3. Défis de la gouvernance de l’eau dans les villes africaines
Ce chapitre analyse les principaux défis en matière de gouvernance des ressources en eau et les services d'eau et d'assainissement dans les pays et les villes du continent africain. Le chapitre utilise les Principes de l’OCDE sur la Gouvernance de l’Eau pour évaluer les questions clés liées à l'inadéquation d'échelle, la cohérence des politiques, les données, le suivi et l'évaluation, le financement, la transparence et l'intégrité, et l'engagement des parties prenantes.
Les Principes de l'OCDE sur la Gouvernance de l'Eau visent à améliorer les systèmes de gouvernance de l'eau, permettant une meilleure gestion de l’eau en trop grande ou trop faible quantité, ou une eau de trop mauvaise qualité, et favorisent l'accès universel à l'eau potable et à l'assainissement, de manière durable, intégrée et inclusive, à un coût acceptable et dans un délai raisonnable. Les Principes reconnaissent que la bonne gouvernance est un moyen de mettre fin à la maîtrise de la complexité et de gérer les compromis dans un domaine politique en proie à la fragmentation, au travail en silos, à l'inadéquation d'échelle, aux externalités négatives, aux monopoles et aux investissements à forte intensité capitalistique. Les Principes considèrent que la gouvernance est efficace si elle peut aider à résoudre les principaux défis liés à l'eau, en utilisant une combinaison de processus ascendants et descendants tout en favorisant des relations constructives entre l'État et la société. Elle est considérée comme inefficace si elle génère des coûts de transaction excessifs et ne répond pas aux besoins locaux. Les Principes de l’OCDE sur la Gouvernance de l’Eau visent à contribuer à des politiques publiques tangibles et performantes, fondées sur trois dimensions complémentaires de la gouvernance de l'eau (encadré 3.1).
Ce chapitre utilise les 12 Principes de l'OCDE sur la Gouvernance de l'Eau pour évaluer certains défis liés à la gouvernance de l’eau et aux services d'eau et d'assainissement dans les villes africaines. Les sections suivantes mettent en lumière les questions liées à l'inadéquation d'échelle, la cohérence des politiques, les données et l'évaluation, le financement, l'intégrité la transparence, et l'engagement des parties prenantes. Les questions liées au Principe 1 sur la distinction des rôles et responsabilités en matière de politique de l’eau ont été couvertes dans le chapitre 2. Le Principe 8 sur les pratiques innovantes de gouvernance de l'eau n'a pas pu être évalué en raison du manque de données disponibles. Le Principe 7 sur les cadres réglementaires n'est pas non plus étudié en raison des cadres réglementaires centralisés dans les pays africains et des prérogatives plutôt limitées au niveau local. Enfin, le Principe 4 relatif à la capacité est couvert de manière transversale dans le cadre des lacunes de gouvernance spécifiques analysées ci-après.
Les Principes de l’OCDE sur la Gouvernance de l’Eau visent à contribuer à des politiques publiques tangibles et axées sur les résultats, fondées sur trois dimensions complémentaires et complémentaires de la gouvernance de l'eau (graphique 3.1).
1. L’efficacité se rapporte à la contribution de la gouvernance à la définition d'objectifs et cibles clairs de la politique de l'eau durable à tous les niveaux de gouvernement, à la mise en œuvre de ces objectifs politiques et à la réalisation des cibles attendues.
2. L'efficience se rapporte à la contribution de la gouvernance pour maximiser les avantages d'une gestion durable de l'eau et du bien-être au moindre coût pour la société.
3. La confiance et l'engagement se rapportent à la contribution de la gouvernance au renforcement de la confiance du public et à la garantie de l'inclusion des parties prenantes grâce à la légitimité démocratique et à l'équité pour la société dans son ensemble.
Améliorer l'efficacité de la gouvernance de l'eau
Principe 1. Attribuer clairement et distinguer les rôles et les responsabilités en matière de conception des politiques de l’eau, mise en œuvre, gestion opérationnelle et réglementation, et encourager la coordination entre les autorités responsables.
Principe 2. Gérer l'eau à (aux) l'échelle(s) appropriée(s), dans le cadre de systèmes intégrés de gouvernance par bassin afin de refléter les conditions locales, et encourager la coordination entre ces différentes échelles.
Principe 3. Encourager la cohérence des politiques au travers d’une coordination intersectorielle efficace, en particulier entre les politiques de l'eau et celles de l’environnement, de la santé, de l'énergie, de l'agriculture, de l’industrie, de l’aménagement du territoire et de l’usage des sols.
Principe 4. Adapter le niveau de capacité des institutions responsables à la complexité des défis de l’eau à relever, et à l’ensemble des compétences requises pour exercer leurs fonctions. Ceci suppose d’améliorer l'efficience de la gouvernance de l'eau.
Améliorer l’efficience de la gouvernance de l’eau
Principe 5. Produire, mettre à jour, et partager des données et de l’information sur l’eau et relatives à l’eau ; qui soient opportunes, cohérentes, comparables et utiles ; les utiliser pour guider, évaluer et améliorer les politiques de l'eau.
Principe 6. Veiller à ce que les cadres de gouvernance permettent de mobiliser les financements pour l’eau, et allouer les ressources financières de manière efficace et transparente dans un délai convenable.
Principe 7. Veiller à ce que les cadres réglementaires pour la gestion de l’eau soient mis en œuvre et appliqués de façon efficace dans la poursuite de l'intérêt public.
Principe 8. Promouvoir l'adoption et la mise en œuvre de pratiques de gouvernance de l'eau innovantes entre les autorités responsables, les niveaux de gouvernement et les parties prenantes pertinentes.
Améliorer la confiance et l’engagement dans la gouvernance de l’eau
Principe 9. Généraliser les pratiques d'intégrité et de transparence dans les politiques de l'eau, au sein des institutions relatives à l’eau et dans les cadres de gouvernance de l'eau pour une plus grande redevabilité et confiance dans les processus décisionnels.
Principe 10. Promouvoir l’engagement des parties prenantes afin qu’elles contribuent à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques de l'eau de manière éclairée et orientée sur les résultats.
Principe 11. Promouvoir des cadres de gouvernance de l’eau permettant de gérer les arbitrages entre les usagers de l'eau, les zones rurales et urbaines, et les générations.
Principe 12. Promouvoir le suivi et l’évaluation régulière des politiques et de la gouvernance de l’eau, lorsque cela est jugé approprié, partager les résultats avec le public et faire des ajustements lorsque cela est nécessaire.
Source : OCDE (2015[1]), Principes de l'OCDE sur la gouvernance de l'eau, https://www.oecd.org/cfe/regionaldevelopment/Principes-OCDE-gouvernance-eau_fr.pdf.
La faible articulation entre les logiques institutionnelles, fonctionnelles et hydrologiques affecte la gestion de l'eau urbaine car les villes sont situées sur des bassins versants, des systèmes hydrologiques délimités, qui ne correspondent pas à des périmètres administratifs. En l'absence de systèmes intégrés de gouvernance de bassin, une telle inadéquation entre les limites hydrologiques et administratives peut avoir des conséquences sur la concurrence en matière d’utilisation de l'eau et d'efficacité de la prestation de services. Afin d'aborder correctement la gouvernance de l'eau, il est nécessaire de considérer la continuité territoriale car l'échelle du bassin relie les communautés en amont et en aval. Dans le cas de l'eau, au-delà des perspectives fonctionnelles et institutionnelles / administratives, le bassin versant, qui suit des logiques hydrologiques, doit être considéré.
La Gestion intégrée des ressources en eau (GIRE) est « un processus qui favorise le développement et la gestion coordonnés de l'eau, des terres et des ressources connexes, afin de maximiser le bien-être économique et social résultant d'une manière équitable sans compromettre la durabilité des écosystèmes vitaux » (Global Water Partnership, 2000[2]). En rassemblant les parties prenantes de divers secteurs et de tous les niveaux de gouvernement, la GIRE favorise le développement et la gestion coordonnés de l'eau, fournissant ainsi un cadre holistique pour relever les défis liés à l'eau. À la base, les cadres de GIRE garantissent que les ressources en eau sont développées, gérées et utilisées de manière équitable, durable et efficiente.
Gérer l'eau à (aux) l'échelle(s) appropriée(s), dans le cadre de systèmes intégrés de gouvernance par bassin afin de refléter les conditions locales, et encourager la coordination entre ces différentes échelles. À cette fin, les pratiques et les outils de gestion de l’eau devraient :
Répondre aux objectifs politiques environnementaux, économiques et sociaux de long terme afin d’utiliser au mieux les ressources en eau, grâce à la prévention des risques et à la gestion intégrée des ressources en eau.
