copy the linklink copied!Introduction

copy the linklink copied!Le droit d’accès à l’information : un défi démocratique et de gouvernance publique

Dans les sociétés démocratiques et pluralistes, le droit d’accès à l’information joue un rôle essentiel. Appelé dans la littérature anglo-saxonne « sunshine laws », il permet au public de mieux connaître l’action de l’État et du secteur public et constitue le corollaire de l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme1. Ce droit fait l’objet d’applications plus ou moins strictes selon les pays.

De manière générale, le droit d’accès à l’information modifie la gouvernance publique. Il renforce en effet l’intérêt des citoyens pour la chose publique et éclaire leurs contributions aux décisions qui la concernent. Les citoyens se forgent de cette manière une opinion sur la société dans laquelle ils évoluent et sur les autorités qui se trouvent à sa tête. Sachant que son action pourra être examinée, mieux comprise et contrôlée, l’administration s’éloigne de la culture du secret, agit dans un contexte d’ouverture et avec plus d’efficacité. Le droit d’accès à l’information conduit donc vers une culture de la transparence et de l’accessibilité, confirmant la légitimité du service public. Les rapports de confiance entre les autorités publiques et les citoyens se renforcent en parallèle avec un meilleur contrôle de l’intégrité des agents publics.

L’OCDE œuvre depuis plus de 15 ans, dans le contexte des projets pour un gouvernement ouvert et en collaboration avec les pays membres et partenaires, à concevoir et mettre en œuvre des cadres légaux, réglementaires et institutionnels pour l’accès à l’information. Le présent rapport s’inscrit dans cette collaboration et met l’accent sur la mise en œuvre de la transparence, la participation et la redevabilité à travers le droit de l’accès à l’information.

copy the linklink copied!Un droit en renouvellement dans les pays de l’OCDE

Après la Seconde Guerre mondiale, les pays aujourd’hui membres de l’OCDE ont mis au centre de leurs préoccupations le développement et le respect du droit à l’information. À la suite de sa création en 1961, l’OCDE s’est très vite engagée fermement en faveur du respect et de la promotion de ce droit de sorte à garantir une société plus ouverte et transparente. En conséquence, l’ensemble des pays membres de l’OCDE disposent de législations avancées en matière de droit à l’information et, dans une très large mesure, de respect de ce droit.

copy the linklink copied!Une conquête plus récente et en consolidation dans la région MENA

Le droit d’accès à l’information s’est développé tardivement dans la région MENA2, même si la Jordanie a joué un rôle de pionnière en promulguant une loi sur l’accès à l’information dès 2007. Pourtant la société politique et la société civile de la région formulaient des demandes pressantes pour bénéficier de ce droit3. Les Révolutions de 2011 ont provoqué dans certains pays des changements de régime et de Constitution, et fait évoluer de manière significative les législations portant sur l’accès à l’information, notamment en Tunisie, au Liban et au Maroc. Les évolutions de l’accès à l’information demeurent toutefois difficiles et lentes.

copy the linklink copied!Mettre en place les principes du gouvernement ouvert4 aux niveaux central et local

Afin d’améliorer la transparence de l’action des pouvoirs publics, l’accessibilité de l’information et des services publics ainsi que la prise en compte par l’administration d’idées innovantes et de demandes et de besoins nouveaux, certains pays de la région MENA cherchent à intégrer systématiquement des initiatives d’ouverture de l’administration dans leurs activités concrètes aux niveaux central et local. Ils adoptent, en particulier, de nouveaux outils et mécanismes destinés à encourager l’intervention des parties prenantes aux différentes étapes de l’élaboration des politiques publiques.

