2. Résultats du SIGI Côte d’Ivoire

La Côte d’Ivoire a réalisé d’importants progrès sur le plan de l’égalité entre les femmes et les hommes au cours des dernières années, comme en témoignent les réformes et les engagements forts pris par le gouvernement (Encadré 2.1). Néanmoins, des inégalités et des difficultés subsistent dans de nombreux domaines. Ainsi, dans le domaine de l'éducation, bien que le nombre total d’enfants non scolarisés diminue de manière régulière depuis 2013, l’écart entre filles et garçons s’est creusé. Alors qu’en 2013, 55 % des 1.1 million d’enfants non scolarisés étaient des filles, en 2020, les filles représentaient 96 % des quelque 148 000 enfants non scolarisés (Institut de statistique de l’UNESCO (UIS), 2022[1]). Les femmes sont également sous-représentées dans la sphère politique : on ne compte que 14 % de femmes à l’Assemblée nationale (Parline UIP, 2022[2]). Par ailleurs, l'écart de taux d'activité entre femmes et hommes était proche de 20 points de pourcentage en 2020 (Banque mondiale, 2020[3] ; OIT, 2022[4]).

Ces exemples illustrent les inégalités de genre en termes de résultats, mais ne les expliquent pas nécessairement. Or, mieux comprendre les causes profondes de ces inégalités peut contribuer à accélérer le changement social en faveur des filles et des femmes. Ces inégalités s’expliquent en partie par les institutions sociales discriminatoires – les lois formelles et informelles, les normes et les pratiques sociales qui restreignent l’accès des filles et des femmes aux droits, à la justice et aux moyens d'autonomisation. Les institutions sociales jouent un rôle fondamental en définissant les manières de penser, d’agir, de s’exprimer ou de se comporter en société qui sont légalement ou socialement acceptables selon qu’un individu soit une femme ou un homme. Lorsqu’elles sont discriminatoires à l’encontre des filles et des femmes, ces institutions sociales créent de multiples obstacles structurels qui les pénalisent tout au long de leur vie.

Depuis 2009, le Centre de développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) mesure les discriminations dans les institutions sociales du monde entier à travers l’indice composite « Institutions sociales et égalité femmes-hommes » (en anglais, Social Institutions and Gender Index ou SIGI). En 2019, la Côte d’Ivoire s’est classée au 96e rang sur les 120 pays évalués par l’indice, ce qui montre que des facteurs aux racines profondes font obstacle à l’égalité entre femmes et hommes dans le pays (OCDE, 2019[5] ; OCDE, 2021[6]). Le cadre conceptuel du SIGI s’articule autour de quatre dimensions :

  • La dimension « discrimination au sein de la famille » mesure les institutions sociales qui limitent le pouvoir décisionnel des femmes et les relèguent à une place inférieure au sein du ménage et de la famille.

  • La dimension « atteintes à l’intégrité physique » mesure les institutions sociales qui augmentent la vulnérabilité des filles et des femmes à diverses formes de violence et limitent leur droit à disposer de leur corps et leur autonomie reproductive.

  • La dimension « accès restreint aux ressources productives et financières » mesure les institutions sociales qui limitent l’accès et le contrôle des femmes sur les ressources et biens productifs et économiques essentiels.

  • La dimension « atteintes aux libertés civiles » mesure les institutions sociales qui restreignent l’accès et la participation des femmes à l’espace public et social et leur capacité à s’exprimer dans cet espace.

Pour analyser les effets des institutions sociales discriminatoires sur les possibilités d’autonomisation des filles et des femmes en Côte d’Ivoire, le Centre de Développement de l’OCDE a adapté le cadre conceptuel du SIGI au contexte ivoirien. Cela a permis de tenir compte des spécificités du pays, et d’ajouter une analyse du lien entre, d’une part, les inégalités entre les hommes et les femmes dans le domaine de l'éducation et, d’autre part, les normes et les pratiques sociales discriminatoires. En s’appuyant sur les données quantitatives recueillies au cours d’une enquête ménage statistiquement représentative au niveau national et des districts, l’indice SIGI Côte d’Ivoire a été construit en suivant le cadre conceptuel établi qui couvre 16 indicateurs répartis entre les quatre dimensions citées ci-dessus (voir l’Annexe A). L’indice mesure ainsi le degré de discrimination auquel les filles et les femmes sont confrontées au niveau national et au niveau des districts.

Cette approche quantitative a été doublée d’une composante qualitative. Celle-ci a pris la forme de groupes de discussion et d’entretiens approfondis menés auprès d'acteurs clés, dans le but de comprendre et d'analyser l'influence que les normes et pratiques discriminatoires exercent sur les chances et résultats scolaires des filles. Des entretiens ont été conduits auprès d’enfants, d'adolescents, de parents, d’enseignants du primaire et du secondaire, de chefs d'établissements scolaires, de leaders religieux et communautaires et de spécialistes de l'éducation et des inégalités de genre (voir l’Annexe B).

Les informations et analyses présentées dans ce rapport visent à formuler, auprès des décideurs publics, des recommandations de politique publiques concrètes et contextualisées dans le but de transformer les institutions sociales discriminatoires, d’améliorer le bien-être des filles et des femmes et d’augmenter leur autonomie, en particulier dans le domaine de l’éducation.

Les institutions sociales discriminatoires constituent un obstacle majeur à l’élimination des inégalités entre femmes et hommes dans le pays, freinent le développement du pays et empêchent de remplir les Objectifs de développement durable (ODD). Le SIGI Côte d’Ivoire – dont le score moyen s'établit à 412 – révèle que les discriminations dans les institutions sociales auxquelles les femmes ivoiriennes font face sont plus fortes en milieu rural (45) qu’en milieu urbain (39) et varient fortement d’un district à l’autre. Elles sont particulièrement importantes dans le nord et le nord-ouest du pays (Graphique 2.1). En effet, seuls trois des 14 districts ivoiriens3 affichent un score inférieur à la moyenne nationale – les districts autonomes et centres urbains d’Abidjan (35) et de Yamoussoukro (35) ainsi que le district des Lagunes (40), situé entre les deux districts autonomes. À l'inverse, trois districts situés dans le nord et le nord-ouest – le Denguélé (58), les Savanes (58) et le Woroba (55) – affichent les niveaux de discrimination les plus élevés du pays (Graphique 2.1). Il est essentiel de garder à l’esprit que ces valeurs agrégées ne renseignent que sur le niveau global des discriminations dans les institutions sociales et ne permettent pas d’en comprendre les ressorts. La question centrale des causes des discriminations – comme, par exemple, l’accès limité des femmes aux biens et aux ressources financières, leur faible pouvoir décisionnel, leur capacité limitée à faire leurs propres choix en matière de procréation, les dynamiques inégalitaires au sein des ménages, etc. – sera examinée dans la deuxième partie du chapitre.

Parmi les quatre dimensions de l’indicateur SIGI Côte d’Ivoire, les femmes et les filles font face aux discriminations les plus prononcées dans la sphère familiale, avec un score s'établissant à 48 dans la dimension « Discriminations au sein de la famille » (Graphique 2.2). Ce score élevé traduit le faible pouvoir décisionnel des filles et des femmes au sein du ménage, ce qui s’explique par la persistance de stéréotypes qui les cantonnent à la sphère domestique et à leur mission de procréation et de soin. À l'inverse, l’homme est perçu comme le chef de famille naturel, comme celui qui apporte un revenu et qui prend l’essentiel des décisions – qu’elles soient relatives à la santé et à l’éducation des enfants ou aux dépenses courantes et d’investissement, comme l’achat de terres et de biens immobiliers.

L'accès des filles et des femmes aux libertés civiles et aux ressources productives et financières est également restreint, les scores des dimensions correspondantes s'établissant à 41 et 40 respectivement. L’intégrité physique est le domaine dans lequel les discriminations sont les moins fortes, avec un score de 35. En outre, les discriminations sont plus fortes en milieu rural qu’en milieu urbain dans les quatre dimensions (Graphique 2.2).

Bien que les quatre dimensions rendent chacune compte d'un aspect particulier du bien-être et de l'autonomie des femmes, elles demeurent profondément liées les unes aux autres. En outre, les résultats du SIGI Côte d’Ivoire soulignent le caractère central de la dimension familiale. Le lien étroit entre les sphères privée et publique implique donc que tant que les normes sociales discriminatoires relevant du domaine de la famille continueront d’exister, comme par exemple celles établissant que l’homme apporte le revenu principal, dirige la famille et prend les décisions importantes, les filles et les femmes continueront de faire face à de fortes discriminations dans les autres sphères de leur vie.

Par exemple, non seulement une répartition inégale du pouvoir décisionnel au sein des ménages a une profonde influence sur les dynamiques familiales, et notamment sur les choix scolaires pour les enfants, ce qui se fait souvent au détriment des filles, mais cela peut également entraver la participation et la représentation des femmes dans la sphère publique, leur autonomisation politique ou économique et leur capacité à disposer de leur corps. De même, la charge disproportionnée de travail domestique et de soin non rémunéré des filles et des femmes les empêche d'aller à l'école ou limite le temps qu’elles peuvent consacrer à une activité rémunérée, augmentant leur dépendance économique et financière vis-à-vis de leur conjoint. Les effets peuvent également être durables et se répercuter sur les générations suivantes : dès lors que la contribution économique des femmes est perçue comme moins importante que celle des hommes, les ménages peuvent être tentés d’investir davantage dans l'éducation des garçons que dans celle des filles (voir le Chapitre 3). De la même manière, les filles et les femmes qui ne sont pas habituées ou autorisées à prendre des décisions dans la sphère familiale risquent d’être moins susceptibles de le faire au sein de leur communauté, sur leur lieu de travail ou dans la sphère politique. Par conséquent, en l’absence de changement au niveau familial, les femmes risquent de faire l’objet de discriminations dans tous les autres domaines de leur vie.

