10. Quantification des avantages pour les consommateurs

Après avoir présenté le cadre général d’évaluation des avantages de la concurrence, ce chapitre présente une description de la méthodologie employée pour le calcul des variations du surplus du consommateurs ainsi qu’un chiffrage des avantages escomptés d’une mise en œuvre des recommandations de l’OCDE, en se concentrant sur des propositions sélectionnées qui comprennent l'introduction d'un bureau d'information sur le crédit, l'introduction d'un registre des biens mobiliers, l'introduction d'un site web de comparaison des prix pour les comptes courants et l'octroi d'un agrément bancaire à La Poste.

L’étude de marché vise à recenser les réglementations, les caractéristiques de marché et les pratiques des entreprises dans le secteur de la banque de détail en Tunisie qui peuvent nuire à la concurrence et en entraver le bon fonctionnement. L’absence de concurrence efficace est préjudiciable à la croissance économique et à l’augmentation de la productivité.

Chaque recommandation exposée dans le chapitre 9 peut avoir une incidence allant bien au-delà des consommateurs dans les secteurs étudiés. Lorsque les consommateurs ont le choix entre plusieurs produits et services et peuvent faire jouer la concurrence, les entreprises n’ont d’autre solution que de se concurrencer, d’innover davantage et d’accroître leur productivité productive (Nickell (1996[1]); Blundell et al. (1999[2]); Griffith, Redding et Van Reenen (2004[3])). Dans les secteurs d’activité où la concurrence est plus forte, les acteurs peuvent escompter une hausse plus rapide de leur productivité. Nombreuses sont les études empiriques qui ont confirmé ces conclusions ; on en trouve une synthèse dans (OCDE, 2014[4]). La concurrence peut stimuler la productivité de différentes manières. Elle peut être source d’incitations à investir dans la recherche et le développement et offrir la possibilité aux entreprises les plus efficaces d’entrer sur un marché et de gagner des parts de marché aux dépens d’entreprises moins efficaces. Une concurrence accrue dans un secteur particulier peut également avoir des retombées positives sur la productivité dans d’autres secteurs. Les paragraphes suivants contiennent une description succincte de travaux menés sur ces trois aspects.

Nickell (1996[1]) part du principe que la concurrence influe sur la croissance de la productivité en vertu de deux mécanismes : les capacités en matière de gestion et l’innovation. En ce qui concerne le premier, la concurrence renforce la réponse des bénéfices à l’effort de gestion, ce qui encourage les actionnaires à exiger un effort soutenu sur le plan de la gestion au détriment des gains d’efficience. En ce qui concerne le second, dans un environnement plus concurrentiel, les gains de productivité se traduisant par des réductions de coûts génèrent des augmentations plus fortes des bénéfices, renforçant par là même les incitations à investir. Nickell établit qu’un fort pouvoir de marché réduit le niveau de productivité sur le long terme et que l’intensité de la concurrence (mesurée par la diminution des rentes) va de pair avec une croissance plus forte de la productivité. Disney, et al. (2003[5]) ont utilisé des données relatives à quelque 140 000 établissements au Royaume-Uni sur une période allant de 1980 à 1992. Ils ont appliqué une méthodologie similaire à celle de Nickell (1996[1]) et ont constaté que la concurrence a un effet positif sur la productivité des entreprises.

Des effets positifs similaires de la concurrence sur la croissance de la productivité ont également été constatés dans d’autres pays. Les études attestant ces effets sont notamment : (Januszewski et al., 2002[6]) pour l’Allemagne ; (Koke et al., 2005[7]) pour le Royaume-Uni et l’Allemagne ; (Okada, 2005[8]) et (Funakoshi et al., 2009[9]) pour le Japon ; (Aghion, Braun and Fedderke, 2008[10]) pour l’Afrique du Sud ; (Ospina and Schiffbauer, 2010[11]) (2010) pour 27 pays d’Europe de l’Est et d’Asie centrale ; et (Tang and Wang, 2005[12]) pour le Canada.

Un autre ensemble d’études a porté sur la relation entre concurrence et hausse de la productivité au niveau de secteurs économiques. Les travaux ont porté sur les effets nets de la concurrence sur la croissance de la productivité de plusieurs entreprises et les recherches axées sur l’efficience de marché, à savoir sur la question de savoir si des entreprises plus productives peuvent attirer davantage de ressources, au point d’induire une hausse de la productivité au niveau des secteurs économiques.

