34. Étude de cas : USAID promeut les investissements coordonnés dans les systèmes numériques pour améliorer les résultats sanitaires

Adele Waugaman
Agence des États-Unis pour le développement international (USAID)

L’auteur remercie les collègues qui lui ont fait part de leurs commentaires sur cet article, notamment Sherri Haas, Folake Olayinka, Irena Sargasyan et Rebecca Saxton-Fox (USAID) et Karin Kallendar (UNICEF).

  • La pandémie de COVID-19 a montré que l’un des plus grands obstacles à la transformation numérique des systèmes de santé était le manque de coordination (plus que l’absence de technologies et systèmes numériques).

  • La transformation numérique des systèmes de santé offre aux pays une chance inestimable de gagner en habileté et en agilité pour détecter les menaces sanitaires, y réagir, les gérer et s’en relever.

  • Pour faciliter la transition vers des systèmes de santé interopérables, les pays doivent cesser d’investir dans des systèmes cloisonnés et s’efforcer de surmonter les obstacles en veillant à la cohérence entre les priorités des pays partenaires et le financement international du développement.

Parce qu’elle est un moyen de transmettre données et informations et de fournir des services, la connectivité numérique est un bien de santé essentiel. De fait, un récent rapport de la commission d’experts du Lancet et du Financial Times avance que la transformation numérique constitue un nouveau déterminant de la santé (Kickbusch et al., 2021[1]).

Comme lors de l’épidémie d’Ébola de 2013-16 (USAID, 2016[2]), durant la pandémie de COVID-19, les efforts déployés pour fournir rapidement les informations précises nécessaires dans un environnement qui évolue rapidement sont freinés par la fragmentation des systèmes numériques (autrement dit par le manque d’interopérabilité). Il est fréquent que les systèmes numériques soient cloisonnés par maladie ou par domaine de la promotion de la santé, ce qui empêche l’échange et l’utilisation des données. Ce cloisonnement complique l’accès aux données, leur analyse et leur triangulation, et empêche ainsi d’avoir une vision claire des évolutions sanitaires et du détail de ces évolutions, si bien qu’il est plus difficile de parvenir à mieux cibler le partage d’informations sanitaires et la fourniture de services.

Le problème se pose avec une acuité particulière dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire, où la transformation numérique des systèmes de santé est souvent tributaire de l’aide de partenaires internationaux qui ont eu l’habitude d’investir dans des systèmes numériques fragmentés, reflétant leurs propres structures institutionnelles, compétences et capacités technologiques. Le COVID-19 (et avant lui, Ebola (USAID, 2016[2])) a montré que l’un des plus grands obstacles à la transformation numérique des systèmes de santé était le manque de coordination (plus que l’absence de technologies et systèmes numériques). Les organismes et organisations qui œuvrent pour le développement au niveau international ont impérativement besoin d’une nouvelle approche stratégique, visant à renforcer la transformation numérique des systèmes de santé des pays partenaires et à promouvoir une plus grande interopérabilité et coordination des systèmes numériques.

L’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) a récemment publié une stratégie numérique (2021[3]) et une stratégie numérique pour le secteur de la santé (Digital Health Vision) (2021[3]) dans lesquelles elle insiste sur l’importance d’évaluer et de renforcer les écosystèmes nationaux dans lesquels les systèmes numériques sont utilisés. De surcroît, d’autres pays, dont l’Inde et la République-Unie de Tanzanie sont des exemples intéressants (Gouvernement de l’Inde, 2020[4]) et (The United Republic of Tanzania, Ministry of Health, Community Development, Gender, Elderly and Children, 2019[5]), commencent à publier des stratégies nationales pour la transformation numérique de leur secteur de la santé, ce qui offre une formidable occasion d’instaurer une coordination entre bailleurs de fonds. Plusieurs organisations multilatérales et partenaires de la coopération pour le développement recommandent l’adoption d’une approche similaire, systémique, pour la planification de la numérisation et l’investissement dans la numérisation. Dans le secteur de la santé, des organisations plaident en faveur d’un renforcement de la gouvernance, de la stratégie, des politiques et de l’architecture de la santé numérique au niveau national, par exemple à travers la résolution adoptée en 2018 par l’Assemblée mondiale de la Santé (Organisation mondiale de la Santé, 2018[6]), la Stratégie mondiale sur la santé numérique de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (2021[7]) et d’autres textes publiés par l’UNICEF ([8]), l’Organisation panaméricaine de la santé ([9]) et la Banque asiatique de développement (2018[10]).

