3. Parcours de formation tout au long de la vie : le passage de la scolarité obligatoire à l’entrée dans l’âge adulte

Le cadre établi au chapitre 1 tend à démontrer que les pouvoirs publics doivent impérativement veiller à ce que les citoyens aient acquis de solides compétences de base avant l’entrée dans l’âge adulte. Les individus doivent investir dans la formation continue pour entretenir ce bagage, acquérir des compétences techniques complémentaires, ainsi qu’un savoir et une spécialisation professionnels qui leur permettront de s’adapter aux mutations technologiques et sociales. Par le passé, les systèmes d’éducation comptaient sur la scolarisation obligatoire pour donner à tous les citoyens la possibilité d’acquérir le niveau de compétences fondamentales approprié pour satisfaire aux besoins du marché du travail, une minorité seulement s'engageant dans des études post-secondaires. Les personnes qui suivaient des études supérieures étaient généralement celles qui optaient pour des professions (comme la médecine, l’enseignement et le droit) exigeant d’emblée des connaissances et qualifications spécialisées, ou qui cherchaient à améliorer leur statut social.

Le Graphique 3.1 illustre l’évolution du nombre d’années d’études moyen de plusieurs cohortes d’individus tout au long du XXe siècle, ainsi que le pourcentage de la population adulte des mêmes cohortes ayant obtenu un diplôme de l’enseignement supérieur dans les pays de l’OCDE. Les résultats font apparaître une hausse prononcée des investissements dans l’éducation et la formation initiales, surtout pour les personnes âgées d’environ 15 ans dans les années 50. Après la Deuxième Guerre mondiale, les mutations géopolitiques, technologiques et sociales ont conduit de nombreux pays aujourd’hui membres de l’OCDE à investir dans la formation d’une population qualifiée tout en prenant part à la reconstruction. Cette tendance s’est maintenue tout au long de la deuxième moitié du XXe siècle et au début du XXIe.

Les possibilités de formation auxquelles les citoyens ont accès à l’issue de la scolarité obligatoire peuvent s’avérer déterminantes pour leur situation économique, sociale et professionnelle. À une époque déjà éloignée, 15 ans était l’âge où les jeunes - même ceux qui avaient décidé de poursuivre leurs études au-delà du minimum obligatoire - achevaient leur scolarité. Ces trente dernières années, en revanche, les niveaux de scolarisation et d’instruction ont considérablement progressé dans les pays de l’OCDE : les jeunes consacrent davantage de temps aux études et à la formation, reportant d’autant leur entrée à temps plein sur le marché du travail. Aujourd’hui, dans de nombreux pays, un élève de 15 ans peut compter rester encore 5 à 10 ans dans le système éducatif.

Le Graphique 3.2 présente des données sur l’évolution du niveau d’instruction entre 2005 et 2015 pour les cohortes de naissance âgées de 25 à 34 ans et de 55 à 64 ans aux deux années de référence. En 2005, pas moins de 21 % de la tranche des 25-34 ans n’avaient pas achevé le deuxième cycle du secondaire ; en 2015, ce pourcentage avait reculé à 16 %. Dans l’autre cohorte, 43 % des personnes âgées de 55 à 64 ans n’avaient pas obtenu de diplôme du deuxième cycle de l’enseignement secondaire en 2005 ; ce pourcentage était cependant tombé à 32 % en 2015. Au cours de la même période, une proportion croissante de la population a suivi des études supérieures : en 2005, 20 % seulement de la tranche des 55-64 ans avaient obtenu un diplôme de l’enseignement supérieur, contre 26 % en 2015. Dans l’autre cohorte, 32 % des jeunes âgés de 25 à 34 ans avaient obtenu un diplôme de l’enseignement supérieur en 2005, pourcentage qui était passé à 42 % en 2015.

Sous l’effet de transformations socioéconomiques et technologiques d’envergure, la durée de la vie active se prolonge, le besoin en main d’œuvre qualifiée augmente et les exigences en matière de compétences évoluent. Ces nouvelles conditions amènent les pouvoirs publics à se fixer de nouveaux objectifs, notamment : 1) veiller à ce que les enfants terminent l’école obligatoire munis de solides compétences de base et d’attitudes les incitant et les rendant aptes à acquérir de nouvelles qualifications et connaissances tout au long de leur vie ; 2) faire en sorte que ceux qui abandonnent les études à l’issue de la scolarité obligatoire exploitent au mieux les possibilités de formation ultérieures.

Ces investissements sont importants si l’on veut que les individus continuent de perfectionner leurs compétences de base au début de l’âge adulte et au-delà. Selon l’Évaluation des compétences des adultes, un produit du Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes (PIAAC), les niveaux de littératie n’atteindraient leur maximum que vers l’âge de 30 ans (Graphique 3.3). Ces observations se fondent sur des données transversales, et confondent donc les effets du vieillissement avec les effets de période et de cohorte. Quoi qu’il en soit, en raison de l’évolution des niveaux d’instruction, les différences entre les individus plus âgés couverts par les études transversales et les cohortes plus jeunes ne tiennent pas seulement à l’âge, mais à l’évolution générale du niveau d’études, des modes de travail, etc.

Des études longitudinales ont confirmé les données transversales sur la dépréciation des compétences. Des observations longitudinales de l’évolution des compétences en fonction du vieillissement et de l’expérience au cours de la vie adulte ont récemment été établies au moyen de données relatives aux performances individuelles lors de tournois professionnels d’échecs couvrant les 125 dernières années (Strittmatter, Sunde et Zegners, 2020[3]). Ces éléments ont permis de cartographier l’évolution des capacités des individus avec l’âge moyennant un indicateur objectif des compétences cognitives - leur maîtrise des échecs. Les résultats valident la courbe en cloche illustrée au Graphique 3.3 (Strittmatter, Sunde et Zegners, 2020[3]). Les données indiquent en outre un infléchissement à long terme : toutes choses étant égales par ailleurs, les individus des cohortes plus récentes font preuve d’une plus grande maîtrise que ceux des cohortes plus anciennes au même âge. Ce changement tient peut-être à l’enseignement de meilleure qualité dont bénéficient les jeunes cohortes.