Arnold et al. (2011[13]) ont étudié les effets des réglementations anticoncurrentielles, mesurés en fonction des indicateurs RMP (réglementation des marchés de produits) de l’OCDE. Ils ont constaté que dans les pays et secteurs où la réglementation est moins pesante, la croissance de la productivité est généralement plus rapide et la réaffectation de ressources vers les entreprises affichant la productivité la plus élevée est plus intense.

D’autres études ont été consacrées aux retombées de la concurrence sur des marchés connexes. L’absence de concurrence sur des marchés en amont peut par exemple créer des barrières à l’entrée sur des marchés en aval (Bourlès et al., 2013[14]). Selon Barone et Cingano (2008[15])(2008), la croissance de la productivité dans le secteur manufacturier pâtit des réglementations ayant pour effet d’émousser la concurrence dans le secteur des services, notamment des services financiers, et de l’approvisionnement en énergie.

En dehors des données attestant que la concurrence stimule la productivité et la croissance économique, de nombreuses études ont démontré qu’une réglementation des marchés de produits (RMP) plus souple peut avoir des effets positifs1. Les auteurs de ces études ont analysé les incidences de la réglementation sur différents paramètres tels que la productivité, l’emploi, la recherche et le développement et les investissements. Les différences entre les réglementations nationales ont également leur importance et peuvent restreindre notablement tant les échanges commerciaux que les investissements directs étrangers (IDE) (Fournier, 2015[16])2. Parce qu’elle favorise la croissance, une réglementation des marchés de produits (RMP) plus souple peut contribuer à la viabilité de la dette publique, qui est un facteur particulièrement important dans des pays comme la Tunisie (OCDE, 2018[17]). On dispose d’innombrables données étayant l’idée qu’une RMP plus souple assure des gains de productivité. Au niveau des entreprises et des secteurs, une RMP restrictive est associée à des niveaux de productivité multifactorielle (PMF) plus faibles (Nicoletti, Scarpetta and Lane, 2003[18]) and (Arnold, Nicoletti and Scarpetta, 2011[13])3. Ce résultat est également confirmé à un niveau agrégé (Égert, 2017[19])4. Les réglementations anticoncurrentielles en vigueur dans un secteur ont des effets sur la productivité bien au-delà de ce secteur et ces effets sont d’autant plus importants dans les secteurs situés à la frontière de la productivité (Bourlès et al., 2013[14])5. Leur impact se concrétise en grande partie par le canal de la recherche-développement (Cette et al., 2013). En outre, l’abaissement des obstacles réglementaires dans les industries de réseau peut avoir une incidence non négligeable sur les exportations (Daude and de la Maisonneuve, 2018[20]).

L’exercice de quantification repose sur un cadre analytique standard déjà utilisé dans de précédents rapports d’évaluation de la concurrence de l’OCDE. Ce cadre repose base sur le diagramme classique du surplus des consommateurs, à savoir la différence entre le prix que les consommateurs sont disposés à payer et le prix qu’ils paient. Les économies réalisées sur le prix payé par les consommateurs peuvent être considérées comme une augmentation de leur surplus. Ce cadre permet de tenir compte de la demande des consommateurs dans le secteur de la banque de détail en Tunisie et d’estimer les avantages (en termes de réductions de prix) escomptés d’une mise en œuvre des recommandations formulées par l’OCDE. Les avantages estimés grâce à ce cadre donnent néanmoins une vision partielle (ils ne tiennent en effet compte que d’un seul produit à la fois) et statique (ils ne tiennent pas compte des variations de la productivité et des revenus). L’encadré 10.1 contient une représentation du cadre théorique du calcul du surplus des consommateurs.

La présente section a pour objet de chiffrer les avantages annuels an que procurent les recommandations de l'OCDE dans les secteurs des comptes courants et des prêts bancaires. Cette section ne quantifie pas l'impact des recommandations dans le secteur des paiements mobiles en raison d'un manque de données sur les revenus. Pour quantifier les avantages dans les secteurs des comptes courants et des prêts bancaires, la section se concentre sur les propositions de création d’un bureau d’information sur le crédit, d’un registre des actifs mobiliers, d’un site Internet de comparaison des prix dédiés aux comptes courants ainsi que l'octroi d'une licence bancaire à La Poste. Le choix des recommandations a été guidé par l’existence d’études illustrant l’impact de la recommandation sur les prix et par l’existence de données sur les chiffres d’affaires dans les secteurs concernés.