Pour renforcer la coordination, USAID mène actuellement diverses activités de co-investissement et de coordination, décrites ci-après. Par ailleurs, USAID soutient l’évaluation périodique de la transformation numérique des systèmes de santé nationaux, qui permet aux bailleurs de fonds de s’aligner sur les outils existants et de rechercher des solutions pour combler les lacunes identifiées. Dans un contexte caractérisé par l’apparition d’épidémies qui évoluent rapidement, comme la pandémie de COVID-19, investir dans la réutilisation (Principes pour le développement numérique[11]) et le renforcement de systèmes numériques existants (Digital Square[12]) – qui constituent déjà un élément central du système de santé d’un pays – permet de répondre aux besoins urgents de manière rentable avant d’investir dans un système parallèle ou entièrement nouveau.

Conformément à sa Stratégie numérique et en coopération avec d’autres organismes bilatéraux et multilatéraux d’aide au développement, USAID soutient des initiatives qui facilitent la réalisation d’investissements coordonnés dans des systèmes de santé numérique à la fois interopérables et évolutifs. Parmi ces initiatives figurent :

  • Une communauté de pratique formée d’acteurs qui ont souscrit aux Principes pour l’investissement dans le numérique (Digital Investment Principles) ([13]). Les membres de cette communauté se réunissent régulièrement afin d’identifier et exploiter les possibilités qui s’offrent à eux pour réaliser davantage d’investissements coordonnés.

  • Le Centre d’excellence pour la santé numérique de l’UNICEF et de l’OMS (UNICEF-WHO Digital Health Center of Excellence), un nouveau mécanisme multilatéral d’assistance technique dans le domaine de la santé numérique ([14]). Il est conçu pour répondre aux besoins engendrés par le COVID-19 au moyen d’une approche coordonnée, conçue pour renforcer les systèmes.

  • De nouvelles plateformes centralisées administrées par l’OMS pour éliminer les obstacles à l’information. En font partie le Digital Health Atlas (Organisation mondiale de la Santé[15]), qui fournit des informations sur le déploiement des systèmes numériques nationaux, et le Digital Clearinghouse, qui met les ministères de la santé et leurs partenaires en relation avec des solutions numériques éprouvées.

  • L’extension de Digital Square ([16]) ([17]), un mécanisme de financement mis au point par USAID pour mutualiser les investissements des bailleurs de fonds et garantir leur cohérence par rapport aux priorités en matière de systèmes logiciels et aux demandes d’assistance technique des pays.

  • La transformation numérique des systèmes de santé offre aux pays une chance inestimable de gagner en habileté et en agilité pour détecter les menaces sanitaires, y réagir, les gérer et s’en relever. Ils ne pourront néanmoins en récolter les fruits que si la communauté internationale met pleinement en œuvre les enseignements déjà bien documentés et en tire des leçons.

  • Malgré les avantages évidents qu’il y aurait à évoluer vers des systèmes de santé interopérables, de nombreux facteurs empêchent que les priorités des pays coïncident avec les fonds alloués au développement international. Au nombre de ces facteurs figurent l’absence d’informations de base communément accessibles sur les systèmes et capacités numériques existant au niveau national, la complexité de l’architecture sur laquelle repose le fonctionnement des bailleurs de fonds, le niveau élevé des coûts de transaction inhérents à la coordination et à l’harmonisation de projets entre de multiples bailleurs de fonds et l’absence actuelle de visibilité au sujet des investissements passés, présents et futurs des bailleurs de fonds dans la santé numérique.

  • L’existence de systèmes de santé numérique ouverts, sécurisés, inclusifs, respectueux des droits et fondés sur des normes est indispensable à la fourniture de services publics. Beaucoup de partenaires de la coopération pour le développement militent pour qu’une importance plus grande soit accordée à des biens publics numériques (Digital Public Goods Alliance, 2021[18]) pouvant fonctionner, à partir d’actifs nationaux, dans plusieurs régions et secteurs de la santé.

  • Investir dans les systèmes de santé numérique suppose d’investir en parallèle dans des composantes traditionnelles, par exemple dans le renforcement des environnements humains et institutionnels dans lesquels les systèmes et données numériques sont utilisés, pour obtenir de meilleurs résultats sur le plan de l’équité, de la qualité et de l’optimisation des ressources (voir (USAID[19]), p. 38).

  • Pour choisir la meilleure affectation des fonds possible, il est indispensable de conduire régulièrement des évaluations des systèmes numériques des pays et de leur situation en matière de capacités numériques. Grâce à la création du Digital Health Atlas, il existe désormais un lieu où se trouvent des informations sur ces systèmes numériques. Il faudrait disposer d’une plateforme similaire pour les informations sur la situation des pays en matière de capacités numériques, notamment pour les séries de données comme celles publiées par la plateforme Global Digital Health Index.

