1. Synthèse

1. La transformation numérique stimule l’innovation, génère des gains de productivité et améliore les services tout en favorisant une croissance plus inclusive et plus durable ainsi qu’une amélioration du bien-être. Cela étant, la portée et la rapidité de ces changements soulèvent des défis dans de nombreux domaines de l’action publique, dont la fiscalité. Aussi, la réforme du système fiscal international visant à relever les défis fiscaux que pose la transformation numérique de l’économie représente depuis plusieurs années une priorité pour la communauté internationale, qui s’est engagée à parvenir à une solution fondée sur un consensus d’ici la fin de l’année 2020.

2. Ces défis fiscaux constituaient l’un des axes principaux du Projet OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS), qui a donné lieu à l’élaboration du Rapport sur l’Action 1 du Projet BEPS (Rapport sur l’Action 1) publié en 2015 (OCDE, 2017[1]). Les auteurs du Rapport sur l’Action 1 reconnaissaient que la transformation numérique touche l’économie toute entière et qu’en conséquence, il serait difficile, sinon impossible, de délimiter le champ de l’économie numérique. En mars 2018, le Cadre inclusif a publié, en collaboration avec le Groupe de réflexion sur l’économie numérique (GREN), Les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie – rapport intérimaire 2018 (le Rapport intérimaire) (OCDE, 2018[2]), rapport qui reconnaissait la nécessité d'élaborer une solution mondiale.

3. Depuis lors, les 137 membres du Cadre inclusif ont travaillé sur une solution mondiale basée sur une approche à deux piliers. Au titre du second pilier, le Cadre inclusif est convenu de réfléchir à une approche centrée sur les questions de BEPS non résolues en offrant une solution pour que les entreprises qui exercent leur activité à l’international s’acquittent systématiquement d’un impôt minimum. Ce faisant, elle contribue à apporter une solution aux problématiques de BEPS non résolues liées à la numérisation de l’économie, numérisation qui va de pair avec un accroissement de l’importance relative des actifs incorporels dans la création de valeur, donnant aux entreprises du numérique souvent davantage d’opportunités pour recourir à des structures d’optimisation via un transfert des bénéfices. Le deuxième Pilier laisse les juridictions libres de déterminer leur propre système fiscal – elles ont ainsi le choix de mettre en place un impôt sur les bénéfices des sociétés et d’en définir les taux – et prévoit le droit d’autres juridictions d’appliquer les règles contenues dans le présent rapport lorsque les bénéfices sont taxés à un taux effectif inférieur à un taux minimum.

4. Conformément à la Note politique intitulée « Relever les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie » (OCDE, 2019[3]), approuvée le 23 janvier 2019, et au Programme de travail, approuvé les 28 et 29 mai 2019, les membres du Cadre inclusif conviennent que les règles éventuellement élaborées au titre de ce Pilier ne devront pas conduire à une imposition en l’absence de bénéfice économique, ni faire naître une double imposition. Conscients des coûts liés à la charge administrative et au respect des obligations fiscales, les membres du Cadre inclusif ont également décidé de simplifier toute règle autant que le permet le contexte de la politique fiscale, y compris en envisageant de possibles mesures de simplification.

5. Après l’adoption du Programme de travail en mai 2019, le Cadre inclusif s’est attaché à développer les différents aspects du Pilier Deux. Une consultation publique organisée le 9 décembre 2019 a rassemblé plus de 150 contributions écrites, totalisant plus de 1 300 pages provenant d’un large éventail d’entreprises, d’associations sectorielles, de cabinets juridiques et de conseil et d’organisations non gouvernementales, qui ont apporté un éclairage essentiel sur la conception de nombreux aspects du deuxième Pilier (OCDE, 2019[4]). En janvier, le Cadre inclusif a diffusé un rapport d’étape sur l’avancement des travaux techniques. Depuis janvier, et malgré l’épidémie de COVID-19, tous les membres ont fait avancer les travaux et le dialogue avec les parties prenantes s’est poursuivi par le biais de canaux numériques, y compris les groupes de contact numériques mis en place par le Comité consultatif économique et industriel auprès de l’OCDE (BIAC).