Les recommandations de l'OCDE devraient accroître la concurrence dans le secteur de la banque de détail en Tunisie et générer des avantages pour les consommateurs et les petites entreprises :

  • Secteur des comptes courants. Les sites web de comparaison des prix des comptes courants augmentent la capacité des consommateurs à accéder à des informations sur ces produits et à les comparer. Les banques sont ainsi davantage incitées à se faire concurrence

  • Secteur des prêts bancaires : Les bureaux d'information sur le crédit réduisent le risque de crédit en réduisant la sélection adverse et l'aléa moral sur les marchés du crédit. Les bureaux d'information sur le crédit ont également un impact positif sur la concurrence, car ils réduisent les avantages en matière d'information des grandes banques, qui recueillent des données auprès de leurs clients les plus importants. En outre, un registre des biens meubles réduit le risque de crédit et facilite l'accès au financement en notifiant aux parties l'existence d'une garantie sur les biens meubles et en établissant la priorité des créanciers. Cela peut réduire la durée des procédures judiciaires.

  • À travers le secteur de la banque de détail. L'octroi d'une licence bancaire à La Poste devrait accroître la concurrence dans le secteur de la banque de détail, y compris sur les marchés des comptes courants et des prêts. La Poste est déjà un acteur important sur le marché des comptes courants. Toutefois, l'absence de licence bancaire empêche La Poste d'offrir une alternative réaliste aux banques du pays, car les consommateurs et les petites entreprises peuvent utiliser leur compte courant pour établir une relation bancaire et obtenir un crédit.

Comme indiqué dans l’encadré 10.1, le calcul des avantages sur un an pour les consommateurs générés par les recommandations repose sur trois paramètres essentiels : i) une estimation du chiffre d’affaires généré par le produitR, ii) une estimation de l’élasticité de la demande du produitϵ, et iii) une estimation du pourcentage de variation du prixρ. En supposant que les estimations de ces paramètres ne varient pas notablement au fil du temps, ces avantages devraient se concrétiser chaque année suivant la mise en œuvre des recommandations. Les sections suivantes décrivent les sources utilisées dans le cadre de l’estimation de chaque paramètre et contiennent une estimation des avantages pour le consommateur obtenus grâce aux recommandations retenues.

La quantification des avantages est axée sur les réductions de prix alors même que de nombreux autres avantages n’ont pas donné lieu à des estimations chiffrées. Un accès plus abordable aux financements permet par exemple de réduire les coûts et d’accroître l’efficacité dans d’autres secteurs de l’économie. Il peut également avoir pour effet d’ouvrir la porte à de nouvelles entreprises, d’intensifier l’innovation et d’élargir le choix offert aux consommateurs.

Cette section décrit les hypothèses utilisées pour estimer les chiffres d’affaires annuels (R) des secteurs des comptes courants et des prêts bancaires ayant tiré avantage d’une amélioration de la concurrence.

Étant donné que les données sur les revenus des prêts bancaires n'étaient pas disponibles, cette section décrit les hypothèses utilisées pour obtenir une estimation raisonnable des revenus des prêts bancaires. La BCT a fourni des données sur les portefeuilles de prêts des banques, ventilées par catégorie de prêts. Pour chaque catégorie de prêts, la BCT publie le taux d'intérêt moyen du marché, qui est ensuite utilisé pour calculer le plafond des taux d'intérêt débiteurs (voir section 5.2.1). Les revenus des prêts bancaires sont estimés en multipliant l'encours total des prêts par les taux d'intérêt moyens du marché en vigueur. Le tableau 10.1 montre les estimations des revenus pour quatre catégories de prêts aux entreprises des 10 plus grandes banques tunisiennes.

Ces estimations reposent sur plusieurs hypothèses simplificatrices dues à des contraintes de données. On suppose que le taux d'intérêt moyen du marché en vigueur s'applique à tous les prêts en cours, alors qu'il ne s'applique qu'aux prêts accordés au cours du semestre considéré. Cette hypothèse est raisonnable car la figure 5.6 montre que le plafond des taux d'intérêt débiteurs (et donc la moyenne du marché) n'a pas changé de manière substantielle entre 2015 et 2020. On suppose également que le taux d'intérêt n'est pas composé. Enfin, l'estimation des revenus est basée sur les données disponibles, qui ne couvrent que les 10 plus grandes banques en Tunisie (la figure 2.3 montre que les 10 plus grandes banques représentaient un peu moins de 80 % des actifs bancaires).

