4. Les institutions et la coordination multisectorielle destinées à la jeunesse au Maroc

Comme souligné dans le chapitre 3, les politiques de jeunesse relèvent dans la grande majorité de différents portefeuilles et départements ministériels et requièrent l’intervention d’un nombre varié d’acteurs afin de répondre aux demandes et besoins complexes des jeunes générations. La nature transversale des politiques de jeunesse implique donc de recourir à une approche coordonnée, incluant des acteurs gouvernementaux et non-gouvernementaux provenant des différents échelons territoriaux. Cette approche passe par l’identification d’un centre de responsabilités, dont la mission est le pilotage et la coordination de ces politiques de jeunesse au niveau national et local, et la mise à disposition de moyens appropriés dans ce cadre.

Les études de l’OCDE (OCDE, 2019[1]) identifient quatre approches différentes adoptées par les pays membres de l’organisation1 en matière de pilotage et de coordination des politiques de jeunesse. La première concerne les cas où les politiques de la jeunesse sont gérées par le centre de gouvernement2 (ou « centre de responsabilités »), comme au Canada où le Premier Ministre est aussi Ministre des Affaires Intergouvernementales et de la Jeunesse, ou en Autriche où ces questions sont traitées par le Ministère Fédéral pour les Femmes, les Familles et la Jeunesse au sein de la Chancellerie Fédérale. La deuxième approche prévoit l’organisation du secteur de la jeunesse à travers un Ministère de la Jeunesse ayant plusieurs portefeuilles à sa charge tels que le sport, les femmes ou les enfants (la Nouvelle-Zélande étant le seul pays membre de l’OCDE où le Ministère traite exclusivement des questions de jeunesse). La troisième approche concerne près de la moitié des pays membres de l’OCDE au sein desquels les politiques de jeunesse sont gérées par un département ou un bureau d’un Ministère en charge de plusieurs portefeuilles, tel que le Ministère de l’Éducation. Enfin, dans la dernière approche, aucune autorité nationale ne traite spécifiquement de la jeunesse, laissant aux différents ministères la gestion de leurs services et programmes liés à celle-ci (OCDE, 2019[1]).

Au même titre qu’une majorité d’économies de la région MENA comme le montre le tableau 4.1, le Maroc fait partie de la deuxième catégorie de cette nomenclature, compte tenu de l’existence d’un Ministère de la Culture, de la Jeunesse et des Sports (MCJS) disposant de ressources humaines et financières consacrées aux questions de jeunesse et bénéficiant d’un réseau d’institutions étendu à travers le pays comme présenté dans la suite de ce chapitre.

Par ailleurs, l’existence d’autorités publiques nationales et locales travaillant sur des questions spécifiques liées à la jeunesse apporte un soutien important au travail du MCJS, à l’image par exemple du Conseil Consultatif de la Jeunesse et de l’Action Associative (CCJAA) et des instances régionales chargées des affaires de jeunesse.

Le Ministère de l’Information, de la Jeunesse et des Sports a été créé en 1963, remplaçant le Secrétariat d’État à l’Information, à la Jeunesse et aux Sports. Le MCJS est aujourd’hui l’autorité gouvernementale ayant pour mission d’élaborer et de mettre en œuvre la politique gouvernementale dans le domaine de la jeunesse et des sports, de la culture, de la protection de l’enfance et de la promotion féminine.

En vertu du décret du 21 mai 2013, le MCJS a notamment pour mission de : a) élaborer les programmes socio-éducatifs assurant l’organisation, l’encadrement et la protection de la jeunesse ; b) améliorer l’action associative de la jeunesse ; c) conduire des études et recherches promouvant et contribuant à l’épanouissement de la jeunesse ; d) assister et développer la politique régionale dans ce domaine ; e) préparer des projets de textes législatifs et réglementaires sur la jeunesse ; et, f) gérer et administrer les établissements relevant de son Ministère.

En application du décret du 21 mai 2013, le MCJS est composé au niveau central d’un cabinet, d’une Inspection Générale, d’un Secrétariat Général, d’une Unité de Contrôle et de Gestion, et des cinq directions suivantes : la Direction de la Jeunesse, de l’Enfance et des Affaires Féminines, la Direction du Sport, la Direction des Ressources Humaines, la Direction du Budget, de l’Équipement et des Services de l’État Gérés de Manière Autonome, et la Direction de la Coopération, de la Communication et des Études Juridiques comme présenté dans le Graphique 4.1.

La Direction de la Jeunesse, de l’Enfance et des Affaires Féminines assure la tutelle de divers types d’institutions et programmes destinés à la jeunesse marocaine. Ceux-ci incluent les Maisons de Jeunes (lesquelles seront davantage décrites dans ce chapitre), les colonies de vacances, les centres d’accueil4 les centres de protection de l’enfance5, les foyers féminins6 et les centres de formation professionnelle7. Selon le projet de performance 2020 du MCJS, les activités organisées par les établissements pour la jeunesse ont bénéficié à près de 6 millions de jeunes marocains et marocaines à travers le pays en 2018, comme présenté dans les tableaux 4.2 et 4.3, parmi lesquels une importante majorité venait d’un milieu urbain.

Le MCJS assure également la tutelle du Centre National d’Information et de Documentation des Jeunes (CNIDJ), lequel a notamment pour mission de traiter et diffuser aux jeunes marocains et marocaines des informations dans des domaines tels que l’éducation, l’orientation professionnelle, la culture ou encore la santé. Enfin, l’Institut National de la Jeunesse et de la Démocratie (INJD) a pour mission de contribuer à la formation de jeunes adhérents aux partis politiques. Il fournit des programmes de formation en matière politique sur les principes de la démocratie et la citoyenneté à des jeunes affiliés aux partis, ainsi que pour le développement de leur esprit de leadership. Une équipe de cadres désignés par le MCJS assure la gestion administrative de l'Institut et un conseil d’administration (composé de représentants d’organisations de jeunesse affiliés aux partis politiques et de représentants du MCJS) établit le programme de formation et les domaines d’intervention (Institut National de la Jeunesse et de la Démocratie, 2009[2]).

Selon l’OCDE (2019[1]), des ressources humaines compétentes et des capacités financières suffisantes sont indispensables au développement, à la mise en place et à l’évaluation des programmes et des services de jeunesse par les autorités publiques, ainsi qu’à la coordination des affaires de jeunesse de manière générale.

À l’image des ambitions de réforme et de renforcement des capacités institutionnelles du MCJS, ses crédits au titre du budget général de l’État ont connu une augmentation sensible au cours des dernières années. Les dépenses totales du MCJS sont en effet passées de moins de 2 milliards de dirhams en 2016 à plus de 3 milliards en 2018, soit une augmentation de près de 60%, comme présenté dans le tableau 4.4. Cette hausse semble en grande partie s’expliquer par une augmentation substantielle des dépenses d’investissement. Entre 2018 et 2020, le Ministère connait une hausse de près de 93% des dépenses du budget général, de 3 milliards à 6 milliards de dirhams. Le remaniement politique de 2019, entraînant l’intégration de la culture comme nouveau portefeuille du Ministère, pourrait être en grande partie expliquer cette hausse.