Les compétences, attitudes et dispositions s’acquièrent tout au long de la vie. Elles se transmettent également de génération en génération, ce qui fait que la portée et l’utilité des investissements dans l’éducation et la formation dépassent l’horizon d’une vie humaine. Point crucial, l’efficacité des investissements dans l’éducation des individus et la facilité avec laquelle ils sont en mesure d’entretenir leurs compétences, de les améliorer ou d’en acquérir de nouvelles sont fonction de leur expérience antérieure de l’apprentissage. Dans l’enfance, cette expérience repose en grande partie sur les compétences et le niveau d’instruction de la génération antérieure, ce qui se traduit par une transmission intergénérationnelle de l’avantage éducatif. Les enfants issus de familles dont le niveau de compétences et de capital humain est élevé sont généralement plus susceptibles d’accumuler les acquis qui leur permettront de s’épanouir. Néanmoins, la mesure dans laquelle le milieu familial détermine le développement des compétences et les possibilités de formation tout au long de la vie varie selon les contextes et les systèmes d’éducation. À des stades plus tardifs, l’influence des acquis antérieurs sur la construction du parcours de formation de l’individu gagne progressivement en importance.

Les données du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), organisé tous les trois ans dans un nombre croissant de systèmes éducatifs partout dans le monde, permettent d’observer l’évolution des compétences en littératie des jeunes ayant achevé la scolarité obligatoire entre 2000 et 2018. Elles révèlent une tendance inquiétante : entre 2000 et 2018, les résultats moyens en littératie ont reculé d’environ 7 points de score sur l’échelle PISA, recul entièrement dû à la baisse prononcée des résultats moyens des élèves les moins performants. Le Graphique 3.4 illustre l’évolution des résultats en littératie au fil des cycles successifs du PISA dans les 23 pays de l’OCDE qui ont participé aux sept éditions de l’étude. Le Graphique 3.5 montre que l’évolution des scores au PISA entre 2000 et 2018 dérive essentiellement de la baisse observée à l'extrémité inférieure de la distribution.

Ce chapitre examine la façon dont les pays peuvent veiller à ce que chacun atteigne un niveau initial de compétences de base élevé de manière à ce que la transition, entre l’adolescence et le début de l’âge adulte, de la scolarité obligatoire à d’autres études et formations soit marquée par une amélioration des résultats. Il se penche sur les systèmes qui parviennent à favoriser cette amélioration, et sur ceux où les progrès accomplis dans les premières années de l’âge adulte privilégient les jeunes favorisés ou défavorisés sur le plan socioéconomique. Il présente ensuite des données concernant les facteurs - poursuite d’études et de formations ou participation au marché du travail - associés à des transitions plus fluides, et recense les pays qui offrent aux jeunes des orientations et des conseils.

Certaines phases de la vie jouent un rôle important dans la construction des parcours de formation ouverts aux individus, influant à la fois sur l’étendue et la richesse de l’apprentissage. Elles sont dans une certaine mesure déterminées par des facteurs biologiques et découlent d’un processus de maturation induit par la plasticité du cerveau et les fonctions cognitives générales, ainsi que par les réactions émotionnelles et affectives aux stimuli de l’environnement. Néanmoins, les politiques en matière d’éducation et de formation, les politiques de l’emploi, et les politiques sociales et de protection sociale peuvent favoriser (ou brider) l’influence de certaines périodes de la vie sur ces parcours en déterminant dans quelle mesure des individus divers sont capables d’acquérir de nouvelles compétences et de nouvelles attitudes et dispositions tout au long de leur existence.

La petite enfance est une étape importante, au cours de laquelle l’individu peut établir de solides fondations et développer des fonctions cognitives, ainsi que les compétences socioémotionnelles et motivationnelles nécessaires pour se former tout au long de la vie (voir le chapitre 2). Des travaux de plus en plus abondants décrivent les interventions les plus à même de favoriser l’acquisition de compétences chez les jeunes enfants, et de renforcer ainsi leur disposition à devenir des apprenants à vie. Les données internationales comparables portant sur cet âge demeurent cependant rares. L’OCDE entend remédier à cette lacune en établissant des cadres solides pour recueillir et analyser des données à ce sujet (OCDE, 2020[6] ; OCDE, 2018[7]).

L’enseignement formel stimule le développement de compétences, faisant fond sur la disposition des individus à apprendre dans l’enfance et les préparant à la vie active et à la vie en société. L’enseignement formel en classe est la forme d’apprentissage dominante durant les années d’étude, même si des apprentissages informels et non formels accompagnent ce processus. Les connaissances et les compétences se développent rapidement pendant la scolarité, dont le caractère obligatoire peut endiguer l’évolution des écarts de résultats liés à des facteurs socioéconomiques. Des données empiriques recueillies dans des pays qui assurent un suivi approfondi des systèmes d’éducation, y compris des suivis longitudinaux à l’échelon individuel, indiquent que, dans de nombreux contextes, les disparités sont bien ancrées avant le début de la scolarité et ne se creusent pas - ou ne se creusent que modérément - pendant les années scolaires (Duncan et Magnuson, 2013[8] ; Skopek et Passaretta, 2 020[9]).