6. Ce rapport représente le Blueprint du deuxième Pilier (le « Blueprint »). Il identifie des composantes techniques du deuxième Pilier. Il recense également les domaines se rattachant à la mise en œuvre et à la simplification, pour lesquels des contributions supplémentaires des parties prenantes seraient utiles et des travaux techniques complémentaires sont nécessaires la finalisation. La finalisation du deuxième Pilier suppose aussi un accord politique sur les principales caractéristiques de conception de la règle d’assujettissement à l’impôt et des règles GloBE, y compris les exclusions, l’agrégation, la hiérarchie des règles et les taux d’imposition, sur lesquelles des divergences de vue persistent.

7. Le reste de cette section expose les considérations générales relatives à la conception, avant de s’intéresser aux aspects administratifs et de mise en conformité en matière fiscale, qui ont joué un rôle important dans l’élaboration du deuxième Pilier. Il examine ensuite la coexistence du régime GILTI des États-Unis relatif aux revenus mondiaux générés par des actifs incorporels faiblement imposés, avant de résumer chacun des chapitres et de présenter un diagramme synoptique.

8. Le deuxième Pilier apporte une réponse aux problématiques de BEPS non résolues et entend faire en sorte que les grandes entreprises multinationales paient un niveau d'impôt minimum sur leurs bénéfices, indépendamment de la localisation de leur siège ou de la juridiction où elles exercent leurs activités. Pour ce faire, il établit des règles interdépendantes qui visent à (i) garantir un niveau minimum d’imposition tout en évitant la double imposition ou une imposition en l'absence de bénéfice économique, (ii) gérer les différences de système fiscal entre juridictions et de modèles d’affaires entre entreprises, (iii) assurer la transparence et l'égalité de traitement, et (vi) minimiser les coûts administratifs et de mise en conformité.

9. Le principal mécanisme permettant d'atteindre ce résultat est la règle d’inclusion du revenu (RIR), associée à la règle relative aux paiements insuffisamment imposés (RPII) en tant que filet de sécurité. À certains égards, le fonctionnement de la RIR repose sur les principes des règles traditionnelles applicables aux sociétés étrangères contrôlées (SEC), et déclenche une inclusion au niveau de l’actionnaire lorsque le revenu d’une entité étrangère contrôlée est taxé à un taux inférieur au taux d’imposition effectif minimum1. Elle est complétée par une règle de substitution (RS) qui supprime les obstacles conventionnels empêchant l’application de la RIR à certaines succursales, et qui se déclenche lorsqu’une convention fiscale oblige par ailleurs un État contractant à employer la méthode de l’exemption.

10. La RPII est une règle secondaire qui s’applique uniquement lorsqu’une entité constitutive n’est pas assujettie à une RIR. Néanmoins, la RPII fait partie intégrante de l’ensemble des règles parce qu’elle sert de filet de sécurité à la RIR, garantit l'égalité de traitement et prévient les risques d’inversions motivées par des raisons fiscales.

11. La règle d'assujettissement à l’impôt (RAI) complète ce dispositif. Elle reconnaît qu’en refusant les avantages d’une convention fiscale à certains paiements intragroupe déductibles effectués en faveur de juridictions dans lesquelles ces paiements sont soumis à des taux nominaux d’imposition faibles ou nuls, les pays sources peuvent plus facilement protéger leur base d’imposition, notamment ceux ayant des capacités administratives moins développées. Pour assurer la sécurité juridique en matière fiscale et éviter la double imposition, le deuxième Pilier couvre aussi les questions de mise en œuvre et de coordination de l'application des règles.