Cette hausse correspond également à une augmentation significative au regard des dépenses générales du Gouvernement. En 2016, les dépenses du Ministère correspondaient effectivement à 0.78% des dépenses totales. Pour l’année 2020, celles- ci devaient représenter près de 2% de ces dernières, comme présentés dans les tableaux 4.5 et 4.6.

Dans le cadre du projet de loi de finances 2020, le MCJS a pour la première fois présenté trois projets de performance distincts concernant 1) la communication, 2) la culture et 3) la jeunesse et les sports. Pour la jeunesse et les sports, le budget général devait atteindre en 2020 près de 3.5 milliards de dirhams comme présenté dans le tableau 4.7, soit environ 56% des dépenses du Ministère pour la même année. Par ailleurs, il convient de constater que le budget consacré au programme « Jeunesse, enfance et femmes » est le deuxième plus important après celui consacré au « Sport de haut niveau ».

D’après le projet de performance 2020 pour la jeunesse et les sports, la mise à niveau des établissements socioéducatifs, et notamment des maisons de jeunes, semble être un projet prioritaire pour le MCJS compte tenu d’un budget d’investissement de 840 millions de dirhams, comme présenté dans le tableau 4.8. Ce projet prévoit ainsi l’amélioration des équipements et infrastructures du MCJS, soit la création ou l’aménagement de colonies de vacances, l’aménagement et/ou l’équipement de maisons de jeunes, ainsi que la mise à niveau ou la réhabilitation de foyers féminins. Plus précisément, le projet de performance indique que la part consacrée aux maisons de jeunes est de 240 millions de dirhams, soit près de 23% du budget total du programme « Jeunesse, enfants et femmes » (Ministère de la Culture, n.d.[3]). Par ailleurs, un budget de 100 millions de dirhams serait programmé pour « réaliser le projet de la nouvelle génération des maisons de jeunes » (Ministère de la Culture, n.d.[3]).

D’après les données fournies par le MCJS pour l’année 2018, le Ministère comptait 3543 fonctionnaires, 2069 hommes et 1474 femmes, dont près des 2/3 étaient des cadres et cadres supérieurs8. Près de 45 % des femmes travaillant au MCJS auraient entre 50 et 60 ans, avec une moyenne d’âge de 49 ans. Les hommes de plus de 50 ans représentent quant à eux près de 60 % des employés du Ministère, comme présentés dans le graphique 4.2. Ces données démontrent qu’un renouvellement important du personnel interviendra dans les années à venir.

Lors des entretiens des missions d’observation de l’OCDE, différents interlocuteurs ont souligné d’importants défis concernant les ressources humaines pour le MCJS, provenant principalement du vieillissement de la pyramide d’âge des agents du Ministère et du faible renouvellement de ceux-ci. Ainsi, en 2017, près de 300 fonctionnaires seraient partis à la retraite, dont 30 dans la région de Casablanca-Settat. Pour pallier l’absence de renouvellement des fonctionnaires du MCJS, il a été décidé de procéder à un large recrutement d’agents contractuels, généralement pour 3 ans9. Les acteurs nationaux et locaux rencontrés ont souligné l’importance d’entreprendre une réflexion sur l’amélioration des mécanismes ministériels de recrutement qui est à engager dans le cadre de la réflexion actuelle du gouvernement marocain pour une réforme globale de la fonction publique.

Dans ce contexte, le MCJS envisage actuellement une modernisation de sa gestion des ressources humaines. Ainsi, le Ministère prévoit « de se doter d’un système de contractualisation avec les services gestionnaires déconcentrés permettant leur mobilisation, leur responsabilisation et leur engagement à réaliser des objectifs prédéfinis mesurables par des indicateurs chiffrés traduisant les réponses aux attentes des citoyens (jeunes, enfants et femmes) » (Ministère de la Culture, n.d.[3]). Le développement des compétences et le renforcement des capacités à travers la formation initiale et continue constituent des actions essentielles auxquelles le Ministère souhaite avoir recours dans le cadre du processus de modernisation (Ministère de la Culture, n.d.[3]). Cette réflexion constituerait une occasion de renforcer la présence des jeunes dans le MCJS et plus généralement dans l’administration publique, au niveau central comme au niveau local. Les jeunes de moins de 35 ans ne représentaient en effet que 7,14 % des employés de l’ancien Ministère de la Jeunesse et des Sports10 en 2017. À titre de comparaison, au sein des ministères de la jeunesse interrogés dans le cadre de l’enquête de l’OCDE sur la gouvernance de la jeunesse (OCDE, 2020[4]), 26% du personnel est âgé de 34 ans ou moins. Cette sous-représentation des jeunes se retrouve dans le reste de l’administration publique marocaine : les 18-34 ans11 constituaient par exemple seulement 12,5 % de l’effectif total du Ministère des Affaires Générales et de la Gouvernance en 2018, soit 23 personnes sur 18412.

Ces résultats soulignent que le secteur public doit se maintenir comme un employeur attrayant pour la prochaine génération de demandeurs d'emploi et tenir compte de leur potentiel d'innovation pour répondre aux besoins des citoyens et rester dynamique. La participation des jeunes dans l’administration publique, même s’il ne s’agit pas de participation politique pure, est en effet essentielle. Les ministères et autres institutions publiques prennent en effet des décisions et créent les règles qui touchent la qualité de vie des citoyens et la distribution des biens et des services pour tous.

Afin d’encourager la diversité au sein des effectifs de la Fonction publique et assurer un accès égal aux groupes sous-représentés comme les jeunes, l’OCDE a élaboré une Recommandation aux gouvernements sur le Leadership et les Aptitudes de la Fonction Publique pour inciter le recours à des processus transparents, ouverts et méritocratiques pour le recrutement et la promotion des candidats (OCDE, 2019[5]). À titre d’illustration, le rapport de l'OCDE « Skills for a High Performing Civil Service » (Des compétences pour une fonction publique performante) met l'accent sur les programmes de développement instaurés par différents pays membres de l'OCDE afin d'attirer des talents à poursuivre une carrière dans le secteur public. Le Royaume-Uni, l'Estonie et la fonction publique flamande, entre autres, proposent des programmes de progression rapide pour les jeunes talents diplômés des universités pour qu'ils puissent commencer leur carrière dans la fonction publique et occuper des postes de direction (OCDE, 2019[1]).

