5. Les liens entre la Côte d’Ivoire et sa diaspora : contributions économiques et migrations de retour

Les transferts de fonds envoyés par les émigrés ivoiriens vers leur pays d’origine, tels que mesurés au travers des données de balance des paiements publiées par le Fonds monétaire international (FMI), s’élevaient en 2019 à environ 330 millions USD.1

Mesurés en dollars constants, ces transferts ont augmenté de 17 % entre 2005 et 2019. Les estimations disponibles pour 2020 font toutefois état d’une baisse de 4 % par rapport à l’année précédente, qui peut s’expliquer, dans le contexte de la pandémie de COVID-19, par la diminution conjointe des flux d’émigration depuis la Côte d’Ivoire et par la baisse des revenus des émigrés ivoiriens dans le monde (EMN/OCDE, 2020[1]).

Le montant des transferts effectués par les émigrés ivoiriens peut être utilement comparé au PIB de la Côte d’Ivoire, qui était de 59 milliards USD en 2019. Comme le montre le Graphique 5.1, le ratio entre les transferts de fonds et le PIB est passé de près de 1 % à 0.5 % entre 2005 et 2019/20, après avoir connu une hausse à la fin des années 2000 jusqu’en 2011 où il a atteint 1.6 % ; ce ratio a diminué de façon régulière tout au long des années 2010.

Il est également intéressant de comparer les transferts de fonds des migrants aux autres flux financiers reçus par la Côte d’Ivoire (Graphique 5.1). En 2019, le montant d’aide publique au développement reçue par la Côte d’Ivoire était de 1.2 milliard USD, tandis que les flux nets d’investissements directs étrangers en Côte d’Ivoire s’élevaient à environ 850 millions USD. Par rapport à ces deux autres sources de financement extérieur, et au vu de leur poids limité dans le PIB, les transferts de fonds des migrants représentent donc une ressource financière encore modeste pour l’économie ivoirienne.

De fait, la Côte d’Ivoire est le seul pays de l’UEMOA à être émetteur net de transferts de fonds, compte tenu de sa position régionale comme pays d’immigration. En 2019, les transferts émis depuis la Côte d’Ivoire s’élevaient ainsi à plus de 900 millions USD, trois fois plus que les transferts reçus par les ménages ivoiriens depuis l’étranger. Le solde des transferts de fonds de la Côte d’Ivoire s’établissait ainsi en 2019 à -580 millions USD, alors que le Sénégal, qui est le pays de l’UEMOA recevant le plus de transferts, avait un solde positive de 2.5 milliards USD.

Les estimations publiées en 2012 par la BCEAO, qui sont les plus récentes disponibles sur ce sujet, indiquaient que sur l’ensemble des envois de fonds des migrants reçus par la Côte d’Ivoire, 17 % provenaient de pays africains, dont 8 % des autres pays de l’UEMOA, tandis que près de 83 % provenaient du reste du monde, dont 33 % de France et 16 % du Royaume-Uni (BCEAO, 2012[2]).

Par rapport aux autres pays de l’UEMOA, la Côte d’Ivoire est le pays où le poids des transferts de fonds dans l’économie est le plus faible, avec moins de 1 %. En comparaison, le ratio entre les transferts de fonds reçus et le PIB est beaucoup plus élevé au Sénégal (10 %), en Guinée-Bissau (plus de 8 %), au Togo (6 %) ou au Mali (6 %). Le poids des transferts est également assez modeste au Bénin (1.5 %) et au Niger (2 %) (Graphique 5.2). Comparé aux autres pays africains, le ratio entre les transferts de fonds et le PIB en Côte d’Ivoire est également faible, puisque seuls cinq pays du continent ont un ratio inférieur.

Le coût des transferts de fonds restent non négligeables et représentent sans doute un obstacle à la mobilisation et à la formalisation des transferts : à titre d’exemple, selon les données compilées par la Banque mondiale, le coût moyen des transferts de France vers la Côte d’Ivoire s’élevait en 2021 à environ 3.5 % pour transférer un montant de 140 EUR et environ 2.7 % pour envoyer 345 EUR. Le coût est toutefois minoré en cas de recours à des opérateurs de transferts en ligne ou par téléphone mobile (à partir de 1.3 % pour transférer 140 EUR, et moins de 1 % pour un montant de 345 EUR). Grâce à ces nouvelles options moins onéreuses, le coût moyen des transferts a sensiblement diminué ces dernières années. En 2016, le coût moyen pour le transfert de 140 EUR de France vers la Côte d’Ivoire était ainsi proche de 6 %.

Du fait des montants relativement faibles de transferts de fonds reçus par la Côte d’Ivoire, peu de travaux académiques se sont penchés sur leur impact économique, en particulier au niveau des ménages recevant des transferts depuis l’étranger. Un rapport antérieur de l’OCDE a mis en évidence que seuls 6 % des ménages ivoiriens en milieu rural recevaient des transferts de fonds en 2014, cette proportion étant de 11 % en milieu urbain (OCDE/CIRES, 2017[3]).