Encourager une gestion robuste du cycle hydrologique, depuis les prélèvements et la distribution de l'eau douce jusqu’au rejet des effluents et des eaux usées.
Promouvoir des stratégies d'adaptation et d’atténuation, des programmes d'action et des mesures fondées sur des mandats clairs et cohérents, grâce à des plans de gestion de bassin efficaces et compatibles avec les politiques nationales et les conditions locales.
Promouvoir la coopération pluri-niveaux de la gestion des ressources en eau entre les usagers, les parties prenantes et les niveaux de gouvernement.
Améliorer la coopération riveraine concernant l'utilisation des ressources en eau douce transfrontalières.
Source : OCDE (2015[1]), Principes de l'OCDE sur la gouvernance de l'eau, https://www.oecd.org/cfe/regionaldevelopment/Principes-OCDE-gouvernance-eau_fr.pdf.
Le rapport de l'ODD 6.5.1 sur la « mise en œuvre de la gestion intégrée des ressources en eau » (GIRE) montre que 42 pays africains (82%) ont adopté des politiques, lois et plans basés sur la GIRE au niveau national, créant ainsi un environnement propice pour soutenir la mise en œuvre de la GIRE. Cependant, au niveau infranational, seuls 45% des pays africains ont approuvé des plans pour leurs bassins ou aquifères. En outre, les progrès sont les plus faibles au niveau du bassin / aquifère lorsque l'on compare les sept éléments de la GIRE relatifs à l'environnement propice (graphique 3.2).
Bien que certains arrangements institutionnels de GIRE soient en place dans la plupart des pays africains, la mise en œuvre de ces arrangements reste limitée, avec une capacité, une couverture géographique et une participation des parties prenantes généralement faibles. Plus de la moitié des pays africains (53%) ont une mise en œuvre « moyenne-faible » de l'IRWM (AMCOW, 2018[3]). Des variations importantes sont notées entre les pays et les régions d’Afrique ; l'Afrique du Nord et australe ayant des niveaux de mise en œuvre de la GIRE plus élevés que les autres régions africaines.
Le suivi de l'ODD 6.5.1 montre qu'environ 55% des pays africains n'ont pas de plans de bassin ou d'aquifère, ou sont en train de les développer (graphique 3.3). En outre, trop peu de villes et de bassins africains disposent de régimes d'allocation de l'eau qui, avec la participation limitée des gouvernements locaux aux comités de bassin fluvial, peuvent menacer la gestion durable des ressources en eau urbaines.
Enfin, le rapport sur l'ODD 6 pour l'Afrique conclut qu'il est peu probable que 71% des pays atteignent la cible mondiale de l'ODD 6.5.1 d'ici 2030 à moins que les progrès ne soient considérablement accélérés. Pour améliorer la mise en œuvre de la GIRE, les pays africains devraient redoubler d'efforts pour mettre en place et soutenir les institutions des eaux souterraines et des bassins fluviaux suivant les exemples fructueux de la Commission internationale du bassin du Congo-Oubangui-Sangha ou de l'Organisation pour la Valorisation du Fleuve Sénégal (encadré 3.2).
La Commission Internationale du Bassin Congo-Oubangui-Sangha (CICOS)
L'Accord établissant un régime fluvial uniforme et créant la Commission Internationale du Bassin Congo-Oubangui-Sangha (CICOS) et son Addendum, signés respectivement le 21 novembre 1999 et le 22 février 2007, confient à la CICOS deux missions principales :
La compétence de la CICOS porte sur l'ensemble du bassin versant du fleuve Congo situé sur les territoires des États membres (République du Congo, République démocratique du Congo, Cameroun, République centrafricaine, Gabon et Angola).
Pour mener à bien ces missions, la CICOS s'est fixé les objectifs suivants :
Assurer la gestion durable des voies navigables intérieures ;
Harmoniser la réglementation du transport fluvial pour la sécurité de la navigation et la promotion de l’environnement ;
Intégrer toutes les utilisations des ressources en eau dans la planification régionale ;
Partager entre les États les bénéfices générés par l’utilisation de l’eau ;
Soutenir le développement et lutter contre la pauvreté dans la sous-région ;
L'Organisation pour la Valorisation du Fleuve Sénégal (OMVS)
L'Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal) est une organisation regroupant la Guinée, le Mali, la Mauritanie et le Sénégal dans le but de gérer conjointement le fleuve Sénégal et son bassin.
La « Déclaration de Nouakchott » adoptée en 2003 par la 13ème Conférence des chefs d'État et de gouvernement de l'OMVS a redéfini les missions de l’organisation :
La poursuite et l'exécution des programmes et projets en cours en renforçant leur caractère intégrateur ;
Innovation méthodologique par la recherche de la durabilité tout en garantissant la cohésion globale ;
La valorisation des ressources humaines et la modernisation des outils de gestion par une utilisation accrue et une véritable maîtrise des nouvelles technologies de l'information et de la communication.
La poursuite d'actions de développement durable sur la base du triptyque : croissance économique, progrès social et préservation de l'environnement.
L'OMVS a récemment reçu un score élevé de 91 (pour un score maximum de 100) selon le Quotient de Coopération dans le domaine de l'Eau qui examine la coopération active des pays riverains dans la gestion des ressources en eau à l'aide de 10 paramètres, comprenant des aspects juridiques, politiques, techniques, environnementaux, économiques et institutionnels.
Source : OMVS (s.d.[4]), Homepage, https://www.omvs.org/ ; CICOS (s.d.[5]), Homepage, https://www.cicos.int/.
L'état d'avancement de la GIRE au niveau national dans les pays africains se reflète au niveau infranational. Les résultats de l'enquête de l'OCDE sur la gouvernance de l'eau dans 36 villes africaines montrent qu'environ deux tiers des villes étudiées ne font partie d'aucun organisme de gestion de bassin et, à ce titre, ne participent pas à la prise de décision en matière de gestion des ressources en eau au niveau des bassins fluviaux. Les organisations de bassins fluviaux sont des outils importants pour coordonner la politique de l'eau au niveau territorial, entre les secteurs, les parties prenantes et entre les niveaux de gouvernement. En effet, ils peuvent être utiles pour gérer l'eau à une échelle appropriée grâce à une gouvernance intégrée des bassins afin de refléter les conditions locales et favoriser la coopération à plusieurs niveaux pour la gestion des ressources en eau ; encourager une gestion rationnelle du cycle hydrologique et promouvoir des stratégies d'adaptation et d'atténuation.
Au-delà de l'organisation des bassins fluviaux, certaines villes interrogées déclarent utiliser d'autres outils ou institutions de coordination pour coordonner la politique de l'eau urbaine entre les niveaux de gouvernement et les parties prenantes. Par exemple, les villes déclarent participer à des plates-formes de coordination entre les autorités locales et les services publics (44%) ou contribuent à un système de coopération intercommunale (36%).
Comme de nombreuses décisions affectant la gestion de l'eau urbaine sont prises en dehors du domaine de l'eau et vice-versa (aménagement du territoire, agriculture, énergie, etc.), la coordination est essentielle pour garantir une approche intégrée à tous les niveaux de gouvernement. Cette dernière peut permettre à l'eau de devenir un facteur contribuant à une croissance durable ainsi qu’à un agenda économique, social et environnemental plus large. Au contraire, des objectifs et des rationalités contradictoires compromettent les objectifs à long terme de la politique intégrée des eaux urbaines et de la coordination intersectorielle. Cela peut se produire soit en raison d'intérêts divergents entre les domaines liés à l'eau, soit en raison de la faible coordination verticale et horizontale entre les niveaux de gouvernement.
Encourager la cohérence des politiques au travers d’une coordination intersectorielle efficace, en particulier entre les politiques de l'eau et celles de l'environnement, de la santé, de l'énergie, de l'agriculture, de l'industrie, de l'aménagement du territoire et de l'usage des sols en :
Adoptant des mécanismes de coordination pour favoriser des politiques cohérentes entre les ministères, les organismes publics et les niveaux de gouvernement, y compris par la planification intersectorielle ;
Promouvant une gestion coordonnée de l'utilisation, de la protection et de la dépollution des ressources en eau, en influant les politiques qui affectent la disponibilité de l'eau, la qualité et la demande (par exemple l'agriculture, la sylviculture, l'exploitation minière, l'énergie, la pêche, les transports, les loisirs et la navigation) ainsi qu’en intégrant la prévention des risques ;
Identifiant, évaluant et examinant les obstacles à la cohérence des politiques qui émanent des pratiques, des politiques et des réglementations au sein du secteur de l'eau et au-delà, notamment par le recours au suivi, au rapportage et aux revues ;
Mettant en place des incitations et réglementations pour atténuer les conflits entre les stratégies sectorielles, aligner ces stratégies aux besoins de gestion de l'eau, et trouver des solutions adaptées à la gouvernance et aux normes locales.