12. La RIR et la RPII font intervenir les mêmes critères pour déterminer le champ d'application et le niveau d’imposition effectif. Elles s'appliquent aux groupes d’EMN et à leurs entités constitutives appartenant au groupe consolidé, déterminés en fonction des normes de comptabilité financière applicables. Elles ciblent uniquement les entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires brut annuel égal ou supérieur à 750 millions EUR2. Des synergies sont ainsi créées avec les règles actuelles de l’Action 13 du BEPS sur la déclaration pays par pays (OCDE, 2019[5]), ce qui réduit les coûts de conformité. Cela évite aussi de pénaliser les PME, tout en préservant l’effectivité des règles puisque les groupes d’EMN concernés couvrent plus de 90 % des recettes de l’impôt sur les sociétés au niveau mondial.

13. En outre, les règles excluent certaines sociétés mères, y compris les fonds d’investissement et fonds de pension, les entités publiques telles que les fonds souverains et les organismes internationaux à but non lucratif, qui bénéficient généralement d’une exclusion ou d’une exonération d’impôt en vertu de la législation fiscale nationale applicable. Des règles particulières pourraient s’appliquer aux associés, coentreprises et « entités orphelines » qui ne font pas partie du groupe consolidé.

14. La règle RIR et la règle RPII utilisent une base d’imposition commune. Le calcul de la base d'imposition prend comme point de départ les états financiers établis selon la norme comptable utilisée par la société mère de la multinationale pour préparer ses états financiers consolidés. Il doit s’agir des normes IFRS ou d’une autre norme comptable reconnue. L’utilisation des états financiers comme base commune garantit l’égalité de traitement à la fois pour les juridictions et les EMN, accroît la transparence et met à profit les systèmes existants, ce qui réduit les coûts de conformité. Certains ajustements sont ensuite opérés au niveau des états financiers afin d'éliminer des éléments de revenu spécifiques de la base d’imposition, tels que les dividendes intragroupe, et d’y intégrer certaines dépenses, telles que la rémunération fiscalement déductible sous forme d’actions. Ces opérations sont nécessaires pour empêcher que les règles de comptabilité financière produisent des résultats qui fausseraient les objectifs de politique fiscale du deuxième Pilier.

15. La règle RIR et la règle RPII utilisent également une définition commune des impôts. Cette définition, dite « impôts couverts », provient de celle utilisée à des fins statistiques par de nombreuses organisations internationales, notamment l’OCDE, l’UE, le FMI, la Banque mondiale et les Nations Unies. Cette définition est volontairement large pour éviter de devoir réaliser une analyse précise des différents impôts et pour être compatible avec différents systèmes fiscaux, pour autant qu’ils taxent de façon adéquate les revenus ou bénéfices d’une entité.

16. Le taux effectif d’imposition (TEI) est déterminé en appliquant la base d’imposition et les impôts couverts juridiction par juridiction. Il faut pour cela attribuer les revenus et la charge fiscale entre les juridictions dans lesquelles l’EMN exerce des activités et où elle paie des impôts. Le calcul de la base d'imposition GloBE s'accompagne de deux autres ajustements importants : un mécanisme visant à atténuer l’impact de la volatilité du TEI d’un exercice à l’autre, et une exclusion d’une portion du revenu fondée sur la substance et calculée à partir d’une formule.

17. Le mécanisme de neutralisation des différences temporelles repose sur le principe selon lequel le deuxième Pilier ne devrait pas entraîner une imposition lorsque le TEI faible résulte de différences temporelles dans la comptabilisation des revenus ou des prélèvements d’impôts. Aussi, les règles GloBE autorisent une EMN à reporter des pertes subies ou un excédent d’impôt acquitté lors d’exercices antérieurs sur un exercice ultérieur de manière à lisser toute volatilité potentielle générée par ces différences temporelles.

18. L’exclusion d’une portion du revenu fondée sur la substance et calculée à partir d’une formule exclut du champ des règles GloBE un rendement fixe attribué à la substance localisée dans une juridiction. Du fait de cette exclusion, les règles GloBE se concentrent sur le « revenu excédentaire », tel que le revenu généré par des actifs incorporels, qui est le plus susceptible de donner lieu à des pratiques de BEPS.

