Résumé

Dans un contexte marqué par une inflation élevée et par des perspectives incertaines du fait de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine, l’économie espagnole résiste bien. Le coût de la vie a augmenté sous l’effet de la hausse rapide des prix des produits alimentaires et de l’énergie.

Malgré une inflation en hausse, une demande extérieure en baisse et des taux d’intérêt en augmentation, l’activité fait preuve de résilience (Graphique 1). Des pénuries du côté de l’offre et un rebond marqué de la demande ont provoqué, comme dans la plupart des pays de l’OCDE, une remontée de l’inflation à compter du début de 2021, ensuite amplifiée par la flambée des prix de l’énergie début 2022 due à la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine. L’inflation globale a nettement fléchi en 2023 avec la baisse des prix de l’énergie, mais s’est légèrement redressée depuis juin, et l’inflation sous-jacente reste forte.

La croissance du PIB devrait ralentir, mais résister, soutenue par la demande intérieure (Tableau 1). Elle bénéficiera également d’importantes entrées de fonds au titre du plan Next Generation EU.

La croissance de l’emploi a été vigoureuse, et la réforme du marché du travail de 2021 donne des résultats prometteurs en ce qui concerne le transfert des travailleurs de contrats temporaires sur des contrats permanents, en particulier chez les jeunes. Le taux de chômage a diminué, mais reste le plus élevé de la zone OCDE. Cette omniprésence du chômage traduit l’existence de problèmes structurels qui nécessitent la poursuite des efforts de réforme en cours qui visent à s’attaquer au problème de l’inadéquation des compétences, continuer à réduire la proportion de travailleurs temporaires, améliorer les politiques actives du marché du travail et renforcer les incitations à reprendre un emploi après une période de chômage. Améliorer l’intégration des femmes, et en particulier des mères, sur le marché du travail devrait également rester une priorité.

Le secteur financier reste résilient, mais la hausse des taux d’intérêt pourrait entraîner une augmentation des prêts non performants. Les ménages espagnols sont très exposés à la hausse des taux d’intérêt, 70 % de l’encours de prêts hypothécaires étant assortis de taux variables, même si ces dernières années, la plupart des nouveaux prêts ont été accordés à des taux fixes. Les banques devraient conserver une attitude prudente en matière de provisionnement et de fonds propres.

Du fait de la pandémie de COVID-19, la dette publique, qui était déjà élevée, a augmenté considérablement en 2020, quoiqu’elle ait été réduite au cours des années qui ont suivi (Graphique 2). Un assainissement budgétaire plus vigoureux et soutenu est nécessaire pour maintenir la dette sur une trajectoire descendante et dégager des marges de manœuvre pour engager les dépenses nécessaires pour faire face au vieillissement démographique et promouvoir la croissance.

Les aides publiques, d’une ampleur considérable, ont contribué à atténuer le choc causé sur l’inflation par les entreprises et les ménages. Il conviendrait à présent de supprimer ces mesures.

Les dépenses de retraite et de santé devraient augmenter à plus longue échéance, des investissements substantiels sont nécessaires pour accélérer la transition écologique, et le gouvernement s’est engagé à augmenter les dépenses de défense. Pour pouvoir faire face à ces futures tensions sur les dépenses, l’assainissement budgétaire devrait reposer sur la mobilisation de recettes supplémentaires et sur une amélioration de l’efficacité des dépenses fondée sur des examens de celles-ci. Il est possible de relever la TVA, les taxes liées à l’environnement et les autres droits d’accise, qui sont inférieurs à la moyenne de l’UE. Il serait utile à cet égard d’aligner progressivement sur le taux normal de TVA les biens et services actuellement soumis à un taux réduit, qui bénéficie principalement aux ménages à revenu élevé. Les droits d’accise sur l’alcool et le tabac pourraient être relevés. Parallèlement, les impôts sur le travail et certains impôts sur le capital pourraient être abaissés.

Avec la réforme récente des retraites, les pensions minimums et non contributives ont été augmentées et les prestations indexées sur les prix à la consommation. Malgré les mesures d’accompagnement visant à accroître les recettes et les modifications destinées à encourager le report du départ à la retraite, les dépenses globales de retraite augmenteront de manière considérable. Cela étant, ces dépenses devraient diminuer progressivement à partir de la fin des années 2040. La viabilité du nouveau système de retraite sera réexaminée régulièrement par le Conseil budgétaire. Si celui-ci conclut à un écart par rapport au niveau de référence défini par la loi, le gouvernement devra prendre des mesures pour qu’il soit comblé, faute de quoi une augmentation automatique des cotisations sociales s’appliquera. Néanmoins, il serait préférable de lier l’âge légal du départ à la retraite à l’espérance de vie à la retraite et de réduire les taux d’acquisition des droits à pension.

Bien que les inégalités et la pauvreté aient légèrement reculé depuis peu, un quart de la population espagnole était pauvre ou risquait de basculer dans la pauvreté et l’exclusion sociale en 2022, et le taux de pauvreté des enfants reste élevé. Les prestations sociales devraient être mieux ciblées sur les plus démunis, notamment les familles pauvres avec enfants. Garantir la transférabilité régionale des droits sociaux et des droits au logement rendrait le système plus efficient et permettrait aux travailleurs de tirer parti de possibilités d’emploi plus éloignées. Il serait possible d’améliorer l’utilisation de la garantie de revenu minimum garanti en renforçant encore la communication avec les ménages remplissant les conditions requises.