Enfin, il est nécessaire de souligner que l’accès à l’information sur les ressources humaines et sur le budget alloué tant concernant l’institution responsable de coordonner les politiques de jeunesse que les services publics de jeunesse de manière plus générale est primordial. L’absence ou la désuétude de ce type d’information rend ainsi plus difficile l’évaluation par les personnes concernées de l’efficacité des institutions responsables (OCDE, 2019[1]). Dans ce cadre, le Portugal a par exemple inscrit dans sa Stratégie Nationale de la Jeunesse des engagements pour améliorer son système de gestion d’information financière dans le cadre des dépenses publiques en lien avec les politiques de jeunesse. Plus particulièrement, la Stratégie prévoit d’une part la création d’une méthodologie et d’indicateurs liés à la mise en place de politiques publiques pour les jeunes. D’autre part, elle comprend la mise en place d’un système de comptabilité des dépenses directes et indirectes de l’État concernant les politiques publiques destinées à la jeunesse13.

Dans le cadre des efforts de modernisation menés par le MCJS, l’engagement d’une réflexion approfondie sur la gestion de ses ressources humaines, et plus particulièrement sur la répartition des compétences et la formation du personnel du Ministère et des maisons de jeunes, pourrait être envisagé de manière à répondre aux nouvelles attentes des jeunes et de ces personnels. Sur cette base, l’identification des opportunités de mobilité de ses fonctionnaires, en collaboration avec la Direction Générale des Collectivités Territoriales du Ministère de l’Intérieur, pourrait permettre à son administration d’être plus agile dans le cadre de la régionalisation avancée, répondant ainsi aux nouvelles exigences de performance (OCDE, 2020[6]). De plus, une meilleure mobilité de ses fonctionnaires devrait permettre de redresser le déséquilibre dans leur répartition géographique, notamment au sein des maisons de jeunes.

Par ailleurs, le Ministère pourrait s’appuyer sur les programmes de formation de ses fonctionnaires évoqués précédemment afin d’inclure le renforcement des capacités de ces derniers en matière de collecte et de gestion de données, mais également en ce qui concerne l’accès à l’information et à la publication proactive de celle-ci, afin de permettre une meilleure identification des besoins, priorités et défis des jeunes marocains et marocaines. Cela pourrait également faciliter l’évaluation des institutions et services compétents dans ce domaine et ainsi accentuer les efforts de redevabilité gouvernementale envers les citoyens et plus particulièrement les jeunes.

La diversité des parties prenantes gouvernementales et non-gouvernementales impliquées dans la traduction des engagements politiques en programmes et services concrets pour la jeunesse rend essentielle la mise en place de solides mécanismes de coordination (OCDE, 2019[1]). La coordination constitue ainsi une phase incontournable du processus de décision gouvernementale qui existe dans tous les systèmes politiques.

La coordination horizontale concerne des structures sans lien hiérarchique entre elles et conduit à établir des liens formels et mécanismes de coopération entre l’autorité responsable des affaires de la jeunesse du gouvernement et l’ensemble des acteurs gouvernementaux (par exemple, Ministère de l’Emploi, Ministère de la Santé) et non-gouvernementaux (comme les associations de jeunesse, le conseil de la jeunesse lorsqu’il ne s’agit pas d’un organisme public). Au Maroc, le développement d’un tel mécanisme prend une importance particulière dans un contexte de réforme et d’accentuation des efforts gouvernementaux pour une plus grande inclusion de la jeunesse dans l’élaboration des politiques publiques.

Au Maroc, la coordination horizontale semble s’effectuer en grande partie de manière ad hoc, à travers l’organisation de réunions et d’initiatives de coopération non institutionnalisées. Le MCJS a ainsi souligné trois difficultés principales en matière de coordination avec d’autres ministères14 : le manque de mécanismes institutionnels, la faible implication de certains départements ministériels, et le manque de convergence entre départements. Selon le Ministère, c’est au niveau local que la coopération avec les autres ministères (le Ministère du Travail et de l’Insertion Professionnelle par exemple) est la plus efficace, malgré un partage de données encore trop faible et l’absence d’un mécanisme de diagnostic des besoins des jeunes. Par ailleurs, la coordination avec les partenaires non-gouvernementaux demeure un défi d’après le MCJS15.

L’amélioration de la coordination horizontale avait été envisagée lors de l’élaboration de la SNIJ, qui préconisait la création d’un organe interministériel pour assurer sa mise en œuvre auprès des acteurs gouvernementaux et non-gouvernementaux. À l’aune d’une nouvelle politique nationale intégrée de la jeunesse (mentionnée dans le chapitre 3), l’instauration d’un tel mécanisme demeure primordiale pour assurer une plus grande efficacité et redevabilité de l’administration en charge des affaires de jeunesse. Plus particulièrement, ce comité permettrait d’assurer la coordination des différentes initiatives politiques prévues au niveau national et local et de son plan d’action. Il contribuerait également à dégager un accord sur les moyens de suivi et d’évaluation de la politique. Cet organe serait formé d’acteurs publics représentant les différents secteurs travaillant sur les politiques de jeunesse. De plus, la participation en son sein de représentants de la société civile et des jeunes issus d’associations contribuerait, d’une part, au rétablissement d’un lien de confiance entre la jeunesse et les autorités publiques, et, d’autre part, à la création d’un engagement autour de la nouvelle politique intégrée de la jeunesse. Il serait ainsi nécessaire de prendre en considération les propositions émises par les représentants de la jeunesse marocaine, d’en assurer un véritable suivi et d’échanger autour des décisions issues des processus de consultation. De manière générale, cet organe devra être intégré dans le schéma de gouvernance de l’inter-ministérialité devant alimenter la prise de décision politique et permettant ainsi d’assurer un suivi effectif des réformes stratégiques du Maroc par la Présidence du Gouvernement.

En complément du travail du Centre de Responsabilité en charge des questions de jeunesse, un certain nombre de pays membres de l’OCDE font le choix de mettre en place des comités interministériels afin d’assurer le suivi et l’évaluation des politiques de jeunesse. Certains de ces comités sont présidés par le Premier ministre avec le Ministère de la Jeunesse endossant le rôle de Secrétariat, comme le Secrétariat de la Jeunesse au Québec présenté dans l’encadré 4.1. L’encadré 4.2 montre qu’intégrer les jeunes et leurs représentants au sein d’un comité interministériel pour l’élaboration de politiques de jeunesse (ou autre mécanisme de coordination horizontale) est également une démarche adoptée par un certain nombre de pays membres de l’OCDE, comme au sein de la Chambre de la jeunesse tchèque et du Conseil du Gouvernement de la République de Slovénie pour la Jeunesse. Dans d’autres cas, des coordinateurs interministériels chargés des questions de jeunesse sont placés dans les ministères, assurent la circulation de l’information et constituent des « points focaux jeunes » pour le ministère de la jeunesse, à l’image des coordinateurs jeunesse en Slovénie dont l’exemple est illustré dans l’encadré 4.3.

