25. Suisse

Depuis les années 1980, la Suisse mène des réformes progressives pour libéraliser les échanges agricoles, en conséquence de quoi le soutien à l’agriculture a connu une baisse modérée avant de se stabiliser au début des années 2010. Le soutien aux producteurs, exprimé en pourcentage des recettes agricoles brutes, s’est maintenu à un niveau élevé de 49 % en moyenne sur la période 2020-22 (soit plus de trois fois la moyenne OCDE). La structure de ce soutien a cependant beaucoup changé, les paiements directs ayant remplacé une part importante du soutien des prix de marché (SPM).

Le SPM reste néanmoins la principale composante du soutien, découlant essentiellement de contingents tarifaires assortis de droits de douane hors contingent élevés. Le SPM a représenté 86 % du soutien total aux producteurs au cours de la période 1986-88, mais il a diminué depuis lors, pour atteindre environ 40 %. En 2020-22, les prix intérieurs ont été supérieurs aux prix mondiaux de 49 % en moyenne. Il existe de nombreux produits, tels que la volaille, les œufs et la viande porcine, pour lesquels l’importante distorsion de prix s’est traduite par une part substantielle des transferts au titre d’un seul produit (TSP) dans les recettes brutes par filière, tandis que le sucre reste aidé par un soutien budgétaire direct.

La Suisse verse à ses agriculteurs d’importants paiements directs, presque tous soumis à des prestations écologiques requises. Les paiements totaux aux agriculteurs sont restés relativement stables au cours des 20 dernières années, représentant 28 % des recettes agricoles brutes. La part de ces paiements dans le soutien total est passée de 14 % en 1986-88 à 60 % ces dernières années, à la suite de l’abandon progressif du SPM. Le soutien direct a été réformé en 2014 en faveur d’un plus grand découplage. Aujourd’hui, il consiste principalement en des paiements à la surface destinés aux terres agricoles sans lien avec des produits spécifiques, en des paiements visant à maintenir l’agriculture dans les régions aux conditions peu favorables et en des paiements aux agriculteurs suivant des pratiques particulièrement strictes en matière de protection de l’environnement ou de bien-être animal.

Les dépenses de la Suisse consacrées aux services d’intérêt général (estimation du soutien aux services d’intérêt général, ESSG) sont élevées. L’ESSG en pourcentage de la production agricole en valeur est passée de moins de 6 % en 2000-02 à près de 9 % en 2020-22, et se classe parmi les plus élevées des pays étudiés dans le présent rapport. Près de la moitié de ces dépenses est consacrée aux systèmes de connaissances et d’innovation agricoles. L’estimation du soutien total à l’agriculture est passée de 2 % en 2000-02 à moins de 1 % du produit intérieur brut en 2020-22.

Le Conseil fédéral a publié son rapport sur l’orientation future de la politique agricole en juin 2022. Il a répondu à la demande du Parlement d’analyser plus en détail les répercussions des possibilités de réformer l’action publique en matière de sécurité alimentaire et de durabilité, après la suspension en 2021 d’une première proposition de réforme (Politique agricole à partir de 2022 ou PA22+). Ledit rapport propose une stratégie à long terme pour l’agriculture et les systèmes alimentaires suisses à l’horizon 2050, structurée autour de la résilience de l’approvisionnement alimentaire, d’une production alimentaire respectueuse du climat, de l’environnement et des animaux, de la création de valeur ajoutée ainsi que d’une consommation saine et durable.

Pour commencer à mettre en œuvre ce plan, de nouvelles mesures relatives à la qualité de l’eau, approuvées par le Conseil fédéral en avril 2022, sont entrées en vigueur le 1er janvier 2023. Elles comprennent une interdiction des pesticides à haut risque, des règles de pulvérisation plus restrictives et des ajustements des paiements directs pour décourager l’utilisation des pesticides, contribuant ainsi à l’objectif de réduire les risques associés à l’utilisation des pesticides de 50 % d’ici à 2027. Des mesures supplémentaires ont été approuvées, renforçant les règles d’application des engrais et affectant 3.5 % des terres cultivées à la promotion de la biodiversité. L’entrée en vigueur de ces dernières mesures a été reportée à 2024 en raison de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine.