19. Si le TEI de la juridiction de l’EMN est inférieur au taux minimum convenu, l’EMN sera redevable d’un surcroît d’impôt permettant de porter la charge fiscale globale sur les bénéfices excédentaires à hauteur du taux minimum. Aussi, le calcul du TEI sert à la fois de seuil de déclenchement de l’impôt et de déterminant du montant de l’impôt supplémentaire dû en vertu des règles. Cette conception garantit l’équité de traitement car toutes les EMN paient un impôt minimum dans chacune des juridictions où elles sont présentes, tandis que le mécanisme d’impôt supplémentaire conjugué à la base commune fait en sorte qu’elles supportent toutes le même niveau d’imposition supplémentaire, indépendamment de la juridiction où elles sont établies. Le montant de l’impôt supplémentaire est recouvré soit par application de la RIR, soit - en l'absence de RIR - par l'application de la RPII.

20. La règle d'assujettissement à l’impôt (RAI) complète ce dispositif. Il s'agit d’une règle conventionnelle qui cible spécifiquement les risques pour les pays source posés par les structures de BEPS liées aux paiements intragroupe3 qui exploitent les faibles taux nominaux d’imposition dans l’autre juridiction contractante (la juridiction du bénéficiaire). Elle permet à la juridiction de la source de prélever un impôt supplémentaire sur certains paiements couverts, à concurrence du taux minimum convenu. Tout impôt supplémentaire appliqué au titre de la règle RAI sera pris en compte pour calculer le TEI aux fins des règles RIR et RPII.

21. Si les règles RIR et RPII ne nécessitent pas de modifier les conventions bilatérales et peuvent être mises en œuvre en amendant la législation nationale4, la RAI et la RS ne peuvent être appliquées qu’en modifiant les conventions fiscales bilatérales en vigueur. Cela pourrait passer par des négociations bilatérales et des amendements de conventions individuelles, ou par la signature d’une convention multilatérale. Sinon, la Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (l’Instrument multilatéral), issue de l’Action 15 du BEPS, peut offrir un modèle d'approche efficient et coordonné pour introduire ces changements.

22. Afin d’assurer la coordination des règles et accroître la sécurité juridique en matière fiscale, le Cadre inclusif élaborera un modèle de législation et des instructions, mettra au point un processus d’examen multilatéral et envisagera l’utilisation d’une convention multilatérale, qui pourrait couvrir les principaux aspects du deuxième Pilier. Les mécanismes de prévention et de règlement des différends peuvent s’appuyer sur l’infrastructure existante, mais de nouvelles dispositions pourraient aussi être ajoutées à une convention multilatérale.

23. Le graphique ci-dessous illustre les différentes composantes du Pilier Deux et indique le chapitre qui traite de chacune d’elles.

24. Dans le contexte des objectifs de politique fiscale poursuivis par le deuxième Pilier, chaque composante a été conçue dans le but de minimiser l’impact sur les coûts et les ressources des autorités fiscales et des contribuables qu’induisent l'application et l’administration des règles du deuxième Pilier. Cet objectif sous-tend un certain nombre de choix de conception, et notamment :

  • Utilisation des règles de consolidation comptable pour déterminer le champ d'application. Si des raisons de politique fiscale auraient pu justifier de s'écarter de la définition du groupe consolidé, la conception du deuxième Pilier conserve cette définition afin de minimiser les coûts et la complexité, et traite les domaines à risque spécifiques au moyen de règles ciblées uniquement.

  • Recours aux seuils et aux définitions de la déclaration pays par pays. Pour limiter les coûts de conformité, optimiser les synergies, éviter les conséquences préjudiciables aux PME et préserver l’effet global des règles, la conception du deuxième Pilier met à profit les concepts et définitions de la déclaration pays par pays, et exclut les EMN dont le chiffre d'affaires brut consolidé est inférieur au seuil de 750 millions EUR.

