Résumé
L’azote est souvent l’élément nutritif qui détermine la croissance des végétaux dont se nourrissent les humains et les animaux. L’augmentation rapide de la consommation d’engrais fait partie des facteurs qui ont contribué à la hausse du rendement des cultures. Les aliments nécessaires à environ la moitié de la population mondiale sont produits avec des engrais azotés. À ce titre, l’azote est essentiel à la sécurité alimentaire mondiale et ce sera d’autant plus le cas à l’avenir que la population devrait se hisser à 9.7 milliards de personnes d’ici à 2050.
Les humains ont multiplié par deux le flux annuel d’azote depuis l’invention, il y a un siècle, du procédé Haber-Bosch, lequel permet de convertir l’azote moléculaire de l’air en azote utilisable dans l’agriculture sous forme d’engrais (80 %) et dans l’industrie (20 %). L’agrandissement des surfaces consacrées aux légumineuses qui fixent l’azote et la combustion à grande échelle d’énergies fossiles accroissent également les quantités d’azote fixé. La modification du cycle de l’azote imputable à l’activité humaine est, comparativement, d’une ampleur nettement plus grande que celle du cycle du carbone.
L’azote se déplace de milieu en milieu et prend de multiples formes, ce qui fait peser sur l’environnement de nombreux risques. Les émissions d’oxydes d’azote détériorent la qualité de l’air en créant de l’ozone troposphérique et, conjuguées à l’ammoniac, en engendrant des particules, ce qui accroît les risques de maladies respiratoires et de cancer chez les humains. Les nitrates contribuent à l’eutrophisation des lacs et des eaux côtières, ce qui nuit à la pêche et dégrade la qualité de l’eau destinée à la consommation. De même, l’azote peut porter atteinte aux écosystèmes sous l’effet de l’acidification des sols et des mers.
Il est par ailleurs intimement lié au changement climatique du fait de son influence sur le niveau de l’activité biologique et sur l’absorption de dioxyde de carbone par les écosystèmes, ce qui se répercute sur l’« effet fertilisant du CO2 ». En outre, l’hémioxyde d'azote est en soi un gaz à effet de serre important et, dans la stratosphère, il est très néfaste à la couche d’ozone.
Chacune de ces formes d’azote concourt à des répercussions en série sur la santé humaine et l’environnement. Ce phénomène est appelé la « cascade de l’azote ». Les incertitudes abondent à ce sujet. Nous n’avons qu’une connaissance partielle de la résilience des écosystèmes face à l’accroissement de la charge azotée. À bien des égards, nous ignorons de quels services écosystémiques nous risquons d’être privés si nous ne prêtons pas suffisamment attention à toutes les conséquences de l’accélération du cycle de l’azote due à l’homme.
Conjuguées à la nécessité de gérer les risques de pollution par l’azote et de suivre et maîtriser la hausse régulière de la concentration d’hémioxyde d’azote dans l’atmosphère, ces incertitudes appellent une démarche en trois volets.
-
Premièrement, il faut gérer les risques de pollution à l’échelle locale, en approfondissant l’étude des chemins que suit l’azote entre ses sources et ses impacts (« démarche visant les risques ciblée géographiquement »).
-
Deuxièmement, il faut prendre en compte la hausse observée de la concentration d’hémioxyde d’azote dans l’atmosphère à l’échelle mondiale, laquelle a des incidences sur le changement climatique et sur la formation d’ozone stratosphérique (« démarche visant les risques à l’échelle mondiale »).
-
Troisièmement, il faut éviter que des quantités « excessives » d’azote ne pénètrent dans l’environnement en élaborant des stratégies qui visent les différentes sources (en s’appuyant sur les moyens les plus efficaces eu égard à leur coût), de manière à les réduire (« démarche de précaution »).
Quelle que soit l’approche (fondée sur le risque ou de précaution), des critères d’évaluation sont nécessaires afin de sélectionner le bon instrument d’action concernant l’azote. Pour commencer, il faut évaluer et gérer les effets non désirés sur les émissions d’azote des mesures qui visent au premier chef des objectifs économiques (production agricole, approvisionnement en énergie) ou bien des objectifs environnementaux autres que la pollution par l’azote (comme le changement climatique). Les instruments d’action concernant l’azote peuvent ensuite être sélectionnés en fonction de leur rapport coût-efficacité et à condition que la « faisabilité » de leur mise en œuvre ne soit pas problématique.
Pour être efficaces, les mesures relatives à l’azote doivent par ailleurs prendre en compte les effets indésirables éventuels de la cascade de l’azote. Il faut notamment veiller à ce que les efforts déployés pour réduire les impacts de l’azote dans un domaine n’aient pas de répercussions non souhaitées dans d’autres (remplacement d’une pollution par une autre) et exploitent autant que faire se peut les occasions de réduire d’autres impacts dus à l’azote (effets de « synergie »).