux petites entreprises permettent d’abaisser ces coûts mais risquent de créer des « effets falaise » fiscaux et réglementaires qui pourraient nuire à leur expansion. Continuer de promouvoir l’utilisation des outils numériques par l’administration fiscale et de lisser les seuils fiscaux et administratifs permettrait d’accompagner la croissance des entreprises. Mettre en place des procédures efficaces de consultation et d’évaluation lors de la conception des taxes et des réglementations favoriserait aussi le développement et l’investissement des entreprises. Enfin, le renforcement de l’indépendance judiciaire est indispensable à la confiance des entreprises, notamment pour les investisseurs étrangers ; à ce titre, il faudrait limiter l’implication potentielle du pouvoir exécutif dans les procédures applicables aux juges.
L’état des infrastructures numériques et des infrastructures de transport continue de bloquer l’innovation et l’allocation des ressources. L’absorption des fonds de l’UE destinés aux grandes infrastructures de transport a permis de réduire les lacunes dans ce domaine, même si ces financements ont été consacrés pour l’essentiel à la construction de nouvelles routes. Mettre davantage l’accent sur les transports publics locaux et sur l’entretien des routes locales permettrait de réduire les encombrements, la pollution et le coût des échanges. Le développement du réseau à très haut débit et des plateformes de données, par exemple dans le secteur de la santé, permettrait aussi de stimuler la productivité. Mettre en place un organisme d’évaluation indépendant chargé de procéder à des analyses coûts-avantages ex ante permettrait une meilleure gestion des grands projets locaux. Charger cet organisme de recueillir des données sur les résultats ex post des projets permettrait de disposer de davantage de données probantes pour hiérarchiser les priorités de dépenses.
Assurer une offre de compétences adéquates permettrait de stimuler la création d’emplois et la productivité. Les résultats des élèves de 15 ans se sont améliorés de manière impressionnante, mais les retards dans les compétences de base des adultes (à l’exception des plus jeunes) limitent les possibilités d’emploi. Les petites entreprises sont peu engagées dans les stratégies de revalorisation des compétences, ce qui freine la diffusion des nouvelles technologies et nuit à leur productivité et à leur internationalisation. Le projet de stratégie intégrée pour les compétences devrait contenir des orientations plus précises à l’intention des PME recherchant des salariés et encourager la création de consortiums de PME pour la formation. L’évaluation et la montée en gamme de programmes efficaces de formation et de conseil pour la diffusion des technologies numériques dans les PME favoriseraient le redéploiement de la main-d’œuvre et doperaient la productivité.
Une élévation de qualité de l’emploi est indispensable à une reprise inclusive. Les augmentations du salaire minimum en 2020-21 pourraient peser à terme sur le redressement du marché du travail et contribuer au développement de certaines formes atypiques d’emploi. Il sera essentiel, pour les travailleurs à bas revenu et les PME, de renforcer les incitations à offrir des contrats à durée indéterminée, y compris en faisant appliquer la législation du travail. Élaborer rapidement une stratégie bien conçue en matière de migrations internationales permettrait également d’élargir les perspectives d’emploi des travailleurs migrants.
Renforcer les politiques actives du marché du travail et rendre le marché du logement plus efficient amélioreraient l’accès à l’emploi. Les chômeurs et les travailleurs faiblement qualifiés ont peu recours à la formation et il faudrait développer les informations sur la qualité des formations. Les nouveaux dispositifs visant à développer le marché locatif devraient aller de pair avec une augmentation des bons de mobilité professionnelle pour les travailleurs à faible revenu. Le renforcement de l’aménagement urbain mettrait un frein à l’étalement urbain et limiterait les risques de concentration de la pauvreté et les conséquences négatives en termes d’embouteillages et de pollution qu’il implique.
La pollution de l’air et le vieillissement de la population constituent des préoccupations urgentes. Il est indispensable de promouvoir des investissements verts et de contenir les pressions démographiques pour soutenir la reprise et asseoir une croissance durable.
L’utilisation de charbon et de biomasse de piètre qualité dans le secteur du logement, conjuguée à la faible efficacité énergétique, entraîne une forte pollution de l’air en milieu urbain (Graphique 3). Ces facteurs, auxquels s’ajoutent un parc automobile ancien et des capacités de production d’électricité alimentées au charbon pour la plupart d’entre elles, contribuent au changement climatique et sont à l’origine de risques pour la santé qui ont un impact négatif sur la productivité.
Un renforcement des politiques écologiques permettrait d’améliorer les résultats sanitaires et environnementaux. Le programme « Air pur », qui cible l’efficacité énergétique dans le secteur du logement, et les efforts déployés pour développer la mobilité électrique et réduire le poids du charbon dans le mix énergétique, sont bienvenus. Une fois l’économie clairement engagée sur la voie de la reprise, relever les taux d’imposition sur la consommation d’énergie tout en développant les transferts sociaux à destination des ménages les plus pauvres constituerait une évolution positive. Adopter une stratégie claire accompagnée de signaux-prix plus élevés et plus homogènes, notamment en ce qui concerne les taxes sur les véhicules et les émissions de carbone, devrait être une priorité pour faciliter la transition vers une diminution de l’intensité carbone du mix énergétique. Il faudrait notamment prévoir des aides appropriées aux ménages à faible revenu.
Le vieillissement pèsera sur l’offre de main-d’œuvre et les finances publiques. Le taux de dépendance des personnes âgées augmente (Graphique 4). La hausse déjà engagée des dépenses de santé et la baisse prévue des taux de remplacement des retraites feront augmenter les dépenses sociales à long terme, alors que la dette publique est historiquement élevée.
Rendre plus efficientes les dépenses de santé et favoriser l’allongement de la vie active sont indispensables pour libérer des ressources publiques à plus long terme. Outre celles qui sont liées à la pandémie, l’augmentation prévue des dépenses de santé devrait cibler en priorité la prévention et la coordination des soins pour réduire les nombreux comportements à risque et les admissions hospitalières coûteuses. Des incitations à l’allongement de la vie active et des politiques à même d’améliorer l’employabilité des travailleurs âgés sont également nécessaires pour encourager l’emploi des personnes âgées et stimuler la croissance à long terme.