Aussi importantes les premières années soient-elles, l’adolescence et l’entrée dans l’âge adulte marquent une deuxième période d’évolutions rapides et profondes, notamment des transformations biologiques et des modifications de la capacité des individus à déterminer leur parcours de formation. La scolarité cesse d’être obligatoire, et les élèves et leur famille peuvent alors effectuer un choix parmi un nombre grandissant d’options. Ces décisions portent sur le volume et le contenu généraux de la formation, et sur le cadre dans lequel celle-ci intervient - formel, informel ou non formel. Les parcours envisagés dépendent aussi de plus en plus de personnes - notamment les formateurs des établissements d’enseignement et de formation professionnelle (EFP) et les superviseurs ou collègues en milieu professionnel, lorsque l’apprentissage se fait dans un cadre informel - qui sont moins assujetties à des contrôles que les enseignants du système scolaire, et pour qui la formation n’est qu’une activité à temps partiel.

Si les évolutions biologiques sont universelles, l’acquisition de la capacité à agir diffère considérablement selon les caractéristiques sociales et institutionnelles des pays. Ces dernières entrent souvent en interaction avec le capital éducatif, social, économique et culturel que les individus ont acquis dans leur milieu familial. À compter de l’adolescence, les possibilités de développement des compétences se diversifient considérablement. Certains suivent une formation formelle dans le cadre de programmes d’éducation et de formation des adultes ; d’autres font davantage appel aux possibilités de formation formelle et informelle sur le marché du travail et dans la vie quotidienne. La façon dont cette diversification influe sur les parcours de formation continue des individus varie parfois sensiblement selon les pays, et selon les catégories d’individus à l’intérieur de chaque pays.

Il est donc essentiel de recenser les facteurs qui interviennent dans les différents pays et les différentes catégories socioéconomiques entre l’adolescence et l’entrée dans l’âge adulte. Cette étape marque pour les pays la dernière possibilité de stimuler l’acquisition de compétences fondamentales à grande échelle, et de remédier ainsi aux éventuelles carences de la scolarité. Ils peuvent aussi assurer la transition des citoyens à une période caractérisée par un déclin cognitif qui érode les compétences de base acquises dans les premières années de l’âge adulte. Si l’être humain peut acquérir des compétences en traitement de l’information à des stades ultérieurs, leur développement à l’âge mûr et dans la vieillesse requiert un investissement et des efforts considérables.

Ce chapitre présente des données concernant les différents profils d’amélioration des résultats entre la fin de la scolarité obligatoire et l’entrée dans l’âge adulte, en général et pour diverses catégories d’individus dont les niveaux de capital culturel et éducatif diffèrent. Il étudie les facteurs qui peuvent expliquer les différences observées entre pays et entre groupes de population à l’intérieur des pays. Les principaux facteurs sont le soutien dont les individus bénéficient pendant la transition et leur participation à des programmes de formation formels, informels et non formels.

Le Graphique 3.6 illustre l’évolution des résultats en littératie des élèves de 15 ans assujettis aux épreuves du PISA en 2000 et ceux de la même cohorte de naissance testés dans le cadre de l’évaluation internationale des compétences des adultes (PIAAC) en 2012, vers l’âge de 27 ans (les résultats portent sur la tranche des 26-28 ans, mais les tableaux publiés en ligne présentent pour les personnes âgées de 27 ans des estimations fondées sur la tranche plus large des 25-29 ans), ainsi que l’évolution de la performance en numératie. On constate que, dans les pays de l’OCDE disposant de données, les résultats en littératie des personnes âgées de 15 à 27 ans ont progressé, passant en moyenne de 268 pour les élèves âgés de 15 ans à 282 pour les jeunes âgés de 27 ans - une hausse de 14 points sur l’échelle de littératie de PIAAC, soit 30 % environ d’un écart-type. Néanmoins, le graphique fait aussi apparaître une forte hétérogénéité des progrès observés dans les 24 pays examinés.

Certains des pays qui affichaient les plus faibles résultats en littératie parmi les élèves de 15 ans en 2000 ont enregistré des évolutions statistiquement non significatives des résultats moyens. En Grèce et en Espagne, la progression estimée a été proche de zéro (les estimations étant toutefois imprécises). Elle a cependant aussi été faible (et statistiquement pas différente de zéro) en Australie et au Canada - deux des pays qui affichaient les plus hauts niveaux de résultats moyens en littératie parmi les élèves âgés de 15 ans en 2000. En parallèle, certains des pays qui enregistrent les hausses les plus fortes, comme Israël, l’Allemagne et la Pologne, affichaient des résultats moyens inférieurs à la moyenne en 2000. La progression la plus prononcée a été observée au Japon : 31 points sur l’échelle du PIAAC, soit 65 % environ d’un écart-type - une amélioration par rapport aux résultats déjà élevés enregistrés à 15 ans. D’autres sections du chapitre examinent dans quelle mesure ces évolutions générales s’appliquent à des groupes de population particuliers. Elles s’interrogent également sur les facteurs qui expliquent les différences observées entre pays, et qui pourraient être exploités pour stimuler l’amélioration des résultats entre l’adolescence et l’entrée dans l’âge adulte.

Le Graphique 3.7 présente les résultats moyens en littératie des cohortes successives étudiées dans le cadre du PISA en 2000, 2003 et 2006 à l’âge de 15 ans, et leur niveau respectif dans ce même domaine à 21, 24 et 27 ans. On constate qu’en moyenne, dans les pays de l’OCDE pour lesquels on dispose de données, les résultats des élèves de 15 ans ont décliné (de 5 points, soit 10 % environ d’un écart-type) entre 2000 et 2006. De surcroît, les progrès estimés à 21 ans pour la cohorte PISA évaluée en 2006 étaient similaires à ceux de la cohorte PISA de 2000 évaluée à 27 ans, ce qui correspond à 15 points de score. Ces résultats indiquent que l’essentiel des progrès accomplis entre 15 et 27 ans interviennent dans les années suivant immédiatement la fin de la scolarité obligatoire.