  • Liste des entités exclues. Afin d’obtenir davantage de sécurité juridique et respecter la philosophie du projet, la conception du Pilier Deux contient une liste d’entités expressément exclues, ainsi que d’entités qui, dans certaines circonstances, pourraient déjà l’être en vertu des règles actuelles de consolidation.

  • Utilisation des normes comptables de la société mère, pas d'ajustement entre les données comptables et ajustements limités entre les données comptables et fiscales. Le recours aux informations comptables évite les coûts et la complexité liés au calcul du résultat et des bénéfices de chaque membre d’un groupe étranger conformément aux règles de comptabilité fiscale nationales, ce qui n’est généralement pas requis des EMN, même lorsqu’elles sont soumises aux règles relatives aux SEC. En particulier, l’obligation d’opérer un recalcul en appliquant les lois fiscales nationales aurait entraîné, dans le contexte de l’application de la RPII, une charge de conformité disproportionnée. En outre, la conception du deuxième Pilier accepte un éventail de normes comptables sans exiger d'ajustements entre les données comptables, par exemple entre les normes IFRS et les normes US GAAP. L’utilisation des normes comptables au niveau de la société mère - plutôt qu'au niveau de l’entité locale - limite davantage encore les coûts de conformité. Enfin, les ajustements entre les données comptables et fiscales ont été réduits au minimum, en partie pour conserver l'avantage de la simplicité liée à l’utilisation prioritaire des normes de comptabilité financière.

  • Recours aux informations financières au niveau des entités. Dans le cadre du deuxième Pilier, les EMN sont autorisées à se fonder sur les informations financières disponibles au niveau des entités et utilisées pour préparer les états financiers de la société mère, même si elles ne sont pas pleinement conformes à la norme comptable de la société mère, au regard des coûts et des avantages induits, et sous certaines conditions.

  • Simplifications visant à remédier aux différences temporelles. Les règles prévoient un mécanisme simplifié destiné à remédier aux problèmes de différences temporelles, mécanisme qui s'applique juridiction par juridiction et qui comporte des mécanismes de calcul des pertes antérieures au régime et des excédents d’impôts.

  • Hiérarchie des règles. Dans le cadre du deuxième Pilier, la règle RIR s'applique en premier, et la règle RPII sert de filet de sécurité. Les deux règles utilisent les mêmes principes de calcul pour déterminer le revenu faiblement imposé, mais la primauté de la RIR obéit essentiellement à un objectif de simplicité et de réduction des coûts de conformité, à savoir : facilité de se procurer les données sur le revenu et les impôts nécessaires pour calculer un TEI ; le fait que la RIR supposera généralement un ajustement unique, réalisé par un seul contribuable ; et la disponibilité de mécanismes permettant d'éviter le risque de double imposition. De la même manière, la décision générale de suivre une approche descendante plutôt qu'ascendante pour l’utilisation de la RIR en cas de groupes d’EMN à plusieurs niveaux répond en grande partie à des objectifs de conformité et de simplicité. L’approche descendante limitera le nombre de juridictions qui appliqueront la RIR, réduisant ainsi la nécessité d’une coordination et, par extension, la complexité, la charge administrative et le risque de double imposition induits par les règles.

  • Règle d'assujettissement à l’impôt utilisant un test du taux nominal d’imposition. La règle d’assujettissement à l’impôt est limitée à certaines catégories de paiements effectués entre membres d’un groupe contrôlé et repose sur un test du taux nominal d’imposition, ce qui permet d’éviter les difficultés conceptuelles et administratives qu’entraîne l’utilisation d’un test fondé sur un taux effectif d’imposition.

  • Règles objectives et de conception mécanique. Dans la mesure du possible, dans le contexte des objectifs de politique fiscale, le deuxième Pilier mise sur des règles objectives (concernant par exemple le champ d'application et le calcul de la base d’imposition, y compris les ajustements permanents) et sur des approches plus mécaniques et fondées davantage sur des formules (comme pour la conception d’une exclusion d’une portion du revenu fondée sur la substance et basée sur une formule et les mécanismes de répartition de l’impôt dû au titre de la RIR et de la RPII) ; cette logique devrait faciliter le respect des règles et éviter les différends qui résultent souvent de règles plus subjectives largement tributaires d’une analyse des faits et des circonstances.