Le vieillissement de la population, l’atonie de la croissance de la productivité et la faiblesse de l’investissement entament le potentiel de croissance de l’Espagne. S’établissant à environ la moitié de la moyenne de l’OCDE, la croissance de la productivité a été très modeste au cours de la dernière décennie. Pour rendre la croissance plus durable, il faudra redoubler d’efforts pour réduire la dépendance à l’égard des combustibles fossiles, lutter contre le changement climatique et résoudre les problèmes liés à l’eau.

L’Espagne avance dans la mise en œuvre de son programme de réforme et de son Plan de relance, de transformation et de résilience. Une harmonisation des réglementations dans l’ensemble du pays serait bénéfique à la croissance des entreprises, en particulier des PME. Promouvoir les partenariats entre les établissements publics de recherche et les entreprises permettrait de développer leur capacité à innover, actuellement faible.

Renforcer la prévention de la corruption dans l’administration publique permettrait d’améliorer la qualité de l’investissement public et d’abaisser les coûts budgétaires. Un recours plus systématique à la signature électronique des contrats dans la passation des marchés publics pourrait être utile, de même que la poursuite de la mise en œuvre de la Convention anticorruption de l’OCDE.

Pour atteindre ses objectifs en matière de changement climatique, l’Espagne devra intensifier son action. Bien qu’ayant fait des progrès, le pays reste fortement tributaire des combustibles fossiles, du fait des exonérations fiscales dont ils bénéficient, du niveau modeste des taxes sur les carburants et des subventions considérables accordées à l’agriculture et à la pêche. Les prix du carbone sont peu élevés en regard des meilleures pratiques internationales. Prendre d’autres mesures dans les secteurs non couverts par le SEQE-UE jusqu’à l’entrée en vigueur du SEQE-UE2 permettrait de réduire les émissions. Accélérer la transition vers des modes de transport à émissions faibles ou nulles peut contribuer à réduire les émissions du secteur des transports, qui sont élevées. Il sera nécessaire de poursuivre les efforts pour surmonter la dépendance aux combustibles fossiles, notamment promouvoir les énergies renouvelables et chercher à améliorer le stockage et les interconnexions. Le Plan de relance, de transformation et de résilience, dont 40 % des ressources doivent être consacrées à la transition écologique, apportera un soutien essentiel à cet égard.

La sécheresse associée au changement climatique et l’expansion de l’irrigation des terres cultivables ont des conséquences sur la disponibilité en eau et sur sa qualité. Il faudrait promouvoir des actions axées sur la gestion de la demande et rendre l’utilisation de l’eau plus efficiente, en ayant davantage recours à la réutilisation de l’eau et à la réhabilitation environnementale des plans d’eau. Le prix de l’eau devrait mieux refléter sa rareté, en particulier pour les utilisations agricoles. Pour lutter contre la pollution due aux engrais, il faudrait ajuster leur fiscalité ou en réglementer l’utilisation (Graphique 3).

Améliorer l’éducation, faciliter l’entrée des jeunes sur le marché du travail, favoriser l’entrepreneuriat et développer l’accès au logement sont autant de mesures qui sont également indispensables à l’exploitation complète du potentiel de croissance du pays et à la réduction du risque de pauvreté chez les jeunes (Graphique 4).

En Espagne, les jeunes sont nombreux à quitter le système scolaire avec des qualifications médiocres, ce qui limite leurs perspectives d’emploi. Le taux de redoublement a sensiblement diminué, de même que celui du décrochage scolaire qui est revenu de 17.9 % en 2018 à 13.9 % en 2022, et ces progrès doivent être poursuivis. Des indicateurs d’alerte précoce et un soutien personnalisé aux élèves à risque de décrochage pourraient contribuer à réduire l’abandon scolaire. Les aides à l’inscription dans l’enseignement professionnel devraient être maintenues, car il permet aux élèves d’acquérir des compétences très demandées. Promouvoir la collaboration entre les entreprises pour offrir des places d’apprentissage, fournir des enseignants ou partager les charges administratives, comme le prévoit la nouvelle loi sur l’enseignement professionnel, pourrait amener un plus grand nombre de PME à participer au système d’éducation et de formation professionnelles. L’Alliance pour la formation professionnelle constitue à cet égard une initiative bienvenue. Impliquer davantage les employeurs dans la conception des cursus universitaires et améliorer les outils permettant d’obtenir des informations sur les possibilités d’insertion dans l’emploi permettraient de mieux faire coïncider les programmes d’études avec les besoins du marché du travail.

L’intégration des jeunes sur le marché du travail est difficile. À 27 %, le taux de chômage des moins de 25 ans est l’un des plus élevés de tous les pays de l’OCDE. Les jeunes occupent très souvent des emplois de mauvaise qualité, bien que la réforme récente du marché du travail ait contribué à réduire sensiblement l’emploi temporaire. Le salaire minimum a été fortement relevé depuis 2018, ce qui a permis d’augmenter les revenus des jeunes et de réduire leurs inégalités salariales. Toutefois, des hausses aussi importantes peuvent nuire à l’emploi de certaines catégories, précisément des jeunes. À l’avenir, les modifications du salaire minimum devraient être fonction de la situation du marché du travail et de la productivité. Il faudrait aussi encourager l’entrepreneuriat des jeunes en développant le mentorat et en améliorant la formation et l’accès aux financements.

Plus de 60 % des Espagnols de moins de 34 ans vivent chez leurs parents, principalement en raison de revenus insuffisants et de l’instabilité de leur emploi. Agrandir progressivement le parc de logements locatifs sociaux devrait être une priorité, comme le prévoit le gouvernement. Un projet de loi vise à instaurer un plafonnement temporaire des loyers sur les marchés du logement en tension, ce qui risque de réduire une offre locative déjà limitée et de faire augmenter les loyers à plus long terme.

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