Le renforcement du dialogue et de la coordination verticale permet de mieux comprendre les besoins et les problèmes des différents niveaux de gouvernement, de faciliter la négociation avec le niveau central, et d’assurer une coopération optimale pour la conception, la mise en œuvre et le suivi des réformes (OCDE, 2020[6]). Au Maroc, les pouvoirs publics sont conscients de la nécessité d’accompagner la politique de décentralisation et de régionalisation avancée par une véritable politique de déconcentration des services de l’État agissant au niveau des territoires. Tant la Constitution de 201116 que les lois organiques de 201517 précisent que le programme de développement régional, le programme de développement de la préfecture ou de la province et le plan d’action de la commune doivent être élaborés en coordination avec le wali de la région ou le gouverneur, selon les cas.

En matière de jeunesse, les récentes réformes du Gouvernement marocain incluent la mise en place de directions régionales et provinciales du MCJS. Ce processus de déconcentration des politiques de jeunesse au niveau régional représente une réelle opportunité d’améliorer la cohérence des politiques publiques pour un développement inclusif et intégré des territoires.

Dans ce contexte, la future politique nationale de la jeunesse sera par essence interministérielle. Par conséquent, en tant que ministère pilote, le MCJS devra assurer une coordination effective entre ses services internes au niveau central et avec les autorités infranationales. Comme souligné au chapitre 3, il conviendra donc de soutenir les capacités techniques, financières et humaines du niveau déconcentré du MCJS comme garant des politiques de jeunesse au niveau local.

Par ailleurs, les échanges réguliers entre tous les niveaux de gouvernement dans le domaine des politiques de jeunesse seront déterminants pour la déclinaison locale des priorités nationales en matière de jeunesse et la mutualisation des compétences. Cela pourrait être soutenu par un dialogue infrarégional structuré à travers le centre de compétences (évoqué dans le chapitre précédent) et la mise en place d’une conférence sectorielle annuelle en matière de jeunesse regroupant les gouvernements régionaux et le gouvernement central pour favoriser une action publique coordonnée et cohérente. L’encadré 4.4. présente le Conseil Interterritorial de la Jeunesse créé en Espagne afin de renforcer la coopération entre l’État et les communautés autonomes en ce qui concerne les questions liées aux politiques de jeunesse. En Suisse, la Conférence pour la Politique de l’Enfance et de la Jeunesse, mentionnée dans l’encadré 4.5, se charge aussi de ces questions.

L’intégration de groupes de plaidoyers et d’intérêts de la jeunesse au sein de ces mécanismes pourrait également permettre de guider les autorités publiques aux niveaux national et local dans la conception de programmes et d’activités. En Slovénie, les consultations nationales du secteur de la jeunesse offrent ainsi une occasion annuelle aux organisations de jeunesse, aux animateurs socio-éducatifs, et à toutes les autres parties impliquées dans la co-création de politiques et programmes pour les jeunes aux niveaux central et local d’engager le dialogue.

Le MCJS dispose de 12 Directions Régionales18 et de 66 Directions Provinciales19. Ces dernières mettent en œuvre, à l’échelle provinciale, préfectorale et locale, la politique fixée par le MCJS. Le directeur régional assure la coordination avec des directeurs provinciaux de sa région.

Les maisons de jeunes (« Dar Chabab ») sont des établissements publics installés sur tout le territoire du pays et offrant au MCJS une présence institutionnelle importante à l’échelon local. Leur mission est d’offrir aux jeunes la possibilité de s’épanouir à travers de nombreuses activités socio-culturelles, constituant ainsi un véritable espace « d’apprentissage social et démocratique »20. D’après le MCJS, le réseau de maisons de jeunes était constitué en 2021 de 642 établissements à travers le pays, en milieu urbain comme rural. Leur budget, alloué en fonction de leurs activités, représente en 2020 une part importante des dépenses d’investissement du Ministère comme détaillé dans la section précédente sur les ressources financières du MCJS.

Une décision du MCJS permet la création d’une maison de jeunes et détermine son statut administratif, juridique et éducatif. Cette décision inclut la nomination des responsables de l’établissement ainsi que son personnel éducatif et administratif en fixant les tâches qui leur sont dévolues. La maison de jeunes est dirigée « par un directeur assisté par un personnel éducatif chargé de l’animation au sein de l’établissement en conformité avec les objectifs et les programmes fixés » (Association Jeunes pour Jeunes, 2019[7]). En 2019, environ 981 cadres et agents travaillaient dans les maisons de jeunes, dont 767 cadres du MCJS et 214 cadres et auxiliaires des Communes et de la Promotion Nationale. Une grande partie de ces fonctionnaires travaille dans les grandes villes du littoral, laissant un nombre important d’établissements à la gestion d’une seule personne (Association Jeunes pour Jeunes, 2019[7]) et mettant ainsi en lumière d’importants défis de réorganisation des ressources humaines du Ministère.

L’organisation et la gestion administrative d’une maison de jeunes sont confiées à son conseil élu, dont les membres sont le directeur de l’établissement, des représentants élus des associations et clubs de la même maison de jeunes, ainsi que « toute autre personne s’intéressant au travail social, éducatif et sportif »21. L’objectif de ces conseils est de « faire participer les jeunes au fonctionnement et à la gestion de la maison de jeunes » et de faciliter le dialogue entre les différents acteurs travaillant au sein d’une maison de jeunes22.

Les maisons de jeunes et les associations y opérant ont un rôle central à jouer pour la jeunesse marocaine. En effet, elles permettent, d’une part, de faciliter son inclusion sociale à travers plusieurs dimensions (professionnelle, sociale, culturelle), et représentent, d’autre part, un mécanisme de résilience qui peut contribuer à éviter les conséquences néfastes de l’inactivité et du désengagement. Pour les jeunes scolarisés, ces structures proposent un encadrement pédagogique important en faisant appel à des professionnels bénévoles et en offrant à ces jeunes un soutien scolaire, des cours de langues ou un accompagnement dans l’orientation. En outre, pour les jeunes qui ne sont ni en éducation, emploi ou formation (NEET), les maisons de jeunes pourraient représenter des plateformes de structuration du temps libre à travers des formations professionnelles et donc l’opportunité d’améliorer leurs chances d’entrer dans le milieu professionnel.

Fort de ce réseau institutionnel et associatif très solide sur l’ensemble du pays, le MCJS a entamé une réforme des maisons de jeunes, afin de définir de nouvelles priorités et consolider leur impact auprès des jeunes.