Ainsi, dans le contexte du Partenariat pour un gouvernement ouvert, auquel la Jordanie, le Maroc et la Tunisie participent, les gouvernements de la région MENA ont rédigé en collaboration avec la société civile des plans d’action communs comportant des engagements mesurables en faveur des réformes. De même, les nouvelles Constitutions de la Tunisie et du Maroc consacrent les principes fondateurs du gouvernement ouvert : la protection des droits de l’homme, la participation démocratique, la décentralisation, l’accès à l’information, les libertés de la presse et d’association, et le droit à une gouvernance publique de qualité, à la transparence et à l’intégrité. De surcroît, la marche vers la décentralisation à l’œuvre au Maroc, en Tunisie et en Jordanie laisse présager de nouvelles coopérations entre citoyens et agents publics au niveau infranational. Ces progrès ne sauraient, cependant, occulter le fait que beaucoup reste à accomplir pour que les engagements politiques en faveur d’une administration plus ouverte aient des retombées concrètes dans toute la société, y compris pour les femmes et les jeunes (OCDE, 2016).

copy the linklink copied!Le droit d’accès à l’information : difficultés et évolutions

Le droit à l’accès à l’information n’échappe certes pas à toutes les critiques, notamment en ce qui concerne le nombre limité de personnes et d’informations concernées. Par ailleurs, de trop nombreuses législations concurrencent les dispositions de la loi d’accès à l’information5. En effet, ces dispositions sont parfois superfétatoires au regard d’autres législations qui, d’une part, imposent déjà la communication de l’information (par exemple, la réglementation relative aux enquêtes publiques en matière d’urbanisme), ou, d’autre part, interdisent la communication de certaines informations (par exemple, le secret professionnel des avocats). Plus généralement, les exceptions au droit d’accès à l’information, notamment quand elles fondées sur la notion d’intérêt public, apparaissent selon certaines hypothèses trop nombreuses et confuses. En conséquence, les administrations centrales des pays membres de l’OCDE appliquent des restrictions à l’accès à l’information fondées sur divers critères et préjudices (Tableau 1).

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Tableau 1. Portée des lois sur la liberté de l'information dans les administrations centrales des pays de l'OCDE (2010)
Tableau 1. Portée des lois sur la liberté de l'information dans les administrations centrales des pays de l'OCDE (2010)

Source : OCDE (2013), Panorama des administrations publiques 2011, Éditions OCDE, Paris https://doi.org/10.1787/gov_glance-2011-fr.

Selon d’autres critiques, les démarches pour accéder à l’information ainsi que les coûts afférents, tant de procédure que de reproduction des informations, seraient trop lourds pour les citoyens. L’application de la loi serait parfois négligée par les administrations ou d’autres personnes responsables, qui tenteraient d’échapper à leurs obligations. En particulier, certaines institutions garantissant l’accès à l’information (IGAI) ne bénéficieraient pas des moyens humains et matériels indispensables à leurs missions. Enfin, les technologies, en rapide évolution, et les récents progrès à l'échelle internationale, soulèvent de nouvelles questions. En effet, l’information prend de plus en plus la forme de signaux électroniques, stockés de manière indépendante et réorganisés selon des algorithmes gérant des bases de données et autres métadonnées. Enfin, les nouvelles formes de communication, tels les messages par numéros d'identification personnels et les SMS posent de nouveaux défis, qu’il faudra surmonter pour protéger le droit des demandeurs6.

Dès lors, l’enjeu ne résiderait plus seulement dans la refonte de la législation et la réforme de l’administration ; il porterait aussi sur l’évolution des mentalités et l’abolition de la culture du secret, aux niveaux national et local, dans un contexte où les notions d’information et de support de l’information se modifient continuellement et à grande vitesse.

Toutes ces mutations restent à appréhender à la lumière de l’objectif démocratique tendant au droit égal et simplifié d’accès à l’information. À terme, tout citoyen devrait, à la suite de l’action spontanée de l’administration ou après en avoir formulé la demande, bénéficier de l’accès à toutes les bases de données administratives au sens large, en toute transparence. Les enjeux et obstacles s’opposant à un tel projet diffèrent certes selon les pays et domaines d’application.

copy the linklink copied!Les institutions garantissant l’accès à l’information

Pour rendre effectif le droit d’accès à l’information, les pouvoirs publics nationaux recourent à divers moyens. Le premier d’entre eux consiste logiquement à édicter des lois instaurant les conditions d’application du droit, par exemple à travers l’obligation de publication spontanée des documents administratifs, ou celle, pour les détenteurs de l’information, de la remettre aux personnes qui la sollicitent.