La Banque centrale de Tunisie (BCT) a fourni à l’OCDE des données annuelles sur le nombre de comptes courants et les chiffres d’affaires hors intérêts générés par les comptes courants sur une période de six ans (entre 2015 et 2020) pour 23 banques. Ces données n’incluent pas les comptes courants détenus par La Poste, qui représentent pourtant une part significative du total (voir le chapitre 4). Le Tableau 10.2 fait état des chiffres d’affaires annuels agrégés hors intérêts des banques générés par les comptes courants, sur la période allant de 2015 à 2020, exprimés en TND et convertis en EUR.

Le Graphique 10.2 fait apparaître que le montant total du chiffre d’affaires hors intérêts généré par les comptes courants a augmenté de manière significative entre 2015 et 2019, puis chuté en 2020, au tout début de la pandémie de Covid-19 (voir également le chapitre 4). Le calcul des avantages sur un an reposait sur le chiffre d’affaires de 2020, à savoir sur les derniers chiffres disponibles. Il s’agit d’un scénario prudent car l’utilisation des données de 2020 relatives au chiffre d’affaires généré par les comptes courants peut conduire à une sous-estimation des avantages procurés par la mise en œuvre des recommandations de l’OCDE dans l’hypothèse où le chiffre d’affaires de ce secteur se redresserait et renouerait avec la tendance d’avant la pandémie.

Cette section décrit les hypothèses utilisées pour sélectionner l'estimation de l'élasticité de la demande (ϵ) de crédits bancaires et de comptes courants. Comme décrit dans l'encadré 10.1, l'élasticité de la demande représente la sensibilité des consommateurs au prix, en d'autres termes, la variation du pourcentage de la quantité demandée à la suite d'une hausse de prix de 1 %. L'élasticité est négative pour refléter la pente descendante de la courbe de demande. Une valeur d'élasticité élevée signifie que les consommateurs sont très sensibles au prix et que la quantité demandée diminuera de manière significative si le prix augmente. Une valeur d'élasticité proche de zéro signifie que les consommateurs ne sont pas très sensibles au prix et qu'un changement de prix a peu d'effet sur la quantité demandée.

Plusieurs documents ont estimé l'élasticité de la demande pour différents types de crédit. Karlan et Zinman (2019[22]) ont estimé que l'élasticité de la demande de microcrédits au Mexique se situait entre -1,1 et -2,9. Cette élasticité est légèrement supérieure à d'autres estimations. Par exemple, l'estimation de l'élasticité de la demande de cartes de crédit aux États-Unis par (Gross and Souleles, 2002[23]) se situait entre -0,8 et -1,3, et l'estimation de l'élasticité de la demande de microcrédits au Bangladesh par (Dehejia, Montgomery and Morduch, 2012[24]) se situait entre -0,39 et -1,04. Pour estimer les avantages découlant des recommandations de l'OCDE sur les marchés du crédit, la section 10.2.4 utilise des valeurs égales à -1 comme estimation intermédiaire raisonnable

Aucune estimation de l’élasticité de la demande pour les comptes courants n’ayant été trouvée, une valeur de l’élasticité égale à -2, conformément aux évaluations de la concurrence conduites par l’OCDE, est prise comme référence dans la section 10.2.4 pour évaluer la sensibilité à l’élasticité de l’évaluation des avantages pour les consommateurs. Une élasticité égale à -2 signifie qu’une hausse des prix de 1 % entraîne une baisse de la demande de 2 %.

La présente section décrit les éléments probants disponibles relatifs à l’effet escompté sur le prix ρ des recommandations dans les segments des comptes courants et des prêts bancaires, sélectionnés à partir d’informations disponibles dans d’autres pays sur les effets de recommandations similaires.

Love et al. (2016[25])ont estimé l’impact de la création d’un registre des actifs mobiliers sur l’accès au financement et le coût des financements ainsi que sur la durée des prêts (voir l’encadré 10.6). À l’aide de la méthode des doubles différences et en tenant compte des caractéristiques des entreprises et d’effets pays et temps déterminés, l’estimation de référence établie donne à penser que les taux d’intérêt dans les pays disposant de ce type de registres sont inférieurs de 2.9 points de pourcentage à ceux des pays n’en disposant pas, ce qui correspond à une réduction de 22.3 % du prix moyen6. La réduction est plus nette pour les petites entreprises.