Dans ce contexte, assurer une plus grande autonomie et responsabilité aux maisons de jeunes dans leur gestion administrative et financière pourrait incarner une des réformes prioritaires du Ministère. Par ailleurs, rapprocher les modalités de gestion et d’intervention des maisons de jeunes aiderait à garantir la complémentarité entre les programmes offerts par ces structures. Cette mesure pourrait être menée en co-création avec des jeunes marocains et marocaines sur des standards autour des moyens, des méthodes et des initiatives de ces structures. Les maisons de jeunes verraient ainsi accroître leur visibilité et fréquentation, en particulier auprès des franges les plus vulnérables de cette population (jeunes femmes et personnes sans éducation, emploi ou formation).

Par ailleurs, une réflexion sur l’élargissement du périmètre d’action des maisons de jeunes et l’octroi de compétences supplémentaires serait bénéfique. Cela pourrait inclure la possibilité pour ces établissements de devenir de véritables structures de développement de projets d’engagement citoyen. Les Centres de Jeunes dans la Fédération Wallonie-Bruxelles permettent par exemple l’élaboration d’initiatives d’actions locales de développement, comme présenté dans l’encadré 4.6. L’élargissement des compétences des maisons de jeunes marocaines pourrait aussi prévoir un renforcement de leur collaboration avec les communes afin d’intégrer davantage les enjeux du territoire.

Créer ou renforcer les opportunités de coordination du réseau des maisons de jeunes au sein d’une même région et à l’échelle du pays pourrait également être envisagé afin de garantir une plus grande cohérence de leur action. Dans cette perspective, l’Association Jeunes pour Jeunes a par exemple créé une plateforme de réflexion et de renforcement des compétences avec des conseils de maisons de jeunes, présentée dans l’encadré 4.7. De plus, l’institutionnalisation de mécanismes de coordination avec des institutions similaires venant d’autres secteurs clés pour la jeunesse, telle que l’espace santé jeunes, devrait contribuer à une meilleure coopération des services publics et à un accès plus efficace de jeunes à ceux-ci. L’encadré 4.8 montre qu’en France, l’Information Jeunesse propose par exemple une information actualisée et adaptée aux jeunes sur des domaines inhérents à leur développement dans la société.

Les conseils nationaux de jeunesse (CNJ) peuvent servir de voix consolidée des jeunes grâce à leurs réseaux de membres provenant d'organisations de jeunesse. Une structure de représentation nationale facilite le processus de consultation et de collecte d'informations pour les institutions gouvernementales, tout en unissant les organisations de jeunesse locales et régionales pour défendre leurs intérêts (European Youth Forum, 2014[8]). Comme exposé plus tôt dans ce rapport, la Constitution marocaine de 2011 prévoit la création d’un Conseil Consultatif de la Jeunesse et de l’Action Associative (CCJAA) « chargé d’étudier et de suivre les questions intéressant ces domaines et de formuler des propositions sur tout sujet d’ordre économique, social et culturel intéressant directement les jeunes et l’action associative, ainsi que le développement des énergies créatives de la jeunesse, et leur incitation à la participation à la vie nationale, dans un esprit de citoyenneté responsable »23. Le Conseil a également pour mission « d’étendre et généraliser la participation de la jeunesse au développement social, économique, culturel et politique du pays, ainsi qu’aider les jeunes à s’insérer dans la vie associative »24. Dans ce cadre, le projet de loi n° 89-15 portant création du CCJAA a été adopté par la Chambre des Représentants en 2017 et promulgué en janvier 2018. L’entrée en fonction du Conseil interviendra après que sa composition aura été complétée.

En plus d’un président ou d’une présidente, le Conseil se compose d’une Assemblée Générale qui délibérera sur son programme d’action et approuvera notamment son budget et ses rapports annuels. Il est également composé d’une instance chargée des questions de la jeunesse et d’une instance chargée de l’action associative. Enfin, il comprend deux commissions permanentes instituées au sein de chaque instance, en charge d’élaborer une base de données nationale, de produire des études, recherches et rapports thématiques, de créer des indicateurs nationaux, de préparer des projets d’avis, et d’étudier chaque question soumise à l’instance concernée25.

La mission principale du CCJAA consiste à formuler des avis sur toutes les questions qui lui sont soumises par le Roi, le gouvernement ainsi que les présidents des deux Chambres du Parlement. Par ailleurs, il contribuera à l’élaboration des stratégies gouvernementales concernant la promotion des conditions de la jeunesse et de l’action associative, ainsi que la réalisation de recherches et d’études et la formulation de recommandations sur ces questions26. Ainsi, le Conseil semble correspondre davantage à une commission formulant des avis et analyses plutôt qu’à un conseil de jeunes agissant comme un organe de représentation et de renforcement de capacités de la jeunesse, tel que cela existe dans de nombreux pays membres de l’OCDE (2017[9]) comme présenté dans l’encadré 4.9, ou encore à un organe consultatif affilié au gouvernement tel que le Conseil d’Orientation des politiques de Jeunesse (COJ) français présenté dans l’encadré 4.10. Contrairement au CCJAA, le COJ est en effet un organe administratif placé auprès du gouvernement, et plus particulièrement auprès du Premier ministre.

La création du CCJAA reflète une volonté claire du Maroc d’encourager la prise en compte des intérêts de sa jeunesse et de les traduire en des initiatives concrètes tant au niveau central que local. Toutefois, il convient de souligner que la représentativité des membres du CCJAA présente des lacunes, notamment dû à un manque d’information en ce qui concerne l’âge des membres du CCJAA ou les compétences requises pour intégrer le Conseil. Il n’existe pas non plus de quota de membres de moins d’un certain âge, ni d’indication précise sur la représentation paritaire de genre ou la répartition territoriale de ses membres. Ces carences furent également soulevées dans un avis du Conseil Économique, Social et Environnemental marocain en 201727.

Dans ce contexte, le gouvernement marocain pourrait saisir l’opportunité de la mise en place du Conseil pour renforcer sa gouvernance, son fonctionnement et son impact. Tout d’abord, le gouvernement pourrait inclure dans les textes d’application de la loi relative au CCJAA des dispositions précisant les compétences attendues de ses membres, des critères d’âge afin d’assurer la représentation de la jeunesse au sein du Conseil, et les principes de parité et de répartition régionale.

Par ailleurs, il serait aussi nécessaire de s’assurer que les intérêts des jeunes soient pleinement représentés par le Conseil, notamment en clarifiant la manière par laquelle il travaillera avec les associations de jeunesse, ainsi qu’avec les jeunes ne faisant pas partie d’associations, pour élaborer ses avis. Il sera par ailleurs indispensable que le Conseil puisse s’assurer que ces associations soient en capacité de travailler et qu’elles soient véritablement représentatives du secteur associatif marocain.