Par ailleurs, lorsque les personnes ayant sollicité l’accès à l’information s’estiment lésées, les législations prescrivent des recours contre les décisions déniant ce droit. Dans ce sens, elles imposent d’abord à la personne assujettie à l’obligation de fournir l’information d’exercer elle-même un contrôle sur ses décisions à travers un recours administratif (gracieux ou hiérarchique). Elles confient ensuite ce contrôle à l’autorité juridictionnelle ou à une autre institution, qui peut exercer cette unique mission ou la cumuler avec d’autres.

La notion d’accès à l’information renvoie à au moins deux réalités fonctionnelles distinctes : d’une part l’obligation, pour les personnes concernées, de communiquer les informations qu’elles détiennent ; d’autre part, l’obligation de protéger les données personnelles lors de leur collecte, traitement et conservation.

Dans les pays de l’OCDE, ces fonctions sont exercées de manière plus ou moins spécialisée. Certaines IGAI, comme les Commissions d’accès aux documents administratifs française, italienne et portugaise, sont essentiellement compétentes pour la communication de l’information. La Commission nationale de l’informatique et des libertés française, le « garant pour la protection des données personnelles » italien7 et la Commission nationale de protection des données portugaise8 sont spécialisés quant à eux dans la sauvegarde des données. D’autres IGAI, tels les Commissaires à l’information du Royaume-Uni et de l’Australie, remplissent simultanément ces deux fonctions. Enfin, ces deux missions peuvent être assumées par un seul organisme, concomitamment avec d’autres missions très variées, comme dans le cas du bureau du Médiateur dans les pays d’Europe du Nord.

Aucune disposition de droit international n’impose expressément aux États d’instaurer un organe de contrôle du droit d’accès à l'information. Toutefois, selon les dispositions du droit interaméricain par exemple, auquel sont soumis plusieurs pays membres de l’OCDE, une obligation d’action positive générale de protection du droit à l’information incombe aux pays concernés9. L’un des moyens les plus efficaces pour satisfaire à cette obligation consiste dans la création d’une institution garantissant l’accès à l’information (IGAI). Plus précisément, le Conseil de l'Europe, dans sa Recommandation de 2002 sur l'accès aux documents publics, déclare au Principe IX que : « 1. Un demandeur dont la demande d'accès à un document public a été refusée en tout ou en partie, renvoyée ou restée sans suite dans les délais […] devrait avoir accès à une procédure de révision devant une cour ou devant une autre instance indépendante et impartiale prévue par la loi. 2. Un demandeur devrait toujours avoir accès à une procédure rapide et peu coûteuse de réexamen par une autorité publique ou de révision […] »10. L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, dans son examen de mai 2007 du droit d'accès à l'information dans sa région de compétence, a aussi inclus dans son analyse des éléments essentiels du droit à l'existence d'un organe de contrôle spécifique et a recommandé à tous ses États membres de créer un tel organe. L’expérience montre globalement que les IGAI assument un rôle fondamental dans la promotion de la culture d’accès à l’information, l’application générale du droit, l’accès individuel des personnes sollicitant la communication de certaines informations, et l’évolution du droit. De sorte que de nombreux pays ont, depuis une trentaine d’années, adopté ou amélioré les législations relatives au droit d’accès à l’information et mis en place des institutions responsables de veiller à leur application11.

Dans le contexte précédemment décrit, marqué, d’une part, par l’évolution profonde du droit d’accès à l’information dans les pays membres de l’OCDE et dans certains pays de la région MENA, et, d’autre part, par la place accrue des IGAI parmi les institutions des pays de l’OCDE et l’instauration de nouvelles IGAI dans certains pays de la région MENA, le Secrétariat de l’OCDE s’est intéressé de manière plus approfondie au fonctionnement des IGAI, notamment en ce qui concerne la communication spontanée de l’information et la demande d’information détenue par les personnes soumises à l’obligation de communiquer l’information.