Source : OCDE (2015[1]), Principes de l'OCDE sur la gouvernance de l'eau, https://www.oecd.org/cfe/regionaldevelopment/Principes-OCDE-gouvernance-eau_fr.pdf.
Selon les réponses de l'enquête de l'OCDE, l'utilisation des sols et l'aménagement du territoire sont les politiques sectorielles qui impactent le plus la gestion des eaux urbaines, suivies par la santé publique, les codes du bâtiment et les déchets solides (graphique 3.4). Un tiers des villes étudiées ont mis en place une gamme d'outils de coordination intersectorielle pour favoriser la cohérence des politiques dans ces différents domaines, comprenant une planification ou des programmes conjoints, des partenariats, une plateforme de dialogue, des groupes de coordination ou des contrats.
Dans les sections suivantes, un accent spécifique est mis sur l'influence des politiques liées à l'utilisation des sols et à l'aménagement du territoire, à la santé publique et aux déchets solides sur les politiques liées à l'eau.
Utilisation des sols
La politique d'utilisation des sols et la politique de l'eau sont étroitement liées. La modification du paysage affecte la disponibilité, la qualité et la quantité des ressources en eau. Les fonctions des écosystèmes sont fortement altérées lorsque l'utilisation des sols est modifiée. Par exemple, là où les pentes précédemment boisées retenaient les sédiments et l'humidité du sol, la conversion à l'agriculture peut réduire le débit des cours d'eau pendant la saison sèche et générer un ruissellement plus élevé des sédiments, une érosion du sol ou une pollution diffuse. L'Afrique subsaharienne est la région qui a perdu la plus grande part de ses terres forestières (12%) au cours des 25 dernières années.
La conversion des terres en zones bâties et urbanisées affecte également la disponibilité, la quantité et la qualité de l'eau. Les bâtiments, routes, toits, zones pavées et autres surfaces dures empêchent les précipitations de s'infiltrer dans le sol, exacerbant ainsi les risques d'inondations. Les bassins versants urbains des villes africaines sont souvent confrontés à d'importantes pressions d'aménagement du territoire pour l'agriculture ou les établissements urbains (graphique 3.5). La sécurité hydrique peut être menacée lorsque les villes dépendent exclusivement des sources d'eau de surface pour leur approvisionnement en eau, comme dans la Ville du Cap, en Afrique du Sud, par exemple. Cela peut également générer d'importants coûts d'investissement supplémentaires pour sauvegarder ou augmenter les sources d'approvisionnement en eau.
Les changements dans l'utilisation des sols modifient également les espèces et leurs habitats. En Afrique de l'Est, la conversion des paysages naturels en terres cultivées et en pâturage du bétail a entraîné une modification des sols affectant les espèces végétales indigènes, ce qui a entraîné une réduction du nombre et de la diversité de la faune (The Nature Conservancy, 2016[7]). L'urbanisation non planifiée des villes africaines entrave également davantage le développement et la mise en œuvre de politiques cohérentes de conservation de l'environnement et des écosystèmes qui pourraient réduire les risques liés à l'eau.
Reconnaissant l'influence de la politique d'aménagement du territoire sur la politique urbaine de l'eau, certaines villes ont mis en place des outils pour assurer une meilleure cohérence des politiques intersectorielles au niveau local (encadré 3.3). Néanmoins, la plupart des villes africaines sont souvent aux prises avec des systèmes de propriété qui se chevauchent et sont contradictoires, dans lesquels les droits sont souvent flous et les systèmes administratifs fonctionnent mal. En Afrique de l'Ouest, par exemple, seuls 2 à 3% des terres sont détenues avec un titre enregistré par le gouvernement. Dans plusieurs cas, le manque de cohérence entre les politiques sectorielles a entravé la mise en œuvre de mesures sociales pour promouvoir l'accès à l'eau. À Abidjan (Côte d'Ivoire), par exemple, une subvention de 75% a été offerte aux ménages à faible revenu pour leur premier raccordement au réseau public d'eau. Cependant, les ménages devaient fournir un certificat d’habitation ; par conséquent, les pauvres vivant dans des zones urbaines informelles n'étaient généralement pas éligibles pour recevoir cette subvention (Ainuson, 2010[8]). En outre, à travers le continent, les réglementations en matière d'aménagement sont souvent anachroniques, restrictives et irréalisables du point de vue de l'application (Vinay, 2017[9]).
Casablanca est caractérisée par une urbanisation rapide ; sa population devrait passer de 3,5 millions à 5 millions d'ici 2030. L'extension du réseau d'eau, la sécurisation de l'accès à la ressource et la protection contre les inondations fréquentes sont de sérieuses préoccupations pour les autorités locales, qui doivent financer ces projets. La ville a défini un nouveau programme d'investissements en 2007 et a engagé la Lydec, filiale de Suez Environnement, pour fournir des services d’eau et d’assainissement (WSS) et atténuer les risques d'inondations. Les revenus des tarifs d'utilisation couvrent les coûts d'exploitation et de maintenance et le renouvellement des actifs existants (représentant 70% du coût total sur la dernière décennie). Un compte dédié (fonds de travaux) couvre les coûts restants (essentiellement l'acquisition de terrains, l'extension du réseau et les branchements sociaux). Alimenté principalement par les contributions des promoteurs immobiliers, il a financé une part croissante de l'investissement total, de 7% en 2004 à 54% en 2014. Les promoteurs immobiliers prennent également en charge les frais de raccordement au réseau et équipements internes. Leur contribution varie en fonction du type de logement (logements sociaux, villas, hôtels et zones industrielles), et ils supportent des coûts supplémentaires pour des aménagements qui ne figurent pas dans le schéma directeur. Les contributions sont annulées lorsque les développements ont lieu dans des quartiers défavorisés et des bidonvilles. Des conditions particulières ont également été fixées pour ajuster la contribution au rythme de l'expansion urbaine et pour maîtriser les grands développements urbains. La contribution est une part du prix du bien à la vente, allant de 0,7% du coût de vente pour les logements sociaux à 1,3% pour les appartements et immeubles de luxe.
Source : OECD (2015[10]), Water Resources Governance in Brazil, https://doi.org/10.1787/9789264238121-en.
Santé publique
Les interactions entre la politique de santé publique et la gestion de l'eau en milieu urbain sont également fortes, comme l'a montré la pandémie du COVID-19 (voir Chapitre 1). L'eau contaminée et le mauvais assainissement sont liés à la transmission de maladies telles que le choléra, la diarrhée, la dysenterie, l'hépatite A, la typhoïde et la polio, ainsi que la contamination microbiologique des eaux souterraines et maladies liées à l'eau représentant un défi pour l'Afrique subsaharienne, les groupes à faible revenu et les enfants étant affectés de manière disproportionnée (Howard, Bartram et Schmoll, 2006[11]). Le manque d'accès à l'eau potable, à l'assainissement et aux installations de lavage des mains entraîne la mort de quelque 842 000 personnes chaque année à cause de la diarrhée, dont 361 000 enfants de moins de 5 ans chaque année (OMVS, s.d.[4]). Les déchets fécaux sont la principale source de contamination des eaux souterraines urbaines, en particulier dans les zones comportant des logements densément peuplés avec des installations sanitaires et un traitement médiocre et / ou inadéquat. Les coupures et les pénuries d'eau dans les villes africaines obligent également les ménages à passer temporairement de leur principale source d'approvisionnement en eau à une autre, qu'elle soit améliorée ou non. Cela génère potentiellement des impacts sociaux et sanitaires variables sur les utilisateurs, en fonction du contexte (Dos Santos et al., 2017[12]). Le Kampala Water and Sanitation Forum (KWSF) facilite la coordination des parties prenantes dans le développement d'un secteur WASH intégré afin d’élaborer et de soutenir la stratégie intégrée d'éducation / promotion de l'hygiène à l'échelle de la ville pour améliorer la gestion de la santé publique et de l'environnement à Kampala (encadré 3.4).
L'objectif général du KWSF est de rationaliser la coordination des parties prenantes pour le développement d'un secteur WASH intégré à travers l'identification des défis, des ressources et des opportunités de synergie et de réseaux d'apprentissage. Le Forum s'appuie sur les innovations existantes et émergentes pour améliorer les interventions durables pour atteindre les objectifs d'assainissement total et d'accès universel à l'eau propre et salubre dans la ville de Kampala. Les objectifs stratégiques de KWSF comprennent :
Développer un réseau pour les acteurs WASH pour optimiser la coordination de la planification, la mise en œuvre et l'allocation efficace des ressources
Développer et soutenir une stratégie intégrée d'éducation / promotion de l'hygiène à l'échelle de la ville pour améliorer la santé publique et la gestion de l'environnement
Identifier et rationaliser les normes pour les technologies appropriées et les directives opérationnelles pour la gestion des boues de vidange
Fournir un cadre stratégique à l'échelle de la ville pour opérationnaliser et appliquer les directives juridiques relatives à l'assainissement public et domestique
Soutenir la coordination à l'échelle de la ville du développement, de l'exploitation et de la maintenance des infrastructures WASH
Améliorer le renforcement des capacités et la gestion des connaissances du secteur WASH de la ville
Source : KCCA (s.d.[13]), Kampala Water and Sanitation Forum, https://www.kcca.go.ug/Water%20and%20Sanitation%20Forum.