Un autre élément essentiel à la réussite du Conseil consultatif marocain est de garantir que les avis émis soient adaptés aux besoins des jeunes et qu’ils aient un vrai impact dans l’élaboration des politiques. Il est donc important de clarifier la portée de ces avis, leur mode de publicité ainsi que leur cadre d’application. Par ailleurs, il sera important de s’assurer que les rapports et conclusions du Conseil soient rendus disponibles au grand public, ainsi qu’aux jeunes à travers des canaux de communication adaptés – réseaux sociaux, site Internet, etc. – mais aussi au Parlement de manière régulière (OCDE, 2017[9]). De plus, les contributions récoltées auprès des citoyennes et citoyens en vue d’élaborer les avis doivent également représenter la diversité des opinions et des situations existant au sein de la population et de la jeunesse, qu’il s’agisse des tendances politiques, idéologiques, du secteur d’activité, du statut social ou encore de l’origine géographique des citoyens interrogés, tout en prenant en compte également la parité femmes-hommes. La pluralité des apports favoriserait ainsi une plus grande objectivité et inclusion dans les avis rendus28.

Il convient par ailleurs de donner au Conseil des moyens adaptés pour une mise en œuvre efficace de son mandat. Cela passe notamment par l’allocation d’un budget établi en fonction des activités, ce qui garantira également une plus grande indépendance de toute influence politique. Dans les pays membres de l’OCDE, la source de financement de loin la plus importante pour les conseils nationaux de jeunesse provient d'organismes gouvernementaux ou d'allocations de fonds contrôlés par l'État. Dans de nombreux cas, le financement est assuré par le ministère de la Jeunesse ou par des organismes similaires chargés des questions relatives à la jeunesse. Les autres principales sources de financement sont les cotisations des membres et les fonds des institutions internationales. Certains pays membres de l'OCDE ont également choisi d'affecter une partie des impôts et des bénéfices tirés des loteries et des jeux d'argent légaux au financement des conseils nationaux de la jeunesse (par exemple, le Danemark, la Suède et la Finlande). Ces dernières années, certains conseils de jeunesse ont également étudié les possibilités de coopérer avec le secteur privé dans le cadre des programmes de responsabilité sociale des entreprises (OCDE, 2019[1]).

Enfin, élargir le champ de compétences du Conseil et lui donner des fonctions incluant par exemple le renforcement des capacités ou la mise en place d’activités de sensibilisation et d’introduction de nouveaux thèmes de travail pourrait permettre d’accroître la portée de l’action du CCJAA. Cela pourra ainsi renforcer son objectif de prendre en compte les intérêts de la jeunesse marocaine et de les traduire en des initiatives concrètes tant au niveau central que local.

L’institutionnalisation de l’engagement de la jeunesse à travers de nouvelles structures et mécanismes aux niveaux local et régional crée les conditions favorables à un dialogue et partenariat durable entre les collectivités territoriales et les jeunes, et offre l’occasion à ceux-ci et à leurs représentants de devenir des acteurs à part entière des politiques publiques. Au Maroc, de telles institutions ont progressivement vu le jour au cours des dernières années, tant à travers des organes formels que des initiatives ad hoc.

Les instances consultatives chargées de l’étude des questions relatives aux centres d’intérêts des jeunes, telles que définies dans la loi organique de 2015 et le décret d’application29, sont des mécanismes participatifs de dialogue et de concertation pour favoriser l’implication des jeunes citoyens et citoyennes dans l’élaboration et le suivi des politiques publiques au niveau régional, selon les modalités fixées dans le règlement intérieur de la région.

Il ressort des missions d’observations de l’OCDE réalisées dans le cadre de ce projet que ces instances régionales consultatives destinées aux jeunes sont aujourd’hui en place mais pas encore pleinement opérationnelles. Certaines instances ont établi des critères de composition précis, tels que la nécessaire affiliation à une association travaillant déjà dans la région afin de garantir une certaine capacité d’adaptation au contexte de la région en question. Un autre critère considérerait la présence dans la région concernée du siège de l’association (OCDE, 2017[9]). Par ailleurs, les instances peuvent inclure des membres de la société civile et des experts, à l’image de l’Instance Consultative de la Jeunesse de la région Fès-Meknès comme présenté dans l’encadré 4.11.

Concernant le mandat de ces instances, le Conseil de Souss-Massa a par exemple défini comme mission principale pour son instance consultative des jeunes et de l’avenir d’appuyer le suivi et la réalisation du PDR, de contribuer à l’élaboration et au suivi des programmes et des plans régionaux relatifs aux jeunes ainsi que de participer à la collecte des données régionales en relation avec l’emploi, la formation et la participation citoyenne des jeunes dans les politiques publiques (Saber, 2019[10]).

Pour permettre à ces instances d’être de vrais moteurs de la participation citoyenne des jeunes, les problématiques suivantes sont à considérer :

  • Quels critères pour la mise en œuvre et la composition, et quel mandat ?

  • Quel serait le rôle précis de ces instances dans le cadre de l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi des PDR ainsi que de la Politique nationale de la jeunesse et de sa mise en œuvre ?

  • Comment renforcer la représentation des jeunes et des associations de la jeunesse au sein des instances régionales créées par les lois organiques de 2015, et en particulier dans les instances consultatives chargées de l’étude des questions relatives aux centres d’intérêts des jeunes?

  • Comment favoriser les échanges de pratiques entre les différentes instances régionales ainsi qu’entre les instances régionales et le niveau national (y compris le Conseil consultatif de la jeunesse et de l’action associative officiellement créé en janvier 2018), et comment « faire remonter » les besoins à couvrir par le niveau régional ou national ?

  • Comment assurer l’approche « bottom-up » à partir du niveau local ? Comment s’assurer que les demandes locales soient aussi recueillies au niveau régional ?

  • Quel besoin d’accompagnement pour ces instances ?

  • Quel rôle pour l’INJD qui a vocation à être décliné sur les régions dans ce cadre (OCDE, 2017[9]) ?

Dans ce cadre, l’élaboration d’un document de référence définissant les critères de composition des instances régionales, leur mandat, leur rôle dans le développement et la mise en œuvre des PDR et de la future politique nationale intégrée de la jeunesse, ainsi que leur collaboration avec le CCJAA, permettrait de favoriser leur opérationnalisation. À titre illustratif, l’ancien Ministère des Droits des Femmes, de la Ville, de la Jeunesse et des Sports français a édité un cadre de référence pour la mise en place de « conseils citoyens » au sein de quartiers prioritaires, détaillé dans l’encadré 4.12. Cette pratique pourrait représenter une source d’inspiration utile pour le développement d’un mode d’action efficace et durable en conformité avec la loi.

Par ailleurs, le développement d’un programme de dynamisation et d’accompagnement de l’ensemble des instances à l’échelle nationale serait particulièrement utile au renforcement de leur impact. Cela pourrait par exemple s’illustrer par l’organisation de réunions annuelles avec des représentants de chacune des instances.