L'analyse des indicateurs de chaque dimension du SIGI Côte d’Ivoire permet d’identifier les principaux facteurs à l’origine des inégalités entre les femmes et les hommes et de déterminer quel type de discriminations entravent l’autonomisation des femmes ivoiriennes (Encadré 2.2). Pour un domaine donnée – par exemple la prise de décision dans le foyer ou la famille – les indicateurs permettent en outre d’évaluer si toutes les femmes et filles sont confrontées au même degré de discriminations ou si ces discriminations sont concentrées dans certaines zones ou districts spécifiques du pays.

Quatre indicateurs du SIGI Côte d’Ivoire affichent des scores élevés associés à des niveaux moyens de discrimination relativement forts : ceux liés à la dot (65), à la prise de décision (63), à la participation à la vie politique (59) et à l’autonomie reproductive (56). À l’inverse, trois indicateurs font état de niveaux moyens de discrimination relativement faibles : ceux liés aux violences faites aux femmes (16), au mariage précoce des filles (18) et aux mutilations génitales féminines (19) (Graphique 2.3). Ces résultats suggèrent que des progrès inégaux ont été accomplis dans les différents domaines ayant une influence sur le bien-être et l’autonomie des femmes. Même s'il est primordial que les décideurs publics focalisent leur attention sur les domaines où les scores moyens sont les plus élevés, il demeure important de surveiller attentivement les domaines dans lesquels les scores sont plus faibles et/ou dans lesquels il existe de fortes disparités entre les différents districts. Par exemple, le score moyen de l’indicateur « mariage précoce » est relativement faible au niveau national, ce qui traduit un faible niveau de discriminations, mais de fortes variations existent d'un district à l’autre. En effet, alors que la pratique consistant à marier les filles avant l’âge de 18 ans et les attitudes discriminatoires justifiant une telle pratique sont répandues dans le district du Denguélé (score de 48), elles sont quasiment inexistantes dans celui du Zanzan (score de 2) (Tableau 2.1). Les autres indicateurs pour lesquelles les variations entre districts sont fortes sont ceux liés aux responsabilités au sein du ménage, au « déficit de femmes »4 et à l’accès aux services financiers (Graphique 2.3).

En outre, les discriminations envers les femmes et les filles ne sont pas uniformes au sein même des districts. En effet, un district peut afficher de bons résultats dans un domaine tout en ayant des niveaux de discriminations plus élevés dans un autre. À titre d’exemple, le district des Montagnes est celui où la répartition des responsabilités domestiques et des tâches ménagères est la plus égalitaire (score de 25), alors que le district des Savanes est celui où elle est la plus défavorable aux femmes et aux filles (82). En revanche, le district des Savanes est celui où les discriminations à l’égard des femmes et des filles en matière d'accès aux services financiers est la plus faible (13) tandis que le district des Montagnes est celui où les femmes sont le plus pénalisées dans ce domaine (67). De même, le phénomène de « déficit de femmes » ne semble pas exister à Yamoussoukro (score de 0), alors qu'il demeure préoccupant dans le district du Sassandra-Marahoué (score de 72) (Tableau 2.1).

Les discriminations auxquelles les femmes et les filles sont confrontées en Côte d’Ivoire demeurent complexes, caractérisés par des progrès inégaux dans les domaines comme dans les districts. Dans ce contexte, il est primordial que les décideurs publics et autres acteurs clés prennent des mesures à l’échelle nationale pour s’attaquer aux discriminations qui pénalisent les femmes et les filles sur l’ensemble du territoire – par exemple le manque d’autonomie reproductive et de pouvoir décisionnel. En outre, pour certaines discriminations plus localisées, comme le mariage précoce des filles, les décideurs publics doivent concevoir des politiques publiques et programmes mieux ciblées, contextualisées et répondant aux problèmes spécifiques identifiés. Par ailleurs, dans un contexte où les ressources sont souvent limitées, il est essentiel de les concentrer en priorité sur les zones où les discriminations sont les plus fortes. Enfin, s’intéresser à chaque district à partir d’un angle spécifique peut permettre d’identifier les points d’entrée potentiels afin de s’attaquer aux inégalités entre les femmes et les hommes et d'accélérer les progrès dans divers domaines.

Cette partie fournie une analyse plus détaillés des principaux facteurs à l’origine des inégalités entre les femmes et les hommes en Côte d’Ivoire, en particulier les normes, attitudes et pratiques discriminatoires. Les conséquences de ces facteurs sur la scolarisation des filles et leur éducation sont décrites dans le Chapitre 3. Cette partie évalue certains indicateurs et met en évidence le lien entre les discriminations observées et les normes sociales et attitudes discriminatoires sous-jacentes qui les expliquent. L’analyse met également en lumière les variations et spécificités de chaque district. Les indicateurs et problématiques analysés sont regroupés en trois grands thèmes :

  • Les institutions sociales discriminatoires qui entravent l’autonomie des femmes et des filles dans la sphère privée.

  • Les facteurs qui font obstacle à l'autonomisation politique et économique des femmes et des filles.

  • Les obstacles qui portent atteinte à l’intégrité physique des femmes, y compris les violences basées sur le genre.

Les discriminations envers les femmes et les filles commencent dans la sphère privée, au sein de la famille. Ces discriminations puisent leurs racines dans des normes et pratiques profondément ancrées selon lesquelles l'homme doit être le chef de famille et est en charge des décisions qui concernent les membres du ménage. À cela s'ajoute une division traditionnelle des rôles entre les femmes et les hommes qui attribue aux femmes et aux filles la charge de prendre soin des membres de la famille et aux hommes le rôle de pourvoir financièrement aux besoins du ménage. Ces attentes sociales, y compris celles qui sont issues d’une vision restrictive de la masculinité5, ont une incidence sur ce que les filles et les femmes peuvent faire dans la sphère familiale, mais aussi dans la sphère publique. Cette section présente quelques indicateurs qui entravent l’autonomisation des femmes au niveau de la famille : analyser leurs scores et comment ils interagissent entre eux permet de mieux comprendre pourquoi les femmes et filles ivoiriennes ne disposent que d’un pouvoir décisionnel limité sur leurs propres vies.

La dot, aussi connue comme le « prix de la fiancée » et qui est remise par le fiancé ou sa famille à la famille de la future épouse au moment du mariage sous forme d'argent, de biens ou d’actifs de valeur, est une pratique courante en Côte d’Ivoire, comme en témoigne le score élevé (65) de l’indicateur correspondant6. Au niveau national, 72 % des femmes mariées l’ont été dans le cadre d’un mariage ayant impliqué le paiement du prix de la fiancée. Il existe de fortes disparités entre les districts : dans le Denguélé, la quasi-totalité des femmes mariées (98 %) déclarent que le prix de la fiancée a été versé par la famille du fiancé, contre un peu plus de la moitié seulement (54 %) dans les Montagnes.

L’institution de la dot peut perpétuer l’idée que la femme a un statut inférieur à celui de l'homme au sein du ménage. En effet, si elle ne constitue pas en elle-même une pratique discriminatoire, le symbole que le prix de la fiancée incarne peut limiter le statut et l’autonomie de la femme mariée. Lorsque la transaction effectuée confère à l’homme un pouvoir sur son épouse, il place celle-ci dans une position de subordination par rapport à son époux. En Côte d’Ivoire, plus de la moitié de la population (57 %) estime que si le fiancé ou sa famille verse une dot, son épouse lui appartient. Ces perceptions et attitudes sont davantage observées en milieu rural (64 %) qu’en milieu urbain (52 %), et d'importants écarts existent entre les districts. Ainsi, de telles attitudes discriminatoires sont très présentes dans le nord du pays : dans les districts du Denguélé et des Savanes, 9 personnes sur 10 sont de cet avis, contre 4 personnes sur 10 dans celui de la Vallée du Bandama (Graphique 2.4).

Parce qu’elles ont une influence sur le statut et le rôle des femmes mariées au sein de leur couple, de leur famille et de leur communauté, ces attitudes discriminatoires peuvent être lourdes de conséquences sur les discriminations subies par les femmes tout au long de leur vie (Anderson, Beaman et Platteau, 2018[12]). Ces attitudes traduisent notamment une vision très restrictive de la masculinité, consacrant le rôle des hommes en tant que protecteurs et gardiens des membres de leur famille, et plus particulièrement des femmes, ce qui implique un devoir d’obéissance de la femme à l’égard de son mari (OCDE, 2021[13]).

Malgré l’adoption de la réforme de la loi sur le mariage en 2019 qui établit le principe de la cogestion du ménage par les deux conjoints, le pouvoir de décision des femmes ivoiriennes reste limité (Gouvernement de Côte d’Ivoire, 2019[14]). En témoignent notamment les opinions de la population quant à qui devrait prendre les décisions liées à la santé et à l’éducation des enfants ainsi qu’aux dépenses de consommation courante et en biens de production, et de qui prend ces décisions dans la pratique. En tenant compte à la fois des attitudes et de la pratique concernant le pouvoir de décision, les discriminations sont plus fortes en milieu rural (score de 68) qu’en milieu urbain (58). En outre, les discriminations les plus fortes sont observées dans le district du Denguélé. Le fait que le Denguélé soit également le district où la pratique du prix de la fiancée est la plus répandue atteste de l’existence de dynamiques familiales fortes qui maintiennent les femmes dans un position d’infériorité au sein du ménage, notamment sur le plan de l’indépendance et de l'autonomisation. À cet égard, il existe une corrélation significative entre les attitudes qui font de l’homme l’unique et principal décisionnaire du ménage et celles qui associent le versement d’une dot à l’appartenance de la femme à son époux7.