Gestion des déchets solides
La gestion des déchets solides a également un impact important sur la gestion des eaux urbaines. Avec des taux de collecte inférieurs à 50% dans de nombreuses villes africaines (tableau 3.1), les déchets urbains non gérés augmentent les risques liés à l'eau. En effet, ce faible niveau de service et l'absence commune de directives pour la gestion des décharges sanitaires affectent la qualité de l'eau, générant une pollution par ruissellement dans les rivières et les eaux côtières. L'absence de gestion des déchets conduit également à bloquer les cours d'eau, ce qui aggrave les risques d'inondations et de santé (Vinay, 2017[9]). La situation est particulièrement problématique dans les agglomérations informelles où les ordures s'accumulent le long des allées et des routes, ainsi que dans les gouttières, les égouts et les cours d'eau.
Comprendre les systèmes d'eau qui deviennent de plus en plus complexes dans un environnement en évolution rapide est un défi de taille auquel les gestionnaires de l'eau doivent faire face. La surveillance continue des systèmes et processus hydrauliques apparaît donc cruciale. Comme l’ont déclaré les Nations Unies, « les données sont la pierre angulaire de la prise de décision et la matière première de la responsabilité. Des données de qualité et en temps opportun sont essentielles pour permettre aux gouvernements, aux organisations internationales, à la société civile, au secteur privé et au grand public de prendre des décisions éclairées et de garantir la responsabilité des organes représentatifs » (UN, s.d.[15]). Les données et les analyses liées aux données permettent de comprendre les systèmes hydrauliques complexes dans une perspective holistique. Néanmoins, un nombre croissant d'institutions font face à un écart grandissant entre les réalités émergentes (comme la croissance démographique, le changement climatique et la numérisation rapide) et leurs pratiques et capacités existantes.
Le rapport GLAAS 2019 fournit des informations sur les pratiques de suivi et d'évaluation de l'ODD 6 dans les pays africains. Dans 34% des pays africains (15 pays), les autorités réglementaires ne publient pas de rapports accessibles au public sur la qualité de l'eau de boisson. La proportion est réduite à 16% des pays (7 pays) pour les rapports sur les flux d'eaux usées traitées et les volumes de boues de vidange (graphique 3.6). Dans tous les autres pays, les informations sont partiellement publiées, non publiées ou absentes.
Produire, mettre à jour et partager des données et informations opportunes, cohérentes, comparables et pertinentes sur l'eau et sur l'eau, et les utiliser pour guider, évaluer et améliorer la politique de l'eau, à travers :
Définition des exigences pour une production rentable et durable et des méthodes de partage de l'eau de haute qualité et des données et informations relatives à l'eau, par exemple sur l'état des ressources en eau, le financement de l'eau, les besoins environnementaux, les caractéristiques socio-économiques et la cartographie institutionnelle.
Favoriser une coordination et un partage d'expériences efficaces entre les organisations et les agences produisant des données sur l'eau entre les producteurs et les utilisateurs de données, et entre les niveaux de gouvernement.
Promouvoir l'engagement des parties prenantes dans la conception et la mise en œuvre des systèmes d'information sur l'eau, et fournir des orientations sur la manière dont ces informations devraient être partagées pour favoriser la transparence, la confiance et la comparabilité (par exemple, banques de données, rapports, cartes, diagrammes, observatoires).
Encourager la conception de systèmes d'information harmonisés et cohérents à l'échelle du bassin, y compris dans le cas des eaux transfrontières, pour favoriser la confiance mutuelle, la réciprocité et la comparabilité dans le cadre d'accords entre pays riverains.
Examiner la collecte, l'utilisation, le partage et la diffusion des données pour identifier les chevauchements et les synergies et assurer un suivi des surcharges de données inutiles.
Source : OCDE (2015[1]), Principes de l'OCDE sur la gouvernance de l'eau, https://www.oecd.org/cfe/regionaldevelopment/Principes-OCDE-gouvernance-eau_fr.pdf.
Promouvoir un suivi et une évaluation réguliers de la politique et de la gouvernance de l'eau le cas échéant, partager les résultats avec le public et procéder aux ajustements si nécessaire, à travers :
La promotion d'institutions dédiées au suivi et à l'évaluation dotées de capacités suffisantes, d'un degré d'indépendance et de ressources appropriés ainsi que des instruments nécessaires ;
Développer des mécanismes fiables de suivi et de compte rendu pour guider efficacement la prise de décision ;
Évaluer dans quelle mesure la politique de l'eau atteint les résultats escomptés et les cadres de gouvernance de l'eau sont adaptés à l’objectif ; et
Encourager le partage opportun et transparent des résultats de l'évaluation et adapter les stratégies à mesure que de nouvelles informations deviennent disponibles.
Source : OCDE (2015[1]), Principes de l'OCDE sur la gouvernance de l'eau, https://www.oecd.org/cfe/regionaldevelopment/Principes-OCDE-gouvernance-eau_fr.pdf.
Les données concernant la fréquence de la surveillance de l'eau potable et de l'assainissement par rapport aux besoins montrent également que beaucoup de progrès restent à faire en Afrique, puisque 27 pays n’assurent pas un suivi de la qualité de l'eau potable en fonction des exigences de fréquence tandis que 11 pays n'ont fixé aucune exigence de fréquence de surveillance. Les données relatives à l'assainissement décrivent une situation similaire avec 20 pays ne remplissant pas les exigences de fréquence de surveillance tandis que 18 pays n'ont fixé aucune exigence de fréquence de surveillance du tout (graphique 3.7). Cette situation est susceptible de générer des problèmes en ce qui concerne l'exactitude, la cohérence et la comparabilité des données, qui peuvent finalement conduire à ne pas être pertinentes pour la formulation de politiques.
Le rapport GLAAS montre des résultats encourageants en ce qui concerne l'utilisation des indicateurs de performance notamment pour la qualité de l'eau. Cependant, beaucoup de progrès sont encore nécessaires pour la qualité des effluents traités et l'assainissement (graphique 3.8).
Les informations manquantes restent un obstacle majeur à la mise en œuvre efficace de la politique de l'eau dans la plupart des pays africains. Des problèmes de fond avec les données entravent la gestion intégrée des ressources en eau, comme mentionné dans la section 3.1. Ce manque de données et d'informations entrave encore davantage toute évaluation et suivi de la politique de l'eau. L'absence d'examen et d'examen périodiques des politiques de l'eau empêche l'évaluation de l'efficacité des politiques et peut-être la mise en œuvre de mesures correctives lorsque les politiques ne produisent pas les résultats escomptés. Les lacunes en matière de données et d'informations empêchent également les gouvernements de prendre des décisions en matière de politique de l'eau sur la base de preuves mises à jour et fiables.
Au niveau local, l'enquête de l'OCDE sur la Gouvernance de l’Eau dans les Villes Africaines montre une situation contrastée avec des données partielles et incomplètes sur l'eau et des informations disponibles dans la moitié des villes étudiées. Dans l'autre moitié des villes étudiées, des indicateurs de performance WSS sont couramment utilisés. Pour WSS, ces données concernent principalement la qualité de l'eau et des eaux usées, ainsi que les coûts liés à la prestation de services (graphique 3.9). En République centrafricaine, par exemple, la ville de Bangui a accès aux données produites dans le cadre de l'Enquête nationale sur le profil des communes (World Bank, 2017[17]).
Ces résultats (Tableau 3.2) soulignent que la plupart des villes étudiées disposent de certaines données (davantage sur la qualité de l'eau et des eaux usées que sur le recouvrement des coûts et l'accessibilité, par exemple) qui peuvent être utilisées pour guider leur prise de décision en matière de politique urbaine de WSS En outre, dans 61% des villes étudiées, les régies d'eau et d'assainissement utilisent des indicateurs de performance pour surveiller la qualité et la performance de la fourniture de services WSS. Ces informations sont généralement publiées chaque année dans des rapports accessibles au public (tableau 3.3 et tableau 3.4).
En ce qui concerne la gestion des ressources en eau, la moitié des villes étudiées produisent ou ont accès à des données sur les prélèvements d'eau, les catastrophes liées à l'eau et les informations météorologiques au niveau des villes (graphique 3.10).