  • Options de simplification supplémentaires, concernant notamment l'agrégation par juridiction. Au cours de la consultation publique organisée en décembre 2019, un grand nombre d’EMN ont souligné la nécessité de prévoir des mesures de simplification destinées à réduire la complexité et à alléger la charge administrative associées au respect des règles GloBE, en particulier dans le contexte de l’agrégation par juridiction. Plusieurs contributions ont fait référence au fait qu’une grande entreprise qui exerce souvent son activité dans plus de 100 juridictions serait tenue d’effectuer autant de calculs de TEI dans le cadre d’une agrégation par juridiction. D'autres contributions s’inquiétaient de la nécessité, dans le cas d’une agrégation par juridiction, de calculer le TEI dans des juridictions qui sont susceptibles de dépasser le taux minimum convenu année après année, compte tenu de leur base et de leur taux d’imposition. Ces observations ont motivé un certain nombre de choix de conception mentionnés précédemment, mais ont également conduit à envisager d'autres mesures de simplification, ainsi que l’explique le chapitre 5 du Rapport. Il serait opportun de soumettre ces mesures de simplification à des consultations publiques supplémentaires avec les parties prenantes et les entreprises notamment, de sorte qu’aucune décision n’a encore été prise concernant l’intégration éventuelle de ces mesures dans l'architecture définitive des règles.

25. En 2017, les États-Unis ont adopté le régime relatif aux revenus mondiaux générés par des actifs incorporels faiblement imposés (« GILTI »), dans le cadre d’une réforme de grande ampleur de leurs règles de fiscalité internationale. Le régime GILTI, qui s’inspire d'éléments du rapport sur l’Action 3 du BEPS (OCDE, 2015[6]), prévoit un niveau minimum d’imposition sur les revenus de source étrangère d’un groupe d’EMN. Bien que le régime GILTI et les règles GloBE décrites dans ce Blueprint poursuivent un objectif similaire et que leurs champs d'application se chevauchent, la conception du régime GILTI diffère de celle des règles GloBE à bien des égards.

26. Le régime GILTI aboutit globalement, mais pas complètement, à une agrégation mondiale des revenus et des impôts étrangers, mais sous divers autres aspects les règles GloBE décrites dans ce Blueprint pourraient, en fonction de leur conception définitive, être plus libérales que le régime GILTI. Cela inclut le report de pertes et d’excédents d’impôts, une définition plus large des impôts couverts et une exclusion fondée sur un éventail plus étendu d’actifs corporels et de salaires. En outre, la taxe GILTI s'applique sans limitation de seuil et intègre des règles de répartition des charges dans le calcul des crédits d’impôts étrangers, ce qui peut aboutir à des taux effectifs d’imposition supérieurs au taux minimum. Enfin, le taux effectif de la taxe GILTI est actuellement fixé à 13.125 % et sera porté à 16.4 % en 2026.

27. Au regard de l’antériorité du régime GILTI et de sa finalité législative, il est justifié de le considérer comme une règle admissible d’inclusion du revenu en vue des règles GloBE, à condition que sa coexistence produise des effets raisonnablement équivalents. Ce traitement devrait être réexaminé si l’adoption ultérieure d’une législation ou d’une réglementation aux États-Unis avait pour effet de restreindre sensiblement la base d’imposition de la taxe GILTI ou d’abaisser le taux d’imposition. Le Cadre inclusif reconnaît qu’un accord sur la coexistence du régime GILTI et des règles GloBE devrait faire partie de l’accord politique sur le deuxième Pilier.