Les hommes sont les principaux décideurs au sein du ménage. Dans la moitié des ménages comptant des enfants de moins de 16 ans, les décisions relatives à la santé et à l’éducation des enfants – filles ou garçons – sont prises par le père sans consultation de la mère. À titre de comparaison, les mères ne prennent ces décisions seules que dans 10 % des ménages (Graphique 2.5, Partie A). De même, dans près de deux tiers des ménages ivoiriens (62 %), les hommes sont les seuls décideurs quant aux dépenses en biens de consommation courante. Dans près de trois quarts des ménages ivoiriens (72 %), ce sont également les hommes seuls qui prennent les décisions relatives aux dépenses d’investissement ou aux gros achats – par exemple, logement, terres agricoles, véhicules ou choix des intrants agricoles (Graphique 2.5, Partie B). L’exclusion systématique des femmes des décisions prises au niveau du ménage – décisions qui ont une incidence sur le bien-être et le patrimoine des membres de la famille – varie d’un district à l’autre. Les hommes sont les uniques décideurs dans plus de 60 % des ménages des districts du Sassandra-Marahoué, du Denguélé et du Woroba, alors que les districts du Zanzan et de Yamoussoukro apparaissent comme plus égalitaires de ce point de vue.

La quasi-totalité de la population continue de penser que les décisions devraient principalement être prises par les hommes, ce qui limite le pouvoir d'action des femmes et leur capacité à faire valoir leur point de vue, y compris dans le domaine de l’éducation (voir le Chapitre 3) et de l’emploi (voir le Chapitre 4). En effet, une forte proportion de la population (87 %) estime que les hommes devraient avoir le dernier mot concernant les décisions du ménage. Ces attitudes qui font des hommes les seuls décisionnaires sont nettement plus répandues en milieu rural (92 %) qu’en milieu urbain (83 %). Même dans le district de Yamoussoukro, où la part de la population estimant que l’homme devrait avoir le dernier mot concernant les décisions importantes du ménage est la plus faible, cette proportion atteint 75 %. Dans le district du Denguélé, cette idée fait quasiment l’unanimité (98 %). De même, plus des deux tiers de la population ivoirienne estime les hommes devraient être les seuls décideurs quant aux décisions relatives aux biens de consommation courante et aux achats plus importants et moins fréquents – logement, terres agricoles, véhicule et choix des intrants agricoles (Graphique 2.6). Enfin, si plus de la moitié de la population pense que les décisions relatives aux dépenses à engager pour la santé (57 %) et l’éducation (53 %) des enfants devraient être prises conjointement par les deux parents, une part importante estime néanmoins que ces décisions relèvent du père et de lui seul (Graphique 2.6). L’ensemble de ces résultats montre dans quelle mesure les normes et attitudes restrictives empêchent quasi systématiquement les femmes de participer aux décisions prises au sein du ménage.

Si les femmes sont, dans leur grande majorité, exclues de la prise de décision au sein du ménage, ce sont généralement elles qui en assurent le fonctionnement au quotidien et qui assument l’essentiel des tâches ménagères. Les normes et stéréotypes liés à la répartition des rôles entre les hommes et les femmes cantonnent ces dernières au travail domestique et de soin non rémunéré et à leur rôle de mères et d’épouses. Les hommes, à l’inverse, sont vus comme ceux qui doivent pourvoir au revenu de la famille et prendre les décisions concernant l’ensemble du ménage.

En moyenne, les Ivoiriennes consacrent quatre fois plus de temps que les Ivoiriens aux travail domestique et de soin non rémunéré8. Elles consacrent 5.1 heures par jour aux tâches domestiques, contre 1.3 heure pour les hommes. C’est dans les districts du Gôh-Djiboua et des Savanes que la répartition est la plus inégalitaire. Dans ces districts, les femmes consacrent huit fois plus de temps que les hommes aux tâches domestiques. À l'inverse, dans les districts du Denguélé et du Sassandra-Marahoué, les femmes n’y consacrent que deux fois plus de temps que les hommes.

Des perceptions et stéréotypes solidement ancrés dans la société favorisent cette répartition inégalitaire. Au niveau national, 84 % de la population pense que faire la cuisine pour la famille est une tâche exclusivement féminine qui ne doit pas être partagée entre les hommes et les femmes. Plus de 70 % de la population pense la même chose en ce qui concerne donner le bain aux enfants, nettoyer la salle de bain, faire la lessive et le ménage. En outre, compte tenu du fait que la société attend des femmes qu’elles contribuent également aux revenus du ménage, elles supportent une double charge de travail rémunéré et non rémunéré, charge qui s’est probablement accrue sous l’effet de la pandémie de COVID-19. Ainsi, en Côte d’Ivoire, la charge de travail totale des femmes est supérieure à 10 heures par jour, contre 8 heures pour les hommes. Alors que cette charge de travail totale est répartie à parts égales entre travail rémunéré et non rémunéré chez les femmes, les obligations domestiques ne représentent que 16 % de la charge de travail totale des hommes (voir le Chapitre 4).

En Côte d’Ivoire, les dynamiques de pouvoir inégales au sein des ménages expliquent que les femmes s'impliquent moins dans la sphère publique que les hommes. Les rôles distincts des hommes et des femmes au sein du ménage – et la part disproportionnée du travail non rémunéré qui incombe à ces dernières – impliquent que celles-ci disposent de peu de temps pour mener d'autres activités telles que poursuivre des études, exercer une activité rémunérée ou s’engager dans la vie politique local ou nationale (voir les Chapitres 3 et 4). Les normes et attitudes qui veulent que les hommes prennent les décisions au sein de la famille semblent s'appliquer également à la prise de décision dans la sphère publique, notamment dans le domaine économique et politique. Cette section porte sur l’accès des femmes aux responsabilités dans la sphère publique et sur leur liberté de mouvement dans l’espace public, en dehors du cadre du ménage – que les obstacles éventuels soient liés au contrôle exercé par leur conjoint ou à la peur pour leur propre sécurité. La section examine également l’accès et le contrôle que les femmes ont sur les ressources productives et financières, qui jouent un rôle décisif dans leur autonomisation économique.

La conception selon laquelle les hommes seraient naturellement mieux placés pour devenir des personnalités publiques est une cause majeure de la sous-représentation des femmes parmi les dirigeants. Le cadre conceptuel du SIGI Côte d’Ivoire évalue notamment la représentation des femmes dans la sphère politique et dans l’appareil judiciaire, et mesure les attitudes discriminatoires qui les empêchent de participer à la vie politique et d’accéder à la justice.

Les femmes ivoiriennes sont encore peu représentées dans la vie politique et dans le système judiciaire. D'après les dernières estimations, elles ne représentent que 14 % des membres de l’Assemblée nationale et 30 % des juges (Parline UIP, 2022[2] ; Ministère de la Justice et des Droits de l'Homme de Côte d'Ivoire, 2020[15]). Leur représentation dans le domaine politique comme dans le domaine judiciaire est particulièrement limitée dans les districts du Denguélé, du Woroba et de Yamoussoukro qui ne comptent aucune femme magistrate ni au parlement. En outre, même les districts qui affichent la plus forte représentation des femmes au parlement demeurent bien loin de la parité : les femmes n’occupent que 29 % des sièges pour le district d’Abidjan et 25 % pour celui du Gôh-Djiboua. Les difficultés d'accès des femmes à des postes à responsabilité dans la sphère publique existent également aux échelons administratifs inférieurs. À titre d’exemple, seulement 9 % des maires du pays sont des femmes. Là encore, d’importantes variations existent entre les districts : il n’y a aucune femme maire dans les districts du Sassandra-Marahoué, du Zanzan, de Yamoussoukro et de la Comoé, tandis que 39 % des maires sont des femmes dans celui du Denguélé. Sur le plan législatif, de récentes avancées pourraient progressivement favoriser une meilleure représentation politique des femmes. Ainsi, la loi n° 2019-870 du 14 octobre 2019 met en place certains mécanismes afin de favoriser la représentation des femmes dans les assemblées élues, que ce soit au niveau de la municipalité, du district, de la région ou au niveau national. En particulier, l’article 3 établit des quotas obligatoires prévoyant un minimum de 30% de femmes sur le nombre total de candidats présentés par les partis politiques aux scrutins uninominaux ou de listes (Gouvernement de Côte d’Ivoire, 2019[16]).

Les attitudes discriminatoires sur la capacité des femmes à diriger et à avoir des responsabilités restreignent leur participation à la vie politique et leur aptitude à prendre part au processus décisionnel. Au niveau national, plus de la moitié de la population (56 %) considère que les hommes font de meilleurs dirigeants politiques que les femmes. Ces opinions discriminatoires sont plus communes chez les hommes que chez les femmes (Graphique 2.7. , Partie B). Une proportion similaire (46 %) estime également qu’une femme mariée doit voter pour le même parti politique que son conjoint, ce qui renforce l’idée que les femmes doivent obéir à leur mari, unique décisionnaire du ménage. De même, 45 % de la population considère que les hommes font de meilleurs juges que les femmes. Les variations sont limitées d’un district à l'autre, à l’exception du district des Savanes, où cette proportion s'établit à 71 %, et de celui de Yamoussoukro où, à l’inverse, elle est inférieure à 15 % (Graphique 2.7. , Partie A).