Les conseils de jeunesse au niveau local, ou encore des structures de type parlement ou forum des jeunes, sont également susceptibles de jouer un rôle majeur en permettant aux jeunes de façonner les décisions qui les concernent. Ils contribuent à créer une communauté qui encourage les jeunes à s'impliquer et qui réalise des projets répondant à leurs besoins et à leurs attentes.

Comme le précise la Charte européenne révisée sur la participation des jeunes à la vie locale et régionale (Conseil de l’Europe et le Congrès, 2015[11]) ces structures, qui constituent « le cadre matériel dans lequel les jeunes peuvent librement faire connaître leurs inquiétudes aux autorités et formuler des propositions », pourraient notamment avoir pour rôle :

« D’offrir aux jeunes un lieu où s’exprimer librement sur leurs sujets de préoccupation, y compris à propos des propositions et politiques des municipalités et autres collectivités territoriales ;

De donner aux jeunes la possibilité de faire des propositions aux pouvoirs locaux et régionaux ;

De permettre aux municipalités et autres collectivités territoriales de consulter les jeunes sur des questions spécifiques ;

De fournir un lieu où élaborer, suivre et évaluer des projets intéressant les jeunes ;

D’offrir un lieu favorisant la concertation avec des associations et organisations de jeunes ;

De favoriser la participation des jeunes dans d’autres organismes consultatifs des pouvoirs locaux et régionaux » (Conseil de l’Europe et le Congrès, 2015[11])

Il existait en 2015 plus de 50 conseils de jeunesse locaux au Maroc, dont le Conseil Municipal de Tétouan présenté dans l’encadré 4.13. Cependant, ces derniers ne sont à ce jour pas reconnus légalement comme des conseils de jeunesse. Certains ont été créés à l’initiative d’ONG en partenariat avec des communes, d’autres sous la forme d’ONG et quelques-uns ont vu le jour grâce à un accord entre des organisations internationales et la Direction Générale des Collectivités Territoriales du Ministère de l’Intérieur (Union Européenne et Conseil de l’Europe, 2015[12]). L’article 14 de la Charte communale, qui autorise la création de commissions temporaires30, a en effet permis l’instauration de plusieurs conseils de jeunesse au niveau local. L’absence de cadre législatif régissant la création de telles instances rend néanmoins la continuité de ces initiatives dépendante de la seule volonté du président du conseil communal. Par ailleurs, la Charte ne précise pas le mode de financement de ces conseils locaux, qui reçoivent pour le moment le soutien financier d’organisations internationales ou de communes à travers des contrats spéciaux avec des ONG (Union Européenne et Conseil de l’Europe, 2015[12]).

Pour promouvoir une participation réelle et régulière des jeunes aux décisions et aux débats sur la vie publique locale, un certain nombre de pays membres de l’OCDE ont permis la création de structures et dispositifs appropriés au niveau local, sous la forme de conseils de jeunesse, lesquels peuvent, dans certains cas, aller jusqu’à présenter des propositions au gouvernement sur des questions concernant les intérêts de la jeunesse, comme présenté dans l’encadré 4.14.

À cet effet, l’institutionnalisation des conseils de jeunesse au niveau local au Maroc pourrait contribuer à construire durablement une dynamique d’action collective dans la vie publique locale et renforcerait également leur autonomie. La formalisation de leur action pourrait s’effectuer, entre autres, en précisant leur rôle dans le développement des plans d’action communaux.

Il conviendrait également d’encourager la formalisation du processus de sélection des membres de ces structures participatives. Ceux-ci pourraient en effet être élus, choisis au sein d’organismes de jeunesse ou sélectionnés sur une base volontaire, en essayant de refléter les caractéristiques démographiques et sociologiques de la population locale.

Par ailleurs, une aide financière ou matérielle (mise à disposition d’un local par exemple) de la part des collectivités locales et régionales faciliterait le fonctionnement de ces structures de jeunes et donc leur impact. Cette aide pourrait être également complétée par des ressources obtenues auprès d’autres partenaires, tels que des fondations ou des sociétés du secteur privé. La création d’un mécanisme (par exemple, l’exonération fiscale) encourageant le secteur privé à financer ces instances pourrait être envisagée.

Références

[7] Association Jeunes pour Jeunes (2019), “La maison des jeunes et l’inclusion sociale des jeunes – Rôle, mode de gouvernance”.

[11] Conseil de l’Europe et le Congrès (2015), Charte européenne révisée sur la participation des jeunes à la vie locale et régionale., https://rm.coe.int/168071b53c (accessed on 1 March 2021).

[8] European Youth Forum (2014), “Everything You Always Wanted to Know About National Youth Councils But Were Afraid To Ask”, https://www.youthforum.org/sites/default/files/publication-pdfs/YFJ-NationalYouthCouncils-WEB-2P.pdf (accessed on 1 March 2021).

[2] Institut National de la Jeunesse et de la Démocratie (2009), Qui sommes nous?, http://injd-maroc.blogspot.com/2009/04/qui-sommes-nous.html (accessed on 26 February 2021).

[3] Ministère de la Culture, D. (n.d.), Projet de Performance, http://lof.finances.gov.ma/sites/default/files/budget/files/jeunesse_et_sports.pdf (accessed on 26 February 2021).

[4] OCDE (2020), Governance for Youth, Trust and Intergenerational Justice: Fit for All Generations?, OECD Public Governance Reviews, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/c3e5cb8a-en.

[6] OCDE (2020), La modernisation de l’administration locale dans la région de Tanger-Tétouan- Al Hoceima, OCDE, Paris, http://www.oecd.org/mena/governance/modernisation-administration-locale-dans-la-region-de-tanger-tetouan-al-hoceima.pdf (accessed on 25 February 2021).

[1] OCDE (2019), Impliquer et autonomiser les jeunes dans les pays OCDE, https://www.oecd.org/fr/gov/impliquer-et-autonomiser-les-jeunes-dans-les-pays-ocde.pdf (accessed on 22 February 2021).

[5] OCDE (2019), Recommandation du Conseil sur le leadership et les aptitudes de la fonction publique, OCDE, https://legalinstruments.oecd.org/fr/instruments/OECD-LEGAL-0445 (accessed on 26 February 2021).

[9] OCDE (2017), « Les jeunes dans la vie publique : Vers un engagement ouvert et inclusif de la jeunesse » au Maroc, OCDE, Paris, https://www.oecd.org/mena/governance/Morocco-discussion-paper-Sept17-web.pdf (accessed on 25 February 2021).

[10] Saber, Y. (2019), “Agadir. Grand-messe des instances consultatives des jeunes”, LesEco.ma, https://leseco.ma/maroc/agadir-grand-messe-des-instances-consultatives-des-jeunes.html (accessed on 1 March 2021).

[12] Union Européenne et Conseil de l’Europe (2015), Country sheet on youth policy in Morocco, https://pjp-eu.coe.int/documents/42128013/47262196/Morocco+country+sheet-2015.pdf/bb33a361-ce20-472c-bdb3-20096a129e9f (accessed on 24 February 2021).