Martínez Peria et Singh (2014[26])ont estimé l’effet de la mise en place d’un bureau d’information sur le crédit sur l’accès aux financements et sur le coût des financements ainsi que sur la durée des prêts et d’autres résultats. Ils estiment que dans les pays disposant d’un bureau d’information sur le crédit, les taux d’intérêt sont inférieurs de 1.3 point de pourcentage, soit 9.3 % du prix moyen7. D’autres études ont démontré que la création d’un bureau d’information sur le crédit a d’autres retombées que la réduction des prix. (Sutherland, 2018) par exemple a démontré que l’existence d’un bureau d’information sur les crédits est synonyme d’une réduction des coûts de transfert pour les emprunteurs, notamment pour les petites entreprises et les jeunes entreprises.

Les mesures correctives prises pour accroître la capacité des consommateurs à prendre des décisions éclairées au moment où ils choisissent des produits bancaires sont courantes dans les différents pays. Elles peuvent revêtir différentes formes, allant de l’obligation faite aux établissements financiers de communiquer des informations utiles aux consommateurs à la fourniture de services destinés à faciliter les transferts de comptes d’une banque à une autre. Les sites de comparaison de prix accessibles sur Internet sont un instrument couramment utilisé pour effectuer des comparaisons de prix simples et aider ainsi les consommateurs à repérer facilement les prix les plus bas, même si le produit ne présente pas toujours les mêmes caractéristiques. Plusieurs études proposent une estimation de l’incidence de ces mesures correctives. Civic Consulting (2011[27])ont évalué l’effet des sites Internet de comparaison des prix sur le prix payé par les consommateurs. Des travaux portant sur différents produits et réalisés dans différents pays par Civic Consulting (2011[27]) ont révélé que ces sites permettent de réaliser des économies estimées à environ 7.8 %. Dans la section suivante, on part de l’hypothèse que la création d’un site Internet de comparaison des prix sur le segment des comptes courants laisse espérer une réduction de 7.8 % des coûts totaux supportés sur un compte courant.

Enfin, l'octroi d'une licence bancaire à La Poste devrait avoir un impact sur l'ensemble du secteur de la banque de détail, y compris les comptes courants et les prêts bancaires. L'effet sur les prix de l'octroi d'une licence bancaire à La Poste est basé sur les méta-études contenues dans la boîte à outils de l'OCDE pour l'évaluation de la concurrence, qui estiment que le changement de prix de référence lorsque la réglementation limite la capacité de certains types de fournisseurs à fournir un bien ou un service est d'environ 15 % (OCDE, 2019[21]).

Le Tableau 10.3 présente une vision synthétique de la réduction de prix estimée utilisée pour le calcul des avantages procurés par la mise en œuvre des recommandations de l’OCDE. Comme décrit ci-dessus, chaque secteur est affecté par plusieurs recommandations. Pour adopter une approche prudente, lorsque plusieurs recommandations affectent le même secteur, les effets sur les prix ne sont pas additionnés. Au lieu de cela, seul l'effet de prix le plus important est pris en compte.

Après application de la formule énoncée dans l’encadré 10.1, le Tableau 10.4 fait ressortir que les avantages procurés par la mise en œuvre des recommandations de l’OCDE se traduisent chaque année par une baisse des prix et des taux d’intérêt au profit des consommateurs et des entreprises se chiffrant à 325 millions EUR.

Comme il en a été question dans le chapitre 9, les recommandations de l’OCDE se renforcent mutuellement et de ce fait, de nombreux avantages se concrétiseront uniquement si ces recommandations sont mises en œuvre de conserve. Il est donc fortement recommandé d’envisager, autant que faire se peut, les séries de recommandations dans leur globalité. Étant donné la disponibilité limitée des données, ce chapitre a uniquement porté sur le chiffrage des avantages procurés par la mise en œuvre des recommandations en lien avec prêts bancaires et les comptes courants et elle ne quantifie pas l'impact des recommandations dans le secteur des paiements mobiles en raison d'un manque de données sur les chiffres d'affaires.