Le Graphique 3.6 illustre l’évolution des progrès moyens en littératie entre 15 et 27 ans. Ceux-ci diffèrent selon les pays, mais pourraient également varier selon les individus issus de familles présentant des niveaux de capital éducatif et culturel divers. Les variations pourraient par exemple dériver des possibilités d’apprentissage distinctes dont bénéficient différentes catégories socioéconomiques pendant le passage de la scolarité obligatoire vers des études ou formations complémentaires, ou vers le marché du travail.

Plusieurs études ont examiné l’évolution des écarts de résultats entre l’âge de 15 ans et le début de l’âge adulte dans différents pays (Borgonovi et al., 2017[10] ; Dämmrich et Triventi, 2018[16]), mais l’absence de liens psychométriques a empêché d’étudier les disparités de progrès. C’est là une lacune importante.

Les différences de capital éducatif et culturel des parents - qui influencent les possibilités d’apprentissage informel dont disposent les enfants en dehors de l’enseignement scolaire - pourraient se traduire par des disparités de progrès entre catégories économiques. En influant sur le choix de l’établissement scolaire et sur l’investissement parental dans les études, elles pourraient également déterminer l’enseignement formel qui est dispensé dans les écoles. Les enfants dont les parents sont titulaires de diplômes plus élevés et investissent dans leur propre formation continue atteignent généralement un meilleur niveau scolaire que ceux dont les parents ont un niveau d'instruction plus faible. Si les progrès sont positivement corrélés aux niveaux scolaires antérieurs, comme expliqué au chapitre 1, les disparités de résultats entre les individus dont les parents ont des niveaux d’éducation différents ne peuvent que se creuser au fil du temps (DiPrete et Eirich, 2006[17]). L’accès aux études post-secondaires est notamment subordonné à la réussite dans le cycle secondaire et, à la différence des niveaux d’instruction antérieurs, n’est pas obligatoire (Breen et Jonsson, 2005[18]).

Les écarts entre les acquis ne sont cependant pas le seul facteur susceptible d’influer sur le parcours de formation des différentes catégories socioéconomiques. L’adolescence et le début de l’âge adulte, en particulier, sont une période de bouleversements neurologiques qui se traduisent par une forte impulsivité, une difficulté à mettre en balance les avantages à long terme et les inconvénients à court terme, et une tendance à se livrer à des comportements dangereux. Tous ces changements interviennent à un moment où les individus prennent des décisions importantes concernant leurs études, leur formation, et leur orientation professionnelle, et doivent évaluer les atouts et les désagréments de différentes options. Les personnes issues de familles possédant un fort capital éducatif et culturel peuvent généralement compter sur celles-ci pour leur apporter un solide soutien, tant sur le plan des moyens que des conseils qui leur permettront de s’orienter parmi des filières d’études et de formation de plus en plus diverses (Hartung, Porfeli et Vondracek, 2005[19] ; Johnson et Leenders, 2001[20]). À l’inverse, les personnes dont les parents ou tuteurs disposent d’un faible capital éducatif ou culturel ne peuvent compter sur les conseils de leur famille durant cette phase de transition majeure.

Les choix éducatifs des individus et de leur famille sont essentiellement motivés par le souci d’éviter de descendre l’échelle sociale (Breen et Goldthorpe, 1997[21]). Les familles munies d’un capital éducatif et culturel élevé sont généralement disposées à investir des moyens considérables à cette fin, quel que soit le potentiel scolaire de leurs enfants (Holm, Hjorth-Trolle et Jæger, 2019[22]). De plus, selon les théories des inégalités effectivement maintenues et des inégalités maintenues à un niveau maximal (Holm, Hjorth-Trolle et Jæger, 2019[22] ; Raftery et Hout, 1993[23]), même quand le nombre de personnes pouvant s’inscrire à des programmes d’enseignement et de formation complémentaires n’est pas limité, ceux-ci présentent des différences qualitatives. Les familles qui disposent d’un capital éducatif et culturel élevé cherchent à assurer un avantage éducatif à leurs enfants en veillant à ce qu’ils suivent des études supérieures plus longues et de meilleure qualité, ou des formations qui optimisent leur potentiel d’apprentissage.

Le Graphique 3.8 présente, pour chaque pays, les progrès enregistrés entre 15 et 27 ans par les personnes dont les parents n’ont pas obtenu de diplôme de l’enseignement supérieur et celles dont un parent au moins a suivi des études supérieures. En moyenne, dans les pays de l’OCDE, l’écart en littératie entre les seconds et les premiers n’a que modérément augmenté, passant de 19 points de score à 15 ans (soit 40 % d’un écart-type) à 21 points à 27 ans (45 % d’un écart-type). L’évolution des disparités est similaire lorsque l’on observe un autre indicateur du milieu socioéconomique et du capital culturel, à savoir le nombre de livres dans le foyer : l’écart de résultat en littératie entre les personnes âgées de 15-16 ans possédant plus de 100 livres et celles en possédant moins de 100 s’établissait à 27 points de score pour la cohorte d’élèves étudiée en 2000 à 15 ans, et à 30 points pour la même cohorte examinée à 27 ans (voir les tableaux complémentaires au chapitre 3 publiés en ligne au Tableau d’annexe 3.A.1).