Certaines caractéristiques sociodémographiques sont associées à une probabilité plus élevée d’avoir des attitudes discriminatoires à l'égard de la participation des femmes à la vie politique et de leur capacité à diriger. En effet, être un homme, être marié, résider en milieu rural et avoir un faible niveau d'instruction sont autant de caractéristiques associées à une plus forte probabilité de considérer que les femmes mariées devraient voter pour le même parti politique que leur conjoint9. De même, les personnes ayant un niveau d’instruction relativement faible ont une probabilité plus élevée d’estimer que les hommes font de meilleurs dirigeants politiques que les femmes10. Les données montrent également que les personnes ayant un niveau d’instruction plus élevé et venant d’un ménage plus aisé sont moins susceptibles que les autres d'avoir des idées discriminatoires sur la capacité des femmes à exercer en tant magistrate11.

Une liberté de mouvement limitée peut constituer un obstacle majeur à la capacité des filles à suivre une scolarité secondaire et des études supérieures (voir le Chapitre 3), ainsi qu'à l’autonomisation des femmes et à leur capacité à s'impliquer dans la vie politique et économique. Le SIGI Côte d’Ivoire mesure en particulier le sentiment de sécurité des femmes et les attitudes discriminatoires selon lesquelles elles ne devraient pas sortir seules dans la rue ou, dans le cas des femmes mariées, ne devraient pas sortir sans la permission de leur conjoint. Les résultats montrent que ce sont les femmes qui vivent dans les districts de la Comoé (score de 59), des Savanes (59), du Gôh-Djiboua (71) et du Woroba (75) qui sont confrontées aux discriminations les plus fortes à ce sujet.

Si les hommes comme les femmes déclarent se sentir en sécurité lorsqu’ils sortent à pied le soir, seuls et à proximité de leur domicile (81 % des femmes et 84 % des hommes), la liberté de mouvement des femmes est principalement restreinte par le contrôle que les hommes exercent sur leurs déplacements. Les dynamiques intrafamiliales constituent un facteur central de cette liberté de mouvement contrainte : les femmes restent tributaires des décisions prises par leur conjoint ou par le chef de famille et sont souvent obligées de demander l’autorisation d’un homme pour pouvoir sortir à l’extérieur du domicile, en particulier lorsqu’elles sont mariées. Bien que près de 60 % de la population estime qu’un couple marié devrait décider conjointement du moment où ils vont rendre visite à la famille de l’un ou de l’autre, environ 30 % de la population vit dans un ménage où ces choix sont effectués par l'époux uniquement. En outre, alors que plus des trois quarts de la population (77 %) considère que les femmes célibataires sont libres de sortir seules dans la rue, ce pourcentage tombe à 56 % en ce qui concerne les femmes mariées. De même, la quasi-totalité de la population (96 % des femmes et 91 % des hommes) estime que les femmes mariées ne peuvent quitter leur domicile qu'avec la permission de leur mari. Ces attitudes perpétuent les inégalités en termes de pouvoir de décision et les hiérarchies qui existent au sein de la sphère privée, ce qui, in fine, a des retombées négatives sur l'autonomisation des femmes dans la sphère publique.

Les femmes n'ayant qu’un faible pouvoir décisionnel dans la sphère familiale et dans la société en général, ce sont le plus souvent les hommes qui contrôlent les ressources et prennent les décisions en rapport avec le logement, les terres et les affaires financières. Dans un pays comme la Côte d’Ivoire où l'agriculture représente un tiers du Produit Intérieur Brut (PIB), les coutumes et les traditions qui empêchent les femmes de posséder des terres au même titre que les hommes constituent un obstacle majeur à leur indépendance économique. En effet, en l’absence d’un accès équitable aux terres, les femmes ne peuvent pas contribuer pleinement aux besoins financiers de leur famille et aux activités économiques de la société. Cette situation peut également empêcher les femmes de fournir les garanties nécessaires à l’obtention de financements ou de crédits. À cet égard, l’accès des femmes à des outils et services bancaires et financiers est une condition indispensable de leur autonomisation économique, en particulier dans l’optique de créer une entreprise ou de constituer une épargne et de décider de son usage. Les résultats du SIGI Côte d’Ivoire montrent que la capacité des femmes à posséder des biens immobiliers, des terres agricoles et des ressources financières, et à prendre des décisions relatives à ces actifs, est fortement restreinte.

Non seulement une faible proportion de la population possède des biens immobiliers, des terres agricoles ou un compte bancaire, mais les femmes sont très peu nombreuses parmi les propriétaires de tels biens. Au niveau national, 15 % de la population déclare posséder un bien immobilier tel qu’une maison, et 16 % possède des terres agricoles – soit individuellement, soit conjointement. Les femmes ne représentent que 10 % des propriétaires d'un bien immobilier et seulement 15 % des propriétaires de terres agricoles. De fortes disparités existent entre les districts, tant en termes de taux de propriété qu’en termes d'écart entre les hommes et les femmes (Graphique 2.8, Parties A et B). En outre, le fait de posséder des terres agricoles et d’exercer un contrôle sur ces terres est particulièrement important pour les personnes travaillant dans l'agriculture. À cet égard, les ivoiriennes sont confrontées à davantage de difficultés que les hommes, ce qui les place dans une situation de précarité économique. En effet, au niveau national, seules 20 % des femmes qui travaillent dans l’agriculture possèdent des terres agricoles, contre 57 % des hommes qui exercent une activité dans ce secteur. De même, les écarts entre hommes et femmes en matière de propriété de terres agricoles sont les plus élevés dans les districts où une forte proportion de la population travaille dans l’agriculture (voir le Chapitre 4).

Les femmes ont également un accès limité aux services financiers et sont peu nombreuses à posséder un compte bancaire. Au total, moins de 10 % de la population déclare détenir un compte bancaire dans un établissement financier formel. Ainsi, la Vallée du Bandama est le district où le pourcentage de personnes titulaires d'un compte bancaire dans un établissement formel est le plus élevé, mais ce pourcentage ne dépasse pas 17 %. De plus, parmi les titulaires d'un compte bancaire, 79 % sont des hommes et 21 % des femmes. La part des femmes parmi les individus détenant un compte bancaire est particulièrement faible dans les districts du Gôh-Djiboua et des Montagnes, où plus de 95 % des titulaires d'un compte bancaire sont des hommes. À l’inverse, dans les Savanes et au Sassandra-Marahoué, les femmes représentent environ 40 % des titulaires d'un compte bancaire ou de microfinance.

Bien que les femmes soient peu nombreuses à posséder une maison ou des terres agricoles, les normes sociales et attitudes sous-jacentes supportent l’égalité d'accès et de pouvoir décisionnel sur les biens fonciers et non fonciers. En effet, 80 % de la population ivoirienne estime que les femmes et les hommes devraient disposer d’un accès égal à la propriété immobilière et 77 % considère qu’ils devraient disposer du même pouvoir de décision sur les biens possédés. De même, 73 % de la population estime que l’accès à la propriété de terres devrait être le même pour les hommes et les femmes et 68 % estiment que le pouvoir de décision sur les terres agricoles possédées devrait être le même (Graphique 2.9, Parties A et B). La majorité de la population (79 %) est également favorable à ce que les femmes aient, à l’instar des hommes, le droit d'ouvrir un compte bancaire, de contracter un crédit ou de prendre des décisions concernant un compte joint.

Toutefois, dans les faits, les normes, coutumes et traditions cautionnent des pratiques successorales discriminatoires, ce qui affaibli les droits des femmes et explique leurs difficultés à posséder des biens immobiliers et des terres. En effet, en Côte d’Ivoire, l’héritage est le principal moyen permettant d’entrer en possession de biens immobiliers et fonciers. Or, les coutumes et pratiques successorales traditionnelles tendent à empêcher les veuves d'hériter des biens de leur époux défunt, qui sont généralement transmis aux autres hommes de la famille de celui-ci. Ainsi, au niveau national, les données du SIGI Côte d’Ivoire montrent que 35 % des veuves n'ont pas reçu la moindre part d’héritage à la suite du décès de leur conjoint, contre 8 % seulement des veufs. Les normes sociales établissent notamment que les ressources – et en particulier les terres – doivent appartenir aux hommes : 36 % de la population estime que les filles ne devraient pas avoir le droit d’hériter de terres et 21 % pense la même chose au sujet des ressources non foncières.

Les dynamiques intrafamiliales et les déséquilibres entre hommes et femmes en termes de pouvoir décisionnel, en particulier ceux induits par l’institution du mariage, jouent également un rôle capital. En effet, les données du SIGI Côte d’Ivoire montrent que la part des hommes qui possèdent des ressources augmente dans le cadre de l’institution du mariage. Cette augmentation traduit une division traditionnelle des rôles au sein du foyer, les femmes étant cantonnées à la sphère domestique tandis que les hommes gèrent les affaires économiques et financières. Dès lors, les résultats suggèrent que les biens acquis par un couple marié deviennent le plus souvent la propriété de l’époux (voir le Chapitre 4).