Dans un tiers des villes africaines étudiées, des données clés sur la gestion des ressources en eau sont produites régulièrement au niveau des villes (tableau 3.5). Lorsque ces données existent, elles font souvent partie d'un système d'information harmonisé, intégré, normalisé et coordonné à travers le pays. Cependant, l'enquête montre que ces données ne sont pas fréquemment disponibles publiquement et communiquées aux utilisateurs (seulement 1 fois sur 4). En outre, les informations manquantes et fragmentaires provenant de données incomplètes, obsolètes et / ou fragmentées restent un obstacle majeur à la mise en œuvre, à l'évaluation et au suivi efficaces des politiques de l'eau dans la plupart des villes étudiées.
Selon le suivi de l'ODD 6, 27% de la population subsaharienne utilise un service d'eau potable géré en toute sécurité et 18% un service d'assainissement géré en toute sécurité (UN-Water, 2017[20]). Dans les zones urbaines sub-sahariennes, cette proportion atteint 50% pour l'eau et 20% pour l'assainissement. Par conséquent, des efforts d'investissements considérables sont encore nécessaires pour atteindre les cibles des ODD 6.1.1 et 6.2.1 d'ici 2030. En outre, parmi les 25 pays africains qui font rapport dans le rapport GLAAS 2019 sur les systèmes nationaux d'appui à l'eau potable, à l'assainissement et à l'hygiène, 20 ont déclaré que les financements alloués aux améliorations de l'assainissement correspondent à moins de 50% de ce qui est réellement nécessaire pour atteindre les objectifs nationaux (UN-Water, 2019[16]).
Le Conseil de l'OCDE (OECD, 2016[21]) recommande de mettre en place des mesures de financement durable des services d'eau, des infrastructures hydrauliques, de la gestion des ressources en eau et de la protection des écosystèmes liés à l'eau en :
1. Considérant les quatre principes suivants pour le financement de la gestion des ressources en eau : le Pollueur-payeur, le Bénéficiaire paie, l'Équité, et la Cohérence entre les politiques qui affectent les ressources en eau.
2. Visant les meilleurs rendements sociaux de l'investissement, par exemple en :
Explorant les options qui peuvent minimiser les besoins de financement actuels ou futurs tout en abordant les compromis et en exploitant les synergies entre les objectifs politiques et entre les défis à court et à long terme ;
Faisant le point sur les actifs existants, en les entretenant, et en recherchant des gains d’efficacité ;
Élaborant des plans financiers stratégiques qui correspondent aux ressources financières et aux objectifs politiques et garantissent l'accessibilité des segments vulnérables de la société, notamment par le biais de mesures ciblées ad hoc ; et
Mettant place un examen indépendant de l'efficience et de la rentabilité des investissements.
3. Envisageant de diversifier les flux de revenus et d'exploiter de nouvelles sources de capitaux, le cas échéant et conformément aux objectifs de la politique. Une première étape pourrait être de combiner les revenus des Tarifs de l'eau, les Transferts des budgets publics et les Transferts de la communauté internationale (c'est-à-dire les 3T) pour recouvrer les coûts d'investissement, d'exploitation et d'entretien des infrastructures hydrauliques autant que possible et lorsque cela est efficient.
Veiller à ce que les dispositifs de gouvernance aident à mobiliser le financement de l'eau et à allouer les ressources financières de manière efficace, transparente et opportune, en :
Assurant la promotion de dispositifs de gouvernance qui aident les institutions de l'eau à tous les niveaux de gouvernement à générer les revenus nécessaires pour remplir leurs mandats, en s'appuyant par exemple sur des principes tels que les principes pollueur-payeur et utilisateur-payeur, ainsi que le paiement des services environnementaux.
Réalisant des examens sectoriels et une planification financière stratégique pour évaluer les investissements et les besoins opérationnels à court, moyen et long terme et prendre des mesures pour aider à assurer la disponibilité et la durabilité de ces financements.
Adoptant des pratiques saines et transparentes de budgétisation et de comptabilité qui fournissent une image claire des activités liées à l'eau et de tout passif éventuel associé, y compris les investissements dans les infrastructures, et aligner les plans stratégiques pluriannuels sur les budgets annuels et les priorités à moyen terme des gouvernements.
Adoptant des mécanismes qui favorisent l'allocation efficace et transparente des fonds publics liés à l'eau (par exemple par le biais de contrats sociaux, de tableaux de bord et d'audits).
Minimisant les charges administratives inutiles liées aux dépenses publiques tout en préservant les sauvegardes fiduciaires et fiscales.
Source : OCDE (2015[1]), Principes de l'OCDE sur la gouvernance de l'eau, https://www.oecd.org/cfe/regionaldevelopment/Principes-OCDE-gouvernance-eau_fr.pdf.
L'OCDE établit une distinction entre les trois sources ultimes de financement des investissements liés à l'eau (revenus des tarifs, taxes et transferts de la communauté internationale;) et les autres sources de financement remboursable (prêts, obligations, etc.) (graphique 3.11). Les taxes et tarifs sont très importants non seulement pour augmenter les recettes, mais aussi pour gérer la demande et signaler la valeur de l'eau, des services d'eau et de la sécurité hydrique.
Les sources de financement remboursables nécessitent un emprunteur solvable, qui peut fournir un rendement financier. Notamment, il existe un consensus croissant sur le fait que la mobilisation de financements commerciaux (par le biais de financements mixtes ou d'autres moyens, tels qu'une combinaison de fonds propres et de dette) sera déterminante pour atteindre les ODD et fournir les incitations à placer le financement du secteur de l'eau sur une base plus durable. Compte tenu des mégatendances qui affectent les pays africains, la réalisation des objectifs de développement durable pour l'eau et l'assainissement sur tout le continent africain nécessitera des investissements cohérents dans les infrastructures, l'exploitation et l'entretien de l'eau, une gestion efficace des ressources en eau et des cadres politiques et réglementaires renforcés. Les dépenses totales annuelles actuelles dans la région représentent entre 8 et 13 milliards USD (graphique 3.12). Par rapport au besoin annuel estimé à 22 milliards USD (15 milliards USD de dépenses en capital et 7 milliards USD pour l'exploitation et la maintenance), les dépenses annuelles couvrent entre 34% et 60% des besoins prévus (ICA, 2019[23]).
En outre, l’on estime que les coûts annuels nécessaires pour résoudre les problèmes liés à l'accès à l'assainissement, à l'accès à l'eau potable, à la gestion des ressources en eau et à la pénurie d'eau représentent 1,44% du PIB du continent africain (graphique 3.13).
Si l’on se concentre uniquement sur l'investissement, l'Afrique de l'Est, qui représente un tiers de la population africaine totale, représentait la plus grande part (31%) des nouveaux investissements dans le secteur de l'eau et de l'assainissement en Afrique. L'Afrique du Nord représentait 20% tout en représentant 18% des habitants africains. La République d'Afrique du Sud représentait 18%, tandis que l'Afrique australe (5% de la population africaine) et l'Afrique de l'Ouest (30% de la population africaine) représentaient 12%. Seuls 7% des nouveaux financements pour l'eau et l'assainissement ont été investis en Afrique centrale (soit 13% de la population du continent) (graphique 3.14).
Les gouvernements nationaux en Afrique doivent augmenter considérablement les montants de financement public investis dans les services WASH. L'aide publique au développement, bien que critique, est insuffisante. Il peut cependant aider à mobiliser des investissements auprès d'autres sources, telles que le financement commercial et mixte, y compris du secteur privé. Une certaine proportion du déficit d'investissement pourrait également être couverte par une efficacité accrue avec des pertes techniques de 20% à 50% et un taux de recouvrement allant de 80% à 95% dans toute l'Afrique (IBNET, 2021[24]). Les subventions et les structures tarifaires doivent également être conçues, ciblées et mises en œuvre de manière appropriée dans le but d'atteindre la durabilité, l'équité, l'accessibilité et le niveau de service approprié pour tous.
Confirmant le déficit de financement existant, toutes les villes africaines interrogées déclarent que le manque de financement est le premier obstacle à une bonne gouvernance de l'eau, et aussi la première priorité liée à l'eau pour l'avenir. Les villes interrogées notent également que le vieillissement, l'obsolescence ou l'absence d'infrastructures est un autre défi majeur auquel elles doivent faire face, notamment dans un contexte d'urbanisation rapide et de croissance démographique. En effet, un sous-investissement durable a mis en péril le développement et la fourniture des infrastructures hydrauliques urbaines nécessaires. Ainsi, toutes les villes interrogées déclarent que la construction, l'exploitation et l'entretien des infrastructures WSS sont une priorité absolue dans leur agenda.