L’évolution des écarts de résultats en littératie varie considérablement d’un pays à l’autre. En Belgique, en Norvège, en Suède, en Nouvelle-Zélande, en Italie et aux États-Unis, par exemple, l’écart au niveau de la population s’est creusé de plus de 10 points de score, ce qui correspond à une augmentation de 20 % d’un écart-type. Cet accroissement tient à ce que les progrès ont été particulièrement prononcés chez les individus dont les parents avaient suivi des études supérieures, alors que les autres n’ont guère ou pas progressé. En Allemagne et en Israël, en revanche, les disparités se sont résorbées de plus de 12 points, soit 25 % d’un écart-type.

Au niveau des pays, l’ampleur de l’écart en littératie lié au statut socioéconomique à 27 ans est positivement associée à celle observée à 15 ans, mais la corrélation est modérée (coefficient de corrélation de Pearson r=0.52). La majorité des pays se situent dans le triangle supérieur du Graphique 3.8, ce qui signifie que les progrès ont été plus marqués chez les individus dont les parents avaient un niveau d’instruction élevé que chez ceux dont les parents étaient peu instruits. Cela dit, les progrès ont été particulièrement importants chez ces derniers dans un petit nombre de pays, en Israël et en Allemagne notamment.

Le Graphique 3.6 rend compte du niveau moyen des résultats sur l’échelle de littératie du PISA des élèves de 15 ans ayant participé à l’étude PISA en 2000 et de ceux de la même cohorte ayant participé à l’Évaluation du PIAAC en 2012, à 27 ans. Les résultats indiquent un score en littératie de 207 pour les 10 % d’élèves de 15 ans les moins performants, et de 222 pour les 10 % les moins performants parmi les personnes âgées de 27 ans - soit une hausse de 15 points, équivalant à quelque 33 % d’un écart type. Ce score était en revanche de 324 pour les 10 % d’élèves de 15 ans les plus performants, et de 336 pour les 10 % les plus performants des personnes âgées de 27 ans - soit une hausse de 12 points, équivalant à 25 % environ d’un écart type. L’écart de résultat entre les plus performants et les moins performants aurait donc diminué, en moyenne, de 6 % d’un écart-type environ.

La petite taille de l’échantillon de données disponibles à l’échelon des pays ne permet pas de vérifier de manière décisive les hypothèses concurrentes quant aux évolutions divergentes observées, à savoir une réduction des écarts selon le niveau de résultat et leur accentuation selon le niveau d’instruction parental. Au niveau international, cependant, ces constatations semblent tenir au fait que ceux dont les résultats s’améliorent le plus sont des jeunes peu performants mais de statut socioéconomique élevé. L’investissement parental semble ainsi permettre aux jeunes qui n’exploitent pas pleinement leur potentiel d’apprentissage durant leur scolarité formelle, et sont donc peu performants à 15 ans, de tirer le meilleur parti des possibilités de formation formelle, informelle et non formelle résultant de la diversification des filières d’enseignement.

Tout comme le Graphique 3.6 montre une forte variabilité des progrès moyens selon les pays, le Graphique 3.9 fait apparaître une forte variabilité des progrès entre différents groupes, même si les disparités de performance ont diminué dans la majorité des pays sous l’effet de l’amélioration des résultats - chez les moins performants notamment. L’amélioration marquée de la performance des 10 % les mieux classés dans des pays comme la Finlande, qui était déjà comparativement élevée à l’âge de 15 ans, indique que les résultats ne tiennent pas à des effets plafond. Compte tenu de la petite taille des échantillons nationaux, qui autorise des comparaisons au 10e et au 90e centiles, l’estimation des résultats au niveau des pays est généralement imprécise..

Les disparités selon les pays et les groupes qui affichent des progrès distincts pourraient dériver des possibilités d’apprentissage formel, informel et non formel accessibles aux jeunes dans chacun de ces pays et groupes. Ces possibilités pourraient être liées à la poursuite d’études ou de formations post-secondaires, ou à l’utilisation de compétences spécifiques au travail et dans la vie quotidienne. Les personnes qui ont des attitudes constructives vis-à-vis de l’apprentissage et aspirent à développer leurs compétences sont aussi plus susceptibles de trouver des possibilités de formation.

Le taux global de jeunes déscolarisés, sans emploi et ne suivant aucune formation (NEET) dans un pays est un élément important qui contribue à expliquer l’absence de développement des compétences entre la fin de la scolarité obligatoire et l’entrée dans l’âge adulte, tant au niveau national qu’individuel. Le Graphique 3.11 fait apparaître une corrélation intermédiaire, à l’échelon national, entre le nombre de NEET et l’amélioration des résultats en littératie, et une absence de corrélation entre les taux de diplômés de l’enseignement supérieur et ces progrès. En Allemagne, en Suède et en Norvège, moins d’un jeune sur dix était déscolarisé, sans emploi et ne suivait aucune formation, et les progrès enregistrés entre 15 et 27 ans étaient importants. En Grèce et en Italie, en revanche, plus d’un jeune sur quatre était un NEET, et les progrès étaient limités.