Cette étude de cas est également publiée sur la plateforme numérique d’apprentissage mutuel de l’OCDE consacrée aux Outils, enseignements et pratiques de la coopération pour le développement dans les pages En pratique. Celles-ci décrivent des exemples de réponses concrètes à divers défis auxquels fait face la coopération et mettent l’accent sur les résultats obtenus et les enseignements tirés.

Références

[10] Banque asiatique de développement (2018), Guidance for Investing in Digital Health, https://dx.doi.org/10.22617/WPS179150-2 (consulté le 24 November 2021).

[14] Digital Health Center of Excellence (s.d.), Digital Health Center of Excellence, https://www.digitalhealthcoe.org/ (consulté le 24 November 2021).

[13] Digital Investment Principles (s.d.), The Principles of Donor Alignment for Digital Health, https://digitalinvestmentprinciples.org/ (consulté le 24 November 2021).

[18] Digital Public Goods Alliance (2021), Understanding the Relationship between Digital Public Goods and Global Goods in the Context of Digital Health, https://digitalpublicgoods.net/blog/understanding-the-relationship-between-digital-public-goods-and-global-goods-in-the-context-of-digital-health/ (consulté le 24 November 2021).

[17] Digital Square (2021), Digital Square recommits to advancing health equity through digital transformation, https://digitalsquare.org/blog/2021/8/27/digital-square-recommits-to-advancing-health-equity-through-digital-transformation (consulté le 24 November 2021).

[12] Digital Square (s.d.), COVID-19 Map & Match, https://digitalsquare.org/covid19-map-match (consulté le 24 November 2021).

[16] Digital Square (s.d.), Digital Square, https://digitalsquare.org/ (consulté le 24 November 2021).

[4] Gouvernement de l’Inde (2020), « National Digital Health Mission », Strategy Overview, https://abdm.gov.in/documents/ndhm_strategy_overview (consulté le 2 December 2021).

[1] Kickbusch, I. et al. (2021), « The Lancet and Financial Times Commission on governing health futures 2030: growing up in a digital world », The Lancet, https://doi.org/10.1016/S0140-6736(21)01824-9.

[9] OPS (s.d.), 8 Principles for Digital Transformation of Public Health, https://www.paho.org/en/ish/8-principles (consulté le 24 November 2021).

[6] Organisation mondiale de la Santé (2018), Santé numérique Projet de résolution proposé par l’Afrique du Sud, l’Algérie, l’Allemagne, l’Australie, le Brésil, l’Estonie, l’Éthiopie, l’Inde, l’Indonésie, Israël, l’Italie, le Luxembourg, le Maroc, Maurice, le Panama et les Philippines, https://apps.who.int/gb/ebwha/pdf_files/WHA71/A71_ACONF1-fr.pdf.

[15] Organisation mondiale de la Santé (s.d.), Digital Health Atlas, https://digitalhealthatlas.org/en/-/ (consulté le 24 November 2021).

[7] Organisation mondiale de la santé (2021), Stratégie mondiale pour la santé numérique 2020-2025, https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/344250/9789240027558-fre.pdf?sequence=1&isAllowed=y (consulté le 24 November 2021).

[11] Principes pour le développement numérique (s.d.), Réutiliser et améliorer, https://digitalprinciples.org/fr/resource/principles-for-digital-development-core-tenents-french-translation/ (consulté le 24 November 2021).

[5] The United Republic of Tanzania, Ministry of Health, Community Development, Gender, Elderly and Children (2019), Digital Health Strategy July 2019 - June 2024, https://www.healthdatacollaborative.org/fileadmin/uploads/hdc/Documents/Country_documents/Tanzania/Tanzania_Digital_Health_Strategy_2019_-2024.pdf (consulté le 2 December 2021).

[8] UNICEF (s.d.), UNICEF’s Approach to Digital Health, https://www.unicef.org/innovation/media/506/file/UNICEF%27s%20Approach%20to%20Digital%20Health%E2%80%8B%E2%80%8B.pdf (consulté le 24 November 2021).

[3] USAID (2021), USAID’s Digital Strategy Overview, https://www.usaid.gov/usaid-digital-strategy (consulté le 24 November 2021).

[20] USAID (2020), A Vision for Action in Digital Health, https://www.usaid.gov/digital-health-vision (consulté le 24 November 2021).

[2] USAID (2016), Fighting Ebola with Information, https://www.usaid.gov/sites/default/files/documents/15396/FightingEbolaWithInformation.pdf.

[19] USAID (s.d.), USAID vision for health system strengthening 2030, https://www.usaid.gov/sites/default/files/documents/USAID_OHS_VISION_Report_FINAL_single_5082.pdf (consulté le 24 November 2021).

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