Les tarifs et les subventions sont les sources de financement les plus couramment utilisées pour les services publics. Au total, 70% des villes interrogées déclarent que les services d'eau urbains formels ont recours à des tarifs et des subventions (tableau 3.6) et environ la moitié des villes étudiées utilisent les transferts comme source de financement pour leurs services d'eau. Il est à noter que 44% des villes interrogées ont mis en place des systèmes de subventions croisées à travers la mise en place d'un tarif d'eau différencié pour les industriels ou les gros consommateurs. Au total, 58% des villes interrogées utilisent les tarifs comme source de financement pour les services d'assainissement urbains formels, tandis que la moitié des villes déclarent que les subventions sont également une source importante de financement. Tant pour l'eau que pour l'assainissement, l’Aide Publique au Développement (APD) est une source de financement moins utilisée par les villes (en nombre et non en volume).
En Afrique, la tarification de l'eau est principalement déterminée au niveau national soit par un fournisseur de services national, un ministère de tutelle ou un régulateur national. En conséquence, 79% des villes interrogées déclarent ne pas prendre de décision sur la tarification de l'eau car il existe une directive nationale uniforme. C'est par exemple le cas au Maroc où une décision ministérielle fournit les spécifications pour la fixation des tarifs de l'eau, ou au Ghana où la Commission de régulation des services publics définit la politique tarifaire.
Certains pays, comme la Côte d'Ivoire, dans le cadre de leur politique de tarification centralisée, ont établi le principe de recouvrement des coûts de fonctionnement comme règle pour les services d’eau et d’assainissement (WSS) urbain. Les coûts de fonctionnement des WSS urbains doivent être couverts par les revenus des ventes d'eau sans recourir aux ressources du budget de l'État central. En outre, deux fonds affectés financés par la facture d'eau ont été mis en place, à savoir le Fonds national de l'eau et le Fonds de développement. Le premier assure le remboursement des emprunts contractés au profit du secteur de l'approvisionnement en eau et de l'assainissement tandis que ce dernier finance les branchements sociaux, les travaux de rénovation des installations, les travaux de renforcement et d'extension du réseau, et investit dans les travaux.
Les prélèvements d'eau et les redevances de pollution sont un autre instrument économique qui peut aider à gérer les ressources en reflétant partiellement certains des coûts associés à son utilisation ou à sa pollution. Ces redevances peuvent être utilisées pour financer les coûts de gestion des ressources en eau et de régulation des activités qui ont un impact sur la disponibilité et la qualité de l'eau. Le principe général de la fixation des redevances de prélèvement d'eau ou de pollution est de refléter les externalités que les actions liées par un utilisateur causent aux tiers et à l'environnement. Cependant, cette tâche nécessite une capacité importante pour produire, mettre à jour et partager des données et des informations cohérentes et comparables sur l'état de l'environnement et des ressources, et pour effectuer des évaluations techniques et socio-économiques.
Si les redevances de pollution et de captage sont souvent dictées par des cadres réglementaires et politiques nationaux, elles ne sont pas communes dans tous les pays et villes africains. Les redevances de prélèvement sont collectées dans 61% des villes étudiées, tandis que les redevances de pollution sont moins développées (39%) (tableau 3.7). Les raisons de l'adoption plus lente des redevances de pollution dans la gestion de la pollution de l'eau peuvent inclure : la résistance politique des pollueurs ; données limitées sur les coûts de la dégradation de l’environnement ; difficultés à mesurer les sources de pollution et à les attribuer aux pollueurs.
L'absence, le faible niveau ou la faible application d'instruments économiques pour gérer les ressources en eau dans les villes africaines peuvent représenter une menace pour la sécurité hydrique dans la région. Par exemple, bien que des redevances pour la gestion des ressources en eau et l'évacuation des déchets existent en Afrique du Sud, elles sont trop faibles pour servir d'instrument économique efficace pour gérer les ressources en eau. En effet, des outils économiques pourraient être utilisés pour forcer les utilisateurs d'eau et les pollueurs à internaliser les conséquences économiques de leur captage/pollution de l'eau et encourager un changement de comportement ; et pour financer les coûts de gestion des ressources en eau et de réglementation des activités qui ont un impact sur la disponibilité et la qualité de l'eau.
Les infrastructures hydrauliques sont généralement à forte intensité capitalistique et de longue durée avec des coûts irrécupérables élevés, ce qui expose le secteur à d'importants risques de corruption à moins que des cadres solides d'intégrité, de transparence et de passation des marchés ne soient en place aux niveaux national et local. Les infrastructures hydrauliques nécessitent un investissement initial élevé financé principalement par les dépenses publiques (voir section précédente) et les marchés publics. Les marchés publics représentent en moyenne 13 à 20% du PIB mondial. Les dépenses globales en matière de passation des marchés sont estimées à près de 9,5 trillions USD dans le monde (World Bank, 2021[26]) et, selon l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC, 2013[27]), 10 à 25% de la valeur globale d'un marché public peuvent être perdus en raison de la corruption.
L'intégration des pratiques d'intégrité et de transparence dans les politiques de l'eau, les institutions de l'eau et les cadres de gouvernance de l'eau est essentielle pour une plus grande responsabilité et confiance dans la prise de décision, et pour une mise en œuvre efficace des politiques de l'eau. Un faible niveau d'adoption des outils d'intégrité peut constituer une menace majeure pour la sécurité hydrique car les investissements peuvent être découragés par des pratiques de corruption généralisées, malgré des besoins considérables. Par exemple, cela peut empêcher l'augmentation de la couverture en eau et en assainissement, ce qui entrave le potentiel de développement économique, d'amélioration de la santé et de l'hygiène ou de préservation des écosystèmes. Selon le Programme mondial des Nations Unies contre la corruption (UNDP, 2011[28]), la corruption met l'accent sur la menace de pénurie d'eau en sapant les institutions gouvernementales, en creusant le fossé entre les riches et les pauvres et en encourageant les comportements illicites, qui à son tour menace la stabilité sociale et politique et déclenche la violence. Alors que l'ampleur de la corruption varie considérablement entre les pays et entre les domaines du secteur de l'eau, la Banque mondiale (World Bank, 2010[29]) a estimé que 20% à 40% des finances du secteur de l'eau sont perdues à cause de pratiques malhonnêtes.
Intégrer les pratiques d'intégrité et de transparence dans les politiques de l'eau, les institutions de l'eau et les cadres de gouvernance de l'eau pour une plus grande responsabilité et confiance dans la prise de décision, en :
Assurant la promotion de cadres juridiques et institutionnels qui tiennent les décideurs et les parties prenantes responsables, tels que le droit à l'information et des autorités indépendantes pour enquêter sur les questions liées à l'eau et l'application de la loi ;
Encourageant les normes, codes de conduite ou chartes sur l'intégrité et la transparence dans les contextes nationaux ou locaux et en assurant le suivi de leur mise en œuvre ;
Établissant des mécanismes clairs de responsabilisation et de contrôle pour l'élaboration et la mise en œuvre transparentes des politiques de l’eau ;
Diagnostiquant et cartographiant régulièrement les facteurs existants ou potentiels de corruption et de risques dans toutes les institutions liées à l'eau à différents niveaux, y compris pour les marchés publics ; et
Adoptant des approches multipartites, des outils dédiés et des plans d'action pour identifier et combler les lacunes en matière d'intégrité de l'eau et de transparence (par exemple, analyses/pactes d'intégrité, analyse des risques, témoins sociaux).
Source : OCDE (2015[1]), Principes de l'OCDE sur la gouvernance de l'eau, https://www.oecd.org/cfe/regionaldevelopment/Principes-OCDE-gouvernance-eau_fr.pdf.
La corruption reste un problème prévalent en Afrique car l'Afrique subsaharienne est la région la moins bien notée de l'Indice Annuel de Perception de la Corruption de Transparency International, avec de nombreux pays de la région figurant parmi les moins performants, bien que le Botswana, Cabo Verde et les Seychelles se classent parmi les 25% des meilleurs au monde (Transparency International, 2020[30]). La plupart des pays d'Afrique du Nord se situent dans les deux tiers supérieurs, à l'exception de la Libye, mais de nombreux pays subsahariens s'en sortent mieux que la Tunisie, le pays le plus performant de la région d'Afrique du Nord.
Le secteur de l'eau n'échappe pas à la corruption en Afrique. 20% des répondants de 34 pays africains ayant tenté d'obtenir des services publics (eau, assainissement et électricité) ont déclaré avoir payé une forme de pot-de-vin entre 2016 et 2018, et plus de la moitié des répondants ont déclaré que leurs gouvernements étaient « défaillants » dans la fourniture d'eau potable et de services d'assainissement (Howard et Han, 2020[31]).