Tous les jeunes n’ont pas la possibilité de développer leurs compétences à l’issue de la scolarité obligatoire. Les résultats présentés au Graphique 3.12, qui se fondent sur la tranche des 16-28 ans étudiée dans le cadre du PIAAC, indiquent que les individus dont les parents ont suivi des études supérieures se distinguent des autres sur les principaux critères associés aux progrès. D’abord, ils sont moins susceptibles d’être classés dans la catégorie des NEET. Ensuite, les probabilités sont plus élevées qu’ils aient obtenu un diplôme de l’enseignement supérieur, qu’ils utilisent leurs compétences en lecture, en écriture et en technologie de l’information et de la communication (TIC) chez eux et au travail, et qu’ils participent à des activités de formation au travail. Dans les pays de l’OCDE, par exemple, 14 % des jeunes âgés de 16 à 28 ans dont aucun des parents n’avait suivi d’études supérieures étaient des NEET, contre 6 % de ceux dont un parent avait suivi un cursus supérieur - soit un écart de 8 points. Par comparaison, 20 % seulement des jeunes âgés de 16 à 28 ans dont aucun des parents n’avait suivi d’études supérieures avaient obtenu un diplôme de l’enseignement supérieur, contre 39 % des autres. D’importantes différences sont également observables en ce qui concerne l’utilisation des compétences à la maison et au travail, et la disposition déclarée à apprendre et à participer à des activités de formation au travail. Elles représentaient 40 % d’un écart-type pour l’utilisation des compétences en TIC et en lecture à la maison.

Le Graphique 3.13 indique que les disparités concernant les possibilités de formation expliquent en grande partie les écarts de résultats en littératie entre les jeunes de la tranche des 16-28 ans dont un parent au moins a suivi des études supérieures et ceux dont les parents n’ont pas obtenu de diplôme de l’enseignement supérieur. En moyenne, dans les pays de l’OCDE, l’écart entre ces deux groupes est important (28 points de score). Il est cependant nettement moindre (12 points) quand on tient compte des différences entre les possibilités de formation formelle, informelle et non formelle. L’écart de résultat entre les deux groupes avant et après prise en compte de ces différences est appréciable puisqu’il correspond à 30 % environ d’un écart-type.

Les disparités dans le nombre et la répartition des possibilités d’apprentissage n’expliquent pas seulement les écarts de progrès entre différents individus à l’intérieur des pays mais aussi - et surtout - les différents profils d’évolution de ces progrès et les inégalités observées à cet égard entre pays. Dans les pays qui offrent à grande échelle de nombreuses possibilités de développement des compétences, les disparités en matière d’acquis d’apprentissage entre les jeunes sont moindres. Pour favoriser l’apprentissage inclusif pendant la transition de la scolarité obligatoire à l’âge adulte, les pays doivent mettre en œuvre des mesures visant à limiter le taux de NEET et encourager la poursuite de formations post-secondaires. Ils doivent également instaurer un environnement culturel dans lequel les individus utilisent régulièrement leurs compétences en traitement de l’information dans le cadre de leur travail et de leurs activités quotidiennes.

Le Graphique 3.14 montre qu’entre 2000 et 2019, de 12 % à 19 % des jeunes âgés de 15 à 29 ans étaient des NEET, et risquaient ainsi davantage de ne pouvoir améliorer leurs compétences dans le cadre de l’enseignement formel ou d’une formation en cours d’emploi. Il montre également que la baisse du taux de NEET obtenue entre 2000 et 2008 a été annulée par la crise financière de 2008 et qu’il a fallu à ce taux une décennie pour retrouver le niveau affiché auparavant. Le graphique occulte d’importantes variations entre pays : par exemple, le taux de NEET affichait son plus bas niveau en 2008 aux Pays-Bas (5 %), et son plus haut niveau en Turquie en 2005 (44 %). Bien que les données sur l’évolution de ce taux dans la zone OCDE en 2020 ne soient pas encore disponibles, il est à craindre qu’elles ne révèlent une hausse prononcée du nombre de jeunes déscolarisés, sans emploi, et ne suivent aucune formation par suite de la pandémie, mais aussi que ces jeunes ne se heurtent dans les années qui viennent à des difficultés du fait qu’ils n’ont ainsi pas été en mesure de construire et de consolider leurs compétences.

Les services de conseil et d’orientation scolaire et professionnelle permettent aux jeunes de s’informer sur les différents métiers et de comprendre en quoi ils consistent. Ils éclairent les élèves sur les compétences et les connaissances requises pour les exercer, et sur les perspectives d’avancement qu’ils leurs offrent. Les jeunes découvrent les caractéristiques de ces professions en matière de rémunération, de possibilités d’expression personnelle, de temps de travail, de perspectives de déplacements et d’équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Ces services complètent les renseignements que les jeunes peuvent obtenir auprès des membres de leur famille et de leur entourage proche, et leur apportent d’autres informations et données d’expérience qui tiennent compte des évolutions plus générales dans le domaine de l’éducation et sur le marché du travail. Étant donné la diversification des filières éducatives et professionnelles, l’accès à des services de conseil et d’orientation de qualité gagne en importance, surtout dans les systèmes qui ne donnent pas, ou guère, la possibilité de changer de parcours aux jeunes qui emprunteraient une voie ne leur convenant pas.

L’accès à des renseignements de qualité sur les transitions possibles entre la scolarité obligatoire et des formations complémentaires et le marché du travail est très variable, selon les pays et selon les catégories socioéconomiques à l’intérieur des pays. Les enfants issus de milieux favorisés sur le plan socioéconomique ont souvent des parents qui possèdent les capacités et le savoir nécessaires pour réunir des informations pertinentes sur les autres parcours envisageables et analyser les implications de différents choix scolaires et professionnels. Ils peuvent aussi faire appel aux compétences, à l’expérience et aux éclairages du réseau social de leurs parents qui peut (de manière formelle ou informelle) les aider à négocier cette transition. Les enfants défavorisés sur le plan socioéconomique, par contre, peuvent rarement compter sur un solide réseau de soutien pour les aider à gérer le passage de l’enseignement obligatoire à des études complémentaires et au marché du travail (Blustein et al., 2002[26] ; Bok, 2010[27] ; Smith, 2011[28]). Les services de conseil et d’orientation revêtent une importance particulière pour assurer la réussite de ces jeunes et de leur famille.