La Suisse a mis en œuvre des mesures pour garantir sa fourniture en fertilisants azotés en réponse à plusieurs crises, parmi lesquelles la pandémie de COVID-19, l’inflation des prix des matières premières énergétiques, suivis par la guerre en Ukraine. En décembre 2021, la Confédération suisse a libéré 20 % de sa réserve stratégique d’engrais azotés face aux premières difficultés d’approvisionnement sur les marchés internationaux, ce qui correspond à 8 % des besoins nationaux annuels. Les prix des aliments pour animaux ont également été abaissés face aux prix élevés des céréales, tandis que des sanctions similaires à celles de l’Union européenne ont visé les importations d’engrais en provenance de la Russie, sans impact substantiel sur la production suisse.

En hiver 2022 et au printemps 2023, le Parlement suisse a approuvé de nouvelles mesures socioéconomiques faisant initialement partie de la PA22+, y compris le soutien fédéral aux régimes d’assurance-récolte. Cette évolution est conforme au Plan d’action pour l’adaptation 2020-25, qui définit une série de mesures agricoles.

  • La Suisse met actuellement en œuvre son deuxième plan d’adaptation au changement climatique, qui comprend des mesures agricoles détaillées, ce qui illustre son engagement en faveur de l’action climatique dans ce domaine. D’importants investissements dans la recherche et l’innovation – en particulier dans l’adaptation des espèces et des pratiques, et dans l’amélioration de la surveillance du climat et des ressources naturelles – fournissent une base solide pour l’adaptation aux futurs changements climatiques et renforcent la résilience du secteur.

  • Dans le même temps, les revirements politiques successifs de ces dernières années – notamment le rejet de la loi révisée sur le CO2 par référendum et le report de la réforme agricole PA22+ en 2021 – ont retardé les actions concrètes et les transformations nécessaires du secteur de l'alimentation et de l’agriculture en faveur du climat. Les nouvelles propositions législatives devront démontrer la capacité du pays à rapidement aligner le secteur sur les objectifs nationaux de long terme.

  • Bien que, ces dernières années, la Suisse ait réduit sa part de soutien aux producteurs susceptible de créer le plus de distorsions, les mesures aux frontières et les paiements au titre de la production restent parmi les plus élevés des pays de l’OCDE. La poursuite des efforts visant à découpler les aides au revenu de la production agricole réduirait la pression sur les prix des denrées alimentaires et sur l’environnement, et faciliterait l’adaptation du secteur, conformément à ses objectifs pour le système alimentaire.

  • Le niveau élevé du soutien accordé au système de connaissances et d’innovation agricoles n’a pas fait augmenter la productivité totale des facteurs. Des investissements supplémentaires dans l’amélioration de l’efficacité des ressources de production soutiendraient les objectifs environnementaux et climatiques.

  • Les fortes rémunérations versées au titre de la préservation de l’environnement ont contribué à réduire les pressions environnementales, mais l’excédent d’azote demeure deux fois supérieur à la moyenne OCDE. Si le nouveau programme d’assainissement de l’eau devrait permettre de réduire davantage encore l’épandage d’engrais, des efforts réglementaires plus importants pourraient s’avérer nécessaires pour résoudre ce problème structurel à long terme.

  • Le secteur doit reéxaminer l’orientation de sa production pour atteindre ses objectifs en matière de sécurité alimentaire et de durabilité, tout en adoptant une perspective plus large à l’échelle du système alimentaire, incluant le consommateur. Les objectifs climatiques annoncés pour 2050 et les objectifs de l’Engagement mondial sur le méthane seront difficiles à atteindre sans réduire le cheptel de ruminants. Les niveaux élevés de production animale augmentent également la dépendance du pays à l’égard des importations de produits agricoles et constituent un facteur important des déséquilibres observés dans les cycles de l’azote et du phosphore.

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