La capacité des femmes et des filles à disposer de leur corps, à avoir la maîtrise de leur santé et à ne pas subir de violences est une composante capitale de leur autonomisation. Certaines attitudes, normes, coutumes et traditions discriminatoires peuvent avoir des conséquences graves et durables. La limitation du pouvoir des femmes et des filles à disposer de leur propre corps peut avoir de lourdes conséquences sur leur santé et leur autonomie reproductive. Cela les expose à des pratiques dangereuses, comme les mutilations génitales féminines, ou les empêche d'accéder à l’avortement médicalisé. L’impossibilité de prendre des décisions de manière autonome peut aussi avoir des conséquences désastreuses tout au long de leur vie, par exemple dans le cas du mariage précoce des filles, et représente un obstacle majeur à leur bien-être et à leur capacité à poursuivre leur éducation (voir le Chapitre 3). Enfin, les différentes formes de violence subies par les femmes et les filles ivoiriennes – mutilations génitales féminines, violences commises par un partenaire intime ou par une autre personne –, qui sont souvent socialement acceptées, portent gravement atteinte à leur intégrité physique.

Deux tiers des femmes en âge de procréer – âgées de 15 à 49 ans – déclarent que leurs besoins en matière de planification familiale ne sont pas satisfaits. En d'autres termes, 66 % des femmes ivoiriennes mariées ou vivant en couple en 2021 et ne souhaitant pas entamer une grossesse n'utilisaient pas de moyen de contraception. Cette situation est beaucoup plus répandue en milieu rural qu’en milieu urbain (Graphique 2.10, Partie A). Il existe également de fortes disparités entre districts, les pourcentages allant de 47 % dans le district de la Comoé à plus de 80 % dans ceux du Bas-Sassandra, de la Vallée du Bandama et des Lagunes (Graphique 2.10, Partie B). De plus, les femmes sont moins susceptibles de déclarer que leurs besoins en matière de planification familiale ne sont pas satisfaits à mesure que leur niveau d'instruction et leur âge augmentent. S’agissant du niveau d'instruction, cette corrélation est significative et plus forte pour les femmes qui ont un niveau au moins égal à l'enseignement secondaire ou qui sont allées jusqu’au terme de leur scolarité secondaire ou au-delà12. Cette constatation est à mettre en rapport avec la corrélation négative constatée entre grossesses précoces et niveau d'instruction des filles, examinée de manière plus approfondie dans le Chapitre 3.

La grande majorité de la population – hommes et femmes confondus – déclare que les décisions relatives à la contraception, au nombre d’enfants souhaité et à l’espacement des naissances sont prises en couple. Ainsi, 60 % des personnes qui utilisent un moyen de contraception déclarent que cette décision a été prise conjointement avec leur partenaire, environ 26 % déclarent qu’elle a été prise uniquement par l’homme, et 11 % qu’elle a été prise par la femme et par elle seule. De même, plus de 60 % des personnes mariées ou en couple déclarent que les décisions relatives au nombre d’enfants souhaité ou à l’espacement des naissances sont ou seront prises en couple (Graphique 2.11, Partie A). Les attitudes vont dans le même sens, 70 % de la population estimant que ces décisions doivent être prises conjointement (Graphique 2.11, Partie B). Toutefois, 50 % de la population considère qu'il appartient à la femme d'éviter d’être enceinte et 48 % de la population pense qu’une femme ne devrait pas proposer à son conjoint d’utiliser des préservatifs. Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à exprimer ces avis. D'autres facteurs sociodémographiques jouent aussi un rôle : la probabilité d’être de ces avis augmente de manière significative avec l’âge, à mesure que le niveau d'instruction diminue, ou en fonction du statut matrimonial13.

Les difficultés d'accès à l'avortement médicalisé constituent un risque grave pour la santé des femmes. Le cadre juridique ivoirien interdit strictement l'avortement, sauf si la vie de la femme enceinte est menacée. La loi prévoit des peines comprises entre cinq et dix ans de prison pour les personnes qui fournissent des services en lien avec l'avortement et entre six mois, et deux ans de prison pour les femmes qui font appel à ces services (Gouvernement de Côte d’Ivoire, 1981[17]). Cette interdiction légale de l’avortement médicalisé peut entraîner certains risques majeurs pour la santé des femmes. En effet, lorsque la loi interdit l’avortement, les femmes enceintes qui souhaitent interrompre leur grossesse ont souvent recours à des avortements clandestins, mettant en danger leur santé. Les femmes dépendantes sur le plan socioéconomique ou qui ne sont pas bien informées sur la contraception – ce qui peut entraîner, par exemple, une mauvaise utilisation des préservatifs –, notamment les adolescentes, sont particulièrement vulnérables. En 2019, Médecins du Monde estimait qu’environ les trois quarts des avortements clandestins pratiqués en Côte d’Ivoire concernaient des adolescentes scolarisées désirant interrompre une grossesse non désirée (Médecins du Monde, 2019[18]) (voir le Chapitre 3 pour plus d'informations sur le lien entre éducation et activité sexuelle).

De manière générale, les normes sociales et attitudes s’opposent au droit des femmes à recourir à l’avortement. Ainsi, au niveau national, 14 % de la population est favorable à ce qu’une loi reconnaisse le droit des femmes à avorter sans conditions. À l'inverse, 64 % de la population estime que les femmes enceintes ne devraient pas avoir le droit d’interrompre volontairement leur grossesse dans au moins un des cas suivants : pour préserver la santé mentale ou physique de la mère, à la suite d'un viol ou d’un inceste, dans le cas de relations sexuelles antérieures à la majorité sexuelle, si le fœtus n’est pas viable, ou s'il y a un risque mortel pour la femme. Ces opinions sont plus répandues chez les femmes (71 %) que chez les hommes (57 %), et en milieu urbain (69 %) qu’en milieu rural (57 %). Il existe en outre de grandes différences d’un district à l’autre. Enfin, la probabilité d’être opposé à la légalisation de l’avortement diminue à mesure que le niveau d'instruction augmente14.

Le phénomène de « déficit de femmes » (en anglais, missing women) est une réalité, surtout dans les districts de l’ouest du pays. Au niveau national, le ratio des sexes à la naissance est de 107 garçons pour 100 filles, ce qui est supérieur au seuil naturel de 105 garçons pour 100 filles (Institut National de la Statistique, 2021[19]). Les déséquilibre entre les sexes à la naissance sont les plus marqués dans les districts des Montagnes, du Woroba et du Sassandra-Marahoué, situés dans l’ouest du pays. En outre, les attitudes et préférences vont globalement dans le même sens. Au niveau national, 38 % de la population déclare vouloir avoir plus de fils que de filles, comparé à 24 % de la population qui préférerait avoir plus de filles que de fils, tandis que les 38 % restants déclarent souhaiter avoir autant de fils que de filles. La probabilité d’exprimer une préférence pour les fils est plus élevée parmi les hommes que parmi les femmes. À titre d’exemple, dans le district des Savanes, les trois quarts des personnes qui souhaitent avoir plus de fils que de filles sont des hommes. À noter également que la part de la population souhaitant avoir plus de fils que de filles décroît à mesure que le niveau d'instruction augmente15.

Les facteurs qui expliquent ces préférences sont complexes mais pourraient être liés aux rôles traditionnellement assignés aux hommes et aux femmes. Dans un contexte où les femmes sont reléguées au travail domestique et de soin non rémunéré tandis que les hommes gagnent les revenus, les fils sont automatiquement associés à de meilleurs perspectives en termes de ressources financières futures pour le ménage. Ce constat va dans le même sens que les conclusions du Chapitre 3 selon lesquelles les familles préfèrent investir dans l'éducation des garçons que dans celle des filles.

Le mariage précoce, classé par la Côte d’Ivoire comme faisant partie des violences basées sur le genre (Encadré 2.3), demeure un obstacle de taille au bien-être des femmes et des filles et à leurs futures perspectives socio-économiques. En effet, le mariage précoce des filles, qui est souvent forcé, limite leur capacité à prendre des décisions et diminue leurs chances de suivre une scolarité complète, ce qui a des répercussions tout au long du reste de leur vie (voir le Chapitre 3). De plus, de par son association avec les grossesses adolescentes, le mariage précoce des filles accroît considérablement les risques pour la santé des adolescentes.

Le mariage précoce est répandu en Côte d’Ivoire et touche principalement les filles : 93 % des mariages précoces enregistrés concernent des filles16. Bien que l’âge légal du mariage soit fixé à 18 ans pour les filles (Gouvernement de Côte d’Ivoire, 2019[14]), les données du SIGI Côte d’Ivoire montre que 23 % des femmes ivoiriennes ayant plus de 15 ans ont été mariées avant cet âge. La part des femmes âgées de 20 à 24 ans ayant été mariées avant l’âge de 18 ans – ce qui correspond à l’indicateur 5.3.1 de l’ODD 517 – s’établit à 41 % d'après le SIGI Côte d’Ivoire, contre 27 % en 2016 d'après l’UNICEF (UNICEF, s.d.[21]). Le mariage précoce des filles demeure donc un problème préoccupant, d'autant que son taux de prévalence parmi les filles et les jeunes femmes ne semble pas avoir diminué avec le temps.

Les taux sont particulièrement élevés dans certains districts, indiquant que la problématique du mariage précoce des filles est fortement localisée et concentrée dans certaines régions du pays. Le pourcentage de femmes mariées avant 18 ans s'établit à respectivement 57 % et 45 % dans les districts du Denguélé et du Woroba, alors qu'il n’est que de 4 % dans le Zanzan et de 2 % à Yamoussoukro (Graphique 2.12, Partie A). Cette forte localisation du problème suggère qu’il est nécessaire d'adopter des mesures visant à prévenir et éliminer la pratique dans le nord-ouest de la Côte d’Ivoire.