Le présent rapport s'inscrit dans le contexte des travaux de l'OCDE sur le gouvernement ouvert et du Programme MENA-OCDE pour la gouvernance, qui depuis 2012 apportent leur soutien aux pays de la région MENA pour la conception et la mise en œuvre de politiques publiques en faveur de la transparence, la participation des parties prenantes et la redevabilité, en consultation avec les citoyens et la société civile. L’accès à l’information fait partie intégrante du programme du Partenariat pour un gouvernement ouvert et il est une condition pour être membre de ce programme. La Jordanie, la Tunisie et le Maroc font partie du Partenariat pour un gouvernement ouvert, alors que le Liban souhaite en devenir membre.

Ce rapport examine sur la base d’exemples significatifs, et en mettant l’accent sur la communication spontanée ou à la demande de l’information, et en mettant l’accent sur la communication spontanée ou à la demande de l’information, dans une première partie la situation des IGAI dans les pays de l’OCDE. Il présente dans une seconde partie la situation de la Jordanie, qui dispose de la plus ancienne législation en matière de droit à l’information dans la région, de la Tunisie, du Liban et du Maroc, pays qui viennent d’adopter ou modifier leur législation dans ce domaine.

Références

OCDE (2016), Des politiques meilleures au service de la croissance inclusive et de l'intégration économique dans la région MENA, Éditions OCDE, Paris, https://www.oecd.org/mena/ministerial/Declaration_Tunis_MENA_Ministerial_2016_FR.pdf

OCDE (2013), Panorama des administrations publiques 2011, Éditions OCDE, Paris https://doi.org/10.1787/gov_glance-2011-fr.

Notes

← 1. Article 19 - Déclaration universelle des droits de l'homme : « Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontière, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit. » Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU à Paris le 10 décembre 1948.

← 2. Nations Unies, « Le devoir de transparence et de rendre compte dans le secteur public de certains pays arabes : Politiques et Pratiques », New York, 2004, https://publicadministration.un.org/publications/content/PDFs/E-Library%20Archives/2005%20Public%20Sector%20Transp%20and%20Accountability%20in%20Sel%20Arab%20Countries_FRA.pdf.

← 3. Voir : UNESCO, Accéder à l’information c’est notre droit – Un guide pratique pour promouvoir l’accès à l’information publique au Maroc, UNESCO 2014, Rabat. Également, un guide de formation des formateurs, 2019, Rabat.

← 4. Le gouvernement ouvert tel que défini par la Recommandation du Conseil de l'OCDE sur le gouvernement ouvert est « une culture de gouvernance qui promeut les principes de transparence, d’intégrité, de redevabilité et de participation des parties prenantes, au service de la démocratie et de la croissance inclusive », www.oecd.org/gov/Recommendation-Gouvernement-Ouvert-Approuv%C3%A9e-141217.pdf.

← 5. En Belgique, environ 15 textes publiés aux niveaux fédéral, régional, communautaire et communal traitent de l’accès à l’information.

← 6. Legault, S., « Modernisation de la Loi sur l'accès à l'information », présentation à l’École de la fonction publique du Canada, 24 septembre 2012, http://www.oic-ci.gc.ca/fra/med-roo-sal-med_speeches-discours_2012_8.aspx.

← 7. Garante per la protezione dei dati personali, loi n° 675 du 31 décembre 1996.

← 8. Comissão de acesso aos documentos administrativos, https://www.cnpd.pt/english/index_en.htm (site web).

← 9. La Cour interaméricaine des droits de l'homme dans l’affaire Claude Reyes et al. c. Chili a noté l'obligation positive de l'État de veiller à ce que le droit à l'information soit protégé, soulignant que cela implique à la fois une obligation de ne pas interférer avec le droit et de prendre des mesures positives pour s'assurer qu'il peut être exercé.

← 10. Conseil de l’Europe, Recommandation Rec(2002)2 du Comité des Ministres aux États Membres sur l’accès aux documents publics (adoptée par le Comité des Ministres le 21 février 2002), https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=09000016804c6a54.

← 11. Entre 2007 et 2012, 20 États au moins ont adopté des législations relatives au droit d'accès à l'information. Voir : Legault, S., « Modernisation de la Loi sur l'accès à l'information », présentation à l’École de la fonction publique du Canada, 24 septembre 2012, http://www.oic-ci.gc.ca/fra/med-roo-sal-med_speeches-discours_2012_8.aspx.

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https://doi.org/10.1787/c315ec4d-fr

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