Malgré l’absence de données comparatives sur la qualité des conseils d’orientation donnés aux enfants vers la fin de la scolarité obligatoire, les élèves de 15 ans ayant participé à l’enquête PISA en 2018 ont été invités à décrire les démarches qu’ils ont effectuées pour guider leurs choix éducatifs et professionnels futurs. Le Graphique 3.15 révèle peu de différences selon la situation socioéconomique : les enfants font état d’une faible participation à des programmes en présentiel qui supposent d’y consacrer du temps et des ressources en dehors d’une journée de classe ordinaire, et d’une participation plus intensive à des activités comme la recherche d’informations sur les carrières et les possibilités de formation sur internet. En moyenne, dans les 19 pays de l’OCDE disposant de données, 34 % des élèves de 15 ans ont signalé avoir suivi un stage ; 41 % avaient effectué un stage d’observation ou une visite en entreprise ; 38 % étaient allés à un salon de l’emploi ; 50 % avaient parlé avec un conseiller d’orientation à l’école, et 25 % avec un conseiller d’orientation externe ; 61 % avaient rempli un questionnaire pour déterminer leurs centres d’intérêt et leurs aptitudes ; 72 % avaient cherché des informations sur Internet à propos de différentes professions ; 43 % avaient participé à une visite organisée dans un établissement de niveau 3-5 de la Classification internationale type de l’éducation (CITE) ; et 58 % avaient cherché des informations sur Internet à propos des programmes d’études de niveau CITE 3-5.

Si le Graphique 3.15 ne met en évidence que peu de différences dans les démarches effectuées par les élèves de 15 ans pour recueillir des informations sur les perspectives éducatives et professionnelles, que leurs parents aient suivi des études supérieures ou pas, le Graphique 3.16 en fait apparaître d’importantes entre pays. En Allemagne, par exemple pas moins de 87 % des élèves ont signalé avoir effectué un stage, alors qu’ils n’étaient que 9 % en Corée.

Les élèves semblent marquer un intérêt particulier pour les stages, qui leur donnent l’occasion de découvrir directement les exigences de la vie professionnelle. Le Graphique 3.17 indique que la participation à des stages a augmenté de 5 points de pourcentage, en moyenne, entre 2012 et 2018 dans 13 pays et territoires ayant administré le questionnaire sur la participation à des programmes d’orientation. En 2012, 27 % des élèves de 15 ans signalaient avoir effectué un stage, ce chiffre s’établissant à 33 % en 2018. Au Danemark, en revanche - pays qui affichait le taux de participation le plus élevé (72 %) en 2012 - ce pourcentage avait reculé de 15 points (56 %) en 2018.

Selon leur milieu socioéconomique, les élèves ont des aspirations extrêmement différentes sur les plans éducatif et professionnel. Les élèves défavorisés s’imaginent davantage exercer un emploi que suivre des études à l’âge de 20 ans, d’une part parce qu’ils ont besoin d’être financièrement indépendants, de l’autre parce que le métier qu’ils envisagent ne requiert pas de diplôme professionnel ou universitaire. À l’inverse, les élèves favorisés se voient davantage faire des études au même âge, car la profession qu’ils visent exige des diplômes de l’enseignement supérieur. D’après le Graphique 3.18, en moyenne, dans les pays de l’OCDE disposant de données, 17 % des élèves de 15 ans dont les parents n’étaient pas diplômés de l’enseignement supérieur déclaraient qu’ils comptaient travailler plutôt qu’étudier à 20 ans parce que la profession qu’ils avaient choisie ne nécessitait pas de diplôme. Ce n’était en revanche le cas que de 12 % de ceux dont un parent au moins avait suivi des études supérieures.

Les écarts de résultats entre groupes favorisés et défavorisés sur le plan socioéconomique n’expliquent que partiellement ces divergences (voir les tableaux complémentaires au chapitre 3 publiés en ligne au Tableau d’annexe 3.A.1) : si 33 % des élèves dont les parents n’ont pas fait d’études supérieures prévoient d’étudier parce que la profession envisagée requiert un diplôme, c’est également le cas de 45 % des élèves de 15 ans dont un parent au moins a suivi des études supérieures.

Le Graphique 3.18 indique que les considérations financières pèsent plus lourdement sur les élèves défavorisés : 20 % des élèves de 15 ans dont les parents n’ont pas suivi d’études supérieures ont déclaré qu’ils prévoyaient de travailler à 20 ans parce qu’il leur fallait être financièrement indépendants, ce qui était le cas de 14 % seulement de ceux dont un parent était diplômé de l’enseignement supérieur.

Ces dernières années, l’OCDE et d’autres organismes de recherche ont consacré une énergie considérable à la définition de bonnes pratiques en matière d’organisation et de prestation de programmes de conseil et d’orientation. Les meilleures pratiques consistent notamment à intervenir tôt, quand les jeunes sont encore à l’école, et à veiller à ce que les conseils soient apportés par des professionnels qualifiés. Il s’agit de donner aux apprenants les capacités et la possibilité d’accéder aux apprentissages ou aux débouchés du marché du travail qui leur permettront de réaliser leurs objectifs de vie à long terme. Il convient de ne pas tenir seulement compte des points forts des élèves et de leurs préférences, mais aussi des besoins actuels et futurs du marché du travail. Les conseils et l’orientation devraient s’abstenir de renforcer les stéréotypes, et faire en sorte que les individus puissent, indépendamment de leur sexe, de leur situation socioéconomique et de leur statut au regard de l’immigration, emprunter la voie de la formation continue dans le but de mener une vie active sur le plan économique et social.