Les diverses formes de corruption et de défaillances d'intégrité dans le secteur de l'eau ont un large éventail de conséquences : elles augmentent les coûts, conduisent à de mauvais résultats de livraison et sapent la confiance sociale. La réduction des coûts et la promotion de la confiance sont essentielles ; surtout dans le contexte d'une pandémie comme le COVID-19 où les ressources publiques sont sous pression et les enjeux de non-respect des recommandations gouvernementales sont élevés. Parce qu'elle est cachée à la vue du public, la corruption est difficile à quantifier, mais certaines estimations sont disponibles : à titre d’exemple, des recherches menées au Kenya donnent à penser que la corruption pourrait avoir représenté au moins 4% du total des dépenses publiques WASH en 2015/16 (Water Integrity Network, forthcoming[32]).
La promotion de la transparence et de l'intégrité dans le secteur de l'eau en Afrique est essentielle pour garantir un accès efficace, rentable et équitable à l'eau et à l'assainissement. L’enquête de l'OCDE sur la gouvernance de l’eau dans les villes africaines (OECD, 2021[6]) met en évidence les efforts en cours pour adopter des outils d'intégrité et de transparence au niveau des villes. A titre d’exemple, dans 58% des villes étudiées, les comptes de l'eau sont séparés des comptes des villes, assurant ainsi une identification claire des revenus et des dépenses liées à l'eau. Cependant, ces efforts doivent être renforcés. Moins de la moitié des villes interrogées déclarent que des processus d'approvisionnement clairs ou des principes clairs de transparence budgétaire sont dûment appliqués. Seul un tiers des villes étudiées disposent de publication annuelle d’informations financières sur les services d'eau et d'assainissement, ou d’audits aléatoires ou de systèmes de gestion anti-corruption (tableau 3.8).
Dans un monde en évolution rapide et connecté où le changement climatique, la croissance démographique, le développement urbain, les besoins croissants en eau pour l'énergie et la nourriture, les catastrophes naturelles et les risques liés à l'eau sont susceptibles de nuire aux sociétés et à l'environnement, les parties prenantes doivent être habilitées à agir ensemble pour façonner l'eau la gouvernance. Les parties prenantes qui composent le secteur de l'eau jouent un rôle crucial dans la détermination du résultat d'une politique ou d'un projet donné. Ils peuvent l'initier et le soutenir, mais ils peuvent aussi s'opposer aux efforts, tenter de les bloquer ou de les détourner pour servir leurs propres objectifs. L'engagement des parties prenantes offre des opportunités de partager des objectifs, des expériences et des responsabilités, et d'obtenir plus de soutien pour les solutions qui seront atteintes tout en exprimant et en répondant aux préoccupations et aux intérêts. Ainsi, l'engagement des parties prenantes est un moyen pour les groupes et les individus de partager les tâches et les responsabilités dans un secteur où ils contribuent souvent aux défis ainsi qu'aux solutions.
Promouvoir l'engagement des parties prenantes pour des contributions éclairées et axées sur les résultats à la conception et à la mise en œuvre de la politique de l'eau, à travers :
Cartographier les acteurs publics, privés et à but non lucratif qui ont un intérêt dans le résultat ou qui sont susceptibles d'être affectés par les décisions liées à l'eau, ainsi que leurs responsabilités, motivations fondamentales et interactions.
Accordant une attention particulière aux catégories sous-représentées (jeunes, pauvres, femmes, autochtones, utilisateurs domestiques), aux nouveaux arrivants (promoteurs immobiliers, investisseurs institutionnels) et autres acteurs et institutions liés à l'eau.
Définir la ligne de prise de décision et l'utilisation prévue des contributions des parties prenantes, et atténuer les déséquilibres de pouvoir et les risques de capture de la consultation à partir de catégories surreprésentées ou trop vocales, ainsi qu'entre les voix d'experts et de non-experts.
Encourager le renforcement des capacités des parties prenantes concernées ainsi que des informations exactes, opportunes et fiables, le cas échéant.
Évaluer le processus et les résultats de l'engagement des parties prenantes pour apprendre, ajuster et s'améliorer en conséquence, y compris l'évaluation des coûts et des avantages des processus d'engagement.
Promouvoir des cadres juridiques et institutionnels, des structures organisationnelles et des autorités responsables propices à l'engagement des parties prenantes, en tenant compte des circonstances, des besoins et des capacités locales.
Adapter le type et le niveau d'engagement des parties prenantes aux besoins et maintenir la flexibilité du processus pour s'adapter à l'évolution des circonstances.
Source : OCDE (2015[1]), Principes de l'OCDE sur la gouvernance de l'eau, https://www.oecd.org/cfe/regionaldevelopment/Principes-OCDE-gouvernance-eau_fr.pdf.
Le rapport de l'ODD 6.b.1 sur la participation des parties prenantes montre que les deux tiers des pays africains ont défini des procédures dans la loi ou la politique de participation des communautés locales pour la fourniture d'eau et d'assainissement. Au contraire, seul un tiers des pays africains ont développé de telles procédures de participation pour la planification et la gestion des ressources en eau (graphique 3.15).
En outre, l'étendue de la participation des communautés locales à la planification de l'eau et de l'assainissement reste modérée à faible dans les zones urbaines du continent africain, soulignant ainsi la nécessité d'améliorer l'engagement efficace des parties prenantes (graphique 3.16). Ce constat est aggravé par des ressources financières insuffisantes, qui entravent la mise en œuvre des procédures de participation communautaire. Plus de 85% des pays d'Afrique subsaharienne rapportent que les ressources financières représentaient moins de 50% de celles nécessaires pour soutenir la participation communautaire en 2017 (UN-Water, 2019[33]).
Ces conclusions sont confirmées par les résultats de l'enquête de l'OCDE sur la Gouvernance de l’Eau dans les Villes Africaines, où la plupart des répondants déclarent faire face à des obstacles pour impliquer les parties prenantes dans les questions liées à l'eau. Le manque de financement, de temps et de personnel ainsi que la complexité des problèmes en jeu ou la faible capacité des parties prenantes à s'engager dans des processus de consultation représentent certains de ces obstacles. La discontinuité politique et la faiblesse du cadre juridique pour soutenir l'engagement sont également signalées comme des problèmes importants (graphique 3.17). Dans un tel contexte, les villes estiment que l'amélioration des connaissances, de l'information et des compétences sera essentielle pour renforcer l'engagement des parties prenantes et la sensibilisation des citoyens sur les sujets liés à l'eau à l'avenir. Par exemple, en août 201t, la Ville du Cap a créé un comité consultatif sur la résilience de l'eau (WRAC) en réponse à la crise de sécheresse afin de rassembler une variété de parties prenantes en dehors de l'administration municipale et de favoriser l'information et les connaissances. Dans sa stratégie de l'eau de 2019, la Ville du Cap (City of Cape Town, 2019[34]) a mis à profit cette expérience pour créer un plan d'action collaboratif pour la résilience - une plateforme multipartite pour coordonner les efforts et améliorer la gouvernance et la prise de décision en cas de crise.
Outre les obstacles mentionnés ci-dessus, les villes africaines déclarent également que certaines catégories d'acteurs sont plus difficiles à impliquer que d'autres. Les prestataires de services (28%) et le gouvernement central (28%) sont considérés comme les homologues les plus difficiles avec lesquels s'engager, suivis des groupes vulnérables (19%). En réponse, 42% des villes ont mis en place des mécanismes spécifiques pour les populations pauvres et les populations vivant dans des quartiers informels. Par exemple, à Accra, la Ghana Water Company Limited a créé une Unité Unique de Soutien à la Clientèle à Faible Revenu (LICSU) pour s'occuper exclusivement des zones non desservies du pays. Le LICSU veille à ce que les établissements urbains nouvellement développés et non desservis soient canalisés et connectés au réseau. Cette unité fournit des solutions abordables et durables pour améliorer l'accès à l'eau potable gérée en toute sécurité pour les citadins pauvres.
Outre les difficultés rencontrées pour s'engager avec les parties prenantes, les villes africaines manquent principalement de connaissances de base sur les parties prenantes avec lesquelles elles devraient s'engager. Plus de trois villes interrogées sur quatre n'ont pas réalisé de cartographie des parties prenantes pour leur secteur de l'eau (graphique 3.18). Une telle cartographie permet d'identifier clairement les acteurs publics, privés et à but non lucratif qui ont un intérêt dans le résultat ou qui sont susceptibles d'être affectés par les décisions liées à l'eau, ainsi que leurs responsabilités, leurs motivations fondamentales et leurs interactions. Cette cartographie peut être considérée comme une première étape pour guider et construire des processus d'engagement des parties prenantes.