Compte tenu de l’absence de données sur les migrations de retour en Côte d’Ivoire, qui pourraient être fondées sur le recensement de la population ou sur des enquêtes auprès des ménages, il est très difficile de donner une évaluation quantitative du phénomène. Les informations disponibles concernent essentiellement les retours encadrés, que ce soit au départ dans le cadre de programmes de retour volontaires ou de retours forcés, ou à l’arrivée lors de la prise en charge de certains migrants de retour par les autorités et l’Organisation internationale de la migration.

Ainsi, les données diffusées par Eurostat sur les retours forcés indiquent qu’au cours de la décennie 2010, environ 200 Ivoiriens ont été renvoyés chaque année vers des pays tiers, pour l’essentiel au départ de la France. Ces retours ne représentent qu’une petite portion des ressortissants ivoiriens faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire dans les pays de l’Union européenne. En 2018, environ 7 500 Ivoiriens ont fait l’objet d’une telle obligation, ainsi que près de 8 300 en 2019. Les deux principaux pays émetteurs de ces procédures étaient l’Espagne et la France.

Selon les données de l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration, les retours volontaires aidés vers la Côte d’Ivoire ont concerné 48 personnes en 2019 et 24 personnes en 2020. De plus, des ressortissants ivoiriens ont bénéficié d’aides à la réinsertion de l’OFII (37 personnes en 2019 et 19 personnes en 2020).

De leur côté, l’OIM et le gouvernement ivoirien indiquent avoir assisté le retour volontaire de près de 10 000 migrants ivoiriens entre mai 2017 et juin 2021, soit environ 2 500 personnes par an ces dernières années. L’âge moyen de ces personnes assistées pour le retour en Côte d’Ivoire était de 26 ans et la proportion de femmes était de 25 %. Pour l’essentiel, toutefois, ces personnes assistées ont été prises en charge hors des pays de l’OCDE, principalement en Afrique du Nord (Libye, Maroc et Tunisie) et dans les autres pays d’Afrique de l’Ouest (notamment le Niger). Les principales raisons du retour en Côte d’Ivoire, telles qu’évoquées par les migrants sont l’expulsion et la dureté des conditions de voyage ou de séjour. Deux-tiers des migrants indiquent souhaiter s’installer à Abidjan, dont ils sont le plus souvent originaires (OIM, 2021[4]).

Bien que ces informations sur les migrants ivoiriens revenus dans leur pays dans le cadre de programmes de retour volontaires assistés ou suite à une expulsion soient fondamentales pour organiser leur retour et favoriser au mieux leur réinsertion, elles ne donnent qu’une vision très partielle des migrations de retour vers la Côte d’Ivoire. Les retours autonomes de ressortissants ivoiriens à l’issue d’une migration temporaire pour motif d’emploi ou d’études, ou ceux qui interviennent au moment de la cessation d’activité dans le pays de destination, ne sont pour l’instant pas documentés faute de données. Il est crucial que des outils de collecte d’information soient mis en œuvre à cet effet, préférentiellement dans le cadre du recensement de la population – au travers de questions sur le pays de résidence antérieure – ainsi que dans des enquêtes auprès des ménages, ce qui permettrait d’avoir une vision actualisée fréquemment de la population des migrants de retour et de leurs activités économiques.

Références

[2] BCEAO (2012), Enquête sur les envois de fonds des travailleurs migrants en Côte d’Ivoire, Banque Centrale des Etats de l’Afrque de l’Ouest.

[1] EMN/OCDE (2020), « Impact of COVID-19 on remittances in EU and OECD countries », EMN-OECD Inform, http://www.oecd.org/migration/mig/EMN-OECD-Inform-01122020.pdf.

[3] OCDE/CIRES (2017), Interactions entre politiques publiques, migrations et développement en Côte d’Ivoire, Les voies de développement, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264277090-fr.

[4] OIM (2021), Rapport de profilage des migrants ivoiriens, Organisation Internationale pour les Migrations.

Note

← 1. Selon le Manuel de la balance des paiements du FMI (MBP6), les deux postes de la balance des paiements qui constituent les transferts de fonds sont les transferts personnels et la rémunération des salariés. Les transferts personnels font référence aux transferts courants en espèces ou en nature reçus par les résidents en provenance de particuliers dans d’autres pays ; la rémunération des employés désigne les revenus perçus par les non-résidents dans le cadre d’activités frontalières, saisonnières ou de court terme, ainsi que les revenus des travailleurs employés par les ambassades, les organisations internationales et les organisations non gouvernementales. L’ensemble des revenus de ces deux catégories de travailleurs est inclus dans cette définition, qu’il soit transféré ou non dans le pays d’origine. Dans le cas du Mali, plus de 90 % des transferts reçus sont constitués par des transferts personnels.

Mentions légales et droits

Ce document, ainsi que les données et cartes qu’il peut comprendre, sont sans préjudice du statut de tout territoire, de la souveraineté s’exerçant sur ce dernier, du tracé des frontières et limites internationales, et du nom de tout territoire, ville ou région. Des extraits de publications sont susceptibles de faire l'objet d'avertissements supplémentaires, qui sont inclus dans la version complète de la publication, disponible sous le lien fourni à cet effet.

© OCDE 2022

L’utilisation de ce contenu, qu’il soit numérique ou imprimé, est régie par les conditions d’utilisation suivantes : https://www.oecd.org/fr/conditionsdutilisation.