Les recommandations de l’OCDE considérées globalement devraient engendrer une baisse des prix et des taux d’intérêt d’un montant de près de 325 millions EUR par an pour les consommateurs et les entreprises. En supposant que les estimations des paramètres utilisés ne varient pas notablement au fil du temps, ces avantages devraient se concrétiser année après année une fois que les recommandations auront été mises en œuvre. Ils sont cependant largement sous-estimés du fait que de nombreuses recommandations n’ont pas donné lieu à un chiffrage et du fait que l’estimation exclut les avantages dynamiques de la concurrence, qui peuvent être considérables, mais sont difficiles à appréhender.

Par exemple, Love et al. (2016[25]) ont constaté que les entreprises des pays qui avaient mis en place des registres des biens meubles étaient 8 % plus susceptibles d'accéder à un financement bancaire et 7 % plus susceptibles d'avoir accès à des prêts bancaires. Cela suggère que de telles réformes ont des effets qui vont au-delà des réductions de prix. En outre, les bureaux d'information sur le crédit ont des effets qui vont également au-delà de la réduction des prix. Par exemple, Sutherland (2018[28]) a constaté que les bureaux d'information sur le crédit réduisent les coûts de changement des emprunteurs, en particulier ceux des entreprises plus petites et plus récentes.

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[12] Tang, J. and W. Wang (2005), “Product Market Competition, Skill Shortages and Productivity: Evidence from Canadian Manufacturing Firms”, Journal of Productivity Analysis, Vol. 23/3, pp. 317-339, https://doi.org/10.1007/S11123-005-2213-Y.

Notes

← 1.  La méthodologie suivie pour ce projet cadre avec celle élaborée par l’OCDE pour la réglementation des marchés de produits (RMP). Afin d’apprécier la position d’un pays en matière de réglementation et d’assurer un suivi de l’avancée des réformes au fil du temps, l’OCDE a, en 1998, mis au point une série d’indicateurs de la RMP applicables à l’échelle de l’ensemble de l’économie (Nicoletti, Scarpetta and Boylaud, 2000[29]) ; ces indicateurs ont fait l’objet d’une mise à jour en 2003, 2008 et 2013.

← 2.  Fournier (2015[16]) ont révélé que les réglementations nationales, évaluées selon les indicateurs RMP applicables à l’ensemble de l’économie, sont préjudiciables aux exportations et réduisent l’intensité des échanges commerciaux (définie comme la part des échanges dans le PIB). Les différences entre les réglementations nationales pèsent aussi sur l’intensité des échanges commerciaux. Une convergence entre les RMP des États membres de l’Union européenne pourrait par exemple accroître l’intensité des échanges commerciaux en son sein de plus de 10 %. Fournier (2015[16]) a étudié les effets de l’hétérogénéité des RMP dans les pays de la zone OCDE et en a conclu qu’une réduction de 20 % de la divergence entre les réglementations permettrait d’accroître l’IDE de 15 % en moyenne dans les pays de l’OCDE. Il a mené des recherches sur les composantes spécifiques des indicateurs RMP et découvert que les réglementations imposées par les autorités et les mesures de protection des entreprises en place (comme les exemptions aux règles réprimant les ententes et les barrières à l’entrée pour les industries de réseau et les services) sont particulièrement préjudiciables au sens où elles freinent les investissements transfrontaliers.

← 3.  Arnold Nicoletti and Scarpetta (2011[13]) ont analysé des données au niveau des entreprises recueillies dans dix pays entre 1998 et 2004 en se servant des indicateurs RMP de l’OCDE au niveau des secteurs et en ont conclu qu’une RMP plus restrictive réduit la PMF des entreprises.

← 4.  Égert (2017[19])a étudié les moteurs de PMF agrégée à partir d’un échantillon de 30 pays de l’OCDE et sur une période de 30 ans.

← 5.  L’étude de 15 pays et de 20 secteurs d’activité de 1985 à 2007 a permis d’estimer les effets d’une réglementation applicable à des secteurs de services en amont sur la croissance de la productivité en aval.

← 6.  Étant donné que le taux d’intérêt moyen versé est de 13 % pour l’échantillon considéré, le pourcentage de réduction du prix moyen est de 2.9 % / 13 % = 22.3 %.

← 7.  Étant donné que le taux d’intérêt moyen versé est de 14 % pour l’échantillon considéré, le pourcentage de réduction du prix moyen est de 1.3 % / 14 % = 9.3 %.

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