28. À un niveau technique, il faudra étudier plus en détail comment coordonner les interactions entre la taxe GILTI et les règles GloBE. Il s'agira de réfléchir à l'application coordonnée de la taxe GILTI aux sociétés mères intermédiaires américaines de groupes étrangers ayant leur siège dans des pays qui appliquent une RIR. En outre, sachant que la règle relative aux paiements insuffisamment imposés soutient la règle d’inclusion du revenu, le Cadre inclusif encourage vivement les États-Unis à limiter l'application de la BEAT (Base Erosion and Anti-abuse Tax) s'agissant de paiements à des entités soumises à la RIR.

29. Ce rapport sur le deuxième Pilier se compose de dix chapitres qui décrivent la conception d’ensemble des règles, et comprend une annexe contenant des exemples qui illustrent le fonctionnement des règles.

30. Le chapitre 1 est le présent résumé et l’introduction.

31. Le chapitre 2 énonce les principes qui déterminent le champ d'application des règles GloBE et contient les définitions pertinentes des groupes et entités constitutives dans le champ d’application, ainsi que des entités exclues. Il explique également le calcul et l'application du seuil de chiffre d’affaires consolidé.

32. Le chapitre 3 expose et explique les règles de calcul du TEI et de l’impôt supplémentaire en vertu des règles GloBE. Les états financiers consolidés préparés par le groupe d’EMN constituent le point de départ pour l'application des règles GloBE. Des ajustements en nombre limité sont ensuite opérés au niveau des états financiers afin d'ajouter ou de supprimer certains éléments de manière à obtenir la base d’imposition de la proposition GloBE. Enfin, le chapitre définit les impôts couverts qui peuvent être pris en compte dans la détermination du TEI, juridiction par juridiction.

33. Le chapitre 4 présente les ajustements qui peuvent être apportés au calcul de l’impôt , soit par le report de pertes ou d’excédents d’impôts d'autres exercices, soit par l'application d’une exclusion d’une portion du revenu fondée sur la substance et basée sur une formule. Les ajustements par report de pertes visent à faire en sorte que le deuxième Pilier n’entraîne pas une imposition supplémentaire lorsque le TEI faible est la simple conséquence de différences temporelles de comptabilisation de recettes ou de prélèvement d’impôts, tandis que l’exclusion d’une portion du revenu fondée sur la substance et sur une formule vise à exclure du champ des règles GloBE un rendement fixe au titre d'activités de substance menées dans une juridiction.

34. Le chapitre 5 analyse un certain nombre de mesures de simplification destinées à réduire la charge de conformité induite notamment par le calcul du TEI par juridiction. Le chapitre explique que ces mesures de simplification seront probablement soumises à des consultations publiques supplémentaires avec les entreprises notamment, de sorte qu’aucune décision n’a encore été prise concernant l’intégration éventuelle de telle ou telle mesure dans l'architecture définitive des règles.

35. Le chapitre 6 décrit le fonctionnement de la RIR, et notamment les modalités d'application de la RIR dans le contexte d’une structure de propriété à plusieurs niveaux, auquel cas le deuxième Pilier suit une approche descendante, sauf lorsque la détention est partagée avec un actionnaire minoritaire n'appartenant pas au groupe. Dans ce dernier cas de figure, les règles de contrôle partagé imposent à l’entité mère intermédiaire d'appliquer la règle d’inclusion du revenu aux filiales contrôlées du sous-groupe. Ce chapitre explique également pourquoi il est nécessaire d'établir une règle de substitution intégrée aux conventions fiscales, qui autoriserait une juridiction à déroger à la méthode de l'exemption dans la mesure nécessaire pour appliquer la RIR aux bénéfices d'un établissement stable.

36. Le chapitre 7 contient un examen détaillé de la RPII. La RPII s'applique uniquement aux entités constitutives du groupe d’EMN qui ne sont pas contrôlées par une entité située à un niveau plus élevé de la chaîne qui applique une RIR. Lorsque la RPII s'applique, l’impôt supplémentaire est attribué proportionnellement entre les entités constitutives qui appliquent la RPII en procédant de façon coordonnée, d'abord aux entités qui effectuent des paiements directs à l’entité constitutive faiblement taxée, puis à toutes les entités du groupe qui enregistrent des charges nettes intragroupe.