Notes

← 1. Au moment de la rédaction du rapport, la candidature du Costa Rica était en cours de discussion dans le cadre du processus d’adhésion à l’OCDE. Le Costa Rica n’est ainsi pas comptabilisé comme pays membre dans la présentation des résultats de l’enquête de l’OCDE sur la gouvernance de la jeunesse exposée dans ce rapport. Le Costa Rica est officiellement devenu le 38ème Membre de l’OCDE le 25 mai 2021.

← 2. Le terme « centre de gouvernement » désigne l’organisation administrative placée sous le pouvoir exécutif (Président de la République ou Premier ministre, ou gouvernement dans son ensemble) et accomplissant des fonctions transversales telles que la gestion stratégique, la coordination des politiques, le suivi et amélioration de la performance, la gestion politique des mesures adoptées, la communication ou encore le respect du principe de responsabilité. Le centre de gouvernement regroupe des unités pouvant varier selon le pays : Secrétariat général, Bureau du Cabinet, Bureau/Ministère de la présidence, Bureau du Conseil des Ministres, etc. OCDE (2017), Panorama des administrations publiques 2017, Éditions OCDE, Paris. https://doi.org/10.1787/gov_glance-2017-fr.

← 3. Le remaniement ministériel d’octobre 2019 a placé la culture, la jeunesse et le sport sous le même ministère. Certaines données sont donc susceptibles d’actualisation.

← 4. Centres implantés dans diverses régions du Maroc et offrant des services d’hébergement, de restauration et d’animation culturelle, artistique, scientifique, sportive et touristique. Ils accueillent près de 20 000 jeunes marocains et étrangers par an, Ministère de la Jeunesse et des Sports, page officielle, http://www.mjs.gov.ma/fr/content/centres-daccueil.

← 5. Établissements socio-éducatifs qui accueillent, sur décision judiciaire, des enfants ayant commis des délits ou des infractions pénales. Ces centres disposent de diverses structures d’accueil dont des espaces de vie et d’hébergement, des espaces de formation, des espaces éducatifs et des espaces sportifs.

← 6. Établissements éducatifs et sociaux dont le mandat est de renforcer les capacités des jeunes filles et femmes en vue de faciliter leur insertion socioéconomique, de dispenser des activités socioculturelles favorisant leur épanouissement, et organisant des activités telles que des cours d’alphabétisation. En 2016, le MJS disposait de 309 foyers féminins, Ministère de la Jeunesse et des Sports, page officielle, http://www.mjs.gov.ma/fr/content/foyers-feminins.

← 7. Établissements socio-éducatifs dispensant une formation professionnelle diplômante aux jeunes filles de 15 à 30 ans et proposant ainsi un accompagnement à la création de projets professionnels et une sensibilisation juridique et civique. Le Ministère de la Culture, de la Jeunesse et des Sports assure actuellement la gestion de 96 centres dont 4 en milieu rural, Ministère de la Jeunesse et des Sports, page officielle, http://www.mjs.gov.ma/fr/content/centres-de-formation-professionnelle.

← 8. Ces chiffres sont susceptibles d’être réévalués à la hausse compte tenu de la récente obtention du portefeuille de la culture par le Ministère

← 9. OCDE, Missions d’observation par les pairs, 2017

← 10. Questionnaire OCDE – 253 personnes ont entre 18 et 34 ans, dont 129 hommes et 124 femmes.

← 11. Il convient de préciser ici l’âge de formation (18-23 ans) et que le système de recrutement par concours peut retarder l’entrée dans l’administration.

← 12. Il s’agit plus précisément de 10 femmes et 13 hommes, en grande partie des cadres supérieurs. Questionnaire complété en 2018 par le Ministère délégué auprès du chef du Gouvernement chargé des Affaires Générales et de la Gouvernance.

← 13. Résolution du Conseil des Ministres n°114-A/2018 de la République du Portugal portant création de la Stratégie Nationale de la Jeunesse, Journal de la République, n°170, 4 septembre 2018 https://dre.pt/application/conteudo/116330692

← 14. Questionnaire OCDE auprès du MCJS – 2018.

← 15. Questionnaire OCDE auprès du MCJS – 2018

← 16. Article 145.

← 17. Article 83 de la loi organique n°111-14 relative aux région, l’article 80 de la loi organique n°112-14 relative aux préfectures et provinces, et l’article 78 de la loi organique n°113-14 relative aux communes.

← 18. Créées en 2016 en application des lois organiques de 2015 ; OCDE, Mission d’observation par les pairs, août 2017.

← 19. Ministère de la Culture, de la Jeunesse et des Sports, page officielle, http://www.mjs.gov.ma/fr/content/attributions-et-missions

← 20. Ministère de la Culture, de la Jeunesse et des Sports, page officielle, http://www.mjs.gov.ma/fr/content/maisons-des-jeunes

← 21. Ministère de la Culture, de la Jeunesse et des Sports, page officielle, http://www.mjs.gov.ma/fr/content/maisons-des-jeunes

← 22. Ministère de la Culture, de la Jeunesse et des Sports, page officielle, http://www.mjs.gov.ma/fr/content/maisons-des-jeunes

← 23. Constitution du Royaume du Maroc de 2011, article 170.

← 24. Constitution du Royaume du Maroc de 2011, article 33.

← 25. Loi n° 89-15 du 13 décembre 2017 portant création du Conseil Consultatif de la Jeunesse et de l’Action Associative, http://www.sgg.gov.ma/Portals/0/lois/Loi_89.15_Fr.pdf?ver=2018-02-01-170512-620

← 26. Loi n° 89-15 du 13 décembre 2017 portant création du Conseil Consultatif de la Jeunesse et de l’Action Associative, http://www.sgg.gov.ma/Portals/0/lois/Loi_89.15_Fr.pdf?ver=2018-02-01-170512-620

← 27. Projet de loi n°89-15 relatif au Conseil consultatif de la jeunesse et de l’action associative

← 28. Projet de loi n°89-15 relatif au Conseil consultatif de la jeunesse et de l’action associative.

← 29. Sur décision du Dahir n° 1-15-83 du Ramadan 1436 (7 juillet 2015) portant promulgation de la loi organique n°111-14 relative aux régions, à l’article 117, sont créées auprès de chaque conseil de région : une instance consultative chargée de l’équité, de l’égalité des chances et de l’approche genre, une instance consultative chargée de l’étude des questions relatives aux centres d’intérêts des jeunes, et une instance consultative chargées de l’étude des affaires régionales à caractère économique.

← 30. Loi n°17-08 modifiant et complétant la loi n°78-00 portant Charte communale, art. 14 : « […] Le conseil peut constituer, le cas échéant, des commissions provisoires pour une durée limitée et un objet déterminé ».

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