L’orientation scolaire et professionnelle est d’autant plus importante que des mutations technologiques et sociales rapides sont à l'œuvre. Auparavant, les jeunes s’inspiraient des professions de leurs parents et de leur entourage social immédiat pour évaluer l’intérêt de différents métiers. Or, bon nombre des métiers actuels auront profondément changé lorsque les jeunes d’aujourd’hui entreront dans la vie active. Le chapitre 5 évoque le nombre croissant de travailleurs qui devront se reconvertir ou développer leurs compétences pour trouver un emploi dans les secteurs nouveaux et en expansion du fait que leurs métiers actuels risquent de disparaître sous l’effet des innovations technologiques et de l’automatisation. Cela dit, il est plus difficile de changer de secteur d’activité et de se reconvertir que de chercher un emploi dans une profession où le travail humain est complété, plutôt que remplacé, par des innovations technologiques. Cette section examine dans quelle mesure les jeunes qui sont sur le point d’achever la scolarité obligatoire prévoient d’exercer des métiers qui devraient décliner à l’avenir, ce qui permettra de déterminer les domaines dans lesquels les élèves de 15 ans ont spécialement besoin de conseils et d’orientation.

En l’absence de projections nationales concernant les emplois qui vont progresser ou décliner dans un futur proche, on utilise les variations prévues de la demande de travail aux États-Unis pour définir les métiers en expansion et en repli. La trajectoire des évolutions sectorielles et professionnelles dans ce pays est également observée ailleurs, notamment en Europe (Goos, Manning et Salomons, 2009[38]). De fait, les progrès technologiques sont un phénomène relativement universel, qui désorganise la structure de l’emploi de pays se situant à des niveaux de développement économique différents (Conte et Vivarelli, 2011[39] ; Rodrik, 2018[40]). Les résultats doivent toutefois être interprétés avec prudence. Dans certains pays, les schémas seront similaires à ceux observés aux États-Unis. Dans d’autres - notamment dans ceux qui se situent à une frontière technologique, comme la Corée ou le Japon (OCDE, 2020[41]) - les projections fondées sur les données des États-Unis risquent de sous-estimer les évolutions prévues. Dans d’autres encore, en particulier ceux qui accusent un retard technologique par rapport aux États-Unis, elles risquent de surestimer la rapidité des changements.

De plus, les projections tiennent également compte des évolutions démographiques aux États-Unis, qui peuvent ne pas correspondre à celles d’autres pays. Ainsi, la croissance estimée des métiers de service associés au vieillissement de la population y sera sans doute moins prononcée que celle de pays qui vieillissent plus rapidement, comme l’Allemagne, l’Italie et le Japon. Enfin, la méthode de projection tient compte à la fois de l’offre et de la demande du marché du travail. L’effet escompté de l’action publique doit donc également être examiné dans un cadre général, car les projections elles-mêmes varient en fonction de ces interventions. Par exemple, si un pays favorise la présence des femmes dans des professions qui devraient connaître des pénuries de main d’œuvre qualifiée, cette politique aura des retombées sur d’autres métiers, comme l’aide domestique et la garde d’enfants.

Graphique 3.19 montre le pourcentage d’élèves de 15 ans qui déclarent envisager un métier dont le repli est prévu entre 2019 et 2029. Les données résultent de l’association entre les déclarations des élèves quant au métier qu’ils comptent exercer à 30 ans et les projections du U.S. Bureau of Labor Statistics. En moyenne, dans les pays de l’OCDE, 25 % des élèves de 15 ans envisageaient en 2018 d’exercer une profession censée reculer entre 2019 et 2029. Parmi ces pays, c’est le Japon qui comptait la plus forte proportion (43 %) d’élèves comptant exercer un métier en perte de vitesse, ce chiffre s’établissant à plus de 20 % en Corée, en Hongrie, en République slovaque, en République tchèque et en Autriche. Les plus faibles proportions étaient observées en Turquie, en Colombie et au Chili.

Tous les élèves n’entretiennent pas les mêmes espoirs en ce qui concerne leur profession future : dans de nombreux pays, les garçons et les élèves dont les parents n’ont pas suivi d’études supérieures sont plus susceptibles d’envisager un emploi dans un métier en déclin que les filles et que les élèves dont un parent au moins est titulaire d’un diplôme de l’enseignement supérieur. En 2018, 27 % des garçons de 15 ans prévoyaient d’exercer une profession censée reculer entre 2019 et 2029, contre 23 % des filles du même âge, en moyenne, dans les pays de l’OCDE, soit un écart de 4 points de pourcentage. Les écarts les plus prononcés entre les sexes sont observés en République slovaque, en République tchèque et en Ukraine (plus de 10 points). En Lettonie, en revanche, ce sont les filles qui sont plus susceptibles de penser exercer un métier en perte de vitesse, et l’écart entre les sexes est important (10 points) (données figurant dans les tableaux complémentaires au chapitre 3 publiés en ligne au Tableau d’annexe 3.A.1.)

Les résultats présentés au Graphique 3.20 laissent entendre que les élèves de 15 ans défavorisés sur le plan socioéconomique sont généralement plus susceptibles que leurs pairs favorisés d’envisager un métier dont le recul est prévu entre 2019 et 2029. En 2018, 27 % des élèves dont les parents étaient peu instruits et 23 % de ceux dont un parent au moins avait suivi des études supérieures prévoyaient d’exercer un tel métier à 30 ans, en moyenne, dans les pays de l’OCDE, soit un écart de 4 points de pourcentage. Les différences socioéconomiques les plus prononcées étaient observées en Autriche, en Suisse, en République tchèque, en Norvège, en Allemagne, en Indonésie, en Slovénie et en Thaïlande (5 points au moins).

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