37. Le chapitre 8 aborde deux règles spéciales, l’une portant sur les associés et les coentreprises, et l’autre sur les entités dites orphelines. La première règle applique une RIR simplifiée au revenu d’un groupe d’EMN imputable à des participations dans des entités ou dispositifs qui sont comptabilisées selon la méthode de la mise en équivalence. La deuxième règle vise à étendre l’application de la RPII aux entités « orphelines » ou aux dispositifs qui sinon pourraient servir à extraire des bénéfices du groupe d’EMN pour être reversés aux actionnaires de contrôle, ce qui entraînerait un risque de BEPS.

38. Le chapitre 9 concerne la règle d’assujettissement à l’impôt. Il présente le cadre d'élaboration d’une règle conventionnelle qui cible spécifiquement les risques pour les pays source posés par les structures de BEPS liées aux paiements intragroupe qui exploitent les faibles taux nominaux d’imposition dans l’autre juridiction contractante (la juridiction du bénéficiaire). Cette règle aura pour effet de permettre à la juridiction du payeur d’appliquer un impôt complémentaire afin de porter l’impôt sur le paiement au niveau du taux minimum convenu.

39. Le chapitre 10 s'intéresse aux questions de mise en œuvre et de coordination des règles. De nature prospective, ce chapitre explique comment le Cadre inclusif entend coordonner les règles et améliorer la sécurité juridique en matière fiscale, y compris en élaborant un modèle de législation et des orientations, en développant un processus d’examen multilatéral et en examinant la possibilité d’une convention multilatérale qui pourrait comprendre une nouvelle disposition relative à la prévention et au règlement des différends.

40. Le diagramme synoptique ci-dessous donne une vue générale des différentes étapes à suivre pour appliquer les règles GloBE aux entités constitutives en propriété exclusive d’un groupe d’EMN.

Références

[5] OCDE (2019), Instructions relatives à la mise en œuvre de la déclaration pays par pays, OECD Publishing, OECD, https://www.oecd.org/fr/fiscalite/beps/instructions-relatives-a-la-mise-en-oeuvre-de-la-declaration-pays-par-pays-beps-action-13.pdf.

[4] OCDE (2019), Proposition globale de lutte contre l’érosion de la base d’imposition (GloBE) au titre du Pilier 2, OECD Publishing, http://www.oecd.org/fr/fiscalite/beps/document-consultation-publique-proposition-globale-lutte-contre-erosion-base-imposition-pilier-deux.pdf.

[3] OCDE (2019), Relever les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie, OECD Publishing, Paris, https://www.oecd.org/fr/fiscalite/beps/document-de-consultation-publique-relever-les-defis-fiscaux-souleves-par-la-numerisation-de-l-economie.pdf.

[2] OCDE (2018), Les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie – rapport intérimaire 2018: Cadre inclusif sur le BEPS, Projet OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264301627-fr.

[1] OCDE (2017), Relever les défis fiscaux posés par l’économie numérique, Action 1 - Rapport final 2015, Projet OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264252141-fr.

[6] OCDE (2015), Concevoir des règles efficaces concernant les sociétés étrangères contrôlées, Action 3 - Rapport final 2015, Projet OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264248489-fr.

Notes

← 1. Bien que leur fonctionnement soit similaire, la règle RIR et les règles sur les SEC peuvent coexister parce qu’elles poursuivent des objectifs stratégiques différents.

← 2. Pour une discussion plus détaillée du seuil de chiffre d’affaires, voir les sections 2.4 et 10.3 ci-dessous.

← 3. Comme la section 9.1 l’explique, le champ d’application de la RAI peut dans certains cas être plus large que les paiements intragroupe.

← 4. Voir la section 10.5.3 consacrée à l’examen d’une convention multilatérale destinée à coordonner l’application des règles RIR et RPII.

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