Cependant, si peu de villes ont réalisé une cartographie des parties prenantes, plusieurs services d'eau l'ont fait. C'est par exemple le cas du prestataire de services d'eau et d'assainissement Lyonnaise des Eaux Casablanca (LYDEC) au Maroc (encadré 3.7), ou de la National Water and Sewerage Corporation (NWSC) à Accra (Ghana) (encadré 3.6). Dans les deux cas, les services publics ont également recours à des mécanismes d'engagement spécifiques.
Le développement d'un dialogue responsable avec les parties prenantes est un axe structurant de la stratégie de Responsabilité Sociétale d'Entreprise de la LYDEC, à travers un projet stratégique dédié, adopté en janvier 2016 par la Direction Générale. Une cartographie détaillée des parties prenantes a été réalisée et validée par le Comité de pilotage du développement durable le 14 avril 2016. Elle a été suivie d'un exercice de priorisation de ces parties prenantes au regard de trois éléments critiques : le pouvoir, l'urgence et la légitimité. La cartographie confirme l'existence d'un écosystème complexe d'acteurs, composé de deux grandes catégories :
La National Water and Sewerage Corporation a un large éventail de parties prenantes, y compris les consommateurs, le gouvernement, les partenaires de développement, les fournisseurs, les employés et la communauté. Tout en se concentrant sur la mise en œuvre de services d'approvisionnement en eau et d'assainissement, la Société tient compte de la nécessité d'équilibrer ce mandat avec les besoins de tous les intervenants.
Dialoguer avec les parties prenantes permet de comprendre leurs attentes dynamiques et de s'efforcer de les satisfaire. La cartographie des parties prenantes est résumée dans le tableau ci-dessous.
Les villes utilisent une variété de mécanismes pour s'engager avec les parties prenantes liées à l'eau (graphique 3.19). Les réunions (56%) et les ateliers (44%) sont les principaux outils d'engagement, suivis par les comités de citoyens (42%) et les institutions infranationales de l'eau telles que les organisations de bassins fluviaux (42%). Au Cameroun, la ville de Bangangté a mis en place un comité communal de l'eau et de l'assainissement comme lieu de discussion, de prise de décision et d'action sur les questions d'eau et d'assainissement au niveau municipal. Le comité rassemble des usagers de l'eau ainsi que des fonctionnaires municipaux. Son assemblée annuelle est ouverte au public et présidée par le maire. À Lusaka (Zambie), par exemple, la Lusaka Water Security Initiative, une plateforme de collaboration multipartite réunissant des parties prenantes de tous les secteurs, vise à favoriser le dialogue, le partage des connaissances, la sensibilisation, la planification et le développement de projets en vue d'améliorer la sécurité hydrique (encadré 3.7).
Initiative de sécurité hydrique de Lusaka (LuWSI)
Fondée en 2016, LuWSI est une plateforme de collaboration multipartite regroupant plus de 20 partenaires du secteur public, du secteur privé, de la société civile et des institutions internationales. Les partenaires de LuWSI s'engagent dans le dialogue et le leadership, l'analyse et le partage des connaissances, le plaidoyer et la sensibilisation, la planification et le développement de projets dans le but d'améliorer la sécurité hydrique pour les résidents et les entreprises de Lusaka. LuWSI n'est pas encore une entité juridique enregistrée, mais plutôt un partenariat volontaire de partenaires, liés par un protocole d'accord.
Les principales fonctions de LuWSI sont les suivantes :
Évaluer, hiérarchiser et surveiller les menaces et les solutions de sécurité hydrique
Créer une prise de conscience, une éducation et un plaidoyer pour le changement
Développer et mettre en œuvre des projets ; mobiliser de nouveaux acteurs et ressources
LuWSI a cinq domaines d'action pour la sécurité hydrique, priorisés par ses partenaires au cours d'une série d'ateliers de développement de stratégie :
Groupes de surveillance de l'eau (WWG)
En Zambie, le Conseil national de l'eau et de l'assainissement (NWASCO), qui réglemente le secteur de l'eau et de l'assainissement, a une structure très légère avec des bureaux à Lusaka uniquement. Cependant, voulant s'assurer que NWASCO est présent sur le terrain pour obtenir des informations de première main et traiter les plaintes des consommateurs, des groupes de surveillance de l'eau ont été créés, comprenant des clients des zones de service. Les fonctions des Groupes de Surveillance e l’Eau (WWG) comprennent la représentation des intérêts des consommateurs; suivi des plaintes de consommateurs non résolues; amélioration de la communication entre les consommateurs et les fournisseurs; arbitrage dans les conflits entre consommateurs et prestataires de services; collecte d'informations sur les performances des prestataires; information de NWASCO sur l'efficacité de la réglementation et proposition d'ajustements possibles; information des consommateurs pauvres sur leurs droits et obligations; et l'information des consommateurs concernant le rôle et les fonctions du NAWSCO. Pour remplir ces fonctions, les WWG organisent des réunions publiques avec les consommateurs et des réunions pour examiner / valider les plaintes. Ils participent à des programmes de sensibilisation et de publicité via des réunions de sensibilisation, des émissions de télévision et de radio. Ils soumettent des rapports périodiques à NWASCO, y compris les commentaires des consommateurs. Ils participent à des ateliers, des conférences, etc. Ils aident au recrutement et à la formation de nouveaux WWG.
Source : LuWSI (s.d.[36]), Homepage, https://www.luwsi.org/. NAWSCO (s.d.[37]), Water Watch Groups, http://www.nwasco.org.zm/index.php/consumer-service/water-watch-groups.
Dans une taxonomie provisoire, (OECD, 2015[38]) décrit certains des avantages et des inconvénients que les mécanismes d'engagement formels et informels entraînent.
Les mécanismes formels tels que les associations de l'eau et les organisations de bassins fluviaux reposent souvent sur le principe de la démocratie représentative, qui leur confère une légitimité. Cependant, ils peuvent également être perçus comme étant déterminés lorsqu'ils se concentrent uniquement sur la promotion du programme d'un seul groupe de parties prenantes. Les organisations de bassins fluviaux peuvent présenter des défis en termes de lobbying et de capture de consultation lorsque les discussions et les décisions sont « surévaluées » ou monopolisées par les intérêts de certains groupes. Cela peut également générer des tensions entre le principe et l'agent par lesquelles la personne assise à la table exprime sa propre préoccupation plutôt que de représenter sa circonscription au sens large. Cela devrait être une préoccupation clé lors de la sélection des parties prenantes pour participer à des conseils consultatifs, des groupes de travail ou des assemblées.
La nature relativement informelle des réunions et des ateliers peut favoriser à la fois les délibérations et créer un sentiment de communauté. Ils créent une atmosphère ouverte qui rend les participants généralement plus disposés à discuter des problèmes et maximise les dialogues sur des problèmes qui peuvent ne pas être révélés par des mécanismes plus structurés. Par exemple, les réunions et les ateliers sont flexibles en termes de calendrier et d'échelle (des réunions communautaires aux conférences internationales) et peuvent s'appliquer à un large éventail de questions (par exemple, de la discussion d'un projet d'égout municipal au débat sur les accords de gestion de bassin transfrontalier). Ils offrent à quiconque la possibilité d'exprimer ses préoccupations, d'accéder à des informations et de les partager, et de mieux les comprendre. Cependant, si les outils utilisés pour impliquer les parties prenantes n'ont pas un niveau minimal de structure et de médiation, les résultats peuvent être difficiles à intégrer dans les décisions finales. Un suivi est également nécessaire pour transformer les points de vue et les préoccupations en contributions réelles à la prise de décision au-delà du partage d'informations.
Les aspects critiques de la gouvernance devraient guider les cadres d'engagement des parties prenantes. Un accès juste et équitable aux opportunités d'engagement est essentiel pour garantir un processus équilibré et représentatif qui prend en compte la diversité des idées et des opinions. Être transparent et ouvert sur les moyens d'identifier les parties prenantes, de choisir les mécanismes d'engagement et de définir les objectifs poursuivis peut contribuer à susciter l'intérêt des parties prenantes et à développer une compréhension et un soutien aux décisions finales. Il ne suffit pas de fournir des plateformes permettant aux parties prenantes de partager leurs idées, car les décideurs doivent également démontrer clairement comment ces idées sont prises en compte. La transparence des procédures et la divulgation rapide des informations, y compris des solutions alternatives, sont donc essentielles pour garantir la légitimité des processus de prise de décision et de leurs résultats. Les processus d'engagement peuvent rassembler des groupes aux opinions opposées qui craignent que leurs opinions ne soient pas prises en compte. Il est important de montrer aux participants quelle est l'intention du processus et comment leur contribution sera prise en compte pour assurer des discussions productives et un échange d'opinions. Il est également important que les décideurs puissent se fier à la qualité et à la valeur des contributions d'experts non techniques.
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