En particulier, ces mesures doivent chercher à faire évoluer les attitudes tolérant le mariage précoce des filles. En effet, les districts où les taux de mariage précoce des filles sont les plus élevés sont aussi ceux où l’acceptation sociale de la pratique est la plus forte (Graphique 2.12, Partie B). Ainsi, dans les districts du Denguélé et des Savanes, respectivement 38 % et 23 % de la population considère qu'une fille peut se marier avant son dix-huitième anniversaire. À l'inverse, au Zanzan, cet avis est partagé par moins de 1 % de la population. À titre de comparaison, au niveau national, 13 % de la population considère que le mariage précoce des filles demeure une pratique socialement acceptable, alors que seulement 1 % de la population pense qu’il est acceptable pour un garçon de se marier avant 18 ans. Ces différences d’acceptation sociale du mariage précoce des filles et des garçons sont à mettre perspective avec les rôles traditionnellement dévolus aux hommes et aux femmes au sein du ménage. Dans un contexte où les femmes sont reléguées au travail domestique et de soin non rémunéré et à leur rôle de mères tandis que les hommes gagnent les revenus, il est acceptable qu’une fille soit mariée à partir du moment où elle est en âge de procréer tandis que les garçons doivent attendre d’avoir une situation professionnelle stable avant de se marier.

Les femmes et les filles sont exposées à différentes formes de violences basées sur le genre qui peuvent avoir de lourdes conséquences sur leur santé physique et mentale, mais aussi sur leurs capacités à exercer une activité économique ou à participer à la vie publique. Le SIGI Côte d’Ivoire mesure différentes formes de violences faites aux femmes et aux filles – mutilations génitales féminines, violences infligées par un partenaire intime et par d'autres personnes – et permet de comprendre le lien avec leur acceptation sociale.

Une Ivoirienne sur trois a déjà subi des violences de la part d'un partenaire intime. Plus précisément, 31 % des Ivoiriennes ayant déjà vécu en couple ont subi des violences de la part d'un partenaire intime au cours de leur vie, ce qui est légèrement supérieur à la moyenne de 27 % calculée pour l’Afrique de l’Ouest (OCDE, 2021[6]). De plus, 17 % des Ivoiriennes ont subi des violences de la part d'un partenaire intime au cours des 12 derniers mois. Ce taux varie sensiblement d'un district à l'autre, allant de 3 % dans le district de Yamoussoukro à 33 % dans le Zanzan, 36 % dans le Denguélé et 42 % dans le district du Bas-Sassandra (Graphique 2.13, Partie A). Pour ce qui est de la nature des violences, les femmes qui ont subi des violences d’un partenaire intime au cours des 12 derniers mois font d’abord état de violences physiques (46 %), suivies de violences psychologiques (32 %) et de violences économiques (14 %) – incluant, par exemple, le sabotage de leur matériel de travail ou la confiscation de leur salaire.

À noter que les hommes sont également très exposés aux violences infligées par un partenaire intime : la part d’entre eux ayant subi des violences de la part d’une partenaire intime au cours des 12 derniers mois est quasiment la même que pour les femmes. Parmi les 15 % d'hommes qui en ont subi au cours de cette période, la plupart (72 %) ont subi des violences physiques, suivies de violences psychologiques (22 %). Les résultats d'une étude nationale datant de 2018 et portant sur les violences basées sur le genre parmi les enfants et les jeunes corroborent les résultats du SIGI Côte d’Ivoire : parmi les jeunes adultes de 20 à 24 ans, 16 % – hommes et femmes confondus – avaient été victimes de violences sexuelles au cours des 12 derniers mois et environ la moitié de ces violences avaient été commises par un ou une partenaire intime (Gouvernement de Côte d’Ivoire, 2020[22]). Bien que ces violences ne soient pas exactement celles mesurées par le SIGI Côte d’Ivoire, ces résultats confirment l'idée que les Ivoiriens comme les Ivoiriennes sont fortement exposés au risque de subir des violences de la part d'un ou d'une partenaire intime18. Cette tendance est également observée pour les violences subies de la part d'autres personnes : 2 % des femmes déclarent avoir été la cible de violences infligées par une personne autre qu’un partenaire intime au cours des 12 mois écoulés, contre 6 % des hommes. Ces violences étaient majoritairement des violences physiques, pour les hommes comme pour les femmes.

L’acceptation social de la violence faite aux femmes demeure très élevée, notamment dans les districts du nord et de l’ouest du pays. En effet, 22 % de la population ivoirienne estime qu’un homme a le droit d’user de la violence contre sa femme ou partenaire (par exemple la battre, la gifler ou lui donner des coups de pied) dans certaines circonstances, comme par exemple si elle laisse brûler le repas, se dispute avec lui, sort sans le prévenir, néglige les enfants ou lui refuse un rapport sexuel. Dans certains districts tels que les Savanes et le Denguélé, près de la moitié de la population partage cet avis (Graphique 2.13, Partie B). Par ailleurs, ces attitudes qui justifient l’usage de la violence domestique sont plus répandues chez les hommes (28 %) que chez les femmes (16 %).

Un niveau d'instruction plus élevé va de pair avec une acceptation moindre des violences à l'encontre des femmes. Les données montrent que les personnes ayant atteint un certain niveau d'instruction sont moins susceptibles que celles qui n’ont pas reçu d’instruction formelle de considérer que les violences commises par un partenaire intime peuvent être justifiées. C’est particulièrement le cas pour les personnes ayant suivi une scolarité secondaire ou des études supérieures19. Ainsi, parmi les personnes ayant un niveau d'instruction au moins égal au secondaire, 16 % déclarent qu'un homme peut avoir le droit de frapper ou de battre sa femme dans au moins une des circonstances suivantes : si elle laisse brûler le repas, sort sans le prévenir, se dispute avec lui ou néglige les enfants. Ce pourcentage est de 22 % parmi les personnes qui ne sont pas allées au terme de leur scolarité primaire tandis qu’il atteint 27 % chez les personnes qui n’ont pas suivi de scolarité formelle.

Les mutilations génitales féminines et l’excision, qui constituent une forme extrêmement grave de violence contre les femmes et les filles, sont pratiquées dès le plus jeune âge et impliquent généralement des femmes plus âgées, à la fois en tant que décideuses qu’exciseuses. En moyenne, les femmes et les filles qui ont subi des mutilations génitales déclarent les avoir subies lorsqu’elles avaient six ans. Bien que clairement proscrites par l’article 5 de la Constitution de la Côte d’Ivoire (Gouvernement de Côte d’Ivoire, 2016[23]), les mutilations génitales féminines continuent de mettre en danger la santé et le bien-être de nombreuses filles et femmes ivoiriennes. Ainsi, une Ivoirienne sur cinq (20 %) affirme avoir subi des mutilations génitales, ce qui reste néanmoins en deçà du taux de l’Afrique de l’Ouest qui s’établit à 28% (OCDE, 2021[6]). Ce pourcentage est plus élevé en milieu rural (27 %) qu’en milieu urbain (16 %). Les mutilations génitales féminines sont également plus répandues dans le nord du pays, le taux de prévalence s'établissant à 65 % des femmes dans le Denguélé, à 50 % dans le district des Savanes et à 30 % dans le district du Woroba. Dans le sud, 34 % des femmes du Gôh-Djiboua ont subi des mutilations génitales. C’est dans les districts de Yamoussoukro et des Lacs, où la prévalence est de respectivement 3 % et 4 %, que cette pratique est la moins répandue (Graphique 2.14). En outre, les mutilations génitales féminines tendent à être pratiquées en dehors de tout cadre médical, aggravant les risques potentiels de complications : dans 89 % des cas signalés, les femmes ayant subi des mutilations génitales déclarent que l’intervention a été pratiquée par une exciseuse traditionnelle et 10 % ne savent pas par qui elle a été pratiquée. Le plus souvent, la décision est prise par une autre femme. Ainsi, 37 % des personnes victimes de mutilations génitales indiquent que la décision a été prise par leur mère et 24 % qu’elle a été prise par une autre femme de leur famille.

Bien que 93 % de la population reconnaisse que cette pratique peut avoir des conséquences catastrophiques sur la santé des jeunes filles, les mutilations génitales féminines et l’excision restent acceptées par une large part de la société ivoirienne. Ainsi, 18 % de la population pense que l’excision est un pratique qui ne doit pas être abandonnée. Ces attitudes discriminatoires sont moins répandues parmi les femmes ivoiriennes que parmi l’ensemble des femmes d’Afrique de l’Ouest (13 % des Ivoiriennes âgées de 15 à 49 ans, contre 22 % des femmes d’Afrique de l’Ouest de la même classe d’âge) (OCDE, 2021[6]) .Elles sont également plus répandues chez les hommes (21 %) que chez les femmes (15 %). De plus, le niveau d'instruction est un déterminant essentiel : la probabilité d’être opposé à l'abandon des mutilations génitales féminines diminue de manière forte et significative à mesure que le niveau d'instruction augmente, les effets étant particulièrement forts dès lors que les individus sont allés au terme de la scolarité secondaire20.

Les résultats du SIGI Côte d’Ivoire montrent que les normes et les attitudes discriminatoires à l’égard des femmes et des filles sont particulièrement fortes dans la sphère privée, là où naissent toutes les autres formes de discrimination. Ces attitudes, normes et pratiques discriminatoires sont profondément ancrées et constituent une menace pour l'évolution de la Côte d’Ivoire vers l'égalité entre les femmes et les hommes et pour la croissance inclusive. En effet, de telles discriminations risquent de réduire le vivier de talents du pays en ne donnant pas aux filles les mêmes chances qu'aux garçons d'accéder à un niveau d’enseignement supérieur (voir le Chapitre 3). De même, ces normes et pratiques restrictives créent des déséquilibres artificiels qui empêchent une allocation efficace des ressources et talents, ce qui peut freiner le développement socioéconomique du pays.

Le lien entre ces normes sociales discriminatoires et l’autonomisation des femmes est complexe et multidimensionnel. Ainsi, les normes selon lesquelles l’homme est le chef de famille naturel et le détenteur du pouvoir décisionnel nuisent aux chances d’autonomisation des femmes. Le mariage précoce des filles, qui demeure une pratique répandue dans certains districts, prend également racine dans ces relations de pouvoir inégales et profondément ancrées. Cette pratique a des répercussions durables et profondes sur l’avenir des filles, notamment sur leurs chances de suivre des études et de travailler (voir le Chapitre 3). De même, les normes qui cantonnent les femmes à la sphère domestique et à leur rôle de mère se traduisent par une division du travail extrêmement genrée, les femmes consacrant près de quatre fois plus de temps que les hommes au travail domestique et de soin non rémunéré. Elles supportent également une double charge de travail puisqu’elles cumulent travail rémunéré et non rémunéré. Ces déséquilibres entravent la capacité des femmes à exercer un travail rémunéré au même titre que les hommes (voir le Chapitre 4).

L'analyse révèle que faire progresser le niveau d'instruction est l’un des principaux leviers qui permettraient de transformer les normes et attitudes afin qu’elles deviennent plus égalitaires. À cet égard, le rôle de l’enseignement secondaire et des études supérieures est essentiel, tant pour les filles que pour les garçons. En retour, l’élimination des institutions sociales discriminatoires peut contribuer à améliorer de manière spectaculaire les résultats des filles et des femmes sur le plan éducatif, en termes de niveau d'instruction, de taux de réussite et de disciplines étudiées. Leur offrir de nouvelles et meilleures perspectives d'avenir, y compris dans la sphère économique et politique, leur serait non seulement bénéfique à elles, mais aussi à la société dans son ensemble, y compris les hommes.

Références

[12] Anderson, S., L. Beaman et J. Platteau (dir. pub.) (2018), Towards Gender Equity in Development, Oxford University Press, https://doi.org/10.1093/oso/9780198829591.001.0001.

[3] Banque mondiale (2020), Proportion de sièges occupés par des femmes dans les parlements nationaux (%) - Cote d’Ivoire, https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SG.GEN.PARL.ZS?locations=CI (consulté le 7 mars 2022).

[10] COCOFCI (s.d.), Compendium des compétences féminines de Côte d’Ivoire, http://www.competencesfeminines.gouv.ci/.

[24] Division de statistique des Nations Unies (2021), Les indicateurs ODD, https://unstats.un.org/sdgs/metadata/?Text=&Goal=5&Target=5.3 (consulté le 21 mars 2022).

[9] Gouvernement de Côte d’Ivoire (2021), Le PND 2021-2025 projette une croissance moyenne de 7,65% contre 5,9% sur la période 2016-2020, https://www.gouv.ci/_actualite-article.php?recordID=12625&d=1 (consulté le 11 février 2022).

[22] Gouvernement de Côte d’Ivoire (2020), Enquête sur la Violence faite aux Enfants et aux Jeunes en Côte d’Ivoire : Résultats de l’enquête nationale, Ministère de la femme, de la famille et de l’enfant, https://www.togetherforgirls.org/wp-content/uploads/2020/09/RAPPORT-DE-L-ENQUETE-SUR-LA-VIOLENCE-FAITE-AUX-ENFANTS-ET-AUX-JEUNES-EN-COTE-DIVOIRE-VERSION-FRANCAISE-ARCHIVE-1.pdf (consulté le 24 mars 2022).

[14] Gouvernement de Côte d’Ivoire (2019), Journal officiel de la République de Côte d’Ivoire : Loi n°2019-570, relative au mariage.

[20] Gouvernement de Côte d’Ivoire (2018), Rapport d’analyse statistique 2018 sur les violences basées sur le genre (VBG), Ministère de la femme, de la famille et de l’enfant, Direction des études, de la planification et des statistiques, http://www.famille.gouv.ci/public/documents/Rapport_VBG_2018.pdf (consulté le 10 mars 2022).

[8] Gouvernement de Côte d’Ivoire (2017), Le Plan National de Développement 2016 – 2020, https://www.plan.gouv.ci/accueil/odd/3.

[23] Gouvernement de Côte d’Ivoire (2016), Constitution de la République de Côte d’Ivoire.

[16] Gouvernement de Côte d’Ivoire (2019), Loi 2019-870 du 14 octobre 2019 favorisant la représentation des femmes dans les Assemblées élues, http://www.famille.gouv.ci/public/documents/19838507.pdf.

[17] Gouvernement de Côte d’Ivoire (1981), Code pénal.

[1] Institut de statistique de l’UNESCO (UIS) (2022), Côte d’Ivoire, http://uis.unesco.org/fr/country/ci (consulté le 24 février 2022).

[19] Institut National de la Statistique (2021), Projections sur la base du Recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) de 2014.

[18] Médecins du Monde (2019), Pratiques des avortements et conséquences sur la santé des femmes en Côte d’Ivoire.

[15] Ministère de la Justice et des Droits de l’Homme de Côte d’Ivoire (2020), Annuaire des statistiques judiciaires et pénitentiaires - Année judiciaire 2018-2019.

[11] OCDE (2022), Base de données SIGI Côte d’Ivoire, https://stats.oecd.org/.

[13] OCDE (2021), Man Enough? Measuring Masculine Norms to Promote Women’s Empowerment, Social Institutions and Gender Index, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/6ffd1936-en.

[6] OCDE (2021), SIGI 2021 Regional Report for Africa, Social Institutions and Gender Index, https://doi.org/10.1787/a6d95d90-en.

[5] OCDE (2019), SIGI 2019 Global Report: Transforming Challenges into Opportunities, Social Institutions and Gender Index, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/bc56d212-en.

[4] OIT (2022), ILOStat explorer, https://ilostat.ilo.org/data/# (consulté le 18 mars 2022).

[2] Parline UIP (2022), Pourcentage de femmes dans les parlements nationaux, https://data.ipu.org/fr/women-ranking?month=3&year=2022.

[7] Portail officiel du gouvernement de Côte d’Ivoire (2018), Scolarisation des filles : La ministre Kandia Camara appelle au renforcement des actions, https://www.gouv.ci/_actualite-article.php?d=6&recordID=8700&p=4.

[21] UNICEF (s.d.), UNICEF Data Warehouse - Percentage of women (aged 20-24 years) married or in union before age 18, https://data.unicef.org/resources/data_explorer/unicef_f/?ag=UNICEF&df=GLOBAL_DATAFLOW&ver=1.0&dq=CIV.PT_F_20-24_MRD_U18..&startPeriod=2016&endPeriod=2022&lastnobservations=1 (consulté le 21 mars 2022).

Notes

← 1. L’Observatoire de l'équité et du genre, créé en 2014, et le Conseil national de la femme, créé en 2015.

← 2. Les scores SIGI sont compris entre 0 et 100, 0 correspondant à l’absence de discrimination et 100 à une discrimination absolue.

← 3. Abidjan, le Bas-Sassandra, la Comoé, le Denguélé, le Gôh-Djiboua, les Lacs, les Lagunes, les Montagnes, le Sassandra-Marahoué, les Savanes, la Vallée du Bandama, le Woroba, Yamoussoukro et le Zanzan.

← 4. Le concept de déficit de femmes, théorisé par Amartya Sen en 1990, fait référence au déséquilibre (en faveur des hommes) du ratio entre les hommes et les femmes au sein de la population par rapport à un ratio de référence naturel. Le déficit est calculé sur la population des garçons et filles âgés de 0 à 4 ans et le ratio naturel de référence utilisé est de 105 garçons pour 100 filles.

← 5. Ces normes enferment les hommes dans leur rôle traditionnel en tant que membres du genre dominant, ce qui empêche les femmes d'accéder à l’autonomie et à l’égalité.

← 6. L’indicateur « dot » du SIGI Côte d’Ivoire mesure la proportion de femmes mariées dont le mariage a donné lieu au versement d'une dot (pratique) et l'attitude de la population quant à la question de savoir si le paiement d'une dot confère à l’époux un droit de propriété sur son épouse (attitude).

← 7. Les résultats reposent sur une régression de type OLS (ordinary least squares ou méthode des moindre carrés) au niveau du district. La variable attitudinale « les hommes devraient avoir le dernier mot concernant les décisions importantes du ménage » est la variable dépendante. La variable attitudinale « le versement de la dot fait de la femme la propriété de son époux » est la principale variable indépendante. Les variables de contrôle sont le sexe, l’âge, la taille du ménage, le niveau d'instruction et le patrimoine. Le coefficient de la principale variable indépendante est significatif au seuil de 10 %.

← 8. La liste complète des tâches englobe (lorsque les données sont disponibles) : faire la cuisine pour la famille ; faire le ménage ; faire la lessive ; laver la salle de bain/les toilettes ; faire les courses ; aller chercher de l’eau pour la famille ; aller chercher du bois de chauffage ; s’occuper de personnes âgées ; s’occuper de personnes malades/handicapées ; superviser les devoirs des enfants ; jouer ou faire du sport avec les enfants ; faire la toilette des enfants ; faire manger les enfants ; faire des travaux de réparation dans la maison ; entretenir la cour.

← 9. Les résultats reposent sur un modèle probit qui mesure la probabilité de la population de considérer que les femmes mariées doivent voter pour le même parti politique que leur conjoint. Les variables indépendantes sont le sexe, le milieu de résidence (urbain ou rural), l’âge, l’âge au carré, la situation matrimoniale, le niveau d’instruction, un ensemble d’indicateurs du patrimoine des ménages et le district. Les coefficients et les effets marginaux pour le sexe, l’âge, la résidence, le fait d’être célibataire ou de vivre en couple, le fait d'être allé au terme de la scolarité primaire, le fait de ne pas être allé au terme de la scolarité secondaire et le fait d'avoir un niveau d'instruction au moins égal au secondaire sont significatifs au seuil de 1 %. Les coefficients et les effets marginaux pour le fait de ne pas être allé au terme de la scolarité primaire sont significatifs au seuil de 5 %.

← 10. Les résultats reposent sur un modèle probit qui mesure la probabilité de la population de considérer que les hommes font de meilleurs dirigeants politiques que les femmes. Les variables indépendantes sont le sexe, le milieu de résidence (urbain ou rural), l’âge, l’âge au carré, la situation matrimoniale, le niveau d’instruction, un ensemble d’indicateurs du patrimoine des ménages et le district. Les coefficients et les effets marginaux pour le sexe, le fait d'être allé au terme de la scolarité primaire, le fait de ne pas être allé au terme de la scolarité secondaire et le fait d'avoir un niveau d'instruction au moins égal au secondaire sont significatifs au seuil de 1 %.

← 11. Les résultats reposent sur un modèle probit qui mesure la probabilité de la population de considérer que les hommes font de meilleurs magistrats que les femmes. Les variables indépendantes sont le sexe, le milieu de résidence (urbain ou rural), l’âge, l’âge au carré, la situation matrimoniale, le niveau d’instruction, un ensemble d’indicateurs du patrimoine des ménages et le district. Les coefficients et les effets marginaux pour le sexe, le fait d'être allé au terme de la scolarité primaire, le fait de ne pas être allé au terme de la scolarité secondaire et le fait d'avoir un niveau d'instruction au moins égal au secondaire sont significatifs au seuil de 1 %. Les coefficients et les effets marginaux pour les deuxième au quatrième quintiles de patrimoine sont significatifs au seuil de 5 %, et de 1 % pour le cinquième quintile.

← 12. Les résultats reposent sur un modèle probit qui mesure le pourcentage de femmes en âge de procréer (15-49 ans) mariées ou vivant en couple mais ne désirant pas avoir d’enfant qui déclarent avoir un besoin de planification familiale non satisfait. Les variables indépendantes sont le milieu de résidence (urbain ou rural), l’âge, l’âge au carré, la situation matrimoniale, le niveau d’instruction, un ensemble d’indicateurs du patrimoine des ménages et le district. Les coefficients et effets marginaux de l’âge et de l’âge au carré sont significatifs au seuil de 5 %. Les coefficients et les effets marginaux pour le fait de ne pas être allé au terme de la scolarité secondaire et le fait d'avoir suivi une scolarité jusqu’au terme du secondaire au au-delà sont significatifs aux seuils de 1 % et de 10 % respectivement.

← 13. Ces résultats reposent sur deux modèles probit qui mesurent (i) la probabilité d'avoir l'attitude discriminatoire consistant à penser qu'il appartient aux femmes d’éviter une grossesse ; et (ii) qu’une femme n'a pas à proposer à son conjoint d'utiliser un préservatif. Les variables indépendantes des deux modèles sont le milieu de résidence (urbain ou rural), l’âge, l’âge au carré, la situation matrimoniale, le niveau d’instruction, un ensemble d’indicateurs du patrimoine des ménages et le district. Les coefficients pour le sexe sont significatifs au seuil de 1 % dans les deux modèles. En outre, dans le modèle (ii), l’âge et l’âge au carré sont significatifs au seuil de 5 %, les coefficients et effets marginaux de la situation matrimoniale, à savoir vivre en couple ou être célibataire, sont significatif au seuil de 5 % ou 1 % respectivement ; ceux du fait d'être allé au terme de la scolarité primaire, du fait de ne pas être allé au terme de la scolarité secondaire et du fait d'avoir un niveau d'instruction au moins égal au secondaire sont significatifs au seuil de 1 %.

← 14. Les résultats reposent sur un modèle probit qui mesure la probabilité d’être opposé à ce qu'une loi autorise l'avortement dans certaines circonstances. Les variables indépendantes sont le sexe, le milieu de résidence (urbain ou rural), l’âge, l’âge au carré, le niveau d’instruction et le district. Les coefficients et les effets marginaux pour le sexe, le fait d'être allé au terme de la scolarité primaire, le fait de ne pas être allé au terme de la scolarité secondaire, le fait d'avoir un niveau d'instruction au moins égal au secondaire et le milieu de résidence sont significatifs au seuil de 1 %.

← 15. Les résultats reposent sur un modèle probit qui mesure les préférences de la population pour les fils. Les variables indépendantes sont le sexe, le milieu de résidence (urbain ou rural), l’âge, l’âge au carré, le niveau d’instruction, un ensemble d’indicateurs du patrimoine des ménages et le district. Les coefficients et les effets marginaux sont significatifs au seuil de 1 % pour le sexe et le fait d'avoir un niveau d'instruction au moins égal au secondaire, et au seuil de 5 % pour le fait de ne pas être allé au terme de la scolarité secondaire et le fait d'appartenir au cinquième quintile de patrimoine. Ils sont significatifs au seuil de 10 % pour le milieu de résidence et le fait d'appartenir au quatrième quintile de patrimoine.

← 16. Au niveau national, le taux moyen de mariages précoces des garçons (âgés de 15 ans et plus) s'établit à 1.8 %. Ce taux est plus élevé en milieu urbain qu’en milieu rural (2.7 % contre 0.8 %).

← 17. La cible 5.3 de l’ODD 5 reconnaît la nécessité d’éliminer toutes les pratiques préjudiciables, telles que le mariage des enfants, le mariage précoce ou forcé et la mutilation génitale féminine. Elle est mesurée au moyen de deux indicateurs, l’un concernant les mariages précoces et l'autre les mutilations génitales féminines. Le premier (5.3.1) mesure la « proportion de femmes âgées de 20 à 24 ans qui étaient mariées ou en couple avant l'âge de 15 ans ou de 18 ans » (Division de statistique des Nations Unies, 2021[24]), ce qui permet de suivre l'évolution dans le temps de la prévalence du mariage précoce des filles.

← 18. Dans le cadre du SIGI Côte d’Ivoire, 16 % des hommes et 16 % des femmes de 20 à 24 ans déclarent avoir été victimes de violence infligée par un ou une partenaire intime au cours des 12 mois écoulés.

← 19. Les résultats reposent sur un modèle probit qui mesure l'acceptation sociale des violences à l’encontre des femmes (personnes se déclarant d'accord ou tout à fait d'accord avec l’idée qu’un homme a le droit de battre, frapper ou blesser physiquement sa femme parce qu’elle laisse brûler le repas, se dispute avec lui, sort sans le prévenir, refuse d’avoir un rapport sexuel avec lui ou néglige les enfants. Les variables indépendantes sont le sexe, le milieu de résidence (urbain ou rural), l’âge, l’âge au carré, le niveau d’instruction, un ensemble d’indicateurs du patrimoine des ménages et le district. Les coefficients et les effets marginaux pour le sexe, le fait d'être allé au terme de la scolarité primaire, le fait de ne pas être allé au terme de la scolarité secondaire et le fait d'avoir un niveau d'instruction au moins égal au secondaire sont significatifs au seuil de 1 %.

← 20. Les résultats reposent sur un modèle probit qui mesure la probabilité que la population déclare ne pas être d'accord ou pas du tout d’accord avec l’idée que les mutilations génitales féminines sont une pratique qui devrait être abandonnée. Les variables indépendantes sont le sexe, le milieu de résidence (urbain ou rural), l’âge, l’âge au carré, le fait que les parents n'aient pas suivi de scolarité formelle, le niveau d’instruction, un ensemble d’indicateurs du patrimoine des ménages et le district. Les coefficients et les effets marginaux pour le sexe, le fait de ne pas être allé au terme de la scolarité secondaire et le fait d'avoir un niveau d'instruction au moins égal au secondaire sont significatifs au seuil de 1 %.

Mentions légales et droits

Ce document, ainsi que les données et cartes qu’il peut comprendre, sont sans préjudice du statut de tout territoire, de la souveraineté s’exerçant sur ce dernier, du tracé des frontières et limites internationales, et du nom de tout territoire, ville ou région. Des extraits de publications sont susceptibles de faire l'objet d'avertissements supplémentaires, qui sont inclus dans la version complète de la publication, disponible sous le lien fourni à cet effet.

© OCDE 2022

L’utilisation de ce contenu, qu’il soit numérique ou imprimé, est régie par les conditions d’utilisation suivantes : https://www.oecd.org/fr